MacDOUGALL (McDougald), C. BRUCE, rédacteur en chef, éditeur et fonctionnaire, né le 3 février 1863 à Campbellton, Île-du-Prince-Édouard, fils de Peter MacDougall ; décédé célibataire le 16 novembre 1910 à Sydney, Nouvelle-Écosse.
Le peu que l’on sait de la jeunesse de C. Bruce MacDougall confirme qu’il y eut réorientation de la vie régionale dans les premières décennies de la Confédération. Vers 1880, sa famille quitta l’Île-du-Prince-Édouard et s’établit à Moncton, au Nouveau-Brunswick, un des centres urbains privilégiés par les chemins de fer et les industries nés dans le cadre de la Politique nationale des conservateurs fédéraux [V. Sir Samuel Leonard Tilley*]. Le père de Bruce MacDougall était tonnellier à l’Acadia Sugar Refinery. Trois de ses frères, comme lui-même, allaient travailler pour la Compagnie du chemin de fer Intercolonial, dont le siège était à Moncton. Par contre, deux de ses sœurs et deux de ses frères se joignirent à l’exode vers la Nouvelle-Angleterre et un autre de ses frères s’installa en Saskatchewan.
Jeune journaliste compétent, MacDougall fut engagé en 1889 pour rédiger le Restigouche Pioneer, nouvel hebdomadaire de Campbellton qui, l’Intercolonial étant achevé, entendait promouvoir la mise en valeur du nord du Nouveau-Brunswick. Il s’adressait avant tout aux ouvriers du chemin de fer. Dans le premier numéro, le Pioneer traita un dirigeant de la compagnie de « tyran bon à rien » et un autre d’« autocrate païen ». À la fin de 1890, MacDougall qualifiait son journal d’« organe du peuple » et de « journal des ouvriers ». De retour à Moncton, il publia le Plain Dealer de 1892 à 1894. Souvent, ses éditoriaux dénonçaient des hommes politiques et des hommes d’affaires, surtout ceux qui étaient liés au Parti conservateur, et parlaient des bureaux de l’Intercolonial comme d’« un dépotoir de favoris politiques ». Heureux de voir les syndicats prendre de l’essor, MacDougall les encourageait à s’affirmer. C’était aussi un amateur de scandales et les autorités locales cherchèrent une occasion de le punir de son audace. En 1894, il fut arrêté et accusé d’avoir publié des écrits obscènes. Le délit invoqué était que « les noms des navires donnés dans la rubrique du transport maritime étaient ceux de femmes signalées dans les rapports de police comme ayant mauvaise réputation ». MacDougall échappa à la condamnation parce que le jury ne parvint pas à rendre un verdict, mais le Plain Dealer cessa de paraître.
Après l’élection des libéraux au scrutin fédéral de 1896, MacDougall obtint une place au service de vérification du siège social de l’Intercolonial à Moncton. Partisan des libéraux néo-brunswickois Andrew George Blair et Henry Robert Emmerson*, qui furent chacun leur tour ministres des Chemins de fer et Canaux dans le cabinet de Wilfrid Laurier*, il continuait à dénoncer l’« administration pourrie » des chemins de fer publics, assurée par des fonctionnaires conservateurs indélogeables. Revenant au journalisme en 1907, il publia à Moncton le Free Speech, où il exposait en toute liberté des cas d’injustice et d’immoralité. Il continuait aussi à promouvoir les syndicats. En 1908, il contribua à discréditer l’International Brotherhood of Railway Employées et encouragea la création de la Canadian Brotherhood of Railway Employées. D’abord imprimé en Nouvelle-Écosse puis à Newcastle, au Nouveau-Brunswick, le Free Speech était livré par train dans l’ensemble des Maritimes. En 1908, MacDougall prétendit avoir un tirage hebdomadaire de 20 000 exemplaires ; selon des estimations plus prudentes, le maximum aurait été de 7 000. En politique, le Free Speech s’affichait comme indépendant. Pourtant, pendant la campagne électorale de 1908, MacDougall prit un congé sans solde de l’Intercolonial afin d’apporter son appui à Emmerson, le « candidat ouvrier » local. Après le scrutin, il devint de plus en plus sévère à l’endroit de l’establishment libéral de Moncton. Par ailleurs, MacDougall accueillit la collaboration d’intellectuels socialistes, dont l’instituteur et journaliste Henry Harvey Stuart*. Le Free Speech publia le programme du Parti socialiste du Canada et Stuart écrivit des éditoriaux dans lesquels il pressait les électeurs de « reléguer aux oubliettes les deux partis capitalistes ».
Le Free Speech cessa de paraître en août 1909. MacDougall fut arrêté pour libelle et obscénité : il avait publié des histoires et une caricature offensantes pour des notables conservateurs et libéraux de Saint-Jean. Trouvé coupable de 4 des 11 chefs d’accusation, il fut condamné à 11 mois d’emprisonnement. Son procès ne souleva pas autant d’indignation que ceux des journalistes John Valentine Ellis* et John Thomas Hawke*, qui avaient été emprisonnés quelques années auparavant pour outrage au tribunal. Les accusations qui pesaient sur MacDougall étaient plus corsées et peu de gens se portèrent à sa défense.
Après sa libération, MacDougall lança le Vindicator, probablement à Moncton. Ce journal consacrait une bonne partie de ses colonnes à la lutte des classes qui se déroulait en Nouvelle-Écosse, où les mineurs de charbon faisaient une grève prolongée pour marquer leur appui aux United Mine Workers of America. En novembre 1910, MacDougall se rendit au Cap-Breton et, en collaboration avec le syndicat, organisa la défense de camelots arrêtés par la police de Glace Bay. De retour à la gare de Sydney, il fut victime de voies de fait graves. Le lendemain, au Windsor Hotel, il déboula mystérieusement l’escalier du sous-sol et heurta le plancher de béton. Quelques minutes plus tard, on le déclara mort. Un jury réuni par le coroner conclut à un accident.
Bien qu’il n’en subsiste que quelques exemplaires ici et là, les journaux de C. Bruce MacDougall donnent une idée de ce qu’était le journalisme local des Maritimes à la fin du siècle. En tant qu’éditeur, MacDougall sut reconnaître l’importance de la révolution qui se produisait dans les transports : il parlait souvent des chemins de fer et s’en servit comme moyen de diffusion. En cette époque de progrès, il révélait les dessous de la société urbaine, défendait les infortunés, soutenait les droits des travailleurs. Certains lecteurs voyaient en lui un défenseur de justes causes, d’autres, un maître-chanteur. Sa critique sociale s’enracinait dans les traditions populistes, mais souvent, elle se pervertissait à force de se plier aux exigences de l’esprit de parti et au jaunisme. En le comparant au journaliste albertain Robert Chambers (Bob) Edwards*, le Moncton Transcript de John Thomas Hawke a reconnu à MacDougall un « fort talent naturel d’auteur » et un « style coulant et rude » mais a ajouté : « ses écrits visaient trop souvent à choquer sans servir de fin utile [à l’intérêt] public ».
Musée du N.-B., Saint John City records, The King v. C. B. MacDougall (acte d’accusation de l’audience préliminaire, 1er sept. 1909).— UNBL, MG H25, scrapbooks.— Daily Post (Sydney, N.-É.), 1910, particulièrement 19 nov.— Daily Transcript (Moncton, N.-B.), 1894.— Free Speech (Moncton), 1907–1909.— Moncton Transcript, 1909–1910.— Plain Dealer (Moncton), 1892–1893.— Progress (Saint-Jean, N.-B.), 1894.— Restigouche Pioneer (Campbellton, N.-B.), 1889–1890.— David Frank et Nolan Reilly, « The emergence of the socialist movement in the Maritimes, 1899–1916 », le Travailleur, 4 (1979) : 85–113.— H. B. Jefferson, « The great Pooh-Bah case », Atlantic Advocate, 54 (1963–1964), no 1 : 45–51.— The King v. MacDougall (1909), New Brunswick Reports (Fredericton et Saint-Jean), 39 (1908–1910) : 388–402.— Répertoire des journaux du N.-B. (Craig).
David Frank, « MacDOUGALL (McDougald), C. BRUCE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/macdougall_c_bruce_13F.html.
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Auteur de l'article: | David Frank |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1994 |
Année de la révision: | 1994 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |