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BERTRAM, JOHN, homme d’affaires et homme politique, né le 16 octobre 1837 à Fenton Barns, Écosse, fils de Hugh Bertram ; le 16 septembre 1863, il épousa à Almonte, Haut-Canada, Helen Shiells, d’Édimbourg, et ils eurent quatre fils et trois filles ; décédé le 28 novembre 1904 à Toronto et inhumé à Peterborough, Ontario.
John Bertram appartenait à une famille de six enfants et il fréquenta l’école paroissiale de Dirleton, près de Fenton Barns. Il entra ensuite comme apprenti chez un marchand de Galashiels où il s’initia à l’administration. En 1860, après avoir tenté sa chance à Édimbourg, il décida d’émigrer en Amérique du Nord britannique et s’installa dans la région de Peterborough. Son frère George Hope* le rejoignit en 1865 et se fixa à Lindsay. En 1867, John possédait assez de capital pour ouvrir, à Peterborough, une quincaillerie de gros à laquelle s’ajouta peu de temps après, à Lindsay, un magasin tenu par George. Ce commerce convenait à merveille à l’économie forestière et agricole de la région, où le peuplement était en train de dépasser le bassin hydrographique de la Trent et de l’Otonabee pour gagner les hautes terres du district de Haliburton. Le fait que Bertram ait travaillé en périphérie du centre de l’Ontario, zone riche en ressources naturelles, allait influer profondément sur la suite de sa carrière.
Bertram ambitionnait de se distinguer dans le milieu des affaires de Peterborough. Ayant obtenu la nomination réformiste dans Peterborough West pour les élections fédérales de 1872, il remporta le scrutin en dépit de l’ascendant que les marchands de bois tories exerçaient normalement dans la circonscription, mais il fut invalidé pour n’avoir pas établi qu’il était apte à se présenter. Réélu deux ans plus tard aux élections générales, il fut défait par le marchand de bois George Hilliard en 1878, dans le cadre de la remontée libérale-conservatrice.
En 1874, Bertram avait vendu sa part de la quincaillerie à son frère et s’était mis à la recherche d’occasions d’investissement dans le nord de l’Ontario, région qui, on n’avait pas tardé à s’en rendre compte, était le moteur de la croissance économique de la province. Il investit dans des concessions forestières de la rive nord de la baie Géorgienne et fonda en 1885 la Collins Inlet Lumber Company afin d’exploiter les grandes pinèdes de cette région. La société, qui acquit aussi des concessions dans l’île Manitoulin, Algoma et le district de Parry Sound, devint la clef de voûte de son empire. À mesure que le potentiel forestier de la vallée de l’Outaouais s’épuisait, les entrepreneurs canadiens lorgnaient du côté de la baie Géorgienne. En même temps, les entrepreneurs américains, qui avaient coupé à blanc les forêts du Michigan, cherchaient de nouvelles sources d’approvisionnement au nord. Les investissements à haut risque faits en cette période difficile que furent la fin des années 1870 et le début des années 1880 n’allaient pas tarder à rapporter énormément.
Bertram avait beau avoir quitté la vie politique en 1878, il s’intéressait toujours aux affaires publiques, surtout quand elles concernaient les richesses naturelles et l’essor du pays. À Peterborough, il avait été à même de constater combien les incendies, la surexploitation des forêts et la colonisation de terres à faible rendement pouvaient être catastrophiques. Ayant vu la dévastation qui avait gagné certains secteurs, il tentait d’encourager une récolte plus prudente ainsi que la protection de la forêt dans ses concessions du nord de l’Ontario. Il devint même l’un de ceux qui préconisaient le plus ardemment de préserver les forêts et de classer les terres en zones d’exploitation forestière et en zones de peuplement.
Vers la même époque, Bertram fit preuve d’un flair certain en choisissant l’endroit où il ouvrirait un nouveau commerce. Au début des années 1880, il retourna dans la quincaillerie avec son frère George, qui s’était installé à Toronto en 1881. Lui-même s’y fixa en 1887, et quelques années après, les deux frères y ouvrirent, en plus, une usine de construction de machines et un chantier naval. Établi dans une métropole qui régnait sur un immense hinterland où abondaient les richesses naturelles, Bertram faisait partie des nombreux entrepreneurs qui souhaitaient que les matières premières soient transformées au Canada avant d’être expédiées sur les marchés internationaux et qui, pour cette raison, remettaient en question l’attachement du Parti libéral au libre-échange. Ce serait George Bertram qui persuaderait Wilfrid Laurier*, premier ministre du Canada à compter de 1896, de modifier la politique libérale afin d’instaurer un tarif protecteur. Et, tout comme son frère, John Bertram était persuadé que le pays ne se développerait que si les Canadiens avaient la haute main sur la transformation, le transport et le commerce des richesses naturelles.
Ces thèmes dominèrent la dernière décennie de la vie de Bertram. En juin 1897, étant donné sa réputation d’entrepreneur forestier et ses liens avec les libéraux du gouvernement de l’Ontario, la province le nomma, ainsi qu’Edward Wilkes Rathbun, Alexander Kirkwood, J. B. McWilliams, surintendant des gardes forestiers de Peterborough, et Thomas Southworth, commis au service de la protection des forêts, à une commission royale d’enquête sur la conservation de cette ressource. La commission avait pour mandat d’étudier les moyens de régénérer et de conserver les peuplements situés sur les terres non agricoles. Déposé en 1899, son rapport recommandait d’améliorer la protection contre les incendies, de soumettre les techniques de coupe à une réglementation provinciale serrée, de classer les terres de la province (notamment pour créer des réserves forestières) et de hausser la limite de la taille des pins blancs qu’il serait permis de couper. Ce document marquait un jalon dans la politique ontarienne du bois : pour la première fois, la province envisageait sérieusement de conserver son capital forestier au lieu de simplement réglementer le défrichement en vue de la colonisation.
Plus tard au cours de l’année 1897, Bertram se trouva mêlé à une controverse sur le commerce canado-américain des produits forestiers. Le tarif Dingley, adopté cette année-là, imposait un droit sur le bois d’œuvre importé aux États-Unis, ce qui mettait fin à une brève période de libre-échange des produits forestiers entre les deux pays. Ce droit avait été institué à la demande d’entrepreneurs forestiers du Centre-Ouest américain, qui visaient ainsi deux choses : empêcher les exportations canadiennes d’entrer sur le marché américain, alors en dépression, et avoir accès au bois de la baie Géorgienne, le bois en grume pouvant être acheminé en franchise jusqu’aux scieries du Michigan. Pour garantir ces résultats, le tarif contenait une clause qui stipulait que les droits doubleraient si le Canada contre-attaquait en haussant les siens.
Bertram joua un rôle de chef de file parmi les hommes d’affaires qui s’organisèrent pour mettre un frein à la voracité des Américains. Traditionnellement, les entrepreneurs forestiers de l’Ontario étaient en faveur du libre-échange. Bon nombre d’entre eux, particulièrement ceux de la vallée de l’Outaouais, tels John Rudolphus Booth* et William Cameron Edwards, demeuraient convaincus de sa valeur et étaient prêts à attendre une solution négociée. Par contre, Bertram était de ceux qui jugeaient avantageux de réserver aux Canadiens la transformation des matières premières. Sa position sur le tarif était influencée aussi par le fait que les entrepreneurs forestiers du nord-ouest de l’Ontario, criblés de dettes, n’étaient guère en mesure de patienter jusqu’à la fin de cette querelle politico-économique. Ils estimaient en outre avoir droit au bois qui pouvait être acheminé au Michigan. Bertram prônait donc une solution musclée à la crise tarifaire. Edward Wilkes Rathbun et John Waldie, entrepreneur forestier de la baie Géorgienne, l’appuyaient.
Le gouvernement Laurier leur exprima sa sympathie, mais la clause de représailles l’empêchait de riposter vite et efficacement. Bertram ne fut pas long à comprendre que les entrepreneurs du nord-ouest de la province devaient prendre l’affaire en main. Avec Waldie, il avait contribué à ranimer l’Ontario Lumbermen’s Association, qui existait depuis la fin des années 1880 mais avait perdu toute vigueur. Usant de ce puissant instrument de pression, ils harcelèrent le gouvernement provincial et tentèrent de rallier ceux qui s’opposaient aux agissements des Américains.
On ne sait pas exactement de qui vint l’idée d’obliger les détenteurs de permis de coupe à transformer en Ontario le bois récolté sur les terres de la couronne. Bertram aussi bien que Rathbun avaient proclamé que les politiques économiques nationales et provinciales devaient interdire l’exportation des billes de sciage ; ils en faisaient même une mesure de conservation. Cependant, peu importe qui songea le premier à imposer cette condition, elle apparut à la population comme une solution aux problèmes engendrés par le tarif Dingley.
Les entrepreneurs de la vallée de l’Outaouais craignaient que cette condition n’entraîne une riposte de la part des Américains et ne rende le commerce impossible. Bertram se démena pour les convaincre de se ranger du côté de la Lumbermen’s Association. Ses efforts ne furent pas tout à fait vains, car les entrepreneurs passèrent d’une franche hostilité à une neutralité méfiante. Une fois ce compromis réalisé, le premier ministre de la province, Arthur Sturgis Hardy, estima qu’il pouvait aller de l’avant et exiger que le bois provenant des terres de la couronne soit transformé dans la province. Pour donner force de loi à cette condition, il la présenta à l’Assemblée sous la forme d’une modification au Crown Timber Act. La modification reçut la sanction royale en novembre 1897 et entra en vigueur à la fin d’avril 1898. L’imposition de cette restriction, que les tribunaux approuvèrent par la suite dans des procès intentés par des entrepreneurs forestiers américains, fut non seulement un triomphe pour l’entreprise de Bertram, mais également une démonstration de son habileté politique. La règle de la transformation dans la province demeura, durant des années, un élément important de la politique économique de l’Ontario, et le concept allait servir à arrêter la politique provinciale sur d’autres richesses naturelles.
Par la suite, Bertram porta davantage son intérêt et son appui vers le domaine du transport. Après le décès de son frère George en 1900, il assuma la présidence de la Bertram Engine Works Company Limited, qui desservait la florissante industrie du transport sur les lacs Supérieur, Michigan et Huron. Actif dans divers regroupements de gens d’affaires, il exprima ses inquiétudes quant aux monopoles ferroviaires canadiens et aux tarifs de transport discriminatoires. En outre, il plaida pour la protection des constructeurs canadiens de navires à coque d’acier contre la concurrence britannique et pour l’application de règlements qui protégeraient les transporteurs côtiers du Canada contre la concurrence américaine. Il se prononça aussi pour que la province soit propriétaire des chemins de fer qui se construisaient dans le nord de l’Ontario, car il voulait éviter que de riches concessions forestières ne tombent entre les mains de spéculateurs.
Étant donné l’intérêt que Bertram portait à ces questions, Laurier le nomma en 1903 à la commission royale d’enquête sur le transport. Cette commission fédérale avait un double mandat : d’une part, étudier les problèmes de plus en plus sérieux que posaient l’accès des produits canadiens aux marchés mondiaux et la concurrence des chemins de fer et navires américains, et, d’autre part, faire des recommandations en vue de l’expansion des réseaux de voies navigables du Canada. Sir William Cornelius Van Horne* ayant refusé la présidence de la commission, Bertram y fut nommé. Il déclara que les commissaires devaient, en priorité, déterminer le « trajet le plus court et le plus économique entre le lac Supérieur et les marchés d’Angleterre », puis s’attaquer à la question d’un port sur la baie d’Hudson. Quand il tomba malade, en juin 1904, il participait aux travaux de la commission. Il ne se remit jamais et mourut chez lui, chemin Walmer, le 28 novembre. Comme il avait abandonné le presbytérianisme pour l’unitarisme pendant qu’il habitait Peterborough (sa femme, cependant, n’avait pas fait de même), un ministre de chacune des confessions officia à ses obsèques.
Entrepreneur habile, John Bertram embrassa avec enthousiasme des idées nouvelles, tant en affaires que dans la chose publique. Il se propulsa ainsi à l’avant-garde des hommes d’affaires ontariens qui, à la fin du xixe siècle, préconisaient des politiques progressistes et nationalistes afin d’assurer la mise en valeur des richesses naturelles.
On trouve un article inédit de John Bertram sur l’industrie du bois dans les archives de la Collins Inlet Lumber Company déposées aux AO, F 265, MU 7252.
AN, MG 26, G : 11046.— AO, F 248, Minute-book ; RG 22, Ser. 305, no 17447.— Globe, 29 nov. 1904.— Michael Bliss, A living profit : studies in the social history of Canadian business, 1883–1911 (Toronto, 1974).— R. C. Brown, Canada’s National Policy, 1883–1900 : a study in Canadian American relations (Princeton, N.J., 1964).— Canadian annual rev. (Hopkins), 1903–1904.— Canadian directory of parl. (Johnson).— Commemorative biog. record, county York.— CPG, 1876–1878.— R. P. Gillis et T. R. Roach, Lost initiatives : Canada’s forest industries, forest policy and forest conservation (Westport, Conn., 1986).— Index to incorporated bodies and to private and local law under dominion, and Manitoba, Ontario and Quebec statutes, proclamations and letters patent [...], P. [-H.] Baudouin, compil. (Montréal, [1897]), 112.— R. S. Lambert et [A.] P. Pross, Renewing nature’s wealth : a centennial history of the public management of lands, forests & wildlife in Ontario, 1763–1967 ([Toronto], 1967).— Nelles, Politics of development.— Ontario, Royal commission on forestry protection and perpetuation in Ontario, Preliminary report (Toronto, 1898).— Ontario Gazette, 1885 :121 s., 128, 411.— [E. W. Rathbun], Shall we place an export duty on saw logs and pulpwood ? ([Deseronto, Ontario, 1897]).
Robert Peter Gillis, « BERTRAM, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/bertram_john_13F.html.
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Auteur de l'article: | Robert Peter Gillis |
Titre de l'article: | BERTRAM, JOHN |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1994 |
Année de la révision: | 1994 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |