NESBITT, WALLACE, avocat et juge, né le 13 mai 1858 près de Holbrook, Haut-Canada, fils de John W. Nesbitt et de Mary Wallace ; en 1887, il épousa Louisa Andrée Plumb, née Elliott (décédée en 1894), et ils n’eurent pas d’enfants, puis en 1898, Amy Gertrude Beatty, et de ce second mariage naquit un fils ; décédé le 7 avril 1930 à Toronto.

Le père de Wallace Nesbitt, Écossais, immigra au Canada en 1837 avec sa femme irlandaise et s’établit dans une ferme du comté d’Oxford. Benjamin de 11 enfants, Wallace grandit à cet endroit. Au sortir du Woodstock College, il fit son stage de droit et étudia à l’Osgoode Hall de Toronto, où il remporta des prix. Admis au barreau à la session de la Saint-Hilaire en 1881, il exerça avec son frère John Wallace à Hamilton. En 1883, Britton Bath Osler* le convainquit de se joindre à son cabinet torontois, McCarthy, Osler, Hoskin, and Creelman. Il y passa neuf ans au cours desquels il traita des dossiers importants, par exemple le litige entre la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique et l’entrepreneur James Conmee*. En 1887, il épousa Louisa Andrée Plumb, née Elliott – originaire de La Nouvelle-Orléans, elle était la veuve de son ex-associé Thomas Street Plumb – et devint le beau-père de deux jeunes enfants.

En 1892, Nesbitt quitta le cabinet McCarthy, Osler pour celui de William Henry Beatty*, qui s’occupait beaucoup des affaires de l’empire Gooderham and Worts. L’arrivée de Nesbitt (qui recevrait en 1896 le titre de conseiller fédéral de la reine), de George Tate Blackstock, de William Renwick Riddell* et de Hugh Edward Rose permit à ce cabinet d’acquérir une réputation enviable dans les cours de justice. Dès 1898 (année de son mariage avec la fille de Beatty), Nesbitt avait à son actif, selon Henry James Morgan*, « bon nombre de poursuites importantes » et remportait un « succès singulier » dans les procès devant jury. En 1900, il représenta la Canadian Copper Company, qui contestait les droits sur les exportations de nickel [V. Andrew Trew Wood*]. Moins d’un an plus tard, il prenait fait et cause pour des sociétés privées dans la bataille qui s’amorçait au sujet de l’étatisation de l’hydroélectricité en Ontario. Dès 1902, la direction du cabinet juridique passa à David Fasken, car Beatty consacrait une bonne part de son temps aux affaires de l’empire Gooderham and Worts. Ce changement semble avoir déplu à bon nombre des associés et ils commencèrent à démissionner. Nesbitt fut le premier à partir.

Le 16 mai 1903, à l’âge de 45 ans, Nesbitt fut nommé à la Cour suprême du Canada par le premier ministre libéral, sir Wilfrid Laurier*. Les nominations inspirées par le favoritisme dominaient à l’époque, mais celle-ci faisait exception : Nesbitt était conservateur et c’était un bon candidat. Comme James G. Snell et Frederick Vaughan le disent dans leur histoire du tribunal, « Nesbitt avait une excellente réputation d’avocat et sa nomination […] fut très bien reçue ». Même s’il n’eut pas le temps de rendre un grand nombre de jugements – il siégerait seulement deux ans –, ses décisions, dont un certain nombre se rapportaient à des cas de négligence, reflétaient des analyses sérieuses. Les fréquents appuis qu’il recevait de la part de ses collègues juges laissent croire qu’il inspirait du respect à la magistrature, mais ce sentiment n’était pas toujours réciproque : en exprimant des avis contraires à ceux de la majorité, il se montrait parfois très critique.

Le 4 octobre 1905, Nesbitt démissionna pour retourner à la pratique privée. Il était le deuxième juge à partir cette année-là ; Albert Clements Killam* avait quitté son poste pour entrer au Conseil des commissaires des chemins de fer. Leur départ pourrait indiquer la présence d’un certain mécontentement à la Cour suprême, mais Nesbitt se contenta d’invoquer « des raisons strictement personnelles ». Peut-être voulait-il aider son beau-père, qui connaissait une année difficile. À la suite du décès de George Gooderham* en mai, Beatty avait quitté son cabinet pour prendre en main la direction des affaires de l’empire Gooderham and Worts. En plus, ses titres sur certaines propriétés situées dans le nord de l’Ontario faisaient l’objet d’une contestation judiciaire et il se peut qu’il ait demandé à Nesbitt de venir à son secours. Nesbitt plaiderait au nom de Beatty en décembre. Déjà, avant sa démission, il s’était mis à participer à des entreprises avec Beatty. En juin 1905 par exemple, tous deux étaient entrés au conseil d’administration de la Canadian Niagara Power Company – Beatty en qualité de président.

Toutefois, Nesbitt ne retourna pas au cabinet juridique de Beatty, probablement à cause de ses différends avec Fasken. Il choisit plutôt de poursuivre sa carrière d’avocat plaidant et de spécialiste du droit commercial chez McCarthy, Osler. Du fait qu’il avait été un juge très estimé à la Cour suprême, noterait une biographie, « il assuma une position unique et enviable qui lui apporta une grosse clientèle et, au bout du compte, une fortune considérable ». Il prit part à bon nombre de causes dont on parla beaucoup. Ainsi, en 1912, il contesta les pouvoirs d’expropriation de l’Ontario Hydro et, en 1918, il représenta la Mackenzie, Mann and Company et la Banque canadienne de commerce à l’arbitrage sur la Canadian Northern Railway Company [V. sir William Mackenzie]. Habitué du comité judiciaire du Conseil privé en Grande-Bretagne, dont il défendait vigoureusement le statut de tribunal de dernière instance du Canada, il continuait de plaider devant celui-ci. Il le fit notamment au nom de la Dominion Iron and Steel Company dans le litige sur le charbon de 1908 ainsi que pour le gouvernement fédéral dans un différend sur le droit matrimonial du Québec en 1912 et dans un autre, très long, sur la question de savoir si l’Acte de l’Amérique du Nord britannique habilitait les provinces à constituer des compagnies faisant de l’exploitation dans d’autres provinces ou à l’étranger. En 1924, il appartint à une commission d’étude sur la loi québécoise qui avait confié l’éducation des Juifs aux commissions scolaires protestantes. Dans certaines situations, ses intérêts d’homme d’affaires et d’avocat se chevauchaient ; en tant que président de la Canadian Niagara Power Company, il avait cédé devant l’Ontario Hydro et conclu une entente en 1916.

Dès ses premières années de pratique, Nesbitt avait exercé des fonctions dans les institutions de la confrérie juridique. En 1885–1886, il fut président de l’Osgoode Legal and Literary Society. Élu pour la première fois membre du conseil de la Law Society of Upper Canada en 1906, il en devint trésorier (le poste le plus élevé du barreau ontarien) en 1927. Deux ans plus tard, il fit un don personnel (10 000 $ en titres) pour soutenir la formation en droit. En 1928–1929, il occupa la présidence de l’Association du barreau canadien.

Par ailleurs, Nesbitt trouvait le temps de se prononcer publiquement sur des questions d’actualité. En s’opposant en 1911 à l’entente de réciprocité avec les États-Unis, il parla avec éloquence de la nécessité, pour le Canada, de renforcer ses liens avec la Grande-Bretagne et avec les autres colonies de l’Empire. Un des moyens d’y parvenir était de former un conseil impérial permanent, avait-il affirmé en 1910. Presbytérien, franc-maçon, membre de divers cercles et grand amateur de golf et de pêche, il se dévouait pour l’Association ambulancière Saint-Jean, qui le récompensa du travail accompli à la présidence de son conseil ontarien en le faisant « chevalier de grâce ». Nesbitt était grand et portait des lunettes. Il possédait une « vaste connaissance » de la littérature anglaise et, selon lord Sankey, le grand chancelier britannique, il avait le « génie de l’amitié ».

Pendant l’été de 1929, à son chalet de l’île Wawataysee dans la baie Géorgienne, Wallace Nesbitt fit une crise d’apoplexie dont il ne se remit jamais tout à fait. Il mourut l’année suivante dans sa maison de Warren Road à Toronto et fut inhumé au cimetière St James.

C. Ian Kyer

Wallace Nesbitt a aidé William Henry Beatty à préparer The Boards of Trade General Arbitrations Act (1894) and rules of the Toronto Chamber of Arbitration : with notes and suggestions as to the conduct of a reference (Toronto, 1894). Nesbitt a publié à compte d’auteur The Judicial Committee of the Privy Council ; a paper presented to the thirty-second annual meeting of the New York State Bar Association, held at the City of Buffalo, on the 28th and 29th of January, 1909 ([Toronto ?, 1909 ?]), Reciprocity : an address delivered before the Canadian Club, Montreal, December 12th, 1910 ([Montréal ?, 1910 ?]), et « Our country and its future » : speech [...] at the annual banquet of the Chatham Board of Trade, January 9th, 1911 ([Chatham, Ontario ?, 1911 ?]).

AO, RG 22-305, nos 64362, 10412 ; RG 80-8-0-180, nº 22220.— Globe, 8 avril 1930.— Christopher Armstrong, The politics of federalism : Ontario’s relations with the federal government, 1867–1942 (Toronto, 1981).— Assoc. du barreau canadien, Proc. (Toronto), 15 (1930) : 24s.— Beatty c. McConnell (1905), Ontario Weekly Reporter (Toronto), 6 : 882–885.— Canada Law Journal (Toronto), 17 (1881) : 99.— Canadian annual rev.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898 et 1912).— Curtis Cole, « McCarthy, Osler, Hoskin, and Creelman, 1882 to 1902 : establishing a reputation, building a practice », dans Essays in the history of Canadian law, D. H. Flaherty et al., édit. (8 vol. parus, Toronto, 1981– ), 4 (Beyond the law : lawyers and business in Canada, 1830 to 1930, Carol Wilton, édit., 1990) : 149–166 ; Osler, Hoskin & Harcourt : portrait of a partnership (Toronto, 1995).— G. F. Henderson, « Wallace Nesbitt, k.c. », Canadian Bar Rev. (Toronto), 8 (1930) : 283s.— « The late Hon. Wallace Nesbitt », Manitoba Bar News (Winnipeg), 2 (1929–1930), nº 9 : 4.— J. G. Snell et Frederick Vaughan, The Supreme Court of Canada : history of the institution ([Toronto], 1985).— Standard dict. of Canadian biog. (Roberts et Tunnell), 1 : 380.

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C. Ian Kyer, « NESBITT, WALLACE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/nesbitt_wallace_15F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
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