FLETCHER, EDWARD TAYLOR, architecte, arpenteur, auteur et fonctionnaire, né le 20 mai 1817 à Cantorbéry, Angleterre, fils de John Fletcher, capitaine dans le 72nd Foot de l’armée britannique ; le 21 octobre 1846, il épousa à la Christ Church de Montréal Henrietta Amelia Lindsay, fille de William Burns Lindsay, greffier de l’Assemblée législative de la province du Canada, et ils eurent quatre fils et trois filles ; décédé le 1er février 1897 à New Westminster, Colombie-Britannique.
Par suite de la nomination de son père au Bureau des douanes de Québec, Edward Taylor Fletcher immigra au Canada avec ses parents. Malgré son jeune âge, il garda un souvenir inoubliable de son arrivée à Québec le 20 octobre 1827, ainsi qu’en témoignent ses mémoires. La famille Fletcher logea d’abord rue du Palais (côte du Palais), puis elle s’établit à Mount Pleasant, hameau situé le long du chemin Sainte-Foy, près de Québec, et habité presque exclusivement par la bourgeoisie anglaise. Dès le mois de décembre 1827, Edward fréquenta l’école privée du révérend Daniel Wilkie*. En 1832, il devint pensionnaire au petit séminaire de Québec où il se fit remarquer par son goût pour la littérature et manifesta ses talents en poésie.
En 1838, Fletcher entra au service d’un cousin très lié à sa famille, l’architecte Frederick Hacker, également originaire de Cantorbéry. C’est de lui qu’il apprit les rudiments de la profession avant de devenir commis et plus tard associé. Mais sa carrière d’architecte fut de courte durée car, autour de 1841, il s’orienta vers l’arpentage. Néanmoins, il prit part à la construction ou à la rénovation de plusieurs édifices importants de la ville de Québec, dont l’église congrégationaliste (1840), située au coin de la rue du Palais et de la rue Sainte-Hélène (rue McMahon), et l’ancien palais de justice, ainsi que de plusieurs commerces et résidences cossues de notables anglophones.
Entré au service du département des Terres de la couronne le 21 décembre 1841, Fletcher reçut sa commission d’arpenteur le 7 mars 1842 et entreprit une longue carrière qu’il n’abandonna qu’au moment de sa retraite en 1882. Très tôt, il fut appelé à jouer un rôle important dans le développement de la profession d’arpenteur au Canada. En 1849, en vertu d’une loi de la province du Canada qui réglementait de façon beaucoup plus sévère la pratique de l’arpentage, on forma un bureau d’examen [V. John Knatchbull Roche*] établi à Toronto, et Fletcher en fut nommé secrétaire. Il ne séjourna toutefois que peu de temps au Haut-Canada : en 1851, on créait deux sections distinctes, et il devint secrétaire de celle du Bas-Canada. Les membres de ces bureaux étaient chargés de faire passer les examens aux candidats. C’est sans doute grâce à ses grandes connaissances en mathématiques que Fletcher fut appelé à remplir cette fonction.
Au cours de cette seconde carrière, Fletcher pratiqua très peu à titre privé et travailla surtout pour le compte du gouvernement. Il n’effectua que très peu de levés sur le terrain et ne signa qu’un petit nombre de plans d’arpentage. Ses tâches consistaient essentiellement à vérifier et à valider des travaux exécutés par les autres arpenteurs. En 1846, par exemple, il devait copier les plans, les diagrammes et les instructions aux arpenteurs, et effectuer diverses tâches administratives. Dans les années 1860, il porta les titres d’arpenteur principal, de dessinateur et d’inspecteur des arpentages, ce qui laisse entendre que son travail se déroulait dans un bureau. Néanmoins, associé à de grands projets qui l’amenèrent à voyager dans presque toutes les régions du Québec, il prit part, entre autres, aux travaux de vérification de la frontière entre le Bas et le Haut-Canada. Cette frontière, qui s’étendait du lac Saint-François jusqu’à la rivière des Outaouais, on dut l’arpenter à plusieurs reprises à compter de 1859 à cause de l’ambiguïté créée par l’Acte constitutionnel de 1791 ; son tracé final fut établi en 1862. L’année suivante, Fletcher explora la région du Saguenay, en vue de tracer la route entre Saint-Urbain et la baie des Ha ! Ha !, destinée à faciliter les communications avec le reste de la province. Nommé en 1878 arpenteur général adjoint de la province de Québec, en remplacement de Joseph Bouchette fils, il occupa ce poste pendant quatre ans.
Au début des années 1880, commencèrent à se former au Canada des corporations d’arpenteurs, dans le but de réglementer la profession aux prises avec de nombreux litiges nés du manque de compétence technique des arpenteurs et de l’absence d’une reconnaissance légale. Fletcher participa activement à la mise sur pied en 1882 de la Corporation des arpenteurs-géomètres de la province de Québec, et il en fut le secrétaire dès le début jusqu’à ce qu’il se retire en 1885. Il fit aussi partie du bureau d’examen de la corporation pendant la même période.
Fletcher est toutefois davantage connu pour sa contribution à la littérature canadienne-anglaise du xixe siècle. Doté d’une facilité incroyable pour les langues, il pouvait en parler et en écrire plusieurs, notamment le français, l’allemand et l’italien, en plus d’avoir des connaissances en grec, en latin, en hébreu et en sanskrit. Véritable érudit, il consacra beaucoup de temps à l’écriture et à la littérature. Sous différents pseudonymes, il collabora au Quebec Mercury (1834), au Quebec Transcript (1838–1839) et au Literary Garland de Montréal (1838–1851). Il publia en 1857 Essay on language (Toronto). Président pendant quelques années de la Toronto Literary Association, il fut également actif au sein de la Société littéraire et historique de Québec, et fit devant ses membres de nombreux exposés, dont « The twenty year’s siege of Candia » (1855), « The lost island of Atlantis » (1865) et « Notes of a journey through the interior of the Saguenay country » (1869). Il publia aussi à Ottawa les poèmes The lost island (Atlantis) ; a poem (1889 ; réédité en 1895) et Nestorius ; a phantasy (1892).
Musicien à ses heures, Fletcher jouait du violoncelle. Adepte du jeu d’échecs, il était reconnu par ailleurs comme un grand sportif, un tireur d’élite, et il pratiquait l’escrime. Collectionneur, il entretint des relations avec les artistes de Québec, dont Joseph Légaré*. Plus intéressé par l’histoire, la littérature et les arts, il ne se mêla pas à la vie politique. Par contre, au moment des troubles de 1837–1838, à l’instar de la plupart de ses concitoyens d’origine britannique, il s’enrôla. Malgré sa participation somme toute minime aux événements, dans les rangs des Quebec Engineer Rifles à partir de février 1838, il n’en partageait pas moins les idées de l’élite britannique sur les causes de la rébellion ; elle était, selon lui, l’œuvre de fomenteurs de troubles qui avaient exploité la misère de la population et elle avait retardé pour longtemps tout progrès politique. À la fin de sa vie, Fletcher n’avait toujours pas accepté qu’on ait indemnisé en 1849 les patriotes [V. James Bruce*] alors qu’on ne s’était jamais préoccupé de récompenser ou de remercier les citoyens qui avaient défendu la couronne.
Au début de sa retraite, Edward Taylor Fletcher continua à vivre à Québec mais, en 1887, il alla rejoindre ses enfants établis en Colombie-Britannique. Il termina ses jours auprès d’eux, d’abord à Victoria puis, les cinq dernières années, à New Westminster.
AN, MG 29, C26 ; Division des arch. cartographiques et architecturales, NMC-27270, NMC-44106–44108, NMC-44609–44611.— ANQ-M, CE1-63, 21 oct. 1846.— Daily Columbian (New Westminster, C.-B.), 1er févr. 1897.— « Arpenteurs du Bas et Haut Canada, 1764–1867 », BRH, 39 (1933) : 728.— Literary and Hist. Soc. of Quebec, Index of the lectures, papers and historical documents [...] 1829 to 1891, F. C. Würtele et J. C. Strachan, compil. (Québec, 1927).— Morgan, Bibliotheca canadensis.— Wallace, Macmillan dict.— Watters, Checklist of Canadian literature (1972).— N. L. Nicholson, The boundaries of the Canadian confederation (Toronto, 1979), 100–101.— J.-R. Pelletier, Arpenteurs-géomètres, un siècle, 1882–1982 (Québec, 1982), 1–6.— A. J. H. Richardson et al., Quebec City : architects, artisans and builders (Ottawa, 1984), 301, 308.— D. W. Thomson, Men and meridians : the history of surveying and mapping in Canada (3 vol., Ottawa, 1966–1969), 1.— Assoc. of Ontario Land Surveyors, Annual report (Toronto), 1935 : 131–134.
Gilles Langelier, « FLETCHER, EDWARD TAYLOR », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/fletcher_edward_taylor_12F.html.
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Auteur de l'article: | Gilles Langelier |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1990 |
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