HAWTHORNTHWAITE, JAMES HURST, secrétaire, agent foncier, homme politique et homme d’affaires, né en 1869 dans le comté de Westmeath (république d’Irlande) ; en 1890, il épousa Elizabeth (Ada) Bate, et ils eurent huit enfants ; décédé le 1er novembre 1926 à Victoria.

Après des études en Angleterre, James Hurst Hawthornthwaite arriva en Colombie-Britannique à la fin des années 1880. Parmi ses premiers employeurs, il y eut le consulat américain à Victoria, où il travailla comme secrétaire, et, surtout, une société londonienne exploitant des houillères à Nanaimo, la New Vancouver Coal Mining and Land Company Limited. À titre d’agent foncier au sein de cette entreprise, il s’initia aux subtilités des conflits entre les droits des colons et les concessions minières dans l’île de Vancouver. En effet, une compagnie de charbonnages dirigée par Robert Dunsmuir* s’était vu octroyer en 1886 une immense portion de l’île. Hawthornthwaite s’opposerait très ouvertement à la famille Dunsmuir.

Longtemps directeur de la New Vancouver Coal Mining and Land Company, Samuel Robins était un rival acharné des Dunsmuir. C’était aussi l’une des quelques intéressantes personnalités locales qui guidèrent les premiers pas de Hawthornthwaite en politique. Robins entretenait des relations cordiales avec la Miners’ and Mine Laborers’ Protective Association, dont le secrétaire général à compter du début des années 1890, Ralph Smith*, influença aussi Hawthornthwaite. Un autre des mentors de celui-ci, Mark Bate, était associé en affaires avec Robins et avait déjà été maire de Nanaimo. En 1890, Hawthornthwaite cimenta ses liens avec lui en épousant sa fille Elizabeth. Le dernier de ses maîtres à penser, mais non le moindre, fut Eugene Thornton Kingsley, dont les discours imprégnés de socialisme doctrinaire marqueraient la vie politique de la côte Ouest.

Pendant la récession des cinq dernières années du xixe siècle, Hawthornthwaite resta quelque temps à la New Vancouver Coal Mining and Land Company en tant que veilleur de nuit. Sa famille, déjà nombreuse, ne cessait de s’agrandir : lui-même et sa femme auraient huit enfants au moment de leur séparation en 1912. Un adversaire politique déclara en 1908 qu’ils étaient vêtus « par charité » et que Hawthornthwaite n’était « pas du tout un homme ». Quoi qu’il en soit, sa position incertaine au sein de l’élite de Nanaimo explique en partie pourquoi ses opinions s’étaient radicalisées. Il avait fait son entrée à l’Assemblée législative après avoir été élu sans opposition député ouvrier indépendant de la circonscription de la ville de Nanaimo à un scrutin partiel tenu le 18 février 1901. La même année, dans un discours prononcé à Victoria à l’occasion de la fête du Travail, il avait déclaré, paraît-il, que le remède aux fléaux sociaux « était le socialisme pur et simple ».

Bien sûr, le socialisme de la côte Ouest n’était ni pur ni simple. Il s’imposa sur la scène électorale au moyen d’une campagne populiste contre les Dunsmuir, et ce, dans la période où l’île de Vancouver devint le centre névralgique du tout nouveau Parti socialiste de la Colombie-Britannique, fondé à l’été de 1901, puis du Parti socialiste du Canada, créé en 1904, dont le siège était aussi à cet endroit et qui comptait Hawthornthwaite et Kingsley parmi ses membres fondateurs. James Dunsmuir*, qui tint les houillères familiales sous son emprise de 1899 à 1910, fut premier ministre de la province de 1900 à 1902 et occupa de 1906 à 1909 un autre poste en vue, celui de lieutenant-gouverneur. Étant donné l’arrogance avec laquelle il affirma les droits de direction devant la commission royale d’enquête sur les conflits industriels en 1903, étant donné aussi ses évidents conflits d’intérêts, il était une cible facile. Hawthornthwaite et un autre représentant des houillères de Nanaimo, Parker Williams, remportèrent la victoire aux élections provinciales de 1903, de 1907 et de 1909 en tant que socialistes révolutionnaires voués à la lutte contre les Dunsmuir. Le représentant des mineurs de la partie continentale de la province, John McInnis, siégea à leurs côtés pendant les sessions de 1908 et de 1909. Contrairement à Hawthornthwaite et à Williams, McInnis ne s’était pas fait élire en défendant le programme du Parti socialiste du Canada, mais il s’en remettait au leadership parlementaire de Hawthornthwaite dans le contexte d’une stratégie provinciale, voire nationale, visant à lier ce parti au mouvement des mineurs.

L’apport de Hawthornthwaite fut beaucoup plus constructif que révolutionnaire : par exemple, des mesures rudimentaires sur la sécurité dans les fermes en 1901 et une loi sur l’indemnisation des victimes d’accidents du travail en 1902. Porté au pouvoir en juin 1903 avec une faible majorité, le premier ministre conservateur Richard McBride* sollicita son appui. Hawthornthwaite put donc exercer des pressions pour la présentation d’autres lois, en vue notamment d’améliorer les normes de sécurité et d’implanter des réformes du travail dans l’industrie minière. Le premier ministre se servait des membres du caucus socialiste pour sonder l’opinion de la classe populaire sur quelques questions. En échange, Hawthornthwaite et ses collègues s’abstenaient de critiquer par le menu les politiques de développement de McBride. Ces arrangements avaient des limites. Ainsi, le premier ministre laissa les députés socialistes mener la bataille en faveur du suffrage féminin, mais n’imposa pas de ligne directrice à ses propres députés à ce sujet, même si, personnellement, il était favorable à cette mesure parce qu’elle s’inscrivait dans son projet de « C[olombie-]B[ritannique] blanche ». En outre, l’administration des lois sur le travail trahissait parfois jusqu’au ridicule les réformes adoptées sous l’autorité de McBride. La correspondance de Hawthornthwaite montre que les fonctionnaires appliquaient différentes parties du Coal Mines Regulation Act dans la mesure où lui-même et d’autres élus insistaient pour qu’ils le fassent. Toutefois, et même si les griefs accumulés à la houillère de l’île de Vancouver déboucheraient par la suite sur des affrontements violents, le socialisme comme solution de rechange – strike at the ballot box (une grève aux urnes), pour reprendre le slogan du Western Clarion, journal socialiste de Vancouver – eut pendant un certain temps un succès inégalé.

De 1904 à 1908, vu que leurs assises locales semblaient solides, les militants du Parti socialiste du Canada dans l’île de Vancouver mirent tout en œuvre pour battre Smith – qui, aux Communes, avait renoncé à son indépendance de député ouvrier et s’était joint au caucus libéral de sir Wilfrid Laurier* – et pour faire élire l’un des leurs. Le populaire Hawthornthwaite démissionna de son siège à l’Assemblée législative en 1908 afin de participer à la campagne contre Smith. Certains historiens ont avancé que, s’il perdit de peu dans la circonscription fédérale de Nanaimo aux élections générales du mois d’octobre, c’était parce que le parti se proclamait pacifiste. La base navale d’Esquimalt, que la Grande-Bretagne était sur le point de transférer au gouvernement fédéral, se trouvait dans cette circonscription. Hawthornthwaite retrouva son siège à l’Assemblée législative à l’issue d’une élection partielle tenue le 12 janvier 1909.

En 1911, Hawthornthwaite, qui s’était défini trois ans plus tôt comme un « mineur affranchi », se mit à s’intéresser à des entreprises spéculatives, entre autres un projet d’usine de pâtes et papiers au lac Cowichan. Comme il l’expliqua à Kingsley, son associé dans cette affaire, il s’agissait de leur part d’une tentative pour « [s’]accorder avec le monde ». Certains membres du Parti socialiste du Canada trouvèrent intolérable qu’il coure ainsi deux lièvres à la fois. Il fut expulsé du parti en 1912, pendant une querelle interne qui coïncida avec des schismes idéologiques plus vastes entre factions puriste et révisionniste. La section locale du parti à Nanaimo passa en bloc au Parti social-démocrate du Canada, plus modéré, mais Hawthornthwaite ne se présenta pas sous cette bannière aux élections provinciales de cette année-là.

En raison de ses activités d’homme d’affaires – et, fort probablement, de ses relations personnelles avec McBride, qui séjournait souvent en Angleterre –, Hawthornthwaite put se rendre à Londres et en Europe à la veille de la Première Guerre mondiale. Pendant les hostilités, il se fit discret. Retranché dans sa résidence de Victoria, Burleith House, il joua un rôle qui risquait de susciter la controverse, celui de représentant d’investisseurs allemands en Colombie-Britannique. Par la suite, il dirait avoir rencontré Lénine, le chef bolchevik en exil, au cours de ses voyages. La chose est invérifiable, mais de toute évidence, la révolution d’Octobre en Russie ranima ses ardeurs. Pendant la guerre, ce qui restait de la coalition du Parti socialiste du Canada dans l’île de Vancouver vola en éclats. Cette situation offrit à Hawthornthwaite une chance de reconquérir un siège à l’Assemblée provinciale. Il gagna l’élection partielle de janvier 1918 dans la circonscription de Newcastle. Sa campagne s’inscrivait dans un mouvement de soutien au Federated Labour Party, nouvelle coalition appuyée par d’anciens piliers du Parti socialiste du Canada, entre autres Kingsley. Ce mouvement, dont la rhétorique exprimait de la solidarité avec Lénine et le bolchevisme, servait manifestement de paratonnerre à l’opposition contre la guerre et au malaise social généralisé. Au cours de son troisième mandat à l’Assemblée, Hawthornthwaite ne put rien inscrire à son actif, ce qui n’est pas étonnant. Il n’avait aucun allié en Chambre. Les libéraux sous les premiers ministres Harlan Carey Brewster* et John Oliver n’avaient nul besoin de son appui et ne voulaient pas le laisser influer sur le programme législatif comme il l’avait fait avant la guerre. Aux élections générales d’octobre 1920, il affirma représenter les « esclaves du salariat » de l’île de Vancouver. Un mineur au travail, Samuel Guthrie, contesta cette prétention douteuse et remporta la victoire. Hawthornthwaite continua de faire un peu de politique socialiste en marge de ses affaires, mais il avait perdu toute efficacité depuis sa défaite électorale. La Canadian annual review de 1918 l’avait défini comme « un représentant des mineurs de l’espèce la plus radicale ». Au moment de sa mort en 1926, il était probablement plus connu en tant que promoteur, depuis quelques années, de gisements aurifères situés dans le district de Cassiar.

La question de savoir ce qu’a laissé James Hurst Hawthornthwaite soulève des débats passionnés parmi les historiens. De l’avis de certains d’entre eux, les pionniers du socialisme en Colombie-Britannique, dont il fut l’un des plus éminents, n’étaient qu’un ramassis de charlatans qui exploitaient la conscience de classe à des fins personnelles. D’autres voient en eux des artisans de l’identité politique régionale. Pour d’autres encore, ils annonçaient des valeurs social-démocrates qui font maintenant l’objet d’un vaste consensus au Canada. Même un rapide survol de sa carrière aux multiples aspects éclaire toutes ces opinions et contribue à ancrer la discussion sur l’histoire de la lutte dont les terres et les richesses naturelles de l’Ouest continuent d’être l’enjeu.

Allen Seager

L’auteur aimerait remercier M. Don Stewart, de Vancouver, qui lui a permis de consulter les papiers Hawthornthwaite. Ceux-ci sont maintenant déposés à la Simon Fraser Univ. Library, Special Coll. and Rare Books (Burnaby, C.-B.), dans la History of Western Canada Coll.

Lynn Bowen, Three dollar dreams (Lantzville, C.-B., 1987).— Canadian annual rev., 1918.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898 et 1912).— CPG, 1901–1920.— Electoral hist. of B.C.— [J.] M. Leier, Rebel life : the life and times of Robert Gosden, revolutionary, mystic, labour spy (Vancouver, 1999).— A. B. McCormack, Reformers, rebels, and revolutionaries : the western Canadian radical movement, 1899–1919 (Toronto et Buffalo, N.Y., 1977 ; réimpr., 1991).

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Allen Seager, « HAWTHORNTHWAITE, JAMES HURST », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/hawthornthwaite_james_hurst_15F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
Année de la révision:    2005
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