SOUTHAM, WILLIAM, éditeur et philanthrope, né le 23 août 1843 près de Lachine, Bas-Canada, fils aîné de William Southam et de Mercy Neal ; le 14 novembre 1867, il épousa à London, Ontario, Wilson McNeilage Mills, et ils eurent six fils et une fille ; décédé le 27 février 1932 à Hamilton, Ontario, et inhumé au cimetière de Hamilton.

Le père de William Southam était un maçon de Northampton, en Angleterre, qui immigra au Canada au début de 1843 avec sa femme enceinte et leurs quatre filles. Cinq ans plus tard, la jeune famille s’installa à London, dans le Haut-Canada, dans l’espoir d’améliorer son sort. Le père mourut en 1852, et William dut interrompre ses études en 1855 pour trouver du travail afin d’aider sa mère à subvenir aux besoins de ses cinq sœurs et de son jeune frère. Devenu camelot du London Free Press, il fut bientôt remarqué par l’éditeur, Josiah Blackburn*, et par son frère et futur associé, Stephen. De toute la vie de Southam, rien ne contribua autant à son développement que l’intérêt que lui portèrent ces deux hommes. Ils encouragèrent sa passion pour la lecture et l’initièrent à tous les aspects du métier d’éditeur. Quand Southam termina son apprentissage de l’imprimerie, en 1864, les Blackburn lui offrirent un recueil de poèmes de l’écrivain écossais sir Walter Scott. Ce livre devint son bien le plus précieux, mais il s’intéressait aussi à beaucoup d’autres genres que la poésie et la fiction. Lecteur vorace, il aimait autant les revues techniques que la littérature et l’analyse politique.

La carrière de Southam démarra pour de bon en 1864 par sa nomination au poste de contremaître du service des travaux de ville au Free Press. Dès 1866, les Blackburn lui permettaient de dire son mot sur l’orientation du journal. Pour s’ajuster aux tendances politiques de Southam et concurrencer le London Evening Advertiser and Family Newspaper - journal lancé par John Cameron* à la fin de 1863 et devenu libéral après avoir été indépendant -, les Blackburn modifièrent le point de vue politique du Free Press : jusque-là réformiste, il devint conservateur. Southam gagna tellement en influence au Free Press que, en 1867, il acheta des parts de Stephen Blackburn et fut promu contremaître général. Grâce à son nouveau statut d’associé et à son salaire annuel de 1 200 $, il fut en mesure d’épouser, toujours en 1867, Wilson McNeilage Mills, fille de James Mills, ébéniste d’Écosse.

L’occasion qu’attendait Southam se présenta en 1877 : le Hamilton Spectator était à vendre. Ce journal avait été fondé en 1846 par un groupe de conservateurs de Hamilton [V. Robert Reid Smiley*] et, au cours d’une visite dans cette ville, Southam en vit le potentiel. Il rentra à London afin de convaincre son ami William Carey d’investir avec lui. La somme nécessaire s’élevait à 20 000 $. Le 20 mars 1877, Southam et Carey signèrent un contrat d’association qui stipulait que chacun ferait une mise de fonds initiale de 4 000 $ et investirait en plus 1 000 $ au cours de la première année. Southam dut emprunter une partie de l’argent à sa sœur Lucy, qui gagnait bien sa vie comme couturière à London. Par souci de préserver leur journal, plusieurs conservateurs de Hamilton se réunirent pour amasser l’autre tranche de 10 000 $, à condition que Southam et Carey achètent leurs parts dès qu’ils en auraient les moyens. Peu de temps après, les associés détenaient à parts égales tout le capital autorisé. Southam demeura loyal envers le Parti conservateur mais tint à garder son indépendance. Il aurait dit à ses bailleurs de fonds : « Je vais acheter cette chose [le Spectator] et vous appuyer, vous, mais c’est moi qui dirige ce journal et je ne suis pas votre serviteur. »

Carey s’occupait surtout des finances de l’association, tandis que la rédaction et l’impression relevaient de Southam. Grâce à sa connaissance détaillée de l’édition, il réussit à améliorer la situation du Spectator de façon remarquable. Sa première décision consista à consacrer plus de place aux nouvelles de Hamilton, conformément à son précepte selon lequel un journal local ne devait jamais oublier sa ville natale. Il impressionna ses bailleurs de fonds en plongeant dans la campagne électorale de 1878 et en attaquant le gouvernement libéral d’Alexander Mackenzie*. Le Spectator tourna en ridicule les droits de douane modiques instaurés par Mackenzie en vue de protéger l’industrie canadienne et défendit la Politique nationale de sir John Alexander Macdonald*, plus musclée. Southam voyait clairement le lien entre le protectionnisme conservateur et la possibilité pour Hamilton de devenir le centre industriel et manufacturier du Canada. Dès le moment où il prit la direction du Spectator, celui-ci fut un organe puissant du Parti conservateur. Le journal publia des listes de libéraux tombés en disgrâce et croisa le fer avec le journal libéral de Hamilton, le Times. Pour que tout le monde comprenne bien, Southam coiffait ses éditoriaux d’un titre provocateur, « Notre cri de guerre : Protégeons les industries canadiennes », surmonté du pavillon rouge du Canada, le Red Ensign.

La croissance du Spectator coïncidait avec le bond démographique et industriel de Hamilton. Southam et Carey continuaient d’investir. En 1881, ils élargirent leur entreprise en acquérant la Mail Job Printing Company de Toronto. Ils obtinrent un gros contrat d’impression de billets de train à un moment où les chemins de fer prenaient de l’expansion dans tout le pays. Un incendie survint dans le bâtiment du Spectator en janvier 1884, mais Southam réagit à ce coup dur en s’installant temporairement dans les locaux d’un journal en difficulté, le Tribune, et en hâtant l’emménagement prévu dans un nouvel édifice, qui eut lieu plus tard la même année. Le lancement d’un nouveau journal indépendant, le Hamilton Herald, se révéla également difficile pour Southam, mais il résista grâce à son travail acharné et à sa maîtrise des détails de sa profession. En 1889, il fonda une deuxième compagnie d’impression à Montréal et envoya son deuxième fils, Frederick Neal, en diriger l’exploitation.

La mort de son associé Carey en mai 1890 et les caprices de l'économie n'empêchèrent pas Southam de continuer sur la voie de l'expansion. Il pouvait compter sur l'aide de ses fils, assez vieux pour qu'il leur confie des sections de l'empire familial d'édition et d'imprimerie, qui prenait de l'essor. En 1894, son troisième fils, Richard, fut envoyé à Toronto afin de prendre les rênes de la Mail Job Printing Company. Trois ans plus tard, l'aîné, Wilson Mills, quitta le Spectator, où il était adjoint de direction de son père, et se rendit à Ottawa pour diriger une nouvelle acquisition, l'Ottawa Citizen. Son frère William James, qui travaillait à la Bank of Hamilton, prit sa place au Spectator. Les quatrième et sixième fils de Southam entrèrent aussi dans l'entreprise familiale. Harry Stevenson* commença avec son frère Frederick Neal à Montréal et alla ensuite à Ottawa, où il devint adjoint de direction de Wilson Mills. Quant à Gordon Hamilton, il serait un jour directeur adjoint du Spectator.

En 1903, William Southam, âgé de 59 ans et père de six garçons capables et ambitieux, décida de constituer juridiquement l’entreprise familiale. Wilson Mills organisa une rencontre entre son père et Glyn Osler, qui avait fréquenté l’université avec Harry Stevenson et s’imposait rapidement comme l’un des jeunes avocats les plus en vue de Hamilton. Le but de la rencontre était d’établir une société par actions. La Southam Limited prit naissance le 4 mars 1904 ; Southam en était président et Wilson Mills, Frederick Neal, Richard, Harry Stevenson et William James, membres du conseil d’administration (Gordon Hamilton n’avait que 18 ans). Southam gagnait 4 000 $ par an et William James, à titre de secrétaire, 2 000 $. Les autres recevaient un dollar par an plus le remboursement de leurs frais. En raison de son rang familial et de ses fructueuses transactions immobilières à Montréal, Frederick Neal fut nommé vice-président. Chacun des fils obtint 315 actions ordinaires et leur sœur, Ethel May, eut d’abord la même chose. Par la suite, sa part fut convertie en 1 500 actions privilégiées. Ce traitement distinct était apparemment attribuable au fait que Southam estimait qu’Ethel May, qui ne prenait aucune décision d’affaires, ne devrait subir aucune conséquence néfaste de la prise de risques. Les garçons, eux, avaient la possibilité d’augmenter - ou de diminuer - leur fortune selon leur propre habileté et leur chance. La Southam Limited s’étendit dans tout le pays en acquérant des parts ou la pleine propriété de plusieurs journaux, dont le Daily Herald de Calgary en 1908, l’Edmonton Journal en 1912, l’Evening Tribune de Winnipeg en 1920 et le Vancouver Daily Province en 1923. La famille forma en 1927 une société de portefeuille, la Southam Publishing Company Limited, avec l’actif de ses journaux.

Comme l’empire familial était officiellement établi et que ses fils en géraient les entreprises centrales, Southam disposait de plus de temps pour d’autres affaires. À titre d’investisseur ou d’administrateur, il aida à fonder et à soutenir plusieurs sociétés importantes, notamment la Hamilton and Fort William Navigation (dont la fusion avec la Compagnie de navigation du Richelieu et d’Ontario donna naissance à la Canada Steamship Lines), la Hamilton Steel and Iron [V. Cyrus Albert Birge*], la Mercantile Trust et la Cataract Power Company of Hamilton Limited [V. sir John Morison Gibson*]. Simple camelot à ses débuts, Southam était désormais l’un des hommes d’affaires les plus importants et les plus prospères du Canada. Ayant donné l’exemple par son assiduité au travail et sa participation à la vie collective, il pouvait se considérer à juste titre comme l’un des artisans de l’industrialisation du pays.

Le profond civisme de Southam se manifestait dans les responsabilités dont il se chargeait au sein de sa collectivité, ainsi que dans ses activités patriotiques. La ville de Hamilton bénéficia de sa philanthropie de maintes façons. Southam investit 50 000 $ dans la Pure Milk Company de John Milne*, dont la mission était de fournir du lait plus sain à toute la province. Bien que cette entreprise n’ait pas connu que des succès, Southam la soutenait par conviction. En 1907, il donna 15 000 $ à la nouvelle Hamilton Health Association pour la construction du Hamilton Mountain Sanatorium for Consumptives, établissement voué à la lutte contre la tuberculose. Cette maladie atteignait des proportions terrifiantes à Hamilton au début du xxe siècle. Southam et sa femme payèrent de leurs deniers le mobilier et l’équipement de l’édifice. Ensuite, Southam versa 50 000 $ pour la construction du Southam Home for Incurables, à l’extrémité nord de Hamilton. Cet endroit accueillait les patients excédentaires du sanatorium, offrait des soins à ceux qui étaient aux stades avancés de la maladie et servait de dispensaire de première ligne dans la lutte contre la tuberculose. Après l’agrandissement du sanatorium, l’immeuble du nord de Hamilton devint une maternité au service des mères célibataires. En 1927, à l’occasion de leur soixantième anniversaire de mariage, les Southam ajoutèrent un pavillon au sanatorium.

En plus de ses généreuses contributions aux établissements de santé de sa région, Southam, qui était anglican, donnait de son temps à son église. Il était assistant du marguillier à la cathédrale Christ Church de Hamilton et appartenait au comité de gestion. Son dévouement à la collectivité ressort aussi dans ses actions qui suivirent le déclenchement de la Première Guerre mondiale. Southam appuya fortement la participation active du Canada à la guerre [V. sir Robert Laird Borden]. Il collabora avec le lieutenant-colonel John Alexander Gunn, du 24th Infantry Battalion, à la production d’un recueil de chants de marche. Gunn compila les chants et Southam fit imprimer les recueils à ses frais pour qu’ils soient distribués gratuitement à tous les soldats du Corps expéditionnaire canadien. Couverts d’une reliure kaki et assez petits pour tenir dans une poche d’uniforme, ils contenaient des hymnes, une prière et le fameux texte intitulé Lord Kitchener’s guidance to British troops. Ils reçurent un accueil enthousiaste de la part d’un autre nationaliste canadien, le ministre de la Milice et de la Défense, Samuel Hughes*.

On ne peut décrire fidèlement la vie de Southam sans évoquer sa passion pour les sports. Membre actif du Hamilton Golf Club et du Hamilton Cricket Club, il jouait au curling à l’Ontario (Thistle) Club, pêchait, faisait de la randonnée et pratiquait le jeu de boules sur pelouse. Il prônait la bonne forme physique dans ses journaux, vantait les mérites d’une vie saine et préconisait la marche bien avant qu’elle devienne une activité à la mode. Jusqu’à quelques jours avant sa mort, il se rendait au bureau à pied chaque jour de travail. « L’exercice est essentiel à l’homme qui veut se réaliser pleinement en affaires ou dans toute autre occupation », proclamait-il. En matière de forme physique, comme dans d’autres domaines, Southam comprit avant la majorité des gens la nécessité de promouvoir ses idées et d’investir, financièrement ou autrement.

Il importe de noter que, dans toutes ses entreprises, Southam prêchait par l’exemple. Sa réaction à la mort du dernier de ses fils, Gordon Hamilton, le démontre mieux que toute autre circonstance. En octobre 1916, Gordon Hamilton fut atteint par un tir direct pendant qu’il commandait la 40th Battery de la Canadian Field Artillery (surnommée la Sportsmen’s Battery en référence à lui-même, qui était un athlète doué, et à l’un de ses lieutenants, Constantine Falkland Cary Smythe*, de Toronto). Il s’était avancé pour superviser la retraite de ses hommes au cours d’un violent tir de barrage ennemi. Dévasté par le chagrin, Southam continua pourtant de soutenir résolument l’effort de guerre du Canada.

William Southam s’intéressa activement à ses affaires, à ses éditoriaux et à sa ville jusqu’à peu de temps avant son décès, survenu à son domicile. Il avait 88 ans. Il laissait une bonne provision d’aphorismes qui auraient pu lui servir d’épitaphe. Son préféré, ou du moins celui qu’il citait le plus souvent dans sa correspondance, se rapporte à ses conseils sur la réussite. Southam croyait qu’« une des choses les plus essentielles pour un homme est d’abord de maîtriser les détails du domaine dans lequel il s’engage. Ensuite, s’il est travailleur, studieux et [s’il] observe les règles courantes d’une vie honnête, il pourra fort probablement conclure, au terme de sa carrière, qu’il a réussi. » Toutefois, Southam a laissé beaucoup plus que ces réflexions : l’empire de l’édition dont il était le fondateur, les petits recueils de chants militaires à reliure kaki qui sont exposés dans des musées aux quatre coins du Canada et les soins donnés aux patients du sanatorium qu’il a bâti pour sa ville.

William Newbigging

Il y a eu au moins deux éditions du recueil de chansons que William Southam a donné aux soldats du Corps expéditionnaire canadien : Regimental songs : Canadian Expeditionary Force, 1914-1915 (copie au Musée canadien de la guerre, Ottawa) et The Canadian soldiers’ song book (copie à la Hamilton Public Library, Special Coll. Dept., Hamilton, Ontario).

Hamilton Public Library, Special Coll. Dept., Clipping files, Hamilton biog. ; Scrapbooks, Christ’s Church Cathedral ; Weaver pamphlets, Pauline Jardine, « The Hamilton Health Association, an examination of motives for health reform : the Mountain Sanatorium, 1902 to 1916 » (travail d’étudiant, McMaster Univ., Hamilton).— Hamilton Spectator Library, William Southam « dead file ».— Hamilton Spectator, 9 janv. 1882 ; 16 mars 1904 ; 1er nov. 1928 ; 27 févr., 11 avril 1932.— Charles Bruce, News and the Southams (Toronto, 1968).— DHB, vol. 2.— David Gagan, « For “patients of moderate means” : the transformation of Ontario’s public general hospitals, 1880-1950 », CHR, 70 (1989) : 151-179.— G. W. L. Nicholson, The gunners of Canada ; the history of the Royal Regiment of Canadian Artillery (2 vol., Toronto, 1967-1972), 1.— Paul Rutherford, A Victorian authority : the daily press in late nineteenth-century Canada (Toronto, 1982).— Minko Sotiron, From politics to profits : the commercialization of Canadian daily newspapers, 1890-1920 (Montréal et Kingston, Ontario, 1997).

Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

William Newbigging, « SOUTHAM, WILLIAM », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/southam_william_16F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2011
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