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BETHUNE, ROBERT HENRY, banquier et sportif, né le 5 mai 1836 à Cobourg, Haut-Canada, fils cadet d’Alexander Neil Bethune* et de Jane Eliza Crooks ; en 1862, il épousa Jane Frances Ewart, et ils eurent un fils et cinq filles ; décédé le 27 mars 1895 à Toronto.
Robert Henry Bethune grandit à Cobourg, où son père était ministre de l’Église d’Angleterre. Comme ses frères, il étudia dans des écoles privées puis entra à l’Upper Canada College de Toronto. En 1853, à l’âge de 17 ans, il entreprit une carrière dans le domaine bancaire à titre de commis à la Banque de Montréal, à Brockville. L’année suivante, il était guichetier à la succursale de Cobourg, et de 1855 à 1860, aide-comptable à celle de Toronto. C’est là qu’Edwin Henry King, inspecteur des succursales et futur directeur général de la banque, le remarqua. Il voyait en lui un jeune homme plein de promesses, et ne tarda pas à lui confier plus de responsabilités. Bethune travailla un an à titre de comptable au bureau new-yorkais de la banque, ouvert depuis peu. Il occupa le même poste à Hamilton et c’est pendant son séjour dans cette ville qu’il épousa Jane Frances Ewart, fille aînée de James Bell Ewart*, de Dundas. En 1864, on le nomma directeur du bureau de St Catharines.
Bethune quitta St Catharines peu de temps après, car il passa à la Banque de Québec. Sous la direction de King, la Banque de Montréal réduisit ses activités dans le Haut-Canada pour se consacrer davantage à sa clientèle américaine. Les chances d’avancement du personnel supérieur s’en trouvèrent diminuées, et les banques rivales eurent l’occasion de s’étendre dans la partie ouest de la province. James Stevenson, caissier (directeur général) de la Banque de Québec, forma Bethune en l’affectant d’abord, toute l’année 1865–1866, à un poste d’inspecteur, puis en lui confiant la direction du bureau de Toronto, qu’il occupa environ quatre ans.
Bethune fit ainsi son apprentissage auprès de deux hommes qui se rangeaient sans aucun doute parmi les géants du monde bancaire au Canada dans la période de la Confédération. King révolutionna les méthodes de prêt : traditionnellement, les banques canadiennes s’appuyaient sur des billets à ordre signés par des personnes en vue ; lui, par contre, enseigna à ses employés à évaluer la probabilité de remboursement de chaque prêt en fonction de la garantie réelle offerte. De Stevenson, Bethune apprit toutes les subtilités du commerce du bois, produit qui, avec les céréales, constituait la majeure partie des exportations, donc de la richesse du Haut-Canada.
En novembre 1870, après avoir travaillé cinq ans à la Banque de Québec, Bethune devint caissier de la nouvelle Dominion Bank à Toronto [V. James Austin] ; son salaire annuel était de 4 000 $. Loin d’être le premier choix des administrateurs, il était en fait le quatrième. Cependant, son nom était déjà fait. Selon le Monetary Times, il avait « une réputation sans tache comme homme, de bonnes compétences comme financier [et] des qualités de comptable indubitables ». Il recruta ses directeurs de succursale et d’autres membres de son personnel supérieur à la Banque de Québec. Qu’il ait réussi à attirer cinq commis chevronnés sans perdre l’amitié de Stevenson en dit long sur ses talents de négociateur. Toutefois, à long terme, au lieu de puiser dans le personnel des autres banques, il préféra faire commencer ses employés au bas de l’échelle ; ainsi ils ne connaissaient que ses méthodes. Par exemple, Raynald D’Arcy Gamble, qui à sa mort lui succéda au poste de directeur général, avait été embauché à titre de commis dans la première année d’existence de la banque.
L’administration supérieure de la Dominion Bank, contrairement à celle de la Banque canadienne de commerce [V. William McMaster*], se refusait à l’expansion spectaculaire. Bethune se faisait donc une règle de gagner lentement mais sûrement les localités où la banque avait des appuis solides. À partir de Toronto, elle ouvrit des succursales à Whitby, Oshawa, Uxbridge et Orillia, où des investisseurs locaux la soutenaient. En 1871, elle envisagea une fusion avec la Niagara District Bank, qui avait son siège social à St Catharines et deux succursales dans la presqu’île. La fusion lui aurait assuré une présence immédiate au sud-ouest de Toronto, mais elle ne fit pas l’objet d’une étude sérieuse. Jusqu’à la fin du siècle, la Dominion Bank prit donc une expansion proportionnelle à ses moyens. En fait, son seul geste d’éclat fut d’ouvrir un deuxième bureau à Toronto ; c’était là une idée de son président, Austin.
Il ne fait aucun doute que, sous la direction de Bethune, la Dominion Bank connut une prospérité étonnante. Durant les 24 années où il fut directeur général, le Canada connut trois graves récessions économiques. Au cours de cette période, la banque ne connut en général aucune difficulté : elle déclara toujours un bénéfice, ne cessa d’augmenter ses réserves, versa sans faillir un dividende égal ou supérieur à celui de ses concurrents. La valeur de ses actions augmenta constamment. Entre le moment de sa fondation et juillet 1894, le bénéfice sur les actions correspondit à un intérêt composé de 8 % par année, alors qu’à la Banque de commerce, sa plus proche rivale, ce taux était de 4,5 %. Cette belle réussite s’accomplit exclusivement en Ontario, car jusqu’à la mort de Bethune la Dominion Bank n’eut aucune succursale hors de la province, même si d’autres banques canadiennes la représentaient ailleurs. En demeurant ainsi en Ontario, elle put éviter les effets de l’effondrement du marché immobilier de Winnipeg survenu vers 1885.
La base de cette réussite est toutefois difficile à définir. Bethune était certainement un leader vigoureux, capable d’inspirer la loyauté à son personnel. Il se décidait vite, et il lui arrivait rarement de mal évaluer une proposition d’affaires ou ceux qui la lui présentaient. Bien organisé, méthodique, il avait la réputation de garder son calme dans les situations difficiles. En outre, il savait définir des règles administratives et veiller à ce que ses employés les observent. Par exemple, les membres du conseil d’administration étaient fiers du fait que, durant la récession des années 1870, aucune des succursales n’ait enregistré de perte sur les prêts.
Bethune était un banquier hardi : une fois qu’il avait donné sa confiance à un emprunteur, il continuait de financer le prêt même si, dans les circonstances, les règles de prudence du métier lui interdisaient de le faire. Dans l’ensemble cependant, la Dominion Bank adoptait une attitude extrêmement prudente devant les investissements à risques. Elle scandalisa les milieux financiers de l’Ontario en annonçant, dans son rapport annuel de 1879, qu’elle avait investi la quasi-totalité de son compte de réserve dans des valeurs gouvernementales qui rapportaient beaucoup moins que le portefeuille de prêts mais étaient « sans risques et toujours disponibles ». Le compte de réserve assurait une protection contre les réductions des valeurs d’actif causées par les mauvaises créances et les récessions, et il permettait aussi de verser les dividendes dans les années où les recettes étaient moindres que prévu. On ne l’avait utilisé à aucune de ces deux fins. Même dans la conjoncture économique la plus sombre, le compte s’accrut jusqu’à ce que, en 1894, il égale le capital libéré de la banque, ce qui ne s’était jamais vu dans l’histoire des banques canadiennes. Les contemporains estimaient qu’un compte de réserve égal à 50 % du capital libéré était satisfaisant. Bethune avait donc réalisé un exploit, surtout si l’on songe que la banque versait aussi le meilleur dividende de tout le monde bancaire.
Bethune faisait partie du conseil d’administration de plusieurs compagnies, dont certaines, comme la Canada North-West Land Company et la North of Scotland Mortgage Company, comptaient parmi leurs actionnaires des fondateurs de la banque. En outre, il était membre du conseil de la Bishop Strachan School et de la Trinity College School (son frère Charles James Stewart* dirigea celle-ci de 1870 à 1899). C’était un homme posé, peu démonstratif et taciturne – un vrai banquier en somme. Certaines des critiques les plus aimables à son endroit le décrivent cependant comme un homme timide et doux dans ses relations personnelles. Il semble avoir été presque la caricature du banquier sans visage. Apparemment, il ne reste rien de ce qu’il aurait dit ou écrit ; aux assemblées annuelles de la banque, c’était Austin, et non lui, qui prenait la parole. La banque, la prospérité de la banque, voilà son monument !
Pourtant, Bethune s’intéressait à autre chose qu’à son travail. Joueur de curling enthousiaste, il compta parmi les fondateurs du Granite Club de Toronto et en fut président en 1890. Il appartenait au Royal Canadian Yacht Club, jouait très bien au golf et au cricket, et adorait le whist. Le personnel de la banque, semble-t-il, partageait son goût pour les sports. Dans les années 1880, son équipe de hockey affronta les équipes d’autres banques au port de Toronto. L’un des commis de Bethune, Thomas Scott, fut un aspirant sérieux au championnat ontarien de golf en 1889.
En février 1895, Robert Henry Bethune subit une légère attaque qui le paralysa temporairement. Il se remit suffisamment pour retourner au travail, mais il ne pouvait pas décroiser les jambes complètement. Peu après, il contracta une pneumonie. Une hémorragie cérébrale massive l’emporta le 27 mars.
« The late R. H. Bethune », Canadian Bankers’ Assoc., Journal (Toronto), 2 (1894–1895) : 425–427, et une photographie du sujet face à la page 425.— Monetary Times, 29 mars, 31 mai 1895.— Toronto Daily Mail, 1er nov. 1889.— Toronto World, 5 févr. 1892, 28 mars 1895.— Cyclopædia of Canadian biog. (Rose et Charlesworth), 2.— Dominion Bank, Fifty years of banking service, 1871–1921 : the Dominion Bank, [O. D. Skelton et al., compil.] (Toronto, 1922).— J. C. Hopkins, « Historical sketch of the Dominion Bank from incorporation up to 1912 », Dominion Bank, Annual report (Toronto), 1912 : 29–37.
Philip Creighton, « BETHUNE, ROBERT HENRY », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/bethune_robert_henry_12F.html.
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Auteur de l'article: | Philip Creighton |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1990 |
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