WOOD, JOSIAH, marchand, industriel, homme politique et lieutenant-gouverneur, né le 18 avril 1843 à Sackville, Nouveau-Brunswick, fils de Mariner Ayer Wood et de Louisa Cynthia Trueman ; le 14 janvier 1874, il épousa dans cette ville Laura Sophia Trueman (décédée en 1935), et ils eurent quatre filles, dont l’une morte à la naissance, et deux fils ; décédé le 13 mai 1927 au même endroit.

Né à Dorchester, au Nouveau-Brunswick, le père de Josiah Wood s’établit comme marchand à Sackville et bâtit une entreprise de gros et de détail qui prospéra et finit par s’étendre dans les secteurs de l’agriculture, de la construction navale, du transport et de l’exploitation forestière. Au moment de son décès en 1875, on la classerait au tout premier rang des entreprises commerciales de Sackville en situant sa « force financière » entre 100 000 $ et 250 000 $. Outre cet important héritage financier, Mariner Ayer Wood transmit de solides convictions religieuses à ses deux fils. Méthodiste wesleyen, il les exhortait à « lire et [à] étudier la bonne parole de Dieu au moins une ou deux fois par jour et [à] prier pour que l’Esprit saint accompagne cet exercice ».

Josiah Wood entra à la Mount Allison Wesleyan Academy de Sackville à l’âge de neuf ans et y obtint son diplôme en 1861. Inscrit ensuite à la section collégiale de Mount Allison, il reçut une licence ès arts en 1863, ce qui en faisait l’un des deux premiers diplômés de cet établissement. Il entreprit une carrière en droit, mais l’abandonna parce que son jeune frère, Charles Harmon, était gravement malade. Une société à trois participants fondée en janvier 1871, la M. Wood and Sons, assura la continuité de l’entreprise familiale, dont Josiah hérita seul à la mort de son père car Charles Harmon était décédé entre-temps. Wood intensifia les activités de la compagnie en mettant l’accent sur les ventes de gros, en ajoutant quatre navires à sa flotte et en utilisant le chemin de fer Intercolonial en complément du transport maritime et pour faire venir des marchandises de fabrication canadienne. De plus, il se lança dans le commerce bancaire et la construction ferroviaire, et il investit dans l’immobilier et l’industrie.

Entrepreneur riche et bien en vue, Wood était attiré par la politique. En 1878, il brigua le siège de Westmorland à l’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick. Malgré les attaches libérales-conservatrices de sa famille, il choisit de faire partie d’une « liste libérale » de quatre candidats tout en précisant que « chacun sera[it] libre de faire comme il l’entendra[it] ». Défait comme ses trois colistiers, il mit bientôt fin à son escapade chez les libéraux. Sur les instances du sénateur conservateur John Boyd*, selon qui il était dans Westmorland le seul à pouvoir vaincre le député libéral fédéral, sir Albert James Smith*, et pressé aussi par son oncle Acalus Lockwood Palmer, auprès de qui il avait étudié le droit, Wood sollicita et obtint la candidature conservatrice en 1882. Troublée par la perspective de le voir s’exiler à Ottawa, lui qui déjà s’absentait souvent pour affaires, Laura Sophia Trueman Wood souhaitait pourtant de tout cœur « qu’il remporte son élection ». Son désir se réalisa : en juin 1882, il obtint une majorité de plus de 400 voix.

Wood avait opté pour la scène fédérale à cause de la politique du Parti conservateur en matière de protection tarifaire et de construction ferroviaire. Il avait beaucoup investi dans le tout jeune secteur industriel de Moncton, qui prospérait grâce à la Politique nationale et à la présence du chemin de fer Intercolonial. Avec John Leonard Harris* et d’autres associés, il recueillit environ un million de dollars pour financer diverses entreprises, dont une raffinerie de sucre, une compagnie de distribution d’eau et d’éclairage au gaz, une filature de coton et d’autres usines textiles et métallurgiques. Il avait de gros intérêts immobiliers à Moncton, tout comme à Sackville. En plus, il était l’un des promoteurs d’un chemin de fer qui partirait de l’Intercolonial à Sackville et irait jusqu’à Cape Tormentine, dans le détroit de Northumberland. En 1874, au moment du lancement de la New Brunswick and Prince Edward Railway Company, il y avait investi 1 000 $ sur un total de 66 000 $. En 1882, il était président de cette société et en détenait plus d’actions que quiconque, soit une valeur de 50 000 $.

La société ferroviaire n’avait pas réussi à respecter les modalités de sa charte, selon laquelle le gouvernement provincial s’engageait à verser une subvention de 5 000 $ si les travaux commençaient en 1878 et s’achevaient en 1880. Un des actionnaires, Joseph Laurence Black*, qui était également l’un des députés de Westmorland à l’Assemblée provinciale, avait obtenu des reports d’échéances et la promesse d’une subvention réduite. Le gouvernement fédéral se montra plus récalcitrant, même après que les conservateurs eurent repris le pouvoir en 1878 sous la direction de sir John Alexander Macdonald*. À Amherst en Nouvelle-Écosse, dans la circonscription de Charles Tupper* – voisine de celle de Westmorland –, il était question de construire un chemin de fer qui permettrait aux navires de franchir l’isthme Chignecto [V. Henry George Clopper Ketchum*] et un autre, de type conventionnel celui-là, jusqu’à Cape Tormentine. En fin de compte, on prit des engagements solennels à propos du chemin de fer pour bateaux et l’on jeta aux oubliettes l’autre ligne d’Amherst. Les pressions intensives de Wood, le départ de Tupper du cabinet et l’appui solide de sir Samuel Leonard Tilley*, éminent représentant du Nouveau-Brunswick au gouvernement, permirent au chemin de fer de Sackville d’obtenir le soutien du gouvernement fédéral. Ce dernier reçut en juillet 1885 une subvention de 3 200 $ le mille, et Ottawa promit de construire un quai au terminus de Cape Tormentine. En 1887, Wood fut en mesure de déclarer que la contribution de l’État au coût total du chemin de fer (300 000 $) avait été de 223 000 $.

Ce chemin de fer, qui aboutissait à un traversier, était la principale liaison entre le continent et l’Île-du-Prince-Édouard. En plus, il avait d’importantes retombées économiques dans le sud-est du comté de Westmorland. Avec de pareils atouts, et avec la croissance de Moncton, la réélection de Wood était assurée : sa majorité frôla les 550 voix en 1887 et dépassa les 2 000 en 1891. Aux Communes, Wood s’était vite fait remarquer par ses discours pondérés, réfléchis, bien documentés et courtois. Naturellement, il intervenait pour défendre les orientations conservatrices, surtout la Politique nationale. Celle-ci, notait-il, avait favorisé l’industrie manufacturière dans les Maritimes à une époque où la construction navale dépérissait et avait engendré au Canada « une unité nationale, une indépendance nationale tout à fait inconnues un quart de siècle [plus tôt] ». Wood voulait également que le gouvernement subventionne le chemin de fer canadien du Pacifique et sa « Short Line » de Montréal à Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick. À ceux qui lui reprochaient d’user de son pouvoir de député pour promouvoir sa propre société ferroviaire, il répondait que, oui, elle avait reçu des subventions, mais qu’il s’agissait là d’une aide normale, accessible à tout chemin de fer, et que le sien en avait bénéficié « sans abus d’influence auprès du gouvernement ». De toute évidence, il ne disait pas tout au sujet des pressions qu’il avait exercées, mais elles n’avaient rien d’extraordinaire pour l’époque.

Ce qui était inhabituel de la part d’un député des Maritimes à la Chambre des communes, c’était les questions de Wood à propos de l’Intercolonial. Construit et exploité avec des fonds publics parce qu’il était un « trait d’union vital », ce chemin de fer n’avait jamais eu une vocation strictement commerciale. Wood l’admettait. Toutefois, il se plaignait du favoritisme politique qui s’y rattachait, de ses bas tarifs et du fait que les recettes n’augmentaient pas au même rythme que le transport de marchandises et de passagers. Dès les années 1890, il insistait pour que l’on ne prolonge plus l’Intercolonial, pour que l’on réduise le nombre de trains et d’employés et pour que l’on hausse les tarifs. Sans aller jusqu’à proposer de vendre l’Intercolonial à une société privée, il suggéra de lui retirer une part de ses activités en laissant le Grand Tronc et le chemin de fer canadien du Pacifique utiliser ses installations, ce qui permettrait à ceux-ci d’avoir accès sans intermédiaire aux ports maritimes des provinces de l’Atlantique. Avec un tel plan, Wood ne pouvait guère espérer récolter des appuis à Moncton, où se trouvaient le siège social et les principaux ateliers de l’Intercolonial. Sa nomination au Sénat le 5 août 1895 lui évita une autre campagne électorale, ce qui valait peut-être mieux.

Au Sénat, Wood participa activement aux débats. Il continua de s’opposer à ce que le gouvernement possède et exploite des chemins de fer, en reconnaissant ouvertement que, dans sa critique de l’Intercolonial, il « n’exprim[ait] pas l’opinion de la population des Maritimes ». Bien que, en général, il ait vanté les chemins de fer privés, il trouvait parfois excessif ou contestable le soutien gouvernemental. Par exemple, il avait de sérieuses réserves sur l’entente de la passe du Nid-du-Corbeau, conclue avec la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique, et s’opposait radicalement au projet libéral de construction d’un deuxième transcontinental [V. Charles Melville Hays*] par crainte que les obligations contractées par le gouvernement forcent un jour celui-ci à prendre la ligne en charge. Dans le débat sur la question des écoles du Manitoba, il soutint « les vues des catholiques » et condamna le premier ministre sir Wilfrid Laurier* en 1897 parce qu’il n’avait pas « respecté les obligations au sujet desquelles la plus haute autorité judiciaire de l’Empire a[vait] déclaré qu’elles [étaient] un pacte solennel du Parlement ». Convaincu que le rôle et les privilèges du Sénat étaient de toute première importance, il présenta des arguments bien étoffés contre la réforme sénatoriale. Pourtant, il blâma les sénateurs et les députés pour avoir accepté des hausses de salaires. « Nous sommes ici, fit-il valoir, non pas en tant que représentants rémunérés du peuple ; nous sommes ici, selon moi, en tant que fiduciaires des fonds publics. » Il refusa de toucher sa propre augmentation et en laissa plutôt le produit s’accumuler. Surtout, il continua de rêver en la possibilité d’énoncer des orientations économiques nationales qui stimuleraient la croissance des Maritimes. La « partie est du dominion », soutenait-il, pouvait faire du Canada « l’un des plus grands pays manufacturiers au monde ».

Les vieux rêves ont la vie dure, et celui-ci s’avéra étonnamment tenace, vu les expériences de Wood dans les années 1880 et 1890. Une à une, presque toutes les industries de Moncton auxquelles il était associé furent rachetées ou bien se firent avaler et mettre hors jeu par des concurrents du centre du Canada. C’était l’époque où les usines appartenant à des entreprises de l’extérieur se multipliaient dans le paysage économique des Maritimes. Wood resta actif dans les sociétés de services publics de Sackville et, à titre de premier maire de la ville (de 1904 à 1907), il supervisa l’achat de plusieurs de ces entreprises par le conseil municipal. En 1904, son fils, Herbert Mariner, s’associa à la M. Wood and Sons, mais dès 1905, celle-ci ne valait plus qu’entre 35 000 $ et 50 000 $. En 1914, Wood était encore actionnaire majoritaire de la New Brunswick and Prince Edward Island Railway Company (le nom avait quelque peu changé), et le gouvernement fédéral acheta l’entreprise pour la somme de 270 000 $, ce qui contribua probablement à reconstituer une bonne partie de la fortune familiale.

Un dernier honneur attendait Wood. Le 6 mars 1912, il accepta le poste de lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick. Les conservateurs étaient alors au pouvoir à Ottawa et à Fredericton. Il exerça sa fonction jusqu’en 1917. Un geste, en particulier, témoigne de son intégrité. En 1914, malgré des pressions d’anciens amis conservateurs sur les scènes fédérale et provinciale, il força James Kidd Flemming à quitter le fauteuil de premier ministre de la province après qu’une commission royale d’enquête eut découvert des irrégularités dans ses campagnes de financement.

Wood soutint généreusement l’Église méthodiste du Canada tout au long de sa vie. L’église méthodiste Main Street de Sackville bénéficia de sa présence au conseil d’administration et au comité de construction, de ses avis financiers et de ses nombreuses souscriptions et donations. Il se dévoua encore plus pour son alma mater, Mount Allison. Membre du conseil d’administration de cet établissement durant plus de 40 ans, il en fut trésorier de 1876 à 1922. Il versa une contribution de 10 000 $ au début des années 1880, dota la chaire d’humanités Josiah Wood, paya l’excavation d’un petit lac pour embellir les terrains du collège et donna ses 14 800 $ de rémunération de sénateur pour financer la maîtrise de conférences Josiah Wood. En retour, il reçut un doctorat en droit civil en 1891 et fut honoré à l’occasion du soixantième anniversaire de l’obtention de son diplôme.

De « santé fragile » dans ses dernières années, Josiah Wood mourut le 13 mai 1927 à l’âge de 84 ans. Son intégrité, sa force de caractère, son bon jugement et sa largeur de vues inspiraient beaucoup d’admiration. Il laissait une succession d’une valeur de 178 869,91 $, dont environ 90 000 $ en obligations, titres et actions. Sa carrière illustre bien le passage du capitalisme marchand au capitalisme financier et industriel dans les Maritimes et la réaction parfois inadéquate des milieux politiques. Si Wood survécut mieux à cette transition que d’autres capitalistes, la région dans son ensemble connut des problèmes d’adaptation qui laissaient présager que, loin de jouer un rôle d’avant-garde au Canada, elle serait à la traîne.

W. G. Godfrey

La meilleure collection de sources de première main sur Josiah Wood sont les papiers de la famille Wood conservés aux APNB, MC 218 ; on trouve aussi à cet endroit les dossiers d’homologation sous RS74, nos 1927/3688 et 1935/4393. Les Mount Allison Univ. Arch. (Sackville, N.-B.) possèdent entre autres le fonds de la famille Wood (8914 et 9703), les papiers Josiah Wood (7843) et le journal personnel de Laura [Trueman] Wood (8510).

Chignecto Post (Sackville), 23 mai, 13, 20 juin 1878, paru par la suite sous le titre Chignecto Post and Borderer, 9 févr., 18 mai 1882.— Transcript (Sackville), 9 févr., 23 mars 1882.— Tribune (Sackville), 9 mars 1882, 16 mai 1927, 1er, 4 avril 1935.— T. W. Acheson, « The National Policy and the industrialization of the Maritimes, 1880–1910 », Acadiensis (Fredericton), 1 (1971–1972), nº 2 : 3–28.— D. E. Alward, « Down Sackville ways : shipbuilding in a nineteenth century New Brunswick outport » (mémoire de b.a., Mount Allison Univ., 1978).— Biographical review [...] of leading citizens of the province of New Brunswick, I. A. Jack, édit. (Boston, 1900).— Canada, Chambre des communes, Débats, 1883–1896 ; Sénat, Débats, 1896–1911.— Canadian biographical dictionary and portrait gallery of eminent and self-made men (2 vol., Toronto, 1880–1881).— A. T. Doyle, Front benches & back rooms : a story of corruption, muckraking, raw partisanship and intrigue in New Brunswick (Toronto, 1976) ; Heroes of New Brunswick (Fredericton, 1984).— D. [W.] Jobb, « Josiah Wood [1843–1927] : “A cultured and honoured gentleman of the old school” » (mémoire de b.a., Mount Allison Univ., 1980) ; « Sackville promotes a railway : the politics of the New Brunswick and Prince Edward Railway, 1872–1886 », dans People and place : studies of small town life in the Maritimes, L. [D.] McCann, édit. (Fredericton et Sackville, 1987), 31–56.— L. D. McCann, « Metropolitanism and branch businesses in the Maritimes », Acadiensis, 13 (1983–1984), nº 1 : 112–125.— C. R. McKay, « Investors, government and the CMTR : a study of entrepreneurial failure », Acadiensis, 9 (1979–1980), nº 1 : 71–94.— The mercantile agency reference book [...] (Montréal), 1870–1930.— W. C. Milner, History of Sackville, New Brunswick (Sackville, 1934) ; « Our lieutenant governors », Busy East of Canada (Sackville), 9 (déc. 1918) : 20–22.— Prominent people of New Brunswick [...], C. H. McLean, compil. ([Saint-Jean], 1937).— Standard dict. of Canadian biog. (Roberts et Tunnell), 1.— G. R. Stevens, Canadian National Railways (2 vol., Toronto et Vancouver, 1960–1962), 2.— The Wood family, Sackville, N.B. : being a genealogy of the line from Thomas Wood of Rowley, Mass., born about 1634, to Josiah Wood, of Sackville, N.B., born in 1843 [...], J. A. Kibbe, compil. (Warehouse Point, Conn., 1904).

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W. G. Godfrey, « WOOD, JOSIAH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/wood_josiah_15F.html.

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Année de la publication:    2005
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