Provenance : Bibliothèque et Archives Canada/MIKAN 2896447
STUART, JOHN, ministre de l’Église d’Angleterre, né le 24 février 1740/1741 dans le canton de Paxton (près de Harrisburg, Pennsylvanie), fils d’Andrew Stuart et de Mary Dinwiddie ; le 12 octobre 1775, il épousa Jane Okill, de Philadelphie, et ils eurent huit enfants ; décédé le 15 août 1811 à Kingston, Haut-Canada.
John Stuart obtint sa licence ès lettres du College of Philadelphia en 1763 et sa maîtrise ès lettres en 1770. Entre-temps, il avait été instituteur dans le comté de Lancaster, en Pennsylvanie. Élevé comme un presbytérien de stricte allégeance, il devint néanmoins anglican, tout probablement sous l’influence du principal du collège, William Smith, natif d’Aberdeen, qui avait reçu les ordres dans l’Église épiscopale d’Écosse. Ses qualités intellectuelles et sociales, et même sa taille, bien au-dessus de six pieds, lui valurent l’admiration de ses contemporains. En 1771, à la suite de sa nomination comme ministre de la Society for the Propagation of the Gospel in Foreign Parts à Fort Hunter, dans la colonie de New York, Stuart fut surnommé « le petit monsieur » par Charles Inglis, qui allait devenir plus tard le premier évêque anglican d’Amérique du Nord britannique.
Après le départ de John Ogilvie* en 1760, la mission de Fort Hunter fit l’objet de moins de soins particuliers qu’au cours de la décennie précédente. Deux missionnaires de la Society for the Propagation of the Gospel, Thomas Browne et Harry Munro, s’y rendaient régulièrement, mais les Blancs comme les Agniers avaient besoin d’être mieux desservis. Sir William Johnson*, surintendant des Affaires des Indiens du Nord et membre de la Society for the Propagation of the Gospel depuis 1766, fut donc très encouragé lorsqu’il reçut de vives recommandations en faveur de Stuart, lequel était désireux de s’atteler à la tâche. Dans une lettre qu’il adressait en avril 1770 à Samuel Auchmuty, rector de l’église Trinity, à New York, Johnson faisait le commentaire suivant : « Je souhaite sincèrement qu’il puisse se révéler d’un zèle et d’une attention proportionnés à sa taille, comme vous le dites vous-même. »
C’est ce qui arriva, en effet. Stuart quitta New York pour l’Angleterre le 27 mai 1770, puis fut ordonné au diaconat le 19 août et à la prêtrise le 24 août, dans les deux cas par l’évêque de Londres. Il retourna alors à New York sans délai, et, en décembre, il était déjà à l’œuvre à Fort Hunter. Il commença immédiatement à présider des services religieux dans la chapelle du fort, tant pour les Indiens que pour les Blancs, et à exercer son ministère auprès des Indiens de Canajoharie (près de Little Falls). C’est là qu’il rencontra pour la première fois Joseph Brant [Thayendanegea], qui, après être devenu veuf en 1771, vécut pendant peu de temps avec Stuart dans le presbytère agnier, près de Fort Hunter. Tous deux collaborèrent plus tard à la traduction en agnier de l’Évangile selon saint Marc ; en 1774, l’ouvrage était presque prêt à mettre sous presse, mais il ne fut imprimé qu’en 1787. Stuart dirigeait aussi une école pour les enfants indiens et présidait des services mensuels à Johnstown, situé à proximité de là. L’une de ses premières tâches pénibles fut d’officier aux funérailles de son ami et protecteur, sir William Johnson, en juillet 1774.
Les liens étroits que Stuart entretenait avec la famille Johnson, ouvertement loyale à la Grande-Bretagne, et ses propres opinions politiques, qu’il ne dissimulait point, le rendirent bientôt suspect auprès des commissaires du département des Affaires indiennes, qui avaient été nommés par le second Congrès continental avec mission de maintenir les diverses tribus dans la neutralité. À l’occasion d’une rencontre avec un commissaire, tenue à Albany en août 1775, le chef agnier Teiorhéñhsereˀ* demanda que Stuart ne fût point molesté. Cette requête fut apparemment bien accueillie, puisque Stuart demeura à Fort Hunter en 1776. Toutefois, en 1777 et au début de 1778, il fut de nouveau l’objet de suspicion, sa propriété fut mise à sac et son église pillée. Peu après, en juin 1778, des rebelles locaux le confinèrent, sur parole, à la ville de Schenectady. Se sentant menacé, il se rendit à Albany pour de brefs séjours en 1779 et au printemps de 1780, mais, l’une et l’autre fois, on ne tarda pas à lui ordonner de rentrer à Schenectady. En 1780, il fut autorisé à faire une courte visite à Philadelphie. Finalement, au début de 1781, sa situation devint si désagréable qu’il sollicita la permission de partir pour la province de Québec. Il obtint subséquemment d’être échangé contre un officier qui était prisonnier des Britanniques, puis il quitta Schenectady le 19 septembre 1781 et arriva à Saint-Jean (Saint-Jean-sur-Richelieu, Québec), le 19 octobre, après un voyage exténuant. Il était accompagné de sa femme et de trois enfants en bas âge ; on lui avait aussi permis d’amener des biens personnels, dont des esclaves noirs.
La loyauté envers la couronne britannique ne fut pas un choix facile pour John et Jane Stuart. Au moment où ils entreprirent leur difficile voyage, tous deux abandonnaient derrière eux des parents et des amis, de même que des biens. Ils ne se laissèrent point aller, toutefois, à l’amertume comme certains Loyalistes. L’année de son départ, Stuart écrivit à William White, futur évêque de Pennsylvanie, qu’il ne laissait derrière lui « aucun ennemi personnel, mais beaucoup d’ennemis politiques ». Pendant près de 30 ans, Stuart et White continuèrent de correspondre. En 1783, Stuart écrivait : « J’ai pris la liberté d’adresser chez vous une lettre à un de mes frères rebelles, pour qui je garde néanmoins un reste de tendresse. » Lorsque son jeune fils John fut de retour à Cataraqui (Kingston, Ontario) après avoir été reçu avec amabilité dans la maison de White à Philadelphie, en 1785, Stuart répondit à cette courtoisie avec la manière railleuse qui le caractérisait : « Je viens à peine de l’accueillir à la maison. Tout juste le temps de sauver ses principes politiques. Six mois de plus, et il était réconcilié avec le républicanisme. »
Stuart passa à Montréal quatre années actives, agréablement tranquilles après son bouleversant séjour dans la colonie de New York. Sir John Johnson* lui accorda une aumônerie dans le 2e bataillon du King’s Royal Régiment of New York. Il dirigea une école ouverte à toutes les confessions religieuses et fut pendant peu de temps l’assistant du ministre David Chabrand* Delisle, à Montréal, comme conférencier du soir dans la chapelle des récollets, alors utilisée par les anglicans. Il prêcha aussi occasionnellement à Saint-Jean, en plus d’avoir l’œil sur les Agniers de Fort Hunter qui s’étaient établis temporairement à Lachine [V. John Deserontyon]. À l’été de 1784, il voyagea jusqu’à Niagara (Niagara-on-the-Lake, Ontario), où il fut accueilli par un certain nombre de ses anciens paroissiens indiens qui s’étaient regroupés non loin de là et qui avaient construit une église sur ce qui est aujourd’hui le côté américain du fleuve. Allant et venant, il exerçait son ministère auprès des colons loyalistes. Comme les chances d’obtenir une paroisse dans la province de Québec n’étaient guère brillantes, il décida d’aller s’installer à Cataraqui où il espérait devenir rector et aumônier de la garnison. En août 1785, il y arrivait avec sa famille. Il devait y demeurer en permanence jusqu’à sa mort, en 1811.
Pendant ce quart de siècle, Stuart vit s’accroître la communauté, depuis le jour où l’on divisa en lots les terres adjacentes au fort. Sa contribution à la vie religieuse de la région de Kingston ne doit pas être sous-estimée. En effet, jusqu’à ce que l’âge eût commencé à l’affaiblir, dans la dernière décennie de sa vie, il se montra un missionnaire d’une énergie presque inépuisable. Peu après son arrivée, il ouvrit la première école à l’ouest de la rivière des Outaouais, d’abord chez lui, puis dans un édifice du gouvernement. Plus tard encore, en 1795, une grammar school fut fondée, et son fils George Okill* en devint le premier instituteur. Au début, les services religieux furent célébrés dans les casernes, puis dans une église neuve, connue sous le nom de St George, construite en 1792 et deux fois agrandie. La sœur de Joseph Brant, Mary [Koñwatsiˀtsiaiéñni*], fut membre de cette congrégation. Stuart surveilla de près les Indiens de la baie de Quinte et, en 1788, il visita l’établissement plus considérable des Six-Nations à la rivière Grand, apportant avec lui la plus grande partie de l’argenterie de la reine Anne, dont on se servait autrefois dans la chapelle de Fort Hunter (trois pièces restèrent chez les Agniers de la baie de Quinte). En 1792, il fit une tournée missionnaire de quelque 200 milles dans les campagnes environnant Kingston et, une autre fois, il parcourut 140 milles pour visiter les « établissements d’en bas », dans la région de Cornwall. En 1792, après avoir été nommé aumônier du Conseil législatif par le lieutenant-gouverneur Simcoe, Stuart visita Niagara, puis York (Toronto), chaque fois que cela était nécessaire. En 1789, il avait accompagné son ancienne relation Charles Inglis, alors évêque de la Nouvelle-Écosse, dans sa visite pastorale à Québec ; ce dernier le nomma commissaire des « établissements de l’Ouest », charge que lui confia aussi le premier évêque de Québec, Jacob Mountain*. Le poste de commissaire, dont le titre fut changé par la suite pour ‘celui d’« official », comportait beaucoup de visites dans les établissements de pionniers et la surveillance de quelques membres du clergé, au fur et à mesure que s’ouvraient de nouvelles missions. En 1799, sur sa propre requête et avec l’appui de l’évêque White, il reçut un doctorat honorifique en théologie de son vieux collège de Philadelphie.
En plus d’assumer ses fonctions officielles, Stuart se dévoua aux intérêts de ses huit enfants et consacra à leur bien-être une telle proportion de ses ressources que, même à sa mort, il n’avait amassé que peu de biens, à l’exception de quelques milliers d’acres de terre. Ainsi, lorsque sir John Johnson lui fit don de 500 acres dans l’île Amherst en 1803, il résolut de les utiliser comme la dot d’une de ses filles. Il donna lui-même la première instruction à plusieurs de ses enfants, envoya ses garçons à l’école et au collège de Schenectady, puis à la nouvelle maison d’éducation de l’évêque Inglis, à Windsor, en Nouvelle-Écosse ; il assuma pendant un an les frais de séjour de son fils aîné, George, à Harvard, et deux de ses filles fréquentèrent une école privée de Montréal. À sa mort, George, qui fut titulaire d’York pendant dix ans, lui succéda comme rector de St George ; son troisième fils, James*, avait été solliciteur général du Bas-Canada, tandis que le cinquième, Andrew*, se dirigeait vers une brillante carrière juridique et politique au Bas-Canada. Deux autres fils étaient shérifs locaux ; sa fille Mary avait épousé Charles Jones*, d’Elizabethtown (Brockville), homme d’affaires qui fut plus tard député à la chambre d’Assemblée et membre du Conseil législatif.
Durant les longues années qu’il vécut à Kingston, Stuart ne reçut aucun salaire de ses paroissiens, mais les revenus provenant de son poste d’official ou de sources gouvernementales, de même que la petite somme que lui versait la Society for the Propagation of the Gospel à titre de « missionnaire des Agniers », lui permirent de vivre dans le confort. Sa ferme de Kingston était pour lui un élément de sécurité, en plus de lui procurer une profonde satisfaction. Avant même de se fixer à Kingston, il écrivait : « J’aime beaucoup les travaux de la ferme et je me promets bien du plaisir grâce aux améliorations que j’ai l’intention d’apporter dans ce nouveau monde. »
Le jugement de Stuart sur les hommes était généralement bon, et invariablement objectif et personnel. De l’évêque Mountain, il écrivait après mûre réflexion : « c’est un homme de grand talent et un bon cœur ». Au sujet de John Strachan*, il disait en 1802 : « C’est un excellent jeune homme, mais je crains qu’il ne soit jamais un bon orateur. » II avait des doutes sur le bien-fondé de l’ordination de Richard Pollard*, missionnaire de la Society for the Propagation of the Gospel à Sandwich (maintenant partie de Windsor), et sa patience était continuellement mise à l’épreuve par les bizarreries et la bigoterie du ministre John Langhorn, son voisin d’Ernestown (Bath). La mentalité de Langhorn, qui était celle d’un partisan du traditionalisme de la High Church, l’amenait à affronter les « schismatiques », qu’ils fussent méthodistes ou presbytériens, sans consentir le moindre compromis. Il lisait apparemment ses sermons et, comme l’écrivait Stuart à l’évêque Inglis en 1788, dans sen désir d’être « attentif aux rites de l’Église [...] il pouss[ait] le scrupule jusqu’au plus petit détail ». Stuart, par ailleurs, n’était pas moins fidèle à ses principes que Langhorn. Étant originaire d’une colonie américaine, il fut cependant plus à l’aise dans une société de pionniers, s’y adapta plus facilement et obtint plus de succès dans son ministère que l’irritable Gallois. En 1792, il confia à la Society for the Propagation of the Gospel qu’il avait trouvé expédient, dans ses derniers voyages, de prononcer des discours sans les lire. À l’occasion, il faisait même une prière improvisée avant son sermon.
John Beverley Robinson*, qui vécut avec John Stuart pendant qu’il fréquentait l’école de Strachan à Kingston, se souvenait de lui bien des années plus tard comme d’un homme « mesurant environ six pieds deux pouces – ni corpulent ni mince –, mais ayant de beaux traits masculins, une poitrine bombée, une silhouette bien droite, des membres droits et bien formés, une démarche souple et virile, améliorée dans sa jeunesse par le goût de l’athlétisme et en particulier de l’escrime ». Jacob Henry Brooke Mountain, fils de Jacob et frère de George Jehoshaphat*, troisième évêque du diocèse de Québec, décrivait Stuart en ces termes : « un très beau vieillard, d’une haute taille et d’une complexion robuste, très aimable envers moi et envers tout le monde, bien que plutôt caustique et sec dans ses manières [...] Il était empressé et charitable, et cherchait à se tenir en santé et à se détendre en cultivant sa ferme et son jardin [...] et les beaux soirs d’été, il aimait s’asseoir au bord de l’eau pour jouer de la flûte. » Selon Strachan, Stuart était « le père de l’Église épiscopale dans la province ». Certes, ce jugement sur la contribution de Stuart à l’anglicanisme de l’Ontario est justifié, mais l’ensemble de son apport est plus considérable encore. Personnellement, aussi bien que par ses descendants et par ceux sur qui il eut de l’emprise, il exerça sur la vie canadienne du xixe siècle une influence que peu d’autres Loyalistes pouvaient égaler.
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Thomas R. Millman, « STUART, JOHN (1740/1741-1811) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/stuart_john_1740_1741_1811_5F.html.
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Auteur de l'article: | Thomas R. Millman |
Titre de l'article: | STUART, JOHN (1740/1741-1811) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1983 |
Année de la révision: | 1983 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |