DOMVILLE, JAMES, homme d’affaires, homme politique et officier de milice, né le 29 novembre 1842 à Belize, Honduras britannique (Belize), fils unique de James William Domville et de Frances Usher ; le 25 avril 1867, il épousa à Portland (Saint-Jean, Nouveau-Brunswick) Anne Isabella Scovil, et ils eurent trois fils et cinq filles ; décédé le 30 juillet 1921 à Rothesay, Nouveau-Brunswick.

James Domville était, semble-t-il, par sa mère un descendant de l’un des premiers archevêques d’Armagh (Irlande du Nord). Son père, qui s’établirait au Nouveau-Brunswick en 1875, obtint le grade de major-général dans la Royal Artillery en 1868, après avoir servi en Inde, au Honduras britannique et à la Barbade. Le jeune Domville, formé pour le service militaire, fréquenta la Royal Military Academy de Woolwich (Londres), une école à Bonn (Allemagne) et l’école spéciale militaire de Saint-Cyr, en France, mais il entra en 1858 à la Michael Cavan and Company, à la Barbade. C’est dans cette division de la Cavan, Lubbock and Company of Great Britain, qui s’occupait de commerce général, que Domville s’initia aux affaires. Dès lors, son activité militaire se limiterait à la milice au Nouveau-Brunswick, où il se fixa en 1866. Installé dans la ville portuaire de Saint-Jean, il servit cette année-là dans la milice pendant le raid fénien et fonda une entreprise qui commerçait directement avec les Antilles britanniques, sans doute grâce aux contacts qu’il s’était faits à la Cavan.

La James Domville and Company, qui avait ses bureaux sur le quai nord à Saint-Jean, était dans le commerce du thé et autres produits. Peu après son arrivée, Domville s’associa avec le marchand William Henry Scovil, dont il épousa la fille en 1867. Sous le nom de Domville, Scovil and Company, les deux hommes exploitèrent diverses entreprises manufacturières, dont une usine de fer marchand et de laminage du fer à la gare de Moosepath, sur le chemin de fer Intercolonial, au nord-est de Saint-Jean, ainsi qu’une fabrique de clous à Coldbrook, non loin de là. Après la mort de son beau-père le 8 juillet 1869, Domville devint l’unique propriétaire de la compagnie. Celle-ci, qui prendrait le nom de Coldbrook Rolling Mills Company, devint passablement florissante sous sa direction pendant les années 1870 ; elle obtint une charte fédérale en 1873 et, l’année suivante, versa des dividendes de 12 % à ses actionnaires. Domville s’intéresserait bientôt aux richesses naturelles et aux services financiers. Par l’entremise de la General Oil Shales Company, il préconisa l’exploitation des réserves de pétrole du comté d’Albert, dans le sud-est de la province. En 1872, il participa à la fondation, à Saint-Jean, de la Maritime Bank of the Dominion of Canada, dont il fut, comme son père, administrateur et président. En 1880 cependant, des révélations selon lesquelles il devait beaucoup d’argent à la banque vinrent ternir sa réputation ; la banque fit faillite en 1887. Domville fut également membre du conseil d’administration de deux compagnies montréalaises, la Globe Mutual Life Assurance et la Compagnie d’assurance de Stadacona contre le feu et sur la vie. Ses activités étaient concentrées dans la baie de Fundy et la vallée de l’Outaouais, mais déjà, à la fin des années 1870, il étudiait les perspectives d’affaires dans l’ouest du Canada.

L’expansion de ses entreprises amena Domville à la politique. Élu à la Chambre des communes en 1872 comme député conservateur du comté de Kings – où il eut une maison, à Rothesay, à compter du début des années 1870 –, il fut défait par George Eulas Foster* en 1882. On pourrait lire en 1929 dans le Telegraph-Journal de Saint-Jean que Domville avait instauré un style électoral qui « n’agréait pas aux modérés » ni aux « intransigeants baptistes [qui] voyaient en Foster, homme mielleux, éloquent et persuasif, un nouvel apôtre ». De religion anglicane, Domville plaisait probablement moins aux baptistes de la région que Foster, qui était baptiste. En outre, comme Foster l’expliquerait en 1882, « les partisans de la tempérance ne lui trouvaient pas un comportement louable ». En effet, Domville avait participé sans vergogne à la fameuse beuverie aux Communes en avril 1878 avant l’adoption du projet de loi de tempérance du Canada. Toutefois, le mécontentement tenait davantage à la Politique nationale du gouvernement conservateur de sir John Alexander Macdonald*. Au cours d’un débat sur les politiques commerciales et industrielles de ce gouvernement en 1879, Domville s’était presque bagarré avec son collègue néo-brunswickois Arthur Hill Gillmor*, député libéral de Charlotte. Le réseau d’associés en affaires qu’il avait dans le centre du Canada incitait Domville à appuyer les politiques protectionnistes du gouvernement, mais les électeurs du comté de Kings se rendaient bien compte que celles-ci ne favorisaient pas l’essor des manufactures locales. La défaite de Domville, en 1882, résultait donc tout autant de considérations commerciales que de prises de position personnelles. Ainsi commença une absence de 14 ans des Communes, durant lesquelles Domville réfléchit à sa position et à son allégeance au Parti conservateur.

La période que Domville passa à Ottawa fait parfois oublier son bref passage en politique municipale entre 1877 et 1880. Élu échevin au conseil municipal de Saint-Jean, il présida le comité des finances, mais expédia sans ménagements les affaires locales. Les journaux de la ville ne regrettèrent pas sa défaite en 1880. Le Daily Telegraph, par exemple, rappela le 7 avril 1880 que Domville avait paru meilleur au moment de sa candidature que durant son mandat : « L’attention occasionnelle qu’il a portée aux affaires n’a pas fait beaucoup de bien à la ville et n’a pas ajouté grand-chose à sa réputation. Son esprit n’est pas adapté aux détails de l’administration d’une petite ville comme la nôtre et, depuis que la fièvre de l’Ouest s’est emparé de lui, il a sagement décidé de laisser la place à d’autres. »

C’est pourtant pendant cette période que Domville entreprit son œuvre civique la plus durable. Après le grand incendie de 1877, qui avait détruit ses commerces de même que beaucoup de bibliothèques privées de Saint-Jean, il relança l’idée d’une bibliothèque publique, dont le conseil municipal avait déjà discuté. Il fit distribuer des circulaires pour demander des dons et recueillit ainsi près de 3 000 livres, qui furent confiés à une fiducie administrée par la ville en 1880. Dans une certaine mesure, les livres reflétaient les intérêts professionnels et personnels de Domville. William Elder*, député de la ville et du comté de Saint-Jean à la Chambre d’assemblée, estimait qu’à peine la moitié méritaient d’être retenus, « les autres étant pour la plupart des ouvrages statistiques, utiles pour préparer des discours politiques ». En réunion le 14 septembre 1880, Domville expliqua que la collection était « presque exclusivement [constituée] d’ouvrages de référence », ajoutant qu’elle comprenait « un certain nombre de livres de valeur [...] que l’on ne pouvait pas se procurer en Amérique ». Certains furent retirés mais, à son ouverture le 18 mai 1883, la bibliothèque contenait néanmoins 2 285 volumes.

Membre d’organisations franc-maçonniques de Saint-Jean et président du Bureau de commerce du comté de Kings, Domville était également connu dans la ville grâce à la milice. Entré dans le 8th Regiment of Cavalry du Nouveau-Brunswick en 1878, il fut promu lieutenant-colonel et officier commandant de ce régiment, à titre provisoire, le 23 avril 1880 ; sa nomination au poste de commandant fut confirmée le 2 juillet 1881. En 1884, Domville offrit son régiment – qui prit le nom de 8th (Princess Louise’s New Brunswick) Regiment of Cavalry cette année-là – pour une mission impériale au Soudan ; il renouvela son offre en 1896. Celle-ci fut déclinée les deux fois, mais les chaleureux remerciements que lui fit parvenir le secrétaire d’État aux Colonies, Joseph Chamberlain, en 1896 lui donnèrent, à lui et à son régiment, beaucoup de publicité.

Encouragé peut-être par la renommée dont il jouissait à Saint-Jean, Domville restait déterminé à retourner en politique fédérale. À l’élection partielle de 1885 ainsi qu’aux élections générales de 1887 et de 1891, il se présenta parmi l’étrange brochette de candidats dits indépendants. Au Nouveau-Brunswick, ces inébranlables individualistes étaient déçus des résultats de la Politique nationale et se sentaient trahis par le gouvernement Macdonald, qui avait choisi Halifax plutôt que Saint-Jean comme principal port sur l’Atlantique. À chaque élection, toutefois, Domville fut défait par Foster. Son insatisfaction l’amena finalement dans le camp libéral et, en 1896, tandis que Foster se présentait dans York, il fut réélu aux Communes comme député de Kings. S’il ne fut pas fait ministre de la Milice et de la Défense comme il l’avait demandé, il entretint toutefois de bonnes relations avec le chef libéral Wilfrid Laurier*. Il accompagna le premier ministre en Angleterre pour le jubilé de diamant de la reine Victoria en 1897 et son expérience professionnelle lui valut d’être choisi président du comité permanent des Communes sur les banques et le commerce. Certains historiens voient en Domville, surtout après son retour au Parlement, un opportuniste éhonté. Desmond Morton, par exemple, le décrit comme « l’un des plus difficiles colonels politiques du contingent du jubilé ».

À Ottawa, Domville trouva le temps de s’occuper de ses projets commerciaux en Ontario et dans l’Ouest. Il occupa un poste de vice-président à l’Ottawa River Railway Company, constituée juridiquement en 1903, et de président à la Central Railway Company of Canada, qui prit sa suite. (Ni l’une ni l’autre de ces compagnies ne construisit de voies ferrées.) En 1897, avec l’appui d’un consortium anglais, il avait commandé à une entreprise de North Vancouver la construction de deux navires à vapeur et proposa l’aménagement d’une ligne de chemin de fer, plus tard appelée l’Edmonton, Yukon and Pacific, pour desservir les régions aurifères du Klondike, récemment découvertes. Ces projets n’aboutirent pas. La ligne de chemin de fer fut tracée, mais jamais construite, et le Lightning ainsi que le James Domville connurent une fin prématurée. Le James Domville devint cependant, en octobre 1898, le premier vapeur arborant pavillon britannique à atteindre le Klondike par le fleuve Yukon. Bien que la présence de la Police à cheval du Nord-Ouest à cet endroit ait été renforcée en février [V. sir Samuel Benfield Steele*], cette démonstration additionnelle de souveraineté aida à contrecarrer les visées américaines sur ce territoire. Le mois précédent, Domville était arrivé à Dawson par voie de terre après s’être arrêté à Skagway, en Alaska, pour rendre visite aux arpenteurs qui établissaient le tracé du chemin de fer. Sitôt à Dawson, il fit la preuve de ce caractère combatif à cause duquel ses voisins du Nouveau-Brunswick le qualifiaient de « grincheux ». Au reporter qui lui demandait ce qu’il pensait des redevances que l’ancien commissaire James Morrow Walsh* avait imposées sur tout l’or extrait du Yukon, Domville répondit : « Qu’il aille au d[iable] ! Je suis James Domville, député de Kings, au Nouveau-Brunswick. Pourquoi est-ce que je me soucierais des gens comme Walsh ? » Se vantant que le James Domville avait 20 canons à son bord, il déclara qu’il déchargerait le navire et construirait une centrale énergétique, en dépit des redevances. Il quitta l’endroit avant l’arrivée du navire, mais son dédain pour les autorités territoriales ne faisait plus aucun doute.

Domville acquit une notoriété plus grande encore pendant les tensions et intrigues qui compliquèrent les réformes entreprises par Frederick William Borden*, ministre de la Milice et de la Défense sous Laurier. En juillet 1898, il refusa de remettre comme prévu le commandement du 8th (Princess Louise’s New Brunswick) Regiment of Cavalry, en partie à cause de son aversion pour Borden et pour son commandant en second, le journaliste de Saint-Jean Alfred Markham, qui s’était opposé à son élection deux ans auparavant. Le commandant de district, George Joseph Maunsell*, tenait Domville pour un officier compétent qui méritait un prolongement de mandat. Néanmoins, deux autres personnes n’épargnaient rien pour le pousser à la retraite : Goerge Eulas Foster, qui l’accusa aux Communes d’avoir détourné des fonds appartenant à la milice, et le nouvel officier général commandant, le major-général Edward Thomas Henry Hutton, scandalisé par l’intransigeance de Domville et par ce qu’il avait appris de ses abus d’alcool et de ses « écarts » de conduite au Yukon. Domville ne démissionna qu’en août 1899, après avoir été innocenté. Il continuait quand même de nourrir des ambitions militaires puisqu’il offrit, la même année, de lever un régiment pour la guerre des Boers.

Défait aux élections de 1900, Domville avait encore suffisamment de poids pour être nommé en 1903 au Sénat, où il remplaçait Gillmor, et pour être fait colonel honoraire du 8th Regiment en 1904, marque de reconnaissance que le gouverneur-général lord Minto [Elliot*] lui avait refusée en 1900. Pendant le débat sur la marine en 1909, alors que les libéraux privilégiaient la création d’une marine canadienne, Domville afficha ses susceptibilités conservatrices et impérialistes en appuyant le versement d’une contribution directe à la marine britannique. En 1920, vers la fin de sa carrière au Sénat, on le nomma, lui qui connaissait bien le commerce des richesses naturelles, à un comité spécial sur l’exploitation des schistes bitumineux, mines de fer et gisements de charbon.

En février 1921, un incendie ravagea la résidence de James Domville, à Rothesay, non loin de Saint-Jean. Ce qui ne fut pas détruit tomba aux mains d’étudiants du Rothesay Collegiate qui, se rendant compte qu’ils ne pouvaient pas éteindre le feu, entreprirent de récupérer ce qu’ils pouvaient. Malheureusement, les biens provenant du rez-de-chaussée, entassés sur la pelouse, furent volés, ou écrasés par ceux qu’on lançait des étages supérieurs. Un matelas aboutit sur les cristaux et la porcelaine des Domville ; leur fils perdit connaissance, frappé à la tête par un livre. Domville et sa femme passèrent le reste de leur vie au Kennedy Hotel de Rothesay. James Domville mourut le 30 juillet 1921 et, après le service religieux à Rothesay, son corps fut transporté au cimetière Fernhill de Saint-Jean où John G. Leonard, le vénérable de l’Albion Masonic Lodge, présida à l’inhumation.

Peter J. Mitham

APNB, MC 1156.— Daily Gleaner (Fredericton), 13 août 1898.— Daily Sun (Saint-Jean), 20 nov. 1883.— Daily Telegraph (Saint-Jean), 7 avril, 15 sept., 24 nov. 1880.— Kings County Record (Sussex, N.-B.), 15 juill. 1997.— Morning News (Saint-Jean), 9 juill. 1869.— Saint John Globe, 1er août 1921.— Telegraph-Journal (Saint-Jean), 25 nov. 1929.— Annuaire, N.-B., 1871.— Atlas of Saint John, city and county, New Brunswick, F. B. Roe et N. G. Colby, compil. (Saint-Jean, 1875 ; réimpr., dans Historical atlas of York County, N.B., and St. John, N.B., Belleville, Ontario, 1973).— Canada, dép. de la Milice et de la Défense, Militia list (Ottawa), 1905 ; Parl., Doc. de la session, 1885, nº 7 : 41 ; Statuts, 1873, c.121.— Canadian annual rev., 1909.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898 et 1912).— Canadian who’s who, 1910.— CPG, 1873, 1897, 1918.— Free Public Library, Saint John Free Public Library : 50th anniversary of the Carnegie Building, 24 juin 1904 to 24 juin 1954 (Saint-Jean, 1954).— Robert Hook et al., Rothesay : an illustrated history, 1784–1920 ([Rothesay, N.-B.], 1984).— Douglas How, The 8th Hussars : a history of the regiment (Sussex, 1964).— Lord Minto’s Canadian papers : a selection of the public and private papers of the fourth Earl of Minto, 1898–1904, éd. et introd. par Paul Stevens et J. T. Saywell (2 vol., Toronto, 1981–1983).— Carman Miller, The Canadian career of the fourth Earl of Minto : the education of a viceroy (Waterloo, Ontario, 1980).— Desmond Morton, Ministers and generals : politics and the Canadian militia, 1868–1904 (Toronto et Buffalo, N.Y., 1970).— R. T. Naylor, The history of Canadian business, 1867–1914 (2 vol., Toronto, 1975).— Norman Penlington, Canada and imperialism, 1896–1899 (Toronto, [1965]).— St. John and its business : a history of St. John [...] (Saint-Jean, 1875).— Standard dict. of Canadian biog. (Roberts et Tunnell).— Vital statistics from N.B. newspapers (Johnson).— P. B. Waite, Canada, 1874–1896 : arduous destiny (Toronto et Montréal, 1971).— W. S. Wallace, The memoirs of the Rt. Hon. Sir George Foster, p.c., g.c.m.g. (Toronto, 1933).— Who’s who and why, 1919–1920.— J. R. H. Wilbur, « The stormy history of the Maritime Bank, (1872) to 1886 », N.B. Hist. Soc., Coll. (Saint-Jean), nº 19 (1966) : 69–76.

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Peter J. Mitham, « DOMVILLE, JAMES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/domville_james_15F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
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