DURNFORD, ELIAS WALKER, officier et ingénieur militaire, né le 28 juillet 1774 à Lowestoft, Angleterre, fils d’Elias Durnford et de Rebecca Walker ; décédé le 8 mars 1850 à Tunbridge Wells (Royal Tunbridge Wells, Angleterre).

Bien que né dans le Suffolk, au bord de la mer du Nord, Elias Walker Durnford passe les toutes premières années de sa vie à Pensacola (Floride), où son père est commandant du génie, puis lieutenant-gouverneur de la colonie britannique de la Floride-Occidentale. Vers l’âge de quatre ans, il revient en Angleterre mais sans ses parents, qui le confient à une tante. Après le retour de son père au lendemain de la guerre d’Indépendance américaine, Durnford, désireux de devenir à son tour ingénieur militaire, fréquente une école préparatoire à la Royal Military Academy de Woolwich (Londres) où il sera admis en octobre 1788. À l’âge de 18 ans, en avril 1793, il obtient une commission dans le Royal Regiment of Artillery ; en octobre, il devient lieutenant en second dans le génie royal. Sa première affectation l’amène aux Antilles, aux côtés de son père. En 1794, il dirige la construction des retranchements de Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe, là où il est fait prisonnier par la suite. Après 17 mois de captivité, il obtient sa libération en juillet 1796 en échange d’un officier français. Il reprend alors ses fonctions d’ingénieur en Angleterre, puis en Irlande. Avec sa nomination au poste de commandant du génie royal à Terre-Neuve en 1808, il doit renoncer à son « profond désir » de participer à la guerre d’Espagne.

À Terre-Neuve, Durnford s’occupe surtout de l’entretien et de la construction de batteries côtières ; on lui doit de plus un blockhaus sur le coteau Signal, près de St John’s. En 1813, il devient major dans l’armée puis lieutenant-colonel dans le génie royal et il accomplit, outre sa charge d’ingénieur, des tâches de garnison. On le nomme aussi aide de camp du commandant des troupes à Terre-Neuve. Pendant son séjour dans l’île, Durnford obtient une concession de quatre acres de terre, où il cultive la pomme de terre.

De 1816 à 1831, Durnford occupe le poste de commandant du génie royal au Bas et au Haut-Canada. Il réside d’abord dans une section restaurée de l’ancien palais de l’Intendant à Québec pour ensuite occuper, avec sa famille, la résidence officielle attribuée à sa fonction, rue Saint-Louis. La construction de la citadelle de Québec constitue sans aucun doute son œuvre majeure au Canada. Bien que cet ouvrage complète de façon substantielle le système défensif de la ville, le plan classique qu’il a arrêté manifeste la crainte constante qu’éprouvent les militaires à l’égard d’un soulèvement populaire. Toujours à Québec, Durnford dirige la reconstruction de la porte du Palais et mène les réparations à la cathédrale anglicane Holy Trinity. Par ailleurs, il coordonne la réorganisation des défenses coloniales selon le nouveau plan qu’avait élaboré le gouverneur Richmond [Lennox*] après la guerre de 1812 et que le duc de Wellington approuva. Plusieurs ouvrages militaires sont alors construits, entre autres à l’île Sainte-Hélène et à l’île aux Noix, ainsi qu’à Kingston, dans le Haut-Canada. Durnford travaille aussi à la canalisation des rivières Rideau et des Outaouais même si la construction du canal Rideau, sous la direction de son ami l’ingénieur John By, de 1826 à 1831, échappera à sa juridiction. En 1823, il signe un volumineux rapport sur l’état des fortifications et des édifices militaires au Canada. Il obtient en mars 1825 le grade de colonel dans le génie royal et, à ce titre, il sollicite avec succès auprès du gouverneur lord Dalhousie [Ramsay] d’être nommé, tout en conservant sa charge d’ingénieur, commandant des troupes pour le Bas-Canada, poste qui lui a échappé à son grand regret quelques mois plus tôt.

Durnford retourne en Angleterre en 1831, puis il est mis à la retraite six ans plus tard. En 1846, il obtient le grade suprême de colonel commandant dans le génie royal, et, dans l’armée, il se retrouve presque au sommet de la hiérarchie puisqu’il est fait lieutenant général.

Tout au long de sa carrière, Durnford se montre assidu au travail et d’une probité exemplaire, et semble être apprécié de ses collaborateurs et de ses supérieurs. À l’occasion des grandes saisons de travaux, il visite les chantiers très tôt le matin et s’affaire ensuite au bureau des ingénieurs jusqu’à l’heure tardive du souper. Soucieux de l’économie des fonds publics, il a une conduite irréprochable dans les nombreuses transactions effectuées au nom du gouvernement britannique pour l’achat des terrains nécessaires au glacis de la citadelle de Québec. Malgré ce zèle, il n’est pas à l’abri de tout reproche. En 1825, le Board of Ordnance l’accuse de laxisme dans l’administration du corps de génie au Canada, à cause notamment de nominations et d’arrangements salariaux conclus sans avoir suivi la procédure administrative habituelle. Comme la majorité des ingénieurs militaires à l’époque, Durnford s’acquitte mal de sa tâche quand il s’agit d’estimer correctement les coûts de construction des ouvrages militaires. Le cas de la citadelle de Québec est particulièrement révélateur : c’est un projet initialement évalué à £72 400 qui en coûte à la Trésorerie un peu plus du double.

Outre les principes professionnels, les valeurs familiales figurent parmi les plus importantes pour Durnford. Le 30 octobre 1798, il épouse Jane Sophia Mann, fille d’un avocat de Gravesend, en Angleterre. Ils ont 13 enfants dont 4 naissent à Terre-Neuve et 3 à Québec. Leurs six fils suivent les traces de leur père à titre d’officiers de l’armée britannique. Trois d’entre eux travaillent tour à tour auprès de Durnford comme commis au bureau du génie royal à Québec ; l’aîné et le benjamin entrent dans le corps de génie. La famille de Durnford le suit dans tous ses déplacements et, même durant sa retraite, deux de ses filles célibataires l’accompagnent.

Fervent conservateur, Durnford respecte les valeurs traditionnelles de son rang, quoiqu’il n’apprécie guère les réunions mondaines. Il pratique plusieurs sports dont le cricket. Que ce soit à Terre-Neuve, au Canada ou à Tunbridge Wells, il aime se détendre en jardinant et en ayant soin de quelques animaux. De plus, tout comme sa femme, il s’adonne à la lecture ; il savoure particulièrement les œuvres à caractère religieux et philanthropique de Hannah More, qu’il fait d’ailleurs acheter par la Garrison Library de Québec durant son mandat de président.

Il est difficile d’évaluer le niveau de fortune de Durnford. Certes, son salaire d’officier de génie, sa charge de commandant des ingénieurs ainsi que les différentes allocations auxquelles il a droit le placent presque au sommet de la rémunération de l’armée britannique. Il entretient continuellement plus d’un domestique, quelquefois trois ou quatre. Ses fils étudient dans des établissements privés en Angleterre, et il leur fournit des allocations dignes de leur rang. Enfin, Durnford voyage souvent. Cependant, malgré plusieurs démarches, dont un voyage de six mois aux États-Unis en 1820 et plusieurs recours judiciaires en 1838, il ne peut profiter des nombreuses terres que possédaient son père et l’une de ses tantes en Floride et à La Nouvelle-Orléans : on a confisqué ce patrimoine au moment de la perte des colonies, et les titres sont perdus. On ignore s’il touche quelque argent laissé par son père au bénéfice de sa mère mais, à la mort du second mari de sa mère, il hérite de £1 000 (cours d’Angleterre).

En somme, la carrière d’Elias Walker Durnford est principalement axée sur l’administration et ne comporte pas d’apport scientifique important au génie militaire. Le nom de Durnford demeure toutefois célèbre au sein du génie royal, puisque 11 membres de cette famille en perpétuent la présence pendant plus de 150 ans. Outre le père et deux des fils d’Elias Walker, on retrouve son frère Andrew et quatre de ses descendants, ainsi que deux autres Durnford dont on ignore la filiation. La lignée d’un autre fils d’Elias Walker, Philip, assure encore aujourd’hui la présence des Durnford au Canada.

André Charbonneau

Quelque temps avant sa mort, Elias Walker Durnford entreprend la rédaction de son autobiographie, œuvre qui ne sera jamais achevée. Une première partie fut publiée en 1850, l’année de sa mort, dans le Colburn’s United Service Magazine (Londres), part. ii : 605–614, sous le titre de « Scenes in an officer’s early life at Martinique, Guadeloupe, &c., during the years 1794 & 1795, recalled in advanced years ».

ANQ-Q, CE1-71 ; CN1-16 ; CN1-49.— APC, MG 24, F73 ; RG 8, I (C sér.), 393–441 ; II, 80–81.— Arch. privées, E. A. Durnford (Montréal), notes et doc.— PRO, CO 42/136–42/200 ; WO 55/860–55/868.— Family recollections of Lieut. General Elias Walker Durnford, a colonel commandant of the Corps of Royal Engineers, Mary Durnford, édit. (Montréal, 1863).— List of officers of the Royal Regiment of Artillery from the year 1716 to the year 1899 [...], John Kane et W. H. Askwith, compil. (4e éd., Londres, 1900).— A. J. H. Richardson et al., Quebec City : architects, artisans and builders (Ottawa, 1984).— Roll of officers of the Corps of Royal Engineers from 1660 to 1898 [...], R. F. Edwards, édit. (Chatham, Angl., 1898).— J. E. Candow, A structural and narrative history of Signal Hill National Historic Park and area to 1945 (Canada, Direction des parcs et lieux hist. nationaux, Travail inédit, no 348, Ottawa, 1979).— André Charbonneau et al., Québec ville fortifiée, du XVIIe au XIXe siècle (Québec, 1982).— Whitworth Porter et al., History of the Corps of Royal Engineers (9 vol. parus, Londres et Chatham, 1889–   ; réimpr. des vol. 1–3, Chatham, 1951–1954).— J.-P. Proulx, Histoire de St-John’s et de Signal Hill (Canada, Direction des parcs et lieux hist. nationaux, Travail inédit, no 339, Ottawa, 1978).— A. G. Durnford, « A unique record », Royal Engineers Journal (Brompton, Angl.), [nouv. sér.], 2 (1909).

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André Charbonneau, « DURNFORD, ELIAS WALKER », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/durnford_elias_walker_7F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1988
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