En compagnie du brasseur George Sleeman, l’homme d’affaires, homme politique et amateur de sports Thomas Goldie a utilisé le baseball comme levier pour accroître la visibilité et le prestige de la ville de Guelph, en Ontario. Ce sport d’équipe a permis la rencontre de résidents de divers statuts :
Dans les années 1870, pendant les heures de gloire du Maple Leaf Base Ball Club de Guelph, [Goldie] en fut le secrétaire. Ce club avait remporté en 1869 le championnat canadien et, en 1874, il gagna le championnat États-Unis–Canada à Watertown, dans l’état de New York. Pendant les premières années, son frère John fut l’un des joueurs étoiles du club. Thomas Goldie et le président du club, George Sleeman*, propriétaire d’une importante brasserie et maire de Guelph par la suite, surent très vite profiter de la popularité de ce jeu pour faire mousser l’image de la ville. D’après William Humber, historien dans le domaine des sports, cet intérêt pour les activités sportives comme médium de publicité de sa ville, est typique d’une époque « où les ligues comptaient peu, [et où] la taille d’une localité importait moins que l’enthousiasme publicitaire d’un protecteur local décidé à faire connaître sa ville ». Dans les débuts du baseball à Guelph, la composition sociale de la ville se retrouvait dans les équipes. Ce sport effectua un grand nivelage social, puisque les jeunes hommes issus de familles bien en vue et privilégiées, comme les fils de Goldie, faisaient équipe avec ceux de familles moins à l’aise. Les champions de Guelph en 1869 comprenaient « des machinistes originaires de l’endroit, un boucher, un ferblantier, un meunier et un pasteur méthodiste ».
Le draveur, pilote, voyageur et talentueux joueur de crosse mohawk Jean-Baptiste Canadien, dit Big John Canadien, a contribué à susciter l’attention sur ce sport hors des frontières canadiennes :
Il reste de Big John l’image d’un homme d’exploits plutôt pittoresque. À la fin de l’automne de 1859, il traversa les lacs Saint-Louis et des Deux Montagnes en patins à glace, aller et retour entre Caughnawaga et Oka (Kanesatake). Il excella au jeu de crosse, sport traditionnel des Mohawks. En 1876, année où il fut présenté à la reine Victoria, puis en 1888, il était capitaine de l’équipe de crosse de Caughnawaga qui, avec les Shamrocks de Montréal, fit une tournée de matchs d’exhibition en Angleterre. Il organisa des descentes des rapides de Lachine (dont trois fois un premier de l’an) dans un canot de bois qu’il fabriquait lui-même. Il se faisait accompagner par deux Mohawks et deux autres passagers désireux de vivre cette expérience. Pour célébrer ses exploits, un des rapides de Lachine porte le nom de « Big John ».
Le Pied-Noir Api-kai-ees s’est distingué lors d’épreuves de course à pied de longue distance, prisées des parieurs :
Neveu de Pied de Corbeau [Isapo-muxika*], chef principal des Pieds-Noirs, Api-kai-ees jouissait déjà localement d’une réputation pour sa capacité de franchir à la course de longues distances dans la réserve des Pieds-Noirs (Alberta), lorsqu’un groupe de Calgary qui s’intéressait à la course professionnelle le découvrit en 1884. Les courses à pied de toutes sortes étaient une forme de divertissement et de pari très populaire à l’époque, et les champions locaux s’y mesuraient à des coureurs professionnels itinérants qui venaient d’aussi loin que la Grande-Bretagne. Api-kai-ees participa à des courses mineures de 1884 à 1886, moment où l’on construisit une piste intérieure à Calgary. Cette année-là, il vainquit le coureur professionnel James Green et un autre coureur pied-noir, Little Plume, dans une course d’endurance libre de quatre jours. Il fit 84 milles et 6 tours de piste durant les 16 heures allouées. Après ce succès retentissant, Api-kai-ees commença à participer à des courses professionnelles sous le nom de Deerfoot, qu’avait utilisé vers les années 1860 Ha-ga-sa-do-ni, Indien tsonnontouan qui avait établi plusieurs records mondiaux à la course à pied au Crystal Palace, à Londres.
L’avocat torontois Dyce Willcocks Saunders a été qualifié, peu après son décès en 1930, de « doyen du cricket canadien » en raison de son étroite et longue implication comme joueur et administrateur de ce sport :
Une fois installé à Toronto, [Saunders] demeura un adepte du cricket : il fut gardien de guichet dans le Guelph Cricket Club et le Toronto Cricket Club, qui resta son équipe durant plus de 40 ans. Sport de gentlemen, le cricket était pratiqué surtout par une élite masculine qui observait un code réfractaire au professionnalisme. Les compétitions entre équipes locales étaient des rencontres mondaines ; les compétitions internationales revêtaient plus d’importance […] En 1887, lui-même et son collègue avocat George Goldwin Smith Lindsey, membre du Toronto Cricket Club, réunirent une équipe canadienne d’étoiles pour une tournée en Angleterre dont ils firent le récit dans un livre destiné surtout aux initiés. Les « gentlemen du Canada », écrivaient-ils, s’étaient embarqués « pour apprendre par l’expérience, sur les terrains anglais de cricket, les meilleures caractéristiques de ce bon vieux sport ». Ils espéraient ainsi « faire entrer le cricket canadien dans une ère nouvelle ». Saunders, qui prit part à 17 des 19 matchs disputés par l’équipe dans la période du 30 juin au 27 août (cinq victoires, cinq défaites, neuf matchs nuls), se classa deuxième de son club sur la liste des moyennes à la batte en obtenant 23,58 par manche. Il prendrait part à une autre tournée en Angleterre en 1922. Cependant, l’espoir de voir le cricket entrer dans une « ère nouvelle » au Canada ne se matérialiserait pas. Ce sport conserverait son caractère élitiste, ce qui l’empêcherait de gagner la faveur des foules.
L’haltérophile Louis Cyr a été un des sujets les plus illustres du culte canadien-français des hommes forts au xixe siècle, culte qui trouve en partie ses racines dans la vigueur, à l’époque, du mouvement de colonisation dans la province de Québec et, selon certains, dans le statut minoritaire du peuple canadien-français en Amérique du Nord [V. Joseph Montferrand]. Cyr a fait la démonstration de ses aptitudes exceptionnelles tant au Québec que sur la scène internationale :
Vers 1888, Cyr acquiert une taverne à Montréal, rue Notre-Dame, où il exécute quelques tours de force pour amuser les clients. Toutefois, c’est sur scène qu’il se sent le plus à l’aise et, après moins d’un an, il reprend ses tournées avec sa propre troupe, dont font partie, entre autres, sa femme et son frère Pierre. Il parcourt le Canada et les États-Unis. En 1890, il se joint à une troupe américaine et s’impose de plus en plus comme l’homme le plus fort du monde. À l’automne de l’année suivante, il part pour l’Europe, où il veut mettre ce dernier titre en jeu. Il se produit principalement en Angleterre, mais les grands champions n’osent l’affronter et lui concèdent son titre.
Les Canado-Écossais ont eu eux aussi leurs héros sportifs, qui ont notamment démontré leur force et leurs autres qualités athlétiques lors de compétitions rassemblant les membres de la communauté écossaise. Grâce à ses exploits à ces jeux des Highlands, le policier et détective Hugh McKinnon a acquis une renommée nord-américaine :
McKinnon mesurait six pieds trois pouces, pesait 225 livres et était réputé pour ses prouesses dans les épreuves de force traditionnelles des Highlands. Les jeux calédoniens avaient gagné en popularité dans toute l’Amérique du Nord et en Écosse [V. Roderick (R.) McLennan]. McKinnon eut la bonne fortune de briller au moment où cette vogue était à son apogée, c’est-à-dire dans les années 1870. Ainsi, il se classa « meilleur athlète toutes catégories » en 1875, aux jeux internationaux de Toronto, après quoi il fit une tournée aux États-Unis. En août, le World de New York signala les exploits accomplis aux jeux de Brooklyn par « le célèbre athlète de Hamilton » dans des épreuves comme le lancer du marteau, du poids de 56 livres et de la pierre ainsi que dans une épreuve consistant à lancer le tronc d’un jeune mélèze. En août 1876, il remporta le championnat nord-américain à Charlottetown ; il le gagna à nouveau à Philadelphie l’année suivante, puis abandonna la compétition.
Avant qu’il ne s’enrôle volontairement pour ce qu’il considérait être « le grand sport », John Bernard Brophy, athlète accompli, a performé tant sur la glace que sur la piste et la pelouse. Malgré certaines traces dans le vocabulaire utilisé, le football qu’il a pratiqué au tournant des années 1910 était distinct du rugby britannique, sport dont l’évolution en Amérique a donné naissance aux footballs canadien et américain :
À l’Ottawa Collegiate Institute, ses résultats scolaires chutèrent en même temps qu’augmentait sa renommée d’athlète : [Brophy] réussit de justesse tout en représentant son école dans divers sports, dont le football, le hockey, le baseball et la course. Dans sa dernière année, Don, comme on l’appelait, fut le meilleur athlète complet.
En 1913, la McGill University et la University of Toronto courtisèrent Brophy malgré ses mauvaises notes, car il était très bon footballeur. Il choisit McGill et s’intégra immédiatement à l’équipe universitaire. Après avoir échoué sa première année, il retourna à Ottawa, prit un petit emploi au département de l’Intérieur et joua pour Ottawa dans l’Interprovincial Rugby Football Union. Il fut question qu’il aille à la University of Toronto, mais le déclenchement de la Première Guerre mondiale en août 1914 lui ouvrit une autre voie intéressante. Pour les romantiques de sa génération, la guerre était du grand sport et les combats aériens semblaient être le sport ultime. Brophy décida de devenir aviateur […]
Il mourut le 24 décembre [1916] dans un accident de vol : son BE 12 ne s’était pas redressé après une boucle.
Les biographies regroupées dans les listes suivantes permettent d’en savoir davantage sur divers sports associés à l’été, sur des sports d’intérieur et sur les personnes qui les ont pratiqués, qui s’y sont intéressées et qui y ont été associées.