CARMICHAEL, JAMES WILLIAM, homme d’affaires et homme politique, né le 16 décembre 1819 à New Glasgow, Nouvelle-Écosse, aîné des deux fils de James Carmichael* et de Christian McKenzie ; le 5 juin 1851, il épousa à Guysborough, Nouvelle-Écosse, Maria Jane McColl (décédée en 1874), et ils eurent un fils et cinq filles ; décédé le 1er mai 1903 à New Glasgow.

Fils du fondateur de New Glasgow, James William Carmichael fit ses études à la Pictou Academy [V. Thomas McCulloch*]. Devenu ensuite commis au magasin paternel, il voguait « à l’occasion, en qualité de subrécargue », sur les navires de son père. Peu à peu, au début des années 1850, il prit la relève de celui-ci et, dès 1854, le commerce et l’entreprise de transport maritime portaient la raison sociale de J. W. Carmichael and Company. Le frère de Carmichael, John Robert, s’associa à la compagnie par après, mais il la quitta en 1863. L’oncle maternel de Carmichael, George Rogers McKenzie*, éminent constructeur et capitaine de navires de New Glasgow, s’associait occasionnellement avec Carmichael et son père, et il construisit quelques-uns de ses bateaux sur leur chantier. Carmichael était particulièrement proche de son oncle, dont il acquit par la suite l’entreprise. Pendant près d’un demi-siècle, le pavillon de la compagnie de Carmichael arbora d’ailleurs les initiales GK, en l’honneur de McKenzie.

Le premier bâtiment enregistré au nom de Carmichael, le Helen Stairs, fut construit en 1851 ; il jaugeait 129 tonneaux. De 1857 à 1869, Carmichael en construisit au moins 14 autres. Sa flotte transportait des provisions du comté de Pictou aux camps de bûcherons de la Miramichi, au Nouveau-Brunswick. Durant les années d’application du traité de réciprocité avec les États-Unis, c’est-à-dire de 1854 à 1866, elle livra aussi, sur les marchés américains, du charbon extrait des houillères du comté de Pictou. Le déclin de la construction et de l’utilisation des bateaux en bois, dans les années 1870, ne mit pas fin à l’activité de Carmichael. À l’époque, ses chantiers étaient les plus importants du comté de Pictou ; ce fut d’ailleurs en 1876 qu’il construisit son plus gros navire, un bâtiment de 1 174 tonneaux, le Thiorva.

L’industrie du transport maritime de New Glasgow se distinguait de celle du reste des provinces de l’Atlantique du fait qu’un plus grand nombre de navires y ayant leur port d’attache appartenaient à des gens du lieu et qu’elle avait connu sa période de construction la plus intense vers 1855, donc assez tôt en comparaison des autres ports. On a attribué cet essor à la multiplication des débouchés qui s’offraient aux investisseurs : à cause du développement de l’économie de la région – économie principalement foncière – et surtout de l’expansion de l’industrie du charbon, les hommes d’affaires retirèrent leurs capitaux de la construction navale. Carmichael profita de ces débouchés dès le début de sa carrière et diversifia ainsi ses investissements. D’ailleurs, les propriétaires de navires néo-écossais se caractérisaient par leur participation à l’économie foncière ; ils jouaient un grand rôle dans l’expansion des villes où ils étaient.

C’est en acquérant une vaste concession dans des régions houillères, après la révocation du monopole de la General Mining Association en 1857, que Carmichael fit l’une de ses premières expériences dans un secteur non commercial. Il tenta de faire un peu d’exploitation et dépensa 3 200 $, mais, comme bien d’autres dans la région, il finit par vendre sa concession à un intermédiaire, qui la revendit à un consortium étranger. Lorsque Graham Fraser* et George Forrest McKay, qui avaient ferré des navires sur son chantier, formèrent la Nova Scotia Steel Company en 1883, Carmichael y investit 10 000 $. L’année suivante, son fils, James Matheson, entra au conseil d’administration de cette société. Cependant, à la fin des années 1880, les Carmichael prévinrent la Nova Scotia Steel Company des risques qu’elle encourrait en produisant du fer dans la région et, en 1894, James Matheson la quitta à cause d’un différend sur des questions financières. Par ailleurs, Carmichael était actionnaire minoritaire de la Nova Scotia Glass Company [V. Harvey Graham], à laquelle il fournissait des caisses pour l’emballage du verre. En outre, il participa au commerce d’exportation du bois d’œuvre en ouvrant en 1874 la première scierie à vapeur du comté de Pictou. De 1883 à 1892, il exploita la New Glasgow Tannery Company en association avec James C. McGregor. Toutefois, l’entreprise industrielle à laquelle il participa le plus fut l’Acadia Iron Foundry, fondée en 1867 par son beau-frère Isaac Matheson. Cette société, rebaptisée par la suite I. Matheson and Company, allait se distinguer dans la fabrication de chaudières.

Carmichael soutenait donc des entreprises locales, mais le secteur manufacturier restait pour lui un à-côté. De même, s’il tint une agence de la Banque de la Nouvelle-Écosse de 1866 à 1886 et fut président de la New Glasgow Marine Insurance Association et de la New Glasgow Underwriters’ Association, c’était parce que ces activités étaient liées à ses principaux intérêts.

Bien que pendant les années les plus fastes de la construction et de l’exploitation des voiliers de bois Carmichael ait été engagé à fond dans cette industrie, il s’était intéressé tôt aux nouvelles techniques de construction navale. En 1854 et en 1865, par exemple, McKenzie et lui avaient construit des vapeurs pour le service de traversiers qui reliait New Glasgow et Pictou à l’Île-du-Prince-Édouard. Carmichael cessa de construire des navires de bois en 1883 et, comme beaucoup d’autres armateurs néo-écossais, il se mit à passer des commandes aux grands constructeurs de navires de fer qui avaient leurs chantiers sur la Clyde, en Écosse. En 1885, il devint le premier Néo-Écossais à faire construire, pour son propre compte, un navire de fer, le Brynhilda. Carmichael et la I. Matheson and Company pressaient vigoureusement le gouvernement provincial d’encourager l’utilisation des vapeurs de fer et d’acier. En fait, la compagnie fut la première à construire des vapeurs d’acier en Nouvelle-Écosse, et c’est pour l’entreprise de Carmichael qu’elle construisit son plus gros, en 1893, le Mulgrave, qui jaugeait 485 tonneaux. En 1898, James Matheson Carmichael analysa les perspectives d’avenir d’une industrie néo-écossaise de construction navale dont les bases seraient l’acier et la vapeur. « D’ici dix ans, nous aurons une demi-douzaine de chantiers », prédit-il hardiment, tout en notant avec regret que pareille industrie aurait pu naître 20 ans plus tôt si les constructeurs de navires n’avaient pas préféré investir dans des filatures de coton et des raffineries de sucre, entreprises « dont l’administration ne [les avait] peut-être pas couverts de gloire, sans parler du bénéfice ». Pourtant, les Carmichael avaient tendance à vouloir ménager la chèvre et le chou. Tout en faisant valoir que l’appui du gouvernement était nécessaire pour stimuler la production intérieure, ils ne voulaient pas que le Canada mette fin à l’enregistrement des navires en Grande-Bretagne. Or, il aurait fallu cela aussi pour empêcher les Canadiens d’acheter et d’enregistrer des navires là-bas, mais James William Carmichael s’opposait, entre autres, à l’établissement d’une version canadienne du registre des navires marchands tenu par la Lloyd’s.

En diversifiant ses investissements, Carmichael fut en mesure de maintenir sa position dans le comté de Pictou. La valeur de ses biens grimpait graduellement. En 1872, ils valaient en tout un peu plus de 183 000 $ ; au moment de sa mort, ils atteignaient presque 583 000 $. La J. W. Carmichael and Company continua d’exister – ses navires de fer et d’acier firent du transport international jusqu’à la Première Guerre mondiale, mais les membres de la famille devinrent rentiers et commencèrent à percevoir des dividendes par l’intermédiaire d’une maison de courtage de Halifax. En 1962, l’entreprise procéda à une liquidation volontaire ; 670 000 $ allèrent à des œuvres de charité.

Même si Carmichael et les autres marchands de New Glasgow commanditaient des industriels locaux et les accueillaient dans leur famille, ils n’allaient pas jusqu’à partager leurs opinions politiques. Les marchands étaient libéraux et farouches partisans du libre-échange ; les industriels, conservateurs et protectionnistes. Carmichael lui-même soutint les libéraux après avoir remporté en 1867 le siège de Pictou aux Communes en s’opposant à la Confédération. Battu en 1872 et réélu en 1874, il connut la défaite aux élections générales de 1878, 1882 et 1896 ainsi qu’à une élection complémentaire en 1881. Tous ces revers, causés en partie par des dissensions entre libéraux et en partie par le fait que le comté de Pictou bénéficiait de la Politique nationale des conservateurs, ne le décourageaient pas. Il demeurait un personnage clé du Parti libéral provincial et du Parti libéral national ; ses relations avec Edward Blake*, Alexander Mackenzie* et Wilfrid Laurier* furent également bonnes. Au Parlement, il défendit le libre-échange et les droits des Maritimes, refusant que « la Nouvelle-Écosse occupe une position d’infériorité et existe par tolérance ». C’est en 1876 qu’il suscita le plus de controverse : les conservateurs avaient proposé d’imposer un droit de douane sur le charbon afin de faciliter la mise en marché du charbon néo-écossais dans les provinces centrales du Canada, et il s’y opposait. Selon lui, les problèmes de transport empêchaient tout à fait d’organiser des échanges entre l’Ontario et la Nouvelle-Écosse, et il était absurde de penser que le charbon néo-écossais pourrait concurrencer le charbon américain du seul fait que celui-ci serait grevé d’un droit de 0,50 $ la tonne. Comme l’économie de sa région reposait en grande partie sur l’industrie du charbon, il perdit l’appui des électeurs ; un groupe de mineurs alla même jusqu’à le brûler en effigie. En 1898, Carmichael accéda au Sénat ; il en démissionna une semaine avant sa mort.

Carmichael contribua de diverses manières à la vie communautaire de New Glasgow. Il fut lieutenant-colonel du 5th Regiment of Pictou militia, vice-président de la Pictou County Rifle Association et membre du conseil de la Nova Scotia Rifle Association. Il fit partie du premier conseil d’administration de l’Aberdeen Hospital et fut président de la section de la British and Foreign Bible Society à New Glasgow. Presbytérien de la faction anti-burgher, il commença à fréquenter l’église Primitive dès sa fondation en 1845. Il prit part aux négociations qui se conclurent en 1874 par la réunion des églises Knox et Primitive en l’église United, dont il présida le conseil d’administration jusqu’à son décès. En 1875, il figura parmi ceux qui obtinrent la constitution de New Glasgow en municipalité ; il exerça pour la ville les fonctions de responsable de la lutte anti-incendie et de fidéicommissaire des biens publics.

James William Carmichael s’éteignit à son domicile en 1903. Il laissait derrière lui des preuves de sa charité et de sa foi, mais il avait été, d’abord et avant tout, un homme d’affaires. Son unique fils étant mort avant lui, ses filles perpétuèrent la réputation de la famille au xxe siècle : elles se signalèrent comme réformatrices, militantes d’organisations sociales, philanthropes et mécènes. Par exemple, Caroline Elizabeth fut présidente du National Council of Women of Canada et reçut un doctorat honorifique de la Dalhousie University. Néanmoins, elle ne renia pas ses origines : elle soutenait généreusement les libéraux et, dans son grand âge, on pouvait voir cette « dame en noir » se faire conduire par un chauffeur en livrée.

L. Anders Sandberg

AN, RG 31, C1, 1871, Pictou, N.-É.— PANS, MG 2, 224–368.— Eastern Chronicle, 4 mai 1903.— Free Lance (Westville, N.-É.), 18 sept. 1913.— Halifax Herald, 21 août 1898, 2 mai 1903.— Morning Chronicle (Halifax), 31 mars, 2 mai 1903.— Pictou Advocate, 1er mai 1903.— CA. Armour et Thomas Lackey, Sailing ships of the Maritimes [...] 1750–1925 (Toronto et Montréal, 1975).— J. M. Cameron, About Pictonians (Hantsport, N.-É., 1979) ; More about New Glasgow ([New Glasgow, N.-É. ?], 1974) ; The Pictonian colliers (Halifax, 1974) ; Political Pictonians : the men of the Legislative Council, Senate, Chambre des communes, House of Assembly, 1767–1967 (New Glasgow, [1967]) ; Ships and seamen of New Glasgow, Nova Scotia (New Glasgow, 1959) ; Still more about Pictonians (Hantsport, 1985).— Industrial Advocate (Halifax), mars 1899 : 7–9.— L. D. McCann, « The mercantile – industrial transition in the metals towns of Pictou County, 1857–1931 », Acadiensis (Fredericton), 10 (1980–1981), no 2 : 29–64.— L. [D.] McCann et Jill Burnett, « Social mobility and the ironmasters of late nineteenth century New Glasgow », People and place : studies of small town life in the Maritimes, L. [D.] McCann, édit. (Fredericton et Sackville, N.-B., 1987), 59–77.— Ian McKay, « The crisis of dependent development : class conflict in the Nova Scotia coalfields, 1872–1876 », Canadian Journal of Sociology ([Edmonton]), 13 (1988) : 9–48.— George MacLaren, « Shipbuilding on the north shore of Nova Scotia » (texte dactylographié, Halifax, 1962 ; mfm aux PANS, Library, M162).— R. E. Ommer, « Anticipating the trend : the Pictou ship register, 1840–1889 », Acadiensis, 10, no 1 : 67–89.— E. R. Sager et G. E. Panting, Maritime capital : the shipping industry in Atlantic Canada, 1820–1914 (Montréal, 1990).— J. H. Sinclair, Life of James William Carmichael, and some tales of the sea (Halifax, [1911]).

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L. Anders Sandberg, « CARMICHAEL, JAMES WILLIAM », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/carmichael_james_william_13F.html.

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Auteur de l'article:    L. Anders Sandberg
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
Année de la révision:    1994
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