Le premier ministre : l’architecte du Canada moderne


Laurier et l’économie


En 1896, Wilfrid Laurier et les libéraux prennent le pouvoir dans un contexte qui semble propice aux investissements, au développement d’infrastructures [V. Les infrastructures de transport] et à l’accroissement de la production industrielle, comme l’indique l’extrait suivant de la biographie de Clifford Sifton, ministre de l’Intérieur :

Laurier et son équipe prirent le pouvoir dans une conjoncture favorable. L’économie canadienne se relevait, l’économie mondiale était en plein essor. L’Europe réclamait à nouveau des comestibles et produits manufacturés nord-américains. Les dernières vagues d’émigrants de l’Europe centrale et orientale étaient prêtes à partir vers de nouveaux horizons. Les capitalistes de la Grande-Bretagne et des États-Unis étaient disposés à investir au Canada des sommes sans précédent.

 

C’est ainsi que Laurier met en place une série de politiques qui, d'après son biographe, lui mériteront le titre d’architecte du Canada moderne. Dès 1897, par exemple, il cherche à ramener une relative harmonie entre les principaux acteurs économiques canadiens, tout en préservant une industrie nationale soumise aux pressions commerciales étrangères. Une première réforme tarifaire s’avère nécessaire :

La recherche de l’harmonie prévalut aussi dans la question de la réforme du tarif. Après les consultations appropriées, Fielding dévoila à la Chambre, le 22 avril 1897, la décision gouvernementale. L’élément principal demeura l’application immédiate de deux niveaux de tarif. Selon le premier, le tarif en vigueur était maintenu pour tout pays qui imposait un tarif protecteur contre le Canada. Le deuxième accordait, à titre préférentiel, une réduction de 12,5 %, pouvant être portée à 25 % l’année suivante, du tarif canadien à tout pays qui admettait les produits canadiens à un taux équivalent au tarif canadien minimum. Ce fut la satisfaction quasi générale, d’abord chez les industriels et les protectionnistes qui, bien qu’ennuyés par le principe de la préférence, reconnaissaient que la Politique nationale se poursuivait, puis chez plusieurs libres-échangistes, qui identifiaient la préférence à un pas dans la bonne direction, enfin chez les impérialistes, qui comprirent vite que la libre-échangiste mère patrie serait, à toutes fins utiles, la plus favorisée par la préférence. En somme, ce fut un coup de maître qui contribua à rétablir la confiance des Canadiens, même si les fermiers, assez peu favorisés, sortirent quelque peu aigris de l’exercice.

 

Cependant, la croissance et la modernisation de l’économie canadienne ne libèrent pas le gouvernement fédéral des problèmes récurrents liés aux barrières protectionnistes entre les États. Face au mécontentement grandissant, le ministre des Finances de Laurier, William Stevens Fielding, tente, une décennie plus tard, d’instaurer une politique tarifaire à paliers dans le but de satisfaire, sans trop de succès, les visées divergentes des groupes d'intérêts économiques :

En 1907, il instaura un tarif intermédiaire entre le tarif général et le tarif préférentiel [...] (Ce tarif visait aussi à combler le fossé entre les agriculteurs et manufacturiers canadiens, qui avaient exprimé des vues diamétralement opposées sur la politique commerciale devant la commission d'enquête sur le tarif instituée par Fielding en 1905.)

 

Les syndicats ouvriers réclament également des réformes, notamment en ce qui concerne les salaires, les conditions de travail et le droit de grève. Sous le gouvernement de Laurier – dont voici un autre extrait de la biographie –, le jeune William Lyon Mackenzie King, sous-ministre du Travail, conçoit la Loi des enquêtes en matière de différends industriels (1907) [V. Rodolphe Lemieux ; Frank Henry Sherman]. Toutefois, la mesure ne convainc pas le monde ouvrier :

Des projets comme celui relatif aux enquêtes sur les conflits de travail, soumis aux députés le 17 décembre 1906, indisposèrent à la longue les ouvriers. La loi, en effet, imposait bien aux patrons et aux ouvriers une tentative de conciliation avant toute grève ou lock-out dans les services publics et dans les mines, mais elle ne les obligeait pas à accepter le rapport des conciliateurs, ce qui, aux yeux des ouvriers, favorisa finalement les patrons.

 

L’idéologie et la culture politiques de Laurier ont influencé son interprétation du rôle de l’État dans les relations de travail :

Imbu de son type de libéralisme et trop imprégné des relents de la société rurale dont il était issu, Laurier ne jouerait qu’un rôle d’arbitre dans les conflits patrons-ouvriers appelés à se multiplier dans la société industrielle et ne conférerait pas à l’État un rôle plus actif dans les relations du travail. Une telle incompréhension comportait des risques mais surtout des déceptions.

 

Pour en savoir davantage sur le développement économique du Canada à l’époque de Laurier, nous vous invitons à consulter les listes de biographies suivantes.

L’industrialisation et la question ouvrière