DRUMMOND, sir GEORGE ALEXANDER, industriel, financier et sénateur, né le 11 octobre 1829 à Édimbourg, fils de George Drummond, entrepreneur, et de Margaret Pringle ; le 15 septembre 1857, il épousa à Montréal Helen Redpath, fille de John Redpath* et de Janet McPhee (Macphee), et ils eurent cinq garçons et deux filles, puis le 11 septembre 1884 dans la même ville Grace Julia Parker*, veuve de George Hamilton, et de ce mariage naquirent deux fils ; décédé le 2 février 1910 à Montréal.

Issu d’une famille à l’aise, George Alexander Drummond reçoit une solide formation dans sa ville natale où il termine des études secondaires ; il aurait ensuite étudié la chimie à la University of Edinburgh. En 1854, John Redpath, qui a épousé en secondes noces Jane, la sœur de Drummond, invite ce dernier à venir s’établir à Montréal et à prendre la direction technique de la raffinerie de sucre qu’il est en train de construire près du canal de Lachine.

Jusqu’en 1876, le destin de Drummond est rivé à celui de l’entreprise Redpath devenue, en février 1857 avec l’association de John Redpath et de son fils Peter, la John Redpath and Son. Son mariage en septembre de cette année avec la fille de John favorise son avancement rapide au sein de la compagnie. À l’été de 1862, John Redpath prend sa retraite et un contrat, enregistré le 4 juillet, fait de John James Redpath, autre fils de John, et de George Alexander Drummond des associés de la John Redpath and Son. Cette association est dissoute le 31 décembre 1867. Peter Redpath et Drummond continuent seuls l’entreprise jusqu’au 1er janvier 1872, au moment où ils recrutent un nouvel associé, Francis Robert Redpath.

En tant qu’administrateur d’une importante société exportatrice, Drummond s’intéresse vivement à la politique. Il est partisan du projet d’une grande confédération canadienne, pourvu, cependant, que la viabilité du nouveau pays soit assurée par une politique tarifaire protectionniste. D’où son allégeance en 1866 à la Tariff Reform and Industrial Association et son militantisme au sein du Parti libéral-conservateur. C’est l’époque où il noue des amitiés durables avec les sommités de ce parti. Ce sont elles qui le poussent à poser sa candidature dans Montréal-Ouest au moment des élections fédérales de 1872 contre le libéral John Young*, partisan d’un traité de libre-échange avec les États-Unis. Il essuie une cuisante défaite et, plus grave encore, deux ans plus tard les électeurs portent au pouvoir les libéraux plutôt libre-échangistes d’Alexander Mackenzie*.

Aux yeux de Drummond, c’est une calamité. En plus, la crise qui paralyse l’économie atlantique et le dumping effectué par les industries étrangères met les raffineries en sérieuse difficulté. La John Redpath and Son ferme ses portes au début de mars 1876, privant 300 hommes de leur emploi. Encouragé par ses amis de la Banque de Montréal, Drummond effectue un long séjour en Europe, tant pour étudier les nouveaux procédés de raffinage en Allemagne que pour visiter sa terre natale et l’Europe. Il est de retour en 1878. Réélu avec un programme protectionniste, le gouvernement de sir John Alexander Macdonald* fait appel à ses conseils pour implanter la Politique nationale. La nouvelle échelle tarifaire sur les importations, en vigueur en 1879, comprend un droit spécifique de un cent par livre, plus un droit ad valorem pouvant atteindre 35 % sur le sucre raffiné. Les libéraux objectent que cette échelle rendra Peter Redpath millionnaire. L’heure est à la reconstruction. Le 11 juin de cette année-là, Drummond obtient la constitution juridique de la Canada Sugar Refining Company Limited, société par actions dont il assume la présidence. L’année suivante, Peter Redpath se retire en Angleterre, ce qui amène la dissolution, le 31 décembre, de la John Redpath and Son.

Durant les années 1880, Drummond émerge de plus en plus comme un porte-parole autorisé du milieu montréalais des affaires. John Redpath, l’un des actionnaires principaux et des administrateurs les plus influents de la Banque de Montréal, lui a pavé la voie dans ce domaine. En 1882, Drummond est nommé administrateur de la Banque de Montréal. Membre du Bureau de commerce de Montréal depuis 1864, au moment où Peter Redpath en assumait la présidence, il en est vice-président en 1884 et en 1885, puis président de 1886 à 1888. Sous sa direction, le nombre des membres fait plus que tripler. En 1888, Macdonald le nomme au Sénat. Il est l’un des sénateurs les plus écoutés en matière de commerce, de finance et de fiscalité. Il préside pour un temps, même sous le gouvernement de Wilfrid Laurier*, le comité permanent du commerce et des banques. Tant au Bureau de commerce qu’au Sénat, ses avis sont décisifs. C’est lui qui convainc le gouvernement canadien d’absorber la dette résultant de l’approfondissement du chenal entre Montréal et Québec, qui veille en 1890 à réviser la loi sur les banques de 1871 afin de rendre davantage accessibles les prêts bancaires aux industriels et qui, en mars 1899, prend la tête d’un mouvement de protestation contre le droit de taxer le capital fixe que réclame la ville de Montréal. De ce mouvement naît la Montreal Manufacturers’ Association. Adversaire de toute forme d’union commerciale avec les États-Unis, il suggère cependant, le 4 février 1889, un traité commercial avec les Antilles et les pays d’Amérique latine.

Sa présence au Sénat n’empêche pas Drummond d’être très actif au sein de la Banque de Montréal, dont il est vice-président de 1887 à 1896, président de fait de 1897 à 1904, soit pendant le séjour à Londres du président, lord Strathcona [Smith*], et président en titre de 1905 à sa mort. Sa nomination au conseil d’administration reflétait l’influence croissante des industriels à la Banque de Montréal. Cette alliance de l’industrie et de la finance se traduit au fil des ans par la mise en place d’une politique favorable aux industriels : prêts à long terme et prêts consentis contre la garantie de certificats d’entrepôt. Sous la gouverne de Drummond, la Banque de Montréal pratique une politique d’expansion vigoureuse mais prudente : elle ouvre quelque 110 succursales de 1884 à 1910 et son personnel passe de 300 à 1 000 employés. Elle appuie surtout le développement industriel de Montréal et les entreprises des bourgeois montréalais dans les Antilles et au Mexique – les nouveaux entrepreneurs du sud de l’Ontario ne doivent compter que sur le réinvestissement de leurs bénéfices. Elle pratique aussi la concentration bancaire et, en 1892, avec la Banque royale du Canada (fondée en 1859), elle met sur pied la Royal Trust and Fidelity Company, qui peut faire des opérations qui ne sont pas encore du ressort des banques : exécution de fidéicommis et administration de successions. Drummond investit personnellement et appartient aux conseils des sociétés qui entretiennent d’étroites relations avec la Banque de Montréal : Royal Trust Company, Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique, Mexican Light and Power Company, Trinidad Electrical Company, Demerara Electric Company, Intercolonial Coal Mining Company, Ogilvie Milling Company, Canada Jute Company et Compagnie du Labrador.

Nommé chevalier commandeur de l’ordre de Saint-Michel et Saint-Georges en 1904 et commandeur de l’ordre royal de Victoria en 1908, sir George Alexander et son épouse vivent sur le pied de grands bourgeois. Outre leur résidence urbaine, rue Sherbrooke, ils possèdent une résidence d’été à Cacouna, Gads Hill, et un superbe domaine, Huntlywood, dans ce qui deviendra Beaconsfield. Là, ils font l’élevage d’animaux de race qui remportent de nombreux prix au Canada et aux États-Unis, et tiennent à la disposition de leurs amis un terrain de golf – Drummond avait été le premier président de l’Association royale de golf du Canada en 1895. Tous deux s’intéressent aux lettres, aux arts et à toutes les activités qui élèvent la nature morale de l’homme. Lady Drummond, qui est membre de la Women’s Canadian Historical Society, devient la première présidente de la section montréalaise du National Council of Women of Canada présidé par lady Aberdeen [Marjoribanks*]. Au cours de ses voyages et par l’intermédiaire d’artistes et de commerçants, le couple a acquis l’une des plus belles collections de peintures du continent. On y trouve cinq Turner, au moins, ainsi que des toiles de Corot, Vélasquez, Van Dyck, Rubens et Lorrain. Doté d’un jugement très sûr en art, Drummond a été président de l’Association des beaux-arts de Montréal de 1896 à 1899. Avec sa femme, il est aussi très engagé dans les œuvres philanthropiques. Un des fondateurs du St Margaret’s Home for Incurables, en 1894, il a donné à cette œuvre de bienfaisance charitable la célèbre maison de sir William Collis Meredith construite en 1845 par l’architecte John Wells. Membre de la Citizens’ League, qui a pour but d’améliorer la qualité de la vie dans la ville de Montréal, il sera aussi président du Royal Edward Institute pour la prévention de la tuberculose, fondé en 1909 grâce à la générosité de Jeffrey Hale Burland*.

Atteint d’une maladie de cœur vers 1908, c’est à Huntlywood que sir George Alexander Drummond se retire. Il meurt le 2 février 1910. Avec lui disparaît l’un des derniers survivants de la vieille élite financière qui a porté Montréal au rang de métropole.

Michèle Brassard et Jean Hamelin

AC, Montréal, Cour supérieure, Déclarations de sociétés, 1, n° 1101 (1857) ; 3, n° 4488 (1868) ; 4, n° 5942 (1872) ; 9, n° 752 (1881) ; 10, n° 277 (1882) ; 13, no 794 (1887) ; État civil, Anglicans, Church of St John the Evangelist (Montréal), 4 févr. 1910.— ANQ-M, CE1-70, 11 sept. 1884 ; CE1-126, 3 sept. 1827, 15 sept. 1857.— Baker Library, R. G. Dun & Co. credit ledger, Canada, 5 : 393.— Gazette (Montréal), 2 mars 1876, 3 févr. 1910.— Globe, 3 févr. 1910.— Monetary Times, 10 sept. 1897, 31 mars 1899, 20 avril 1900, 22 mars, 5 juill. 1901, 5 févr. 1910.— Montreal Daily Star, 3 févr. 1910.— Annuaire, Montréal, 1881–1902.— Atherton, Montreal, 3.— The book of Montreal, a souvenir of Canada’s commercial metropolis, E. J. Chambers, édit. (Montréal, 1903).— Canada, Chambre des communes, Débats, 1878 ; Sénat, Débats, 1879, 1889–1890, 1895, 1897, 1903.— The Canadian parliament : biographical sketches and photo-engravures of the senators and members of the House of Commons of Canada (Montréal, 1906).— The centenary of the Bank of Montreal, 1817–1917 (Montréal, 1917).— E. A. Collard, The Montreal Board of Trade, 1822–1972 : a story ([Montréal], 1972).— CPG, 1908.— Merrill Denison, la Première Banque au Canada ; histoire de la Banque de Montréal, P.-A. Horguelin et J.-P. Vinay, trad. (2 vol., Toronto et Montréal, 1966–1967), 2.— DNB.— Les Femmes du Canada : leur vie et leurs œuvres (s.l., 1900).— P.-A. Linteau, Maisonneuve ou Comment des promoteurs fabriquent une ville, 1833–1918 (Montréal, 1981).— Naylor, Hist. of Canadian business.— Guy Pinard, Montréal : son histoire, son architecture (4 vol. parus, Montréal, 1986-  ).— Québec, Statuts, 1892, c.79.— Redpath centennial, one hundred years of progress, 1854–1954 (Montréal, 1954).— Rumilly, Hist. de la prov. de Québec, 7.— The storied province of Quebec ; past and present, William Wood et al., édit. (5 vol., Toronto, 1931–1932), 4.— Robert Sweeny, Guide pour l’étude d’entreprises montréalaises et leurs archives avant 1947 (Montréal, [1978]).— Terrill, Chronology of Montreal.— Beckles Willson, The life of Lord Strathcona and Mount Royal, G.C.M.G., G.C.V.O. (2 vol., Boston et New York, 1915), 2.

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Michèle Brassard et Jean Hamelin, « DRUMMOND, sir GEORGE ALEXANDER », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/drummond_george_alexander_13F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
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