McINTOSH, ELIZA ANN (Reid), réformatrice sociale, née le 30 octobre 1841 à Montréal, fille de Nicholas McIntosh, ébéniste, et de Margaret Brown ; le 12 septembre 1867, elle épousa dans cette ville Robert Reid, et ils eurent une fille ; décédée le 8 janvier 1926 au même endroit.

L’expansion de l’action féminine et du féminisme est étroitement liée au mouvement de réforme urbaine qui naît dans les villes canadiennes vers 1880. Dans ce contexte, Eliza Ann Reid, dont on sait peu de chose avant les années 1890, s’illustrera par son dynamisme et son sens de l’initiative. Fille d’un fabricant de meubles de Montréal, Eliza Ann reçoit probablement une instruction comparable à celle dont bénéficie sa sœur, Frances Ramsay, qui étudie auprès de professeurs privés et assiste aux conférences données sous les auspices de la Montreal Ladies’ Educational Association. Cette dernière épousera en 1878 ou en 1879 George Washington Stephens* et prendra activement part, elle aussi, à diverses associations de femmes. En 1867, Eliza Ann épouse un homme d’origine écossaise, Robert Reid, qui connaît la prospérité avec une entreprise de sculpture sur pierre établie à Montréal.

En 1892, Eliza Ann Reid fonde l’une des premières associations féminines du dominion, le Montreal Women’s Club, en s’inspirant des sociétés similaires formées dans plusieurs villes américaines. Les objectifs du club sont très larges : celui-ci vise à promouvoir le développement culturel, scientifique et social de ses membres. Une orientation féministe teinte nettement ses activités. On s’y préoccupe particulièrement de l’absence de femmes dans les commissions scolaires, dans les conseils d’administration d’hôpitaux et dans plusieurs facultés universitaires. Le club lutte contre cette discrimination en adressant des pétitions au gouvernement et aux autorités intéressées, ainsi qu’en organisant des conférences sur des thèmes comme l’éducation, le droit et le travail des femmes (notamment sur les programmes scolaires auxquels elles ont accès, leur statut légal dans la province de Québec et leur présence dans le monde des affaires). Parmi les membres illustres du Montreal Women’s Club se trouvent Carrie Matilda Derick*, lady Drummond [Parker*], Octavia Grace Ritchie*, de même que la propre fille de la présidente, Helen Richmond Young Reid*. Eliza Ann Reid demeurera à la tête de cette association jusqu’à sa démission en 1902.

En 1893, à la fondation du Local Council of Women de Montréal (branche montréalaise du National Council of Women of Canada) [V. Ishbel Maria Marjoribanks*], le Montreal Women’s Club obtient son affiliation à cette nouvelle fédération d’associations féminines de la métropole. Eliza Ann Reid devient alors l’une des vice-présidentes de la fédération locale et demeure membre de la direction de cet organisme au moins jusqu’en 1924 (à titre honorifique au cours des dernières années). En œuvrant au sein de cette fédération, elle côtoie plusieurs féministes réputées de la bourgeoisie de Montréal, dont les francophones Marguerite Thibaudeau [Lamothe*], Joséphine Dandurand [Marchand] et Marie Gérin-Lajoie [Lacoste*]. À l’échelon national, elle est également membre d’un comité qui étudie la protection juridique des femmes et des enfants.

Les activités du Local Council of Women de Montréal rejoignent plusieurs des thèmes déjà chers au Montreal Women’s Club ; la fédération montréalaise dispose cependant de moyens et d’effectifs plus substantiels pour défendre ses causes. Cela justifie sans doute l’engagement durable d’Eliza Ann Reid au sein de cette dernière, qui se distingue par ses campagnes de sensibilisation et ses réalisations dans les domaines de l’hygiène (lutte contre la mortalité infantile), de l’éducation (distribution de brochures aux mères) et de la culture (présentation de concerts, promotion des arts). Prônant un féminisme social qui ne rejette pas l’idée d’une distinction naturelle entre les rôles de l’homme et de la femme, l’association n’en contribue pas moins à l’élargissement des droits et privilèges des citoyennes. C’est ainsi, à titre d’épouses et de mères, que les femmes sont conviées à revendiquer, par exemple, le suffrage, l’accès aux études supérieures et aux professions libérales. Dans cet esprit, Eliza Ann Reid incite sa propre fille à réclamer son admission à la faculté des arts du McGill College auprès du directeur lui-même, John William Dawson*, alors que les femmes n’avaient pas encore le droit de le fréquenter. Helen Richmond Young Reid suivra d’ailleurs les traces de sa mère en militant au sein du Local Council of Women, en figurant parmi les premières bachelières ès arts de la McGill University et en contribuant entre autres à la mise sur pied de la McGill School for Graduate Nurses.

Toujours aux côtés de sa fille, Eliza Ann Reid participe également, au cours des années 1920, au comité de direction du Victorian Order of Nurses, service infirmier qui tente de diffuser des principes d’hygiène, en particulier auprès des mères et des jeunes enfants, et qui contribue aussi à la reconnaissance de la profession d’infirmière.

L’allégeance politique d’Eliza Ann Reid, partisane de la réciprocité commerciale avec les États-Unis [V. William Stevens Fielding ; sir Wilfrid Laurier*], va au Parti libéral. Sa ferveur religieuse l’amène par ailleurs à se dévouer pour le rayonnement de la congrégation unitarienne, dont elle est membre active. Elle fait partie du comité consultatif et du conseil d’administration de l’église du Messie de Montréal.

Fermement convaincue de la nécessité d’une participation accrue des femmes aux affaires publiques, Eliza Ann Reid prêche donc par l’exemple. Ainsi, cette Montréalaise s’engage dans différents dossiers tels que l’amélioration des habitations dans les quartiers pauvres et la mise en vigueur de diverses autres réformes d’aménagement urbain comme la construction de parcs, de terrains de jeux municipaux et de bains publics, l’amélioration des services d’aqueduc, d’éclairage et de transport en commun (tramways). À l’instar de ses collègues réformistes, Eliza Ann Reid se préoccupe également de la criminalité urbaine, du sort des prisonniers et de la réforme carcérale. De plus, engagée dans la lutte contre l’alcoolisme, elle prône l’intervention publique en ce domaine et exige que la ville de Montréal accorde moins de permis d’alcool. Elle préconise également un contrôle plus strict de l’entrée des immigrants au Canada.

À l’occasion de sa mort, survenue le 8 janvier 1926, Eliza Ann Reid est saluée par plusieurs dignitaires comme une Montréalaise remarquable et comme une véritable pionnière canadienne dans l’organisation de clubs féminins et la promotion des droits des femmes.

Louise Bienvenue

ANQ-M, CE601-S126, 17 janv. 1842 ; S132, 12 sept. 1867.— Victorian Order of Nurses for Canada, Arch. (Montréal), Minutes, 1898–1925.— Gazette (Montréal), 9, 11–12 janv. 1926.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1912).— Elizabeth Collard, « Montreal cabinetmakers and chairmakers, 1800–1850 : a checklist », Antiques (New York), 105 (janv.–juin 1974) : 1132–1146.— Margaret Gillett, We walked very warily : a history of women at McGill (Montréal, 1981).— N. E. S. Griffiths, The splendid vision : centennial history of the National Council of Women of Canada, 1893–1993 (Ottawa, 1993).— Local Council of Women [Montréal], Annual report, 1897–1923 ; Montreal Local Council of Women : 21st anniversary, 1893–1915 ([Montréal ?, 1915 ?]).— Montreal Women’s Club, Report, 1893–1895 ; 1898–1899 ; 1900–1901.— Juliette Patterson, « Helen Reid ; l’accès des femmes à l’université : une cause familiale », dans Ces femmes qui ont bâti Montréal, sous la dir. de Maryse Darsigny et al. (Montréal, [1994]), 115s.— Yolande Pinard, « les Débuts du mouvement des femmes à Montréal, 1893–1902 », dans Travailleuses et Féministes : les femmes dans la société québécoise, sous la dir. de Marie Lavigne et Yolande Pinard (Montréal, 1983), 177–198.— V. J. Strong-Boag, The parliament of women : the National Council of Women of Canada, 1893–1929 (Ottawa, 1976).

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Louise Bienvenue, « McINTOSH, ELIZA ANN (Reid) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/mcintosh_eliza_ann_15F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
Année de la révision:    2005
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