CROW, NORTON HERVEY, fonctionnaire et organisateur dans le domaine du sport amateur, né le 6 juillet 1878 dans le canton de Pelham, Ontario, fils aîné de Judson Comfort Crow, instituteur, et de Casandria Marie Pettee ; il épousa Ella McKinley Harriman, et ils eurent une fille ; décédé le 14 septembre 1929 à Toronto.
Norton Hervey Crow venait d’un milieu loyaliste et presbytérien de la péninsule du Niagara. Vers 1898, il s’installa à Toronto pour occuper un poste de commis au Trésor provincial. Il s’était déjà taillé une belle réputation en pratiquant le baseball et le patinage de vitesse à la Central Young Men’s Christian Association – bastion du « christianisme centré sur la santé du corps » – lorsque, pendant les « guerres [du sport] amateur » de 1906 à 1909, il fut amené à exercer ses talents d’organisateur. À l’époque, la question de la rémunération des athlètes et des joueurs divisait les milieux sportifs. L’idée de ne pas les payer (amateurisme), issue du préjugé des aristocrates victoriens contre les salariés, renforçait l’idéal du jeu héroïque et désintéressé qui attirait la classe moyenne vers le sport, et avait pour conséquence de maintenir les coûts à un faible niveau. L’habitude de payer les sportifs (professionnalisme) vit le jour dans des concours tenus dans les fêtes foraines, dans des courses dont le vainqueur recevait un prix en argent (les championnats remportés par Jacob Gill Gaudaur*, Edward Hanlan* et William Joseph O’Connor* entraient dans cette catégorie) et dans la pratique de sports d’équipe tel le baseball, où il y avait un avantage immédiat à recruter de meilleurs joueurs en leur offrant des espèces sonnantes.
En raison de ces deux tendances opposées, la Canadian Amateur Athletic Union – l’association de clubs qui, à partir de Toronto, tentait de réglementer les principaux sports – était devenue ingouvernable. En 1906, son aile modérée quitta ses rangs, sous l’impulsion de l’Association des gymnastes amateurs de Montréal, et forma l’Amateur Athletic Federation of Canada, qui autoriserait un certain degré de collaboration entre professionnels et amateurs, selon la formule appliquée dans le baseball américain et le soccer britannique. Pendant quelques années, les dirigeants des deux associations rivales sillonnèrent le pays pour recruter des membres, tandis que les athlètes et les joueurs, les rédacteurs sportifs et les fanatiques du sport poursuivaient le débat.
Fervent partisan de l’amateurisme, Crow n’avait pas tardé, à titre de secrétaire de la Canadian Amateur Athletic Union, à s’imposer comme l’un des principaux animateurs de la campagne en faveur du maintien de cette tradition, avec d’autres Torontois : le journaliste John Ross Robertson*, les rédacteurs sportifs Francis Nelson* et William Abraham Hewitt*, le chef de police William Stark et l’avocat James George Bowes Merrick. Bien qu’ils aient érigé l’amateurisme en règle absolue et surclassé leurs rivaux en matière d’organisation, ils conclurent une trêve avec eux en septembre 1909. Les deux associations concurrentes fusionnèrent en une seule, l’Amateur Athletic Union of Canada, en novembre. Crow en devint le secrétaire et s’en révéla bientôt l’âme dirigeante.
Convaincu que la pratique du sport amateur pouvait favoriser le civisme et l’attachement aux institutions canadiennes, Crow se mit à faire des tournées dans les Maritimes, les régions intérieures de l’Ontario et les provinces de l’Ouest, où la Canadian Amateur Athletic Association avait exercé peu d’influence, afin d’y porter la bonne parole et d’amener les sports les plus populaires dans le sein de l’Amateur Athletic Union of Canada. En plus, il ferait en sorte que celle-ci intensifie ses efforts en vue d’envoyer des équipes de haut calibre aux Jeux olympiques et à d’autres compétitions internationales, et il l’aiderait à relancer l’activité sportive dans tout le Canada après la Première Guerre mondiale. Un organisme opposé au professionnalisme, fondé en 1914 à la suite de pressions dans l’Ouest, la Canadian Amateur Hockey Association, choisirait ce disciple de l’amateurisme comme premier secrétaire.
Énoncé dans des déclarations publiques et dans de volumineux rapports annuels, le programme par lequel Crow entendait réaliser ses objectifs comprenait de nouvelles installations, l’expansion de l’éducation physique dans les écoles, la formation d’entraîneurs et d’autres leaders ainsi que l’organisation de « Jeux olympiques canadiens ». Tenus tous les quatre ans, ces championnats amateurs, dont il eut l’idée en 1910, devaient selon lui faire naître au pays autant d’enthousiasme que les Olympiques en inspiraient dans le monde entier depuis leur lancement en 1896. Après avoir remarqué combien le sport avait contribué à l’effort de guerre, lui-même et ses collègues exercèrent des pressions pour que des ministères voués à ce domaine d’activité soient créés à l’échelle fédérale et provinciale. Le zèle de Crow ne s’étendait pas à la promotion du sport chez les femmes, mais à compter de 1924, il dut reconnaître la nécessité de tenir compte de la compétition féminine, surtout en athlétisme [V. Velma Agnes Springstead]. En 1924, lui qui avait dirigé l’équipe du Canada au Festival of Empire Games à Londres en 1911 proposa de tenir des « Jeux de tout l’Empire britannique […] entre les Jeux olympiques ». Cette manifestation offrirait un stimulant de plus aux athlètes canadiens, favoriserait l’accès à la pratique sportive à l’intérieur du pays et attiserait la fierté nationale.
En 1920, en qualité de commis au Trésor provincial, Crow s’était vu confier la mission de rédiger la version préliminaire d’une loi visant à réglementer la boxe (auparavant interdite mais très prisée des anciens combattants) et à promouvoir le sport amateur. L’Ontario Athletic Commission Act prévoyait la mise en œuvre d’un bon nombre de ses idées, entre autres la formation d’entraîneurs, la création d’un centre provincial d’entraînement près d’Orillia, l’augmentation du temps consacré à l’éducation physique dans les écoles et l’octroi de subventions à des organismes amateurs. Sous bien des aspects, ce texte législatif préfigurait la Loi sur la condition physique et le sport amateur, adoptée en 1961 par le Parlement canadien.
Ces projets, hélas, Norton Hervey Crow ne les vit guère se réaliser. En 1925, atteint de problèmes cardiovasculaires, bousculé par ses nouvelles fonctions de commis principal du Trésor et éprouvé par la mort subite de son père – survenue au cours du service inaugural de l’Église unie du Canada –, il quitta précipitamment l’Amateur Athletic Union of Canada. Il mourut quatre ans plus tard, âgé d’à peine 51 ans. En 1932, l’association créa le Norton Crow Memorial Award à l’intention de l’athlète amateur de l’année. Ce prix continue d’être décerné au meilleur athlète masculin à l’occasion du Prix sportif canadien. Aujourd’hui, on reconnaît sans peine les initiatives et la pensée de Crow dans les Jeux du Commonwealth (lancés en 1930) et les Jeux du Canada (1967), ainsi que dans les sciences de l’activité physique et le programme national de certification des entraîneurs.
AO, RG 80-2-0-120, nº 33209 ; RG 80-5-0-66, nº 6130.— Temple de la renommée des sports du Canada (Toronto), lettre d’Ella Crow à Douglas Fisher, 1966.— Toronto Daily Star, 16 sept. 1929.— Canadian annual rev., 1909 : 313–315.— Annuaire, Toronto, 1898–1925.— Bruce Kidd, « “Making the pros pay” for amateur sports : the Ontario Athletic Commission, 1920–1947 », OH, 87 (1995) : 105–128 ; The struggle for Canadian sport (Toronto, 1996).
Bruce Kidd, « CROW, NORTON HERVEY », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/crow_norton_hervey_15F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
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