DE SOLA, CLARENCE ISAAC, homme d’affaires, chef sioniste et auteur, né le 15 août 1858 à Montréal, troisième fils d’Abraham De Sola* et d’Esther Joseph ; le 16 octobre 1901, il épousa Belle Maud Goldsmith, de Cleveland, Ohio, et ils eurent deux fils et deux filles ; décédé le 10 mai 1920 à Boston et inhumé à Montréal.

Le père de Clarence Isaac De Sola fut le premier hazan de la congrégation juive montréalaise Shearith Israel ; sa mère était la fille de Henry Joseph*, un des premiers Juifs à venir s’installer au Canada. De Sola grandit dans un coin élégant de la ville, l’extrémité ouest. À la High School of Montreal, il jouait à la crosse et au football et s’entendait bien avec ses professeurs, ses coéquipiers et ses amis. Bien qu’il ait été à l’aise en compagnie des membres de l’establishment local protestant, dont il partageait les idées, la culture et les préjugés, ses amis les plus proches étaient juifs. Fils et filles de marchands, de manufacturiers et de promoteurs immobiliers, ils venaient en grande partie du petit groupe de familles aisées qui fréquentaient la synagogue Shearith Israel.

Après une période d’apprentissage à la Foulds, Taylor and Company, maison d’importation de nouveautés tenue par des non-Juifs où on lui permettait de s’absenter le jour du sabbat et à toutes les fêtes juives, De Sola devint en 1881, avec ses frères, marchand de denrées et marchand commissionnaire sous la raison sociale De Sola Brothers and Company. Vers 1887, il commença à représenter au Canada le Comptoir belgo-canadien, consortium belge de producteurs d’acier et d’entrepreneurs en ponts et chemins de fer. Il représentait aussi des compagnies britanniques de construction navale et de génie maritime qui fournissaient des matériaux à divers grands chantiers de construction – ponts, chemins de fer, canaux, ports – au Québec et en Ontario. En outre, il appartenait au conseil d’administration de plusieurs compagnies de navires à vapeur. Ses affaires prirent de l’expansion pendant les années où Wilfrid Laurier fut premier ministre du Canada, soit de 1896 à 1911, car il avait de bonnes relations parmi les libéraux fédéraux du Québec. En raison de ses liens avec la Belgique, il devint consul de ce pays à Montréal en 1905 ; à ce titre, il côtoyait des hommes politiques fédéraux et provinciaux, l’élite anglophone et des nobles de passage.

Dès sa jeunesse, De Sola se soucia du bien-être de la communauté juive de Montréal. Dans les années 1880 et 1890, celle-ci connut des transformations rapides et profondes, dont une croissance démographique de plus de 170 %. En 1881, il contribua à la mise sur pied à Montréal d’une section de l’Anglo-Jewish Association afin d’amener les Juifs de la ville à aider ceux qui fuyaient les pogroms de Russie. Le sort des réfugiés qui arrivaient à Montréal le troubla profondément, comme le ferait celui des victimes des pogroms de 1903 et 1905 et des dislocations subies par la communauté juive d’Europe de l’Est pendant la Première Guerre mondiale.

De Sola pratiquait scrupuleusement sa religion. Son journal indique que, toute sa vie, il observa le sabbat, ne mangea que de la nourriture kascher, fréquenta assidûment la synagogue, enseigna à l’école du dimanche et observa les fêtes chômées selon la tradition des Sephardim. Fier de sa foi, il se sentait tenu non seulement de maintenir la tradition orthodoxe, mais aussi de combattre les forces internes qui tendaient à désunir la communauté juive d’Amérique du Nord et de promouvoir des moyens de défendre les Juifs de l’étranger contre la persécution.

De Sola se dévoua principalement au mouvement sioniste. Sa conception du sionisme était en grande partie conforme au programme adopté au premier Congrès international sioniste, tenu en 1897 à Bâle, en Suisse : établir un foyer national pour les Juifs en Palestine. Theodor Herzl, organisateur du congrès et chef du mouvement sioniste, l’influença beaucoup. À la suite de ce congrès, des sociétés sionistes se formèrent dans tout le Canada. L’année suivante, De Sola fut élu secrétaire d’administration de la nouvelle Agudath Zion (Société sioniste) de Montréal. En 1899, il accéda à la présidence de la Federation of Zionist Societies of Canada, dont il devint le principal idéologue et porte-parole dans tout le pays. Grâce à lui, la communauté juive canadienne aurait, en la fédération, sa première organisation vraiment nationale – une organisation durable où elle pourrait exprimer son identité propre.

De Sola fut impressionné par le respect qu’on lui manifesta et les honneurs qu’on lui rendit à Londres au quatrième Congrès international sioniste au cours de l’été de 1900 et pendant la visite qu’il avait rendue à titre privé à Herzl en juin précédent à Vienne. Il se tenait au courant des événements en entretenant une correspondance avec les leaders du mouvement et agrémentait souvent ses lettres et ses discours aux Canadiens de renseignements sur le progrès des négociations visant à faire accepter les objectifs sionistes. Il lisait la presse sioniste de Vienne, de la Grande-Bretagne et des États-Unis. Quand le Jewish Times de Montréal prit une position plus favorable au sionisme, en 1900, il jugea cette publication plus apte à influencer les Juifs canadiens.

Fervent partisan de la discipline, De Sola était convaincu que le sionisme mettrait fin au chaos et à la désunion qui faisaient obstacle aux Juifs du monde entier depuis de nombreuses années. Il pensait que l’obtention d’un foyer légalement constitué pour le peuple juif en Palestine favoriserait le développement matériel et économique de cette terre, et éveillerait la conscience nationale et spirituelle des Juifs en donnant une impulsion à la littérature hébraïque et à la culture juive.

Bien qu’il ait été conscient que le sionisme politique était l’amorce d’une renaissance globale du peuple juif, De Sola concevait le sionisme en termes essentiellement pratiques. Le but des sionistes n’était pas, selon lui, d’amener tous les Juifs à s’établir en Palestine, mais plutôt de « ramener dans ce pays la portion de [la] race [juive] qui souffr[ait] [à cette époque] de persécution et qui, de ce fait, émigr[ait] et cherch[ait] de nouveaux foyers ».

De Sola s’efforça de préserver l’indépendance du mouvement canadien à l’égard des sionistes américains, qui étaient affligés par des dissensions internes et la multiplication des organisations. En 1910, il nota : « [si la] contribution [financière] de notre population [a été] plus élevée par personne que dans tout autre pays, [c’est] que nous avons insisté constamment pour maintenir la plus stricte discipline dans nos rangs, de sorte que notre organisation est forte et unie et que les schismatiques n’ont jamais pu espérer être plus qu’une minorité ».

Selon De Sola, amasser des fonds était exactement le genre d’activité qui convenait aux sionistes canadiens. « Les simples effusions de sentiments se révéleraient insuffisantes si elles n’étaient soutenues par des réalisations concrètes », dirait-il aux délégués du congrès national canadien en janvier 1911. Aussi ne fut-il jamais plus fier des sionistes canadiens qu’en 1910, quand, sur son conseil, ils lancèrent le Jewish National Fund en vue d’acheter des terres en Palestine pour les rendre cultivables et les ouvrir au peuplement. Il contribua particulièrement à la collecte des premiers 10 000 $ nécessaires et fit en sorte que la fédération prenne de nouveaux engagements en matière d’achats de terres. Toutefois, au moment où De Sola quitta la tête de la fédération, en 1919, le mouvement sioniste du Canada avait été mis à rude épreuve. Les événements survenus dans toute l’Europe avaient suscité une forte réaction émotive et financière parmi les Juifs canadiens. Les conflits de classe au sein de cette communauté, les conflits de travail dans l’industrie naissante du vêtement et la floraison des idéologies de gauche avaient compliqué et divisé l’expression du sionisme.

Bien que le sionisme ait été son grand centre d’intérêt, Clarence Isaac De Sola écrivit des articles historiques et biographiques sur des Juifs de Montréal pour The Jewish encyclopedia [...] (12 vol., New York et Londres, 1901–1906) et fut membre de l’American Jewish Historical Society. Il appartenait à plusieurs cercles montréalais, dont l’Engineers’ Club, et était membre du Bureau de commerce de Montréal. Tombé malade au cours d’une visite à Boston, il mourut dans cette ville en 1920.

Gerald Jacob Joseph Tulchinsky

AN, MG 28, V 81, 5 : 19 ; MG 29, C95.— Central Zionist Arch. (Jérusalem), A119/200-202, lettre de C. I. De Sola à Max Nordau, 28 févr. 1910.— Jewish Times (Montréal), 1897–1914.— Maccabæan (New York), 20 janv. 1911.— Montreal Daily Star, 17 oct. 1901.— La Presse, 11 mai 1920.— Annuaire, Montréal, 18751887.— W. H. Atherton, Montreal, 15341914 (3 vol., Montréal, 1914).— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1912).— The Jew in Canada : a complete record of Canadian Jewry from the days of the French régime to the present time, A. D. Hart, édit. (Toronto et Montréal, 1926).— Yossi Katz, « The plan and efforts of the Jews of Winnipeg to purchase land and to establish an agricultural settlement in Palestine before World War One », Soc. de l’hist. juive canadienne, Journal (Windsor, Ontario), 5 (1981) : 1–16.— Louis Rosenberg, Canada’s Jews : a social and economic study of the Jews in Canada (Montréal, 1939 ; réimpr. sous le titre Canada’s Jews : a social and economic study of the Jews in Canada in the 1930s, Morton Weinfeld, édit., 1993).— L. F. Tapper, A biographical dictionary of Canadian Jewry, 1909–1914 (Teaneck, N.J., [1992]).— G. [J. J.] Tulchinsky, « Clarence De Sola and early Zionism in Canada, 1898–1920 », dans The Jews of North America, Moses Rischin, édit. (Detroit, 1987), 174–193.

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Gerald Jacob Joseph Tulchinsky, « DE SOLA, CLARENCE ISAAC », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/de_sola_clarence_isaac_14F.html.

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Année de la publication:    1998
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