SHAKÓYE:WA:THAˀ (Sagoyewatha, Otetiani, Red Jacket ; d’après la traduction que Wallace L. Chafe a faite du tsonnontouan moderne, son nom signifie « il leur fait chercher cela en vain », bien qu’on lui ait généralement donné le sens de « il les tient éveillés »), chef et orateur tsonnontouan, né vers 1750 à Canoga ou à Ganundasaga (près de Geneva, New York) ; décédé le 20 janvier 1830 dans la réserve du ruisseau Buffalo (Buffalo, New York).

Red Jacket appartenait au clan du Loup par sa mère, Ahweyneyonh. Son père, peut-être un Goyogouin, mourut quand il était jeune. Marié au moins deux fois, Red Jacket eut dix enfants ou plus avec sa première femme, mais aucun ne lui survécut. Connu comme un défenseur bourru, égocentrique mais aussi merveilleusement éloquent des valeurs de la culture iroquoise, il les maintint à l’encontre des Blancs et de leurs institutions pendant le premier tiers du xixe siècle. Même si sa réputation se bâtit en grande partie aux États-Unis, ce fameux orateur ne fut pas sans exercer quelque influence dans le Haut-Canada et auprès de sa population autochtone. Le présent résumé de sa vie porte sur la part de ses réalisations qui concerne en particulier le Canada et laisse par conséquent dans l’ombre certains de ses plus éloquents discours. Il faut souligner, cependant, que ces allocutions contenaient souvent sur les relations entre Indiens et Blancs des remarques qui étaient vraies des deux côtés de la frontière. « Vos ancêtres ont traversé la grande mer et accosté dans cette île [l’Amérique du Nord], disait-il à ses auditeurs blancs. Ils étaient peu nombreux [...] Ils ont demandé une petite place. Nous avons eu pitié d’eux et nous nous sommes rendus à leur demande ; et ils se sont assis parmi nous. Nous leur avons donné du maïs et de la viande ; ils nous ont donné du poison en retour. »

Jeune homme doué, Red Jacket (alors connu sous le nom d’Otetiani) attira l’attention des officiers britanniques pendant la Révolution américaine. Ils l’employèrent comme messager et lui remirent la veste écarlate qui lui valut son nom anglais. Il participa avec les troupes indiennes et loyalistes aux batailles d’Oriskany, de Wyoming et de Newtown ainsi qu’au raid lancé dans la région de Schoharie [V. Kaieńˀkwaahtoń* ; Thayendanegea*]. Malgré le prestige dont il jouissait parmi les militaires britanniques, probablement à cause de son intelligence, Red Jacket acquit une piètre réputation comme guerrier. À Oriskany, il s’enfuit du champ de bataille. Pendant la campagne de Cherry Valley, il se plaignit que la saison était trop avancée et rentra chez lui avant le combat. Une autre fois, il exhiba une hache ensanglantée, mais il s’avéra qu’il avait tué une vache et non un rebelle. Plus tard, Joseph Brant [Thayendanegea] et d’autres allaient se moquer de son manque de courage.

Après la guerre, Red Jacket devint bientôt un orateur en vue dans les nombreux conseils qui établirent la paix entre les Tsonnontouans et les nouveaux États-Unis. À cette époque, les Tsonnontouans de l’état de New York et les Iroquois installés depuis peu à la rivière Grand, dans le Haut-Canada, se trouvèrent engagés dans la lutte de pouvoir que se livraient la Grande-Bretagne, les États-Unis et les autochtones de la vallée de l’Ohio et des lacs Supérieur, Michigan et Huron pour s’assurer la suprématie à l’ouest et au nord de la rivière Ohio [V. Thayendanegea]. Ni les Tsonnontouans ni les Iroquois de la rivière Grand ne souhaitaient s’allier aux Indiens de l’Ouest, même s’ils étaient favorables à leurs revendications. Comme les Tsonnontouans penchaient de plus en plus du côté des Américains, leurs relations avec les Iroquois de la rivière Grand se détériorèrent ; Red Jacket aurait même déclaré en 1794, après une partie de crosse entre les deux tribus qui s’était terminée par des actes de violence, que les Tsonnontouans devaient partir en guerre contre les Agniers de la rivière Grand.

L’inimitié qui s’était installée entre l’ambitieux Red Jacket et l’influent Brant pendant les années 1790 eut d’autres répercussions une décennie plus tard. Brant se trouva engagé dans un différend avec la section haut-canadienne du département des Affaires indiennes, dirigée par William Claus, et le gouvernement de la colonie au sujet de la nature des titres que les Indiens détenaient sur les terres des Six-Nations, à la rivière Grand. En 1805, soutenus par Red Jacket, Claus et le groupe des Iroquois de la rivière Grand qui s’opposaient à Brant convoquèrent à Niagara (Niagara-on-the-Lake) un conseil réunissant des Iroquois des deux côtés de la frontière. À cette occasion, le chef de guerre Brant et ses alliés furent démis de leurs fonctions. Brant contesta avec succès la légitimité de cette décision et demeura à son poste pendant les deux dernières années de sa vie. Au début du xixe siècle, la destitution des chefs était pratique courante dans les réserves iroquoises, où les rivalités entre groupes politiques dominaient. En 1827, la faction chrétienne des Tsonnontouans enleva à Red Jacket lui-même le poste de chef qu’il occupait depuis trois décennies. Mais, comme Brant, il fit valoir son droit de le réintégrer.

Quand la guerre de 1812 éclata, chacun des belligérants considéra les communautés iroquoises de son territoire comme un réservoir de soldats. Le grand prophète tsonnontouan Skanyadariyoh (Handsome Lake) prêchait la neutralité, mais tous n’étaient pas de son avis. L’éloquence de Red Jacket contribua à faire pencher les Iroquois de l’état de New York du côté des Américains. Lors d’un conseil, ils déclarèrent la guerre au Haut et au Bas-Canada.

À l’été de 1813, Red Jacket, âgé de plus de 60 ans, partit en campagne avec le titre de grand chef. La même année, les Tsonnontouans envahirent le Haut-Canada avec les Américains, et Red Jacket participa le 17 août 1813 à l’attaque du fort George (Niagara-on-the-Lake), où les Indiens montrèrent « beaucoup de bravoure et d’énergie ». L’été suivant, les Américains traversèrent de nouveau la frontière avec 500 Tsonnontouans. Le 5 juillet 1814, Red Jacket combattit à Chippawa, où 200 Iroquois de la rivière Grand se trouvaient parmi les troupes britanniques et canadiennes. Les pertes iroquoises furent lourdes dans les deux camps, et on se mit à douter de la sagesse de se mêler à une guerre d’hommes blancs. À l’instigation de Red Jacket, une délégation d’Iroquois de l’état de New York rencontra les Iroquois de la rivière Grand à la mi juillet pour discuter d’un retrait des combats.

Red Jacket retourna au ruisseau Buffalo, où il maintint sans relâche une position conservatrice, résistant à l’influence croissante des Blancs sur son peuple. Quand un Tsonnontouan fut jugé pour l’exécution d’un sorcier en 1821, Red Jacket prit sa défense. En 1824, il parvint même à expulser pendant une courte période les missionnaires blancs des réserves tsonnontouanes. Il affirmait que les missionnaires chrétiens feraient mieux d’améliorer les gens de leur race. « Allez donc enseigner aux Blancs, disait-il à l’un d’eux. Prenez par exemple les gens de Buffalo. Nous vous regarderons et resterons silencieux. Améliorez leur morale et affinez leurs habitudes ; faites en sorte qu’ils soient moins disposés à tromper les Indiens [...] Faites-nous connaître l’arbre par ses fleurs, et les fleurs par leurs fruits. Quand cela sera devenu clair pour nous, nous serons peut-être davantage prêts à vous écouter. Mais d’ici là, on doit nous laisser observer la religion de nos ancêtres. » Quand sa deuxième femme embrassa la religion chrétienne, il la quitta, même s’ils se réconcilièrent plus tard. On raconte qu’il aurait dit au moment de mourir : « Assurez-vous que ma tombe ne soit pas l’œuvre d’un homme blanc ; ne les laissez pas me poursuivre jusque-là ! » Il repose maintenant au cimetière de Forest Lawn, à Buffalo, dans une tombe creusée par des Blancs.

Thomas S. Abler

Wis., State Hist. Soc. (Madison), Draper mss, sér. S.— W. F. Chafe, Handbook of the Seneca language (Albany, N.Y., 1963).— T. L. McKenney et James Hall, The lndian tribes of North America, with biographical sketches and anecdotes of the principal chiefs, nouv. éd., F. W. Hodge et D. I. Bushnell, édit. (3 vol., Édimbourg, 1933–1934 ; réimpr., St Clair Shores, Mich., 1976), 1 : 5–32.— W. L. Stone, The life and times of Sa-go-ye-wat-ha, or Red Jacket, by the late William L. Stone ; with a memoir of the author by his son (Albany, 1866) ; Life of Joseph Brant.— Thayendanegea [...] (2 vol., New York, 1838 ; réimpr., New York, 1969, St Clair Shores, 1970).— H. S. Manley, « Red Jacket’s last campaign, and an extended bibliographical and biographical note », N.Y. Hist. (Cooperstown, N.Y.), 31 (1950) : 149–168.— A. C. Parker, « The Senecas in the War of 1812 », N. Y. State Hist. Assoc., Proc. (s.l.), 15 (1916) : 78–90 ; « The unknown mother of Red Jacket », N.Y. Hist., 24 (1943) : 525–533.— G. F. G. Stanley, « The significance of the Six Nations participation in the War of 1812 », OH, 55 (1963) : 215–231.

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Thomas S. Abler, « SHAKÓYE:WA:THAˀ (Sagoyewatha, Otetiani) (Red Jacket) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/shakoye_wa_tha_6F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
Année de la révision:    1987
Date de consultation:    1 décembre 2024