GRANT, WALTER COLQUHOUN, soldat et colon, né le 27 mai 1822 à Édimbourg, Écosse, unique enfant de Colquhoun Grant et de Margaret Brodie, décédé le 27 août 1861 à Saugor, Inde.

Walter Colquhoun Grant naquit dans une famille de militaires ; son père avait été chef du service des renseignements dans l’armée commandée par le duc de Wellington à Waterloo. En 1829, ses parents étaient tous deux décédés, et il fut élevé par un de ses cousins, William Brodie, à Forres, dans le Morayshire, en Écosse. Respectant la tradition familiale, il devint à 24 ans le plus jeune capitaine de l’armée britannique, dans le 2e bataillon des Royal North British Dragoons, connu sous le nom de Scots Greys. En 1848, il était à la Royal Military Academy de Sandhurst. Toutefois, sa banque fit faillite et il perdit un héritage estimé à £75 000 ; criblé de dettes et talonné par ses créanciers, il fut alors forcé de quitter l’armée.

À l’été de 1848, Grant apprit avant son départ de Sandhurst que la Hudson’s Bay Company était sur le point d’obtenir les droits de propriété sur l’Île-de-Vancouver, endroit qu’il considérait comme « fort propice aux entreprises nouvelles et dynamiques ». S’étant mis en rapport avec la Hudson’s Bay Company, il accepta d’acheter 200 acres de terre et d’y établir des colons, conformément aux exigences de la compagnie. Cette dernière, qui prit officiellement possession des lieux le 13 janvier 1849, avait un urgent besoin de cartes de l’île afin de vendre les terres plus facilement ; elle engagea donc Grant comme arpenteur au salaire de £100 par année. Au début, Grant eut du mal à attirer des colons, puis il parvint à recruter huit Écossais, parmi lesquels se trouvaient un gérant de ferme, des manœuvres et des constructeurs de maisons ; il paya le prix de leur traversée, et ces gens prirent la mer en direction de l’île au début de 1849. Il obtint également que l’Église d’Écosse envoie un ministre qui servirait de maître d’école dans l’île, mais ce dernier mourut au cours du voyage. Grant expédia des harnais de voitures, des machines de moulins à scier, des fusils de chasse, des outils, des semences, un équipement de cricket et des instruments d’arpentage ; il n’avait pas encore quitté l’Angleterre que les dépenses occasionnées par son projet l’avaient déjà plongé dans des difficultés financières. Avec le concours de son oncle, sir Lewis Grant, il acheta 100 des 200 acres qu’il désirait et la Hudson’s Bay Company lui consentit une avance sur le salaire de sa première année de travail comme arpenteur.

Grant partit de l’Écosse au printemps de 1849 et, passant par Panama (où il manqua d’argent et emprunta £100 à la compagnie) et la Californie, il atteignit le fort Victoria le 11 août 1849. Comme il arrivait au fort après avoir débarqué près de Clover Point, il prit une vache laitière pour un bison et l’abattit d’un coup de fusil, à la grande consternation des représentants de la compagnie. Il trouva ses huit colons très mécontents d’avoir attendu sa venue durant deux mois. Il réclama les terres qu’il avait achetées, espérant obtenir 200 acres de « prairie » dans le voisinage du fort Victoria, mais cet endroit était toujours la propriété de la compagnie. James Douglas*, l’agent principal, lui suggéra de s’installer à Metchosin, mais il choisit plutôt de s’établir à Sooke Basin, à 25 milles au nord-ouest du fort Victoria, sur un terrain qui se prêtait à la construction d’une scierie. Grant et ses hommes entreprirent d’édifier une maison qui fut appelée Achaineach, c’est-à-dire « champ aux corbeaux » en langue gaélique ; faite de troncs d’arbres équarris et de bardeaux de cèdre, elle fut pourvue de deux canons. Ils eurent bientôt quelque 35 acres en culture. À l’embouchure d’un ruisseau coulant à la limite nord-est de Sooke Basin, Grant installa en 1850 un petit moulin actionné à l’eau en vue de débiter le bois qui se trouvait en abondance dans les environs.

De plus en plus occupé à l’exploitation de sa propriété, il reléguait au second plan ses travaux d’arpentage. La Hudson’s Bay Company le pressa d’envoyer des croquis sur papier-calque à Londres le plus tôt possible ; en qualité d’arpenteur de la compagnie pour le district de Victoria, Grant traça les lignes de base de la région où la municipalité devait être établie et le périmètre des terres de John Tod* (le seul autre colon à être venu dans l’île avant septembre 1850), mais il ne divisa pas la région en sections, laissant son travail inachevé. Comme il n’avait pas assez de temps et ne recevait pas d’aide, Grant offrit de démissionner en mars 1850 et il abandonna finalement ses fonctions en septembre, privant ainsi la colonie des services d’un arpenteur.

Cependant, il manquait maintenant de fonds et se montrait peu habile à diriger des hommes. Il contracta de lourdes dettes envers sa famille, ses amis, les banques et la compagnie ; sir George Simpson* fit remarquer qu’il avait « un talent particulier pour aller dans les poches de ses amis ». En mars 1850, il prétendit qu’il avait été forcé de congédier la moitié de ses hommes pour inconduite et que d’autres avaient déserté, bien que la plupart d’entre eux s’installèrent par la suite sur des terres leur appartenant en propre. Il eut des difficultés avec les Indiens sooke à propos de vols et d’actes de vandalisme et il demanda instamment que deux régiments tiennent garnison dans l’Île-de-Vancouver, mais il ne reçut aucune protection des autorités du fort Victoria ni de Londres. Grant affirma plus tard qu’il avait entretenu « des relations amicales avec la tribu indigène des sauvages ». À la fin de 1850, il fut gravement touché par une crise économique, causée en partie par la ruée vers l’or de la Californie, qui influa sur les prix et vida la région de ses colons et de ses ouvriers. En outre, son moral était affecté par le caractère solitaire de sa vie de colon ; en octobre 1850, il fit un voyage aux îles Hawaii, puis il revint à Sooke en février 1851. Au cours de l’été, cette année-là, il loua sa ferme à un de ses anciens employés et il partit pour les mines d’or de Klamath, en Oregon. Après avoir séjourné presque deux ans à cet endroit, il arriva à San Francisco en août 1853. Il retourna une dernière fois à l’Île-de-Vancouver en septembre et vendit sa propriété à John Muir*, un colon ne dépendant pas de la compagnie, qui mit sur pied par la suite un lucratif commerce de bois à Sooke. Grant quitta l’Île-de-Vancouver à la mi-novembre 1853.

Des associés de Grant à l’Île-de-Vancouver, tels le gouverneur Richard Blanshard*, le révérend Robert John Staines * et James Yates, partageaient ses doléances à propos du fait que la compagnie ne s’intéressait pas suffisamment à la colonisation. Avant même de quitter l’Angleterre, Grant avait protesté contre les pouvoirs de la Hudson’s Bay Company, qui fixait un prix élevé pour les terres, encaissait de fortes redevances sur l’exportation du bois et détenait des droits de commerce exclusifs ; l’expérience qu’il vécut en tant que colon le confirma dans son attitude envers la compagnie. Néanmoins, il contribua à l’implantation britannique dans l’île. Il fut le premier Blanc ne dépendant pas de la Hudson’s Bay Company à s’établir dans l’Île-de-Vancouver, dont il devint aussi le premier arpenteur. Il fut le fondateur de Sooke et l’un des promoteurs de l’immigration écossaise. C’est lui qui introduisit le cricket dans la colonie – il laissa son équipement au pensionnat du révérend Staines. Il importa des graines de genêt dans l’intention de les semer sur les collines des alentours et de donner à celles-ci la couleur de son Écosse natale. Il fut un pionnier de l’industrie du bois à Sooke, même s’il connut dans ce domaine l’un de ses nombreux échecs. Habile à manier l’épée, chasseur, discoureur et gaspilleur d’argent, il était un élément unique en son genre dans cette société coloniale sur laquelle régnait la compagnie. James Douglas le décrivit comme « un malheureux qui a été une véritable peste pour moi depuis qu’il est arrivé dans l’île ». Eden Colvile*, un autre employé de la compagnie, affirma : « [son] étourderie confine à la folie ». John Sebastian Helmcken*, toutefois, le considérait comme « un type épatant, un officier irréprochable et un gentleman ».

À son retour en Grande-Bretagne, Grant se rengagea dans l’armée britannique et prit part à la guerre de Crimée comme lieutenant-colonel dans la cavalerie du contingent de Turquie. Lorsqu’il mourut à l’âge de 39 ans, il était major de brigade à Lucknow, en Inde centrale. Cependant, il avait continué de s’intéresser à l’Île-de-Vancouver ; de l’Inde, en décembre 1857, il avait écrit au secrétaire de la Royal Geographical Society que lorsque la révolte serait terminée et si l’Île-de-Vancouver n’était « pas dotée entre-temps d’un meilleur gouverneur », il y accepterait certes un poste « pourvu que le gouvernement fût disposé à prendre les affaires [de la colonie] sérieusement en main ». En 1857 et 1859, il avait préparé, à l’intention de la Royal Geographical Society de Londres, des articles sur l’île qui furent publiés. Ces articles constituent un apport remarquable aux premiers écrits sur les possibilités de colonisation offertes par l’Île-de-Vancouver, que Grant, en raison des circonstances et de certains traits de personnalité, ne parvint pas à marquer de son influence autant qu’il l’avait souhaité.

Barry M. Gough

W. C. Grant est l’auteur de Description of Vancouver Island, by its first colonist, Royal Geographical Soc., Journal (Londres), 27 (1857) : 268–320, et de Remarks on Vancouver Island, principally conceming townsites and native population, Royal Geographical Soc., Journal, 31 (1861) : 208–213. Deux lettres importantes ont été publiées : Two letters from Walter Colquhoun Grant, J. E. Hendrickson, édit., BC Studies, 26 (été 1975) : 3–15.  [b. m. g.]

Royal Geographical Soc. Archives (Londres), Correspondence files, W. C. Grant au secrétaire, 16 déc. 1857, 23 nov. 1858, 15 mars 1859.— Scottish Record Office (Édimbourg), Brodie of Brodie papers, box 11, bundle 5, W. C. Grant à William Brodie, 29 août 1848, 8 août 1851.— Gentleman’s Magazine, CCXI (juill.–déc. 1861) : 572.— Royal Geographical Soc., Journal, 32 (1862) : cviii ; Proc. (Londres), I (1857) : 487–490.— [C. J. D.] Haswell, The first respectable spy : the life and times of Colquhoun Grant, Wellington’s head of intelligence (Londres, 1969).— D. A. Fraser, British Columbia’s first settler, Public School Magazine (Victoria), III (1920) : 44, 46, 48.— W. E. Ireland, Captain Walter Colquhoun Grant : Vancouver Island’s first independent settler, BCHQ, XVII (1953) : 87–125 ; Pioneer surveyors of Vancouver Island, Corporation of B.C. Land Surveyors, Report of proc. of the annual general meeting (Victoria), 1951, 47–51.— Daily Colonist (Victoria), 12 juill. 1931, 8 juill. 1956.— Vancouver Daily Province, 10 mars 1950.— Victoria Daily Times, 2 avril 1949.

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Barry M. Gough, « GRANT, WALTER COLQUHOUN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/grant_walter_colquhoun_9F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1977
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