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WATSON, sir DAVID, journaliste, propriétaire de journal et officier, né le 7 février 1869 à Québec, fils unique de William Watson, voilier gréeur, et de Jane Grant ; le 11 septembre 1893, il épousa au même endroit Mary Ann Browning, et ils eurent trois filles ; décédé le 19 février 1922 dans sa ville natale.
Après avoir poursuivi des études dans des écoles publiques de Québec, David Watson entreprend, en 1891, une carrière de journaliste au Quebec Morning Chronicle, alors propriété de John Jackman Foote. Dix ans plus tard, il est nommé directeur général du journal (qui s’intitule alors le Quebec Chronicle). Il devient directeur général de la compagnie éditrice, la Chronicle Printing Company, en 1906. Il occupera ces postes jusqu’en 1921. Watson se taille indiscutablement une réputation à la tête du quotidien. Le journal est très rentable, comme le montrent l’accroissement du nombre de pages au fil des années et la place importante qu’y occupe la publicité. Sous la direction de Watson, conservateur indépendant en politique, le journal sait, dans les grandes occasions, promouvoir la cause du Parti conservateur, dirigé par Robert Laird Borden*. En 1909, Watson est l’un des délégués canadiens à l’Imperial Press Conference, à Londres.
Sportif accompli, Watson se fait valoir en athlétisme et compte parmi les joueurs étoiles du club de hockey de la vieille capitale pendant plusieurs années. Sa passion pour le sport amateur et sa forte personnalité lui ouvrent les portes de la Quebec Athlete Association Company qu’il dirigera durant une longue période. À son décès, le célèbre homme d’affaires sir William Price parlera de lui comme d’un grand athlète. Watson s’intéresse également très tôt à la vie militaire. Il réussira là aussi. Il s’engage d’abord comme simple soldat dans le 8th Royal Rifles, régiment de milice de la ville de Québec, puis gravit les échelons. Il obtient une commission d’officier en 1900. Nommé lieutenant, il est promu capitaine en 1903 et major en 1910. En 1911, il est invité par le gouvernement fédéral à commander la compagnie de fusiliers qui accompagne la délégation canadienne aux cérémonies du couronnement de George V en Angleterre, service pour lequel il reçoit la médaille du Couronnement. Il prendra le commandement de son régiment de milice le 26 février 1912, avec le grade de lieutenant-colonel.
Dès le début du mois d’août 1914, l’imminence de la guerre en Europe préoccupe Watson. À 45 ans, déjà riche et connu, il s’enrôle dans le premier contingent expéditionnaire canadien. Le 22 août, il prend la tête des volontaires du 8th Royal Rifles, à destination de Valcartier [V. sir William Price]. En septembre, il se voit confier le commandement du 2e bataillon d’infanterie du premier contingent expéditionnaire canadien, bataillon composé de volontaires originaires de l’est de l’Ontario.
Après une traversée sans histoire, en octobre 1914, le bataillon s’installe au camp de Bustard, dans la plaine de Salisbury en Angleterre, avec le reste de la 1re brigade d’infanterie canadienne. Une température exécrable complique l’entraînement de l’unité de Watson. Arrivés au Havre, en France, le 11 février 1915, Watson et ses hommes se dirigent vers la ville désertée d’Armentières, qu’ils atteignent le 17 février. Watson, fort impressionné par le tir de l’artillerie allemande, fait un premier tour dans les tranchées. Lorsque son bataillon y prend place officiellement, le 1er mars, Watson est fier : comme il le note dans son journal, son unité a la responsabilité d’une partie de « cette grande ligne de défense pour l’Empire ».
Le 2e bataillon fait preuve d’une grande vaillance, quelques semaines plus tard, pendant l’attaque allemande à Saint-Julien (Sint Juliaan), en Belgique. Durant la deuxième bataille d’Ypres, au printemps de 1915, les Allemands cherchent à s’emparer de cette ville flamande et du territoire avoisinant qui font saillie à l’intérieur de leurs lignes. Le 22 avril, ils attaquent. Pour la première fois de la guerre, ils recourent aux gaz asphyxiants. À cinq heures de l’après-midi, ils laissent échapper au delà de 160 tonnes de chlore, ce qui sème la panique parmi les troupes françaises de la 87e division (territoriale) et de la 45e division (algérienne). Les soldats de cette dernière occupent la ligne de front à gauche des positions tenues par la 3e brigade canadienne. Le recul des troupes françaises met en péril les soldats canadiens, dont le flanc gauche se trouve ainsi à découvert. Au cours de cette « journée mémorable et terrible », selon l’expression du colonel Archer Fortescue Duguid, les soldats de la 1re division canadienne, ceux de la 3e brigade en particulier, font preuve d’un grand héroïsme pour stopper l’avance allemande. Le 2e bataillon se trouve près du village de Wieltje. À neuf heures du soir, il reçoit l’ordre de se rapprocher de Saint-Julien, où il doit participer aux opérations entreprises pour enrayer la poussée allemande. Le lendemain, le vendredi 23 avril, Watson écrit : « Mon Dieu ! Quelle affreuse nuit nous avons eue. [Nous avons] perdu environ 200 hommes et 6 officiers de la compagnie no 1. Ils sont trop gravés dans mon esprit pour que je les oublie jamais. » Le jour suivant, les hommes de Watson tiennent bon dans leurs tranchées et infligent de « terribles pertes » aux Allemands qui les attaquent. À une heure cinquante-cinq de l’après-midi, le 2e bataillon reçoit l’ordre de se retirer. Selon le capitaine Richard Douglas Ponton, la « bravoure du colonel Watson, qui est demeuré en lieu découvert jusqu’à ce que chaque homme se retire, ne sera jamais oubliée ». Watson est de retour dans les lignes du quartier général vers quatre heures de l’après-midi, « très affecté et avec moins de la moitié de [son] bataillon » ; son unité, écrit-il cependant, « a sauvé tous [ses] blessés ».
Selon l’historien officiel du 2e bataillon, William Waldie Murray, la bataille de Saint-Julien a entraîné la perte de 544 soldats de tous grades. Seulement 7 des 22 officiers du bataillon sont sortis indemnes du combat. Watson doit reconstruire son unité, mais il est fier de la conduite de ses hommes qui forment, à ses yeux, « le meilleur bataillon canadien ».
En juin 1915, Samuel Hughes, ministre de la Milice et de la Défense, offre à Watson de rentrer au pays et de faire bénéficier les troupes de ses expériences en campagne. Ce dernier refuse sans hésitation : « Il n’y a rien que [j’]aimerais mieux au monde que de retourner au Canada, mais mon devoir est de rester ici avec le 2e bataillon qui a été si loyal à mon égard. » Edwin Alfred Hervey Alderson, commandant de la 1re division canadienne, l’en félicite. Watson accepte toutefois une promotion. C’est ainsi que, le 30 août 1915, il prend le commandement de la 5e brigade d’infanterie, avec le grade de brigadier-général, en guise de récompense pour le comportement de son bataillon pendant la deuxième bataille d’Ypres. Lorsqu’il retourne au front, au printemps de 1916, les mitrailleurs de sa nouvelle brigade sont appelés, les 5 et 6 avril, à vivre les terribles moments de la bataille des cratères de Saint-Éloi (Sint-Elooi), en Belgique. Pendant ce combat, qui dure du 27 mars au 16 avril et qui doit son nom aux cratères créés par les mines que les Britanniques font sauter sous les lignes allemandes le premier jour, dans une tentative infructueuse pour reprendre le saillant de Saint-Éloi, la 2e division canadienne subit son baptême du feu. Tous les mitrailleurs des 25e et 26e bataillons y périssent, tandis que ceux du 22e, sauf deux, parviennent à se replier vers l’arrière, après un dur corps à corps avec l’ennemi.
Le 22 avril 1916, Watson quitte sa brigade pour aller prendre en Angleterre le commandement de la 4e division canadienne. Il s’agit d’une nouvelle division du Corps d’armée canadien, que Watson a accepté de diriger quelques semaines plus tôt, à l’invitation de Hughes. À cette occasion, sir Edwin Alfred Hervey Alderson mentionne, dans une lettre qu’il adresse au colonel John Wallace Carson (représentant du ministre de la Milice et de la Défense en Angleterre), que Watson « est un bon combattant et [qu’]il voit à ce que le travail soit fait. Je pense aussi, ajoute-t-il, qu’il a [du] courage moral. » Watson dirigera l’unité jusqu’à la fin de la guerre et, à sa tête, il aura des tâches difficiles à accomplir. La 4e division mène sa première bataille à l’automne de 1916, quand, après le départ du reste du Corps d’armée canadien pour le secteur de Vimy, en France, Watson reçoit l’ordre de prendre la tranchée Regina. Elle y parvient le 11 novembre 1916, après plusieurs semaines d’efforts compliqués par de mauvaises conditions atmosphériques.
C’est donc avec une formation aguerrie que Watson reprend la route, quelques jours plus tard, pour rejoindre le Corps d’armée canadien, qui défend alors un large secteur entre Lens et Arras. Le premier jour de la bataille de Vimy, le 9 avril 1917, la 4e division canadienne se voit confier la prise de la cote 145 et du Bourgeon. La cote 145 est la position la plus élevée et la plus avantageuse de la crête ; elle est aussi la mieux protégée avec deux lignes de défense. « C’était donc un enjeu de grande valeur, même si la tâche de s’en emparer était formidable », écrira l’historien du Corps expéditionnaire canadien, Gerald William Lingen Nicholson. La 4e division met trois jours à atteindre ses objectifs. Le 12 avril, le major-général Watson peut dire : « Mission accomplie ! »
Sous le commandement de Watson, la division participe ensuite aux batailles de la cote 70 (15–25 août 1917) et de Passchendaele (26 octobre–10 novembre 1917), en Belgique. Puis arrivent, en France, en 1918, les batailles d’Amiens (8–11 août), d’Arras (26 août–2 septembre) et de Cambrai (27 septembre–9 octobre), « la plus dure [à laquelle la 4e division] ait participé », selon le major Charles Bethune Lindsey, membre de l’état-major de Watson. La formation prend ensuite la ville de Denain, le 19 octobre 1918, puis participe à la libération de Valenciennes, en novembre.
Le 21 mai 1919, le général Watson préside un dîner qui rassemble 200 membres de la 4e division à l’hôtel Savoy, à Londres. Il est fier de cette dernière rencontre avant le retour au pays. Le 1er juillet 1919, c’est avec soulagement et bonheur qu’il revoit sa ville natale : « Ainsi, note-t-il dans son journal, après presque cinq ans de service actif, je suis de retour à la maison, en sûreté et à l’abri. Après aussi quelles expériences terribles et quelles épreuves et souffrances effrayantes. » Cependant, il aura à peine le temps de reprendre ses activités normales, puisqu’il mourra moins de trois ans plus tard. Entre-temps, il poursuit son travail au Quebec Chronicle, dont il acquiert la majorité des actions peu après son retour. Il préside également la Commission du havre de Québec. Selon le colonel William Charles Henry Wood*, la guerre a miné sa santé : il avait de lourdes responsabilités et se souciait beaucoup de la sécurité et du bien-être de ses troupes.
Pour sa bravoure et sa conduite distinguée au front, Watson a reçu la croix de Guerre de la France et de la Belgique, et a été nommé commandeur de la Légion d’honneur et de l’ordre de Léopold II. Le 4 juin 1917, il a été fait compagnon de l’ordre de Saint-Michel et Saint-Georges, puis, le 1er janvier 1918, chevalier commandeur de l’ordre du Bain (dont il a reçu le titre de compagnon deux ans plus tôt).
Watson était de religion presbytérienne. Il appartenait à des sociétés prestigieuses, notamment le Club de la garnison de Québec, le Club St James de Montréal et le Royal Automobile Club de Londres. Il était membre de la St Andrew’s Lodge No. 6, loge maçonnique de Québec, et grand maître adjoint pour le district de Québec et de Trois-Rivières. En 1921, il faisait partie du conseil de fondation de la Canadian Legion of Veterans et a mérité un doctorat honorifique en droit civil du Bishop’s College. Sa carrière d’homme d’affaires est allée bien au delà de ses activités liées au Quebec Chronicle, puisqu’il a fait partie du conseil d’administration de plusieurs entreprises, dont l’Association des banquiers canadiens, la Mortgage, Discount and Finance Limited, la Davie Shipbuilding and Repairing Company Limited et la Prudential Trust Company Limited. Malgré tout, Watson, au dire de Wood, a gardé une grande et profonde modestie.
Le major-général sir David Watson a laissé un souvenir indélébile à la tête du 2e bataillon, selon Murray : « “Davie” Watson devint une légende dans le 2e. Parfois impitoyable en matière de discipline, il n’était jamais inéquitable. Il était sévère, et ce n’était pas toujours facile pour lui de se détendre ; mais il était un commandant compétent, capable et juste. » Il a été le seul commandant d’un régiment de milice à devenir commandant de division dans le Corps d’armée canadien.
ANQ-Q, CE301-S67, 16 avril 1869, 11 sept. 1893 ; Index BMS, dist. judiciaire de Québec, Chalmers Free Church (Chalmers-Wesley United Church, Québec), 21 févr. 1922.— BAC, MG 30, E69 (mfm) ; RG 9, III, A1, vol. 231, dossier 6-W-4 ; RG 150, Acc. 1992–93/166, boîte 10132–13.— Le Devoir, 20 févr. 1922.— News (Toronto), 25 août 1915.— Quebec Chronicle, 20 févr. 1922.— A. F. Duguid, Histoire officielle de l’armée canadienne dans la Grande Guerre, 1914–1919, J. H. Chaballe, trad. (un seul vol. en 2 part. [1914–sept. 1915] a été publié, Ottawa, 1947).— C. B. Lindsey, The story of the fourth Canadian division, 1916–1919 (Aldershot, Angleterre, [1919]).— W. W. Murray, The history of the 2nd Canadian Battalion (East. Ontario Regiment), Canadian Expeditionary Force, in the Great War, 1914–1919 ([Ottawa], 1947).— Nicholson, CEC.— The storied province of Quebec ; past and present, W. [C. H.] Wood et al., édit. (5 vol., Toronto, 1931–1932), 3 : 22s.
Jean-Pierre Gagnon, « WATSON, sir DAVID », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/watson_david_15F.html.
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Auteur de l'article: | Jean-Pierre Gagnon |
Titre de l'article: | WATSON, sir DAVID |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
Année de la révision: | 2005 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |