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MASSEY, WALTER EDWARD HART, homme d’affaires, éditeur, fermier et éducateur, né le 4 avril 1864 à Newcastle, Haut-Canada, fils de Hart Almerrin Massey* et d’Eliza Ann Phelps ; le 11 juillet 1888, il épousa à Lowell, Massachusetts, Susie Maria Denton, et ils eurent trois filles et un fils ; décédé le 28 octobre 1901 à Dentonia Park Farm, à l’est de Toronto.
En 1871, Walter Edward Hart Massey quitta Newcastle avec sa famille pour s’installer à Cleveland, dans l’Ohio. Les Massey étaient méthodistes ; à l’âge de 12 ans, Walter « fit profession de suivre Jésus », et dès l’âge de 14 ans, il dirigeait un groupe de fidèles au temple. Il fit ses études à Cleveland, dans des établissements publics et dans une école privée, la Brooks School. L’été, avec sa famille, il participait aux programmes éducatifs et religieux de la Chautauqua Assembly, dans l’ouest de l’État de New York. En 1883, il s’inscrivit dans une université méthodiste épiscopale, la Boston University.
Un des frères de Walter, Charles Albert, dirigeait alors l’entreprise familiale de machinerie agricole à Toronto. À la suite de son décès en février 1884, Massey père en reprit les rênes. Rappelé de Boston, Walter entra à la Massey Manufacturing Company en octobre ; l’année suivante, il accéda officiellement au poste de secrétaire-trésorier. Son frère aîné Chester Daniel occupait la vice-présidence, mais ce fut lui, dégourdi et plus sociable, qui devint le principal collaborateur de son père. Dès 1887, il s’occupait de la publicité.
En 1887–1888, accompagné de son frère Frederick Victor et de sa sœur Lillian Frances*, Walter fit le tour du monde. Ce périple consolida sa position au sein de la compagnie. Il ouvrit une succursale en Australie et eut l’ingénieuse idée de communiquer son récit de voyage sous forme de lettres aux employés. Dans la dernière de ces missives, qui furent publiées par la suite, il annonçait : « ce sera mon but dans l’existence de faire ma modeste part pour amener les ouvriers canadiens à un modèle de vie supérieur ». Moins motivé par les besoins des travailleurs que par la conception que l’on avait dans sa famille de l’éducation populaire et de l’élévation religieuse, il entreprit d’atteindre cet objectif à sa manière. Passionné de photographie, il donna à l’usine Massey une conférence sur son voyage en l’illustrant avec les clichés qu’il avait pris. Il fut du premier conseil d’administration de la Home Missionary Society du temple que fréquentaient ses parents et à l’église méthodiste Central, la sienne, il prit la tête de la Young Men’s Bible League dès sa naissance, en 1891.
On croit que Massey participa aux négociations qui débouchèrent en 1891 sur la fusion du groupe Massey et de son principal concurrent, la compagnie Harris de Brantford [V. John Harris*]. Nommé directeur adjoint de la Massey-Harris Company, chargé aussi de la réclame et de la promotion, il demeura proche de son père, qui en était président. Malgré des divergences de vues, il assuma des responsabilités de plus en plus grandes dans les périodes où celui-ci était malade ou s’occupait de ses œuvres philanthropiques. À la mort de son père en 1896, il devint président de ce qui était alors la principale entreprise de fabrication de machinerie agricole de l’Empire britannique.
Massey entra en fonction dans une conjoncture prometteuse. Solidement préparé à son rôle, il n’était ni rude ni procédurier comme son père. La critique sociale et agrarienne qui avait assombri le règne de celui-ci s’était atténuée. Dès 1897, l’économie montrait des signes de reprise. Le gouvernement libéral de Wilfrid Laurier* entendait maintenir à 20 % les droits de douane sur les instruments aratoires. Avec l’appui d’un noyau d’employés chevronnés, Massey prit la tête d’un programme prudent d’expansion. Il procéda à une restructuration financière et administrative, contracta de lourds emprunts, agrandit ses usines, continua de tirer parti du drawback et des marchés d’outre-mer, se départit de sa division de bicyclettes, tout en « travaillant mieux [ses] territoires traditionnels ». Il fit aussi une réclame constante à l’aide de la photographie, du cinéma et de lithographies accrocheuses sur des thèmes d’actualité tel le jubilé de diamant de la reine Victoria. Toutes ces mesures permirent à la Massey-Harris de presque doubler la valeur de sa production annuelle en l’espace de trois ans. D’un peu plus de 1,6 million de dollars qu’elle était en 1896, elle atteignit presque les 3,4 millions en 1899.
Au début de l’année 1900, toutefois, Massey dut affronter le plus grand défi de sa présidence : les géants américains de la machinerie agricole, McCormick et Deering, portaient leur rivalité sur le front canadien. En février, Massey, perplexe, estima que les importations américaines équivalaient aux deux tiers du chiffre d’affaires total de la Massey-Harris au Canada. Cette concurrence, dont il avait écarté la possibilité en 1893 en disant que c’était « largement du bluff », le prit par surprise, en partie parce que les Américains recouraient à des « modes de concurrence inconnus sur le marché [canadien] ». Peu de temps auparavant, il avait songé à faire marche arrière dans l’Ouest, où la Massey-Harris s’enlisait dans une énorme dette à cause de la vente à crédit. Mais l’heure n’était plus au repli. Sous sa direction, la compagnie se prépara à la riposte, notamment en produisant de grosses charrues conçues pour ces régions et en adoptant un prototype de la moissonneuse-batteuse d’aujourd’hui mis au point par la succursale australienne. D’autres facteurs assombrirent l’année 1900 : l’effet néfaste de la guerre des Boers sur le transport maritime, le progrès des Américains sur le marché européen et une grève des mouleurs à l’usine de Toronto, où Massey remplaça ces ouvriers par des machines.
Massey avait des intérêts beaucoup plus diversifiés que son père : il fut président ou simple administrateur d’au moins dix sociétés. Le fait qu’on retrouvait dans ces sociétés le même groupe d’habiles financiers et gestionnaires – méthodistes pour la plupart –, dont Joseph Wesley Flavelle*, George Albertus Cox*, Alfred Ernest Ames* et Samuel John Moore*, était un élément clé de leur fonctionnement et de la position éminente qu’occupait Massey. Par ailleurs, il fut vice-président du Bureau de commerce de Toronto et de la section de la machinerie agricole de l’Association des manufacturiers canadiens.
En dehors du secteur de la machinerie agricole, Massey s’en tira avec un succès variable. À titre de président de la Canada Cycle and Motor Company (formée en 1899 à partir de cinq compagnies ou divisions de bicyclettes, dont celle de la Massey-Harris, et dans laquelle sa coterie était active), il tira profit d’une émission d’actions fort controversée faite d’après ses propres estimations des coûts et des ventes, mais celles-ci n’étaient pas du tout pertinentes, et le résultat en bourse fut désastreux. Il s’en tira un peu mieux dans le domaine de l’édition, car là, sa participation se parait de visées littéraires et nationalistes. Une fois entré à la Massey Manufacturing Company, il avait encouragé l’expansion de son pédiodique, le Massey’s Illustrated. En janvier 1896, même si, de l’avis du Toronto Daily Star, il n’avait rien d’un lettré, il lançait la plus ambitieuse publication littéraire de l’entreprise, le Massey’s Magazine, afin d’encourager écrivains et artistes canadiens. Le marché ne put cependant soutenir son entreprise : pendant 18 mois, selon le Star, il essaya d’« intéresser les Canadiens à [ce] magazine à dix cents, et ne ménagea ni argent ni efforts. Il [...] permit sa fusion avec le Canadian Magazine seulement une fois convaincu qu’il avait entrepris une tâche désespérée ».
Avec non moins de zèle mais plus de bénéfices, Massey fonda en 1897–1898 un lieu de villégiature estivale et une ferme modèle à l’est de Toronto, près du hameau de Coleman. Il ne regarda pas à la dépense : les bâtiments furent conçus par des architectes et il fit venir du bétail de race jersiaise. Enclave familiale et « petit Chautauqua où se mêlaient le sport, l’expérimentation scientifique et la piété joyeuse », Dentonia était aussi une entreprise commerciale. On fit venir de Boston un laboratoire qui organisa la production de lait sur ordonnance, et en juin 1900, avec Ames, Moore et d’autres, Massey, partisan de la saine alimentation, fonda à Toronto la City Dairy Company Limited, un des premiers fournisseurs de lait pasteurisé au Canada.
Le « sens du devoir » de Massey impressionnait ses associés. Même si Chester s’occupait davantage que lui de l’administration de la succession paternelle, Walter demeurait « fier de son patronyme ». Ses propres intérêts ressortent dans le don d’une salle et d’une bibliothèque que fit la succession à l’Ontario Agricultural College and Expérimental Farm. À titre d’exécuteur, il s’efforçait de préserver la réputation de son père et son propre prestige. Réagissant promptement en 1896 aux « imputations mesquines » parues dans la presse à propos de « l’intégrité en affaires et [de] la bonne foi » des exécuteurs, lesquelles selon lui influençaient des membres du gouvernement ontarien, il suggéra au révérend John Potts, étant donné la munificence de Hart Massey, de contre-attaquer avec d’autres dirigeants méthodistes. En 1897, Walter et Chester furent bouleversés lorsqu’on insinua, dans une poursuite, que Massey père s’était attribué des actions qui appartenaient aux enfants de Charles. Les deux frères se réjouirent lorsqu’on parvint à un règlement, très onéreux pour la succession.
Toujours assoiffé d’approbation, Massey était d’un civisme débordant. Son intérêt pour la chose publique fut mis à l’épreuve lorsqu’on lui demanda, en 1900, à titre de libéral et de bailleur de fonds de Joseph E. Atkinson*, éditeur du journal libéral Daily Star, de poser sa candidature aux élections fédérales dans Toronto West. Il refusa en soulignant à Laurier que ses entreprises manufacturières requéraient son « attention constante ». Néanmoins, il avait assumé de nombreuses responsabilités : administrateur de la National Sanitarium Association (dont la succession Massey avait financé le sanatorium à Gravenhurst), membre du conseil d’administration de la Victoria University, parrain de l’œuvre des diaconesses de l’Église méthodiste, et de la Fred Victor Mission, et administrateur du Massey Music Hall, où il combattit pour l’exonération d’impôts que son père était censé avoir obtenue.
Sans doute moins animé de préoccupations sociales que son père, Massey souscrivait à l’opinion traditionnelle voulant que la régénération commence par l’individu plutôt que par la société. Et il mettait cette conviction en pratique : il exercerait une puissante influence à la Young Men’s Bible League jusqu’à sa mort. Doué pour l’enseignement de la Bible, il avait un rapport extraordinaire avec les jeunes. Il prenait la direction de groupes de fidèles à sa ferme et à sa maison de Toronto, organisait des excursions au camp des Massey sur le lac Sparrow dans la région de Muskoka et se servait, dans ses cours, de ses collections de photographies et de pièces archéologiques.
Décrit par le Globe comme « jeune d’allure et de manières, simple dans son attitude » et « toujours occupé à quelque chose », Massey n’était pas cher seulement à ses élèves. Raymond Hart* et Charles Vincent*, les fils de Chester, se souvenaient de lui avec tendresse, ainsi que des tours de bicyclette et d’automobile qu’ils faisaient avec lui à Dentonia, et des séjours au lac Sparrow où, rappelait Raymond, ce « fabuleux » oncle « accomplissait les exploits les plus prodigieux, comme abattre une couleuvre d’un coup de revolver ».
En septembre 1901, Massey contracta la typhoïde à Ottawa ; il mourut le mois suivant, à l’âge de 37 ans. Des dizaines de nécrologies, discours commémoratifs et résolutions de compagnie déplorèrent sa disparition précoce. Tous louaient sa bonté chrétienne ; quelques-uns reconnaissaient combien il avait goûté sa position sociale élevée et son existence quasi idyllique. Exprimant la mentalité des hommes d’affaires méthodistes progressistes de l’époque, Joseph Flavelle déclara que Massey avait « détenu en régisseur tout ce dont il était nanti, dans le dessein élevé de répondre avant tout devant Dieu de l’utilisation de ses talents pour le bien d’autrui ».
Walter Edward Hart Massey, dernier des dirigeants véritables de l’entreprise familiale, laissa une succession de plus de 760 000 $. De l’ensemble de ses actions de la Massey-Harris, il en légua 1 000, en fiducie, à des employés de la compagnie, à la Victoria University et à d’autres causes chères aux méthodistes ainsi qu’à divers établissements et œuvres de charité.
Walter E. H. Massey est l’auteur de The world’s fair through a camera, and how I made my pictures, introd. de W. H. Withrow (Toronto, 1894). D’autres photographies de Massey ou qu’on lui attribue se trouvent à la Massey College Library, mentionnée ci-dessous, et dans la collection privée de documents et souvenirs de famille qui appartient à Vincent Massey Tovell, de Toronto, un petit-fils. M. Tovell nous a donné accès à sa collection et nous a fourni des détails et des renseignements additionels dans une entrevue qui a eu lieu le 15 mars 1989. [d. r.]
AN, MG 26, G : 49407–49409, 58434–58442, 59559–59560, 60526–60531 ; MG 32, A1.— AO, RG 22, Ser. 305, no 15060 ; RG 55, I-2-B, liber 62 : f.70.— Arch. of Massey Hall/Roy Thomson Hall (Toronto), Board of Trustees of Massey Music Hall, minute-book, 1894–1933.— EUC-C, W. E. H. Massey, lettre du 2 janv. 1891.— Mass., Dept. of the State Secretary, Arch. Div. (Boston), Marriage records, Lowell, Mass., 11 juill. 1888.— Massey College Library, Univ. of Toronto, Massey papers, scrapbooks, and photograph albums (en dépôt).— Ontario Agricultural Museum Library and Arch. (Milton), Massey-Ferguson Arch.— QUA, J. [W.] Flavelle papers, box 67, J. W. Flavelle, memorial address on W. E. H. Massey.— Univ. of Toronto Library, Thomas Fisher Rare Book Library,
David Roberts, « MASSEY, WALTER EDWARD HART », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/massey_walter_edward_hart_13F.html.
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Auteur de l'article: | David Roberts |
Titre de l'article: | MASSEY, WALTER EDWARD HART |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1994 |
Année de la révision: | 1994 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |