WIMAN, ERASTUS, homme d’affaires, promoteur d’une union commerciale et auteur, né le 21 avril 1834 à Churchville, canton de Toronto, Haut-Canada, fils d’Erastus Wiman ; en 1860, il épousa Eleanor Anne Galbraith, et ils eurent trois fils et deux filles ; décédé le 9 février 1904 à St George, île Staten (ville de New York).

Erastus Wiman père mourut en septembre 1834, laissant sa femme seule avec leur unique enfant survivant. Le jeune Erastus fit quelques études à Toronto et, au début de son adolescence, il y travailla comme camelot. À l’âge de 16 ans, il devint apprenti typographe chez son cousin William McDougall, rédacteur gérant du North American. Lorsque le North American fusionna avec le Globe, en 1855, Wiman passa au service du propriétaire de ce journal, George Brown*, et, peu après, il devint directeur commercial. En 1856, de toute évidence avec McDougall, il fonda une librairie où l’on vendait aussi des journaux et mit sur pied une maison d’édition. Pendant neuf ans, il allait diriger ou éditer plusieurs publications, dont le Grumbler (hebdomadaire humoristique), le Canadian Agriculturist, la Market Review and Weekly Price Current et le rapport annuel du Bureau de commerce de Toronto. En 1859, il fut conseiller municipal du quartier St Andrew.

Voyant que Wiman était un bon directeur commercial, Robert Graham Dun, président d’une agence américaine de renseignements sur les gens d’affaires, la R. G. Dun and Company, lui confia la direction du bureau torontois en 1860. Deux ans plus tard, Wiman s’installa à Montréal pour diriger toutes les succursales canadiennes de l’agence. En 1865, il fut rédacteur en chef de la Trade Review de Montréal. En 1866, il fut muté à New York à titre d’associé du siège social de l’agence, la Dun, Barlow and Company. Quand Charles Barlow mourut en 1880, Wiman se porta acquéreur des intérêts de celui-ci et passa au poste de directeur général. Tout allait à merveille ; bientôt, il gagna 90 000 $ par an. Son principal lien avec son pays natal était la Compagnie du grand télégraphe du nord-ouest du Canada, qu’il mit sur pied en 1882 avec le capitaliste américain Jay Gould et dont il était président.

Mondain, amateur de chevaux de course, Wiman vivait au sein d’une famille unie, dans une immense résidence de l’île Staten. Il avait particulièrement à cœur de faire de cette île le noyau des réseaux de transport de New York, titre auquel aspirait aussi Manhattan. Vers 1885, il avait arraché aux Vanderbilt la propriété du service de bacs de l’île, acquis 10 milles de rives pour l’aménagement d’un port, construit un chemin de fer sur le pourtour de l’île et ouvert un parc d’attractions. Avec Robert Garrett, président de la Baltimore and Ohio Railroad Company, il érigea un pont de chemin de fer qui reliait directement l’île aux lignes principales du New Jersey.

Cependant, après que Garrett eut démissionné de la présidence, en 1887, des gens hostiles aux projets de Wiman acquirent des intérêts majoritaires dans la compagnie de chemin de fer, et les relations de Wiman avec celle-ci tournèrent à l’aigre. À l’époque, on disait que son avoir atteignait de 2 à 3 millions de dollars, mais la plus grande partie de son capital était immobilisée dans ses entreprises de l’île Staten, dont la valeur s’effondrait. En 1893, année de crise financière aux États-Unis, il était en difficulté. Ses propriétés de l’île firent l’objet d’un transfert et la Dun le congédia.

En 1894, Wiman fut accusé de contrefaçon par Dun. On le jugea coupable, mais le verdict fut annulé en 1896. L’année suivante, après être enfin devenu citoyen américain, il se présenta à un poste de conseiller municipal dans le New York métropolitain, mais il perdit. Il n’était plus le « duc de l’île Staten » et il connut des années de vaches maigres vers la fin de sa vie. En 1901, il eut une crise d’apoplexie dont il ne se remit jamais tout à fait. À la veille de sa mort en 1904, on vendit sa maison au rabais.

Wiman avait continué de porter beaucoup d’intérêt à son pays natal. Pendant ses années fastes, des amis canadiens avaient bénéficié de ses largesses ; il avait construit les Wiman Baths sur l’île Toronto (en 1882), soutenu financièrement le carnaval d’hiver de Montréal et tenté de se rendre utile au gouvernement fédéral de sir John Alexander Macdonald*. En 1885, il avait fondé le Canadian Club de New York, dont il avait été le premier président. Il avait promu la crosse et le cricket dans cette ville en y faisant venir des équipes canadiennes pour les matchs.

Wiman se signala surtout à l’attention des Canadiens en préconisant, à compter de 1887, une union commerciale avec les États-Unis. Il souhaitait que les deux pays abolissent leurs droits de douane mutuels, élèvent une barrière tarifaire entre eux et le reste du monde et mettent en commun leurs recettes douanières pour les redistribuer en fonction de leur population. Du côté américain, quelques gros hommes d’affaires de tendance protectionniste (dont Samuel J. Ritchie, avec qui Wiman avait des intérêts dans les richesses naturelles du Canada) appuyaient l’union commerciale, de même que quelques membres du Congrès qui représentaient des États ayant une frontière commune avec le Canada. Du côté canadien, le projet avait l’appui de groupes de fermiers de l’Ontario, de plusieurs journaux libéraux et de quelques grands personnages du Parti libéral, dont sir Richard John Cartwright* et John Charlton. En 1887–1888, après avoir été battu trois fois à des élections qui avaient porté sur la question tarifaire, le Parti libéral cherchait désespérément un nouveau programme économique. Cependant, les conséquences politiques de l’union commerciale – premier pas vers l’annexion – troublaient bien des libéraux. En 1888, le parti opta pour la réciprocité absolue, mais en 1891, il fut à nouveau défait par les conservateurs, qui avaient fait campagne en présentant ce choix comme une trahison.

Erastus Wiman défendit l’union commerciale en composant de nombreux opuscules et en prononçant des dizaines de discours au Canada et aux États-Unis. Souhaitait-il l’annexion ? Les analystes divergent d’opinion sur cette question. Dans la pensée continentaliste, l’annexion devait logiquement suivre l’union commerciale et fut prônée pendant un moment, après la victoire des conservateurs, par certains partisans canadiens de l’union commerciale. Quant à Wiman, il écrivit en 1893 dans son livre Chances of success : « Pour le moment, il n’est pas possible que le Canada s’intègre à la vie nationale [des États-Unis] ». À ce moment-là, ses affaires étaient sur leur déclin et, au Canada, on ne parlait plus d’union commerciale (ni de réciprocité absolue). Ian Grant, qui a étudié Wiman de très près, a fait remarquer : « [il] ne voyait pas à quel point les Canadiens s’étaient toujours acharnés à échapper à l’envahissement et à la coercition des États-Unis pour se forger une identité propre. Wiman était trop américanisé en 1887 pour mesurer l’importance de cette tradition. »

Robert Craig Brown

L’ouvrage d’Erastus Wiman, Chances of success : episodes and observations in the life of a busy man a paru à Toronto et à New York en 1893. Wiman a aussi publié différents discours et brochures dont la référence figure dans Canadiana, 1867–1900, Répertoire de l’ICMH et AN, Catalogue of pamphlets [...], Magdalen Casey, compil. (2 vol., Ottawa, 1932), 2.

Monetary Times, 12 févr. 1904 : 1062.— New York Times, 10 févr. 1904 : 7.— New York Tribune, 10 févr. 1904.— Christopher Armstrong et H. V. Nelles, Monopoly’s moment : the organization and regulation of Canadian utilities, 1830–1930 (Philadelphie, 1986).— R. C. Brown, Canada’s National Policy, 1883–1900 : a study in Canadian-American relations (Princeton, N.J., 1964) ; « The commercial unionists in Canada and the United States », SHC Rapport, 1963 : 116–124.— Canada, an encyclopœdia (Hopkins), 1.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898).— Death notices of Ontario (Reid).— Dict. of Toronto printers (Hulse).— Ian Grant, « Erastus Wiman : a continentalist replies to Canadian imperialism », CHR, 53 (1972) : 1–20.— Elgin Myers, « A Canadian in New York », Canadian Magazine, 1 (mars–oct. 1893) : 435–443.— Naylor, Hist. of Canadian business.— J. D. Norris, R. G. Dun & Co., 1894–1900 : the development of credit-reporting in the nineteenth century (Westport, Conn., et Londres, 1978).— Who was who in America [...] 1897–1942 (Chicago, 1943).

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Robert Craig Brown, « WIMAN, ERASTUS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/wiman_erastus_13F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
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