ENGLEHART, JACOB LEWIS, homme d’affaires, fonctionnaire et philanthrope, né le 2 novembre 1847 à Cleveland, Ohio, fils de John Joel Englehart, marchand, et de Hannah Rigaret ; le 11 juin 1868, il épousa à New York Katy White puis le 29 décembre 1891, à Petrolia, Ontario, Charlotte Eleanor (Minnie) Thompson (décédée le 31 décembre 1908) ; il n’eut pas d’enfants ; décédé le 6 avril 1921 à Toronto.
La famille Englehart était juive ; apparemment, elle avait immigré aux États-Unis en provenance de l’Allemagne. Dès son adolescence, après des études à Cleveland, Jacob Lewis Englehart entama sa carrière commerciale à New York, où son père s’était lancé en affaires et où sa sœur Sophie avait épousé un attorney très en vue. De 1866 jusque vers 1883, il exerça, à partir de cette ville, les métiers de brasseur, de rectificateur puis de marchand spécialisé en produits pétroliers. À la fin des années 1860, il commença à s’intéresser au sud-ouest de l’Ontario, et particulièrement aux nappes pétrolifères qui se trouvaient sous les terres agricoles des comtés de Lambton et de Kent, entre Chatham et Sarnia [V. James Miller Williams*]. Au cœur de cette région en pleine effervescence était situé le village de Petrolia. En janvier 1870, Englehart fit son entrée dans le secteur du raffinage à London, en Ontario, en s’associant à des gens de cette ville, de New York et de Mannheim (Allemagne). Six ans plus tard, avec Isaac Guggenheim, il forma la J. L. Englehart and Company et réinstalla sa raffinerie à Petrolia, où il élut domicile. En s’inspirant de la méthode appliquée par des hommes tel John Davison Rockefeller dans les champs pétrolifères de Pennsylvanie, non seulement exploitait-il son propre gisement et concluait-il des contrats avec des fermiers de l’endroit pour leur pétrole, mais il reconnaissait la valeur des fusions. En septembre 1880, à son initiative, lui-même et d’autres raffineurs, dont ses ex-associés Herman et Isaac Waterman (originaires de Bavière), fondèrent l’Imperial Oil Company Limited à London. Vice-président et directeur général, et détenteur de 20 % des actions, il était le pivot de l’entreprise.
L’Imperial Oil, après l’incendie qui détruisit son usine en 1883, agrandit sa raffinerie de Petrolia et, l’année suivante, installa son siège social dans cette localité. Englehart se fit bâtir une maison somptueuse. Il se convertit à l’anglicanisme au cours des années 1880, entra dans la franc-maçonnerie et, à un moment quelconque, devint sujet britannique. On le voit sur des photographies, gentleman au crâne chauve, en tenue de ville à l’européenne, avec un pince-nez et une barbe en pointe. En 1891, il épousa Charlotte Eleanor Thompson, âgée de 28 ans et surnommée Minnie ; leur mariage fut un grand événement mondain, rapporta le Petrolia Advertiser and Canadian Oil Journal.
À cause des dimensions de sa raffinerie, l’Imperial Oil détenait un quasi-monopole sur le traitement du pétrole qui se vendait aux chemins de fer canadiens, en plein essor à l’époque. Pour concurrencer la Standard Oil, qui importait à bas prix des États-Unis, Englehart soutenait le tarif protecteur du Canada. En 1898, comme le gouvernement de Wilfrid Laurier*, élu à Ottawa deux ans plus tôt, ne manifestait nullement l’intention de maintenir cette protection, Englehart et le conseil d’administration de l’Imperial Oil décidèrent de vendre la majorité des actions de l’entreprise à la Standard Oil et de réinstaller à Sarnia le siège social et la raffinerie. Englehart passa au conseil d’administration de la nouvelle filiale, qui conservait le nom d’Imperial Oil. Néanmoins, il demeura à Petrolia, en partie pour diriger la J. L. Englehart and Company, qui en 1899 avait 233 puits actionnés par une seule centrale énergétique et répartis sur une superficie de 400 acres. En s’enrichissant, Englehart diversifia ses investissements. Il fut président de la Crown Savings and Loan Company à Petrolia et vice-président de la London and Western Trusts Company. En plus, son influence avait commencé à se faire sentir dans les milieux politiques.
Englehart devint l’un des principaux donateurs du Parti conservateur dans le sud-ouest de l’Ontario. Son beau-frère George Moncrieff fut député fédéral de Lambton East de 1887 à 1896. Sur la scène provinciale, Englehart soutint en 1902, dans Lambton West, la candidature de son ami William John Hanna*, conseiller juridique de l’Imperial Oil et membre du conseil d’administration de celle-ci. Nommé en février 1905 secrétaire de la province dans le gouvernement de James Pliny Whitney*, Hanna recommanda qu’Englehart fasse partie de la commission qui s’occupait du Temiskaming and Northern Ontario Railway, puis, en 1906, qu’il en soit président. Le gouvernement libéral de George William Ross* avait créé cette commission en 1902 pour qu’elle fasse construire une ligne entre North Bay et le lac Témiscamingue, ce qui faciliterait la colonisation du Nord-Est ontarien [V. August Kruger*]. L’inauguration du chemin de fer eut lieu en janvier 1905, et le trafic s’intensifia en raison des booms miniers de Cobalt, de Porcupine et de Kirkland Lake [V. Benjamin Hollinger*]. Pendant 13 ans, Englehart présiderait la commission et dirigerait le chemin de fer sous l’autorité immédiate du secrétaire de la province. On le considérait comme un fonctionnaire un peu excentrique mais consciencieux. La rumeur disait qu’il versait la plus grande partie de son salaire à des œuvres de bienfaisance.
Trop distant et guindé pour devenir un personnage politique de quelque importance, Englehart prenait au sérieux son rôle de philanthrope, de soutien d’un parti politique et de fonctionnaire. En 1909, après que sa femme eut succombé à la tuberculose, il donna de l’équipement de radiographie au St Michael’s Hospital de Toronto. L’année suivante, conformément à une volonté testamentaire de sa femme, il convertit en hôpital leur maison de Petrolia, Glenview. Son appui aux conservateurs lui apportait une reconnaissance gratifiante. Lui dont l’anglais écrit montrait qu’il n’avait pas dépassé l’école secondaire avait volontiers accepté, sur l’invitation de Whitney, d’appartenir au conseil d’administration de la University of Toronto pour la durée d’un mandat (1906–1908).
Si Englehart occupe une place dans l’histoire, c’est essentiellement à titre de gestionnaire du Temiskaming and Northern Railway. En 1905–1906, la commission eut pour mandat d’aménager l’emplacement des municipalités de Temagami, de Latchford, de Cobalt et d’Englehart, ce qui répondait à un besoin pressant. En 1908, elle prolongea le chemin de fer jusqu’à Cochrane, où il rejoindrait le national transcontinental, puis en 1911 jusqu’aux mines d’or de Porcupine. Englehart négocia des contrats autorisant les trains du transcontinental à se rendre à Toronto en empruntant les rails du Temiskaming and Northern Ontario Railway. De plus, il mit le chemin de fer à la disposition de la collectivité, surtout pendant de gros incendies, dont ceux de 1911 à Porcupine et à Cochrane et de 1916 à Matheson. Entré au conseil d’administration de la Banque de Toronto en 1912, il sut promouvoir, dans les cercles d’affaires torontois, le développement du Nord ontarien. Les habitants de cette région lui en voulaient de n’y avoir jamais habité. (Après avoir quitté Petrolia, il s’était installé au Queen’s Hotel à Toronto.) Toutefois, en ces temps où le Temiskaming and Northern Ontario Railway jouait un rôle essentiel dans l’ouverture du « Nouvel Ontario », le fait de diriger ce chemin de fer, qu’il empruntait régulièrement, lui donnait bien sûr de la visibilité.
Tombé malade en 1919, Jacob Lewis Englehart quitta la présidence de la commission le 28 octobre, quelques jours après l’élection du gouvernement des Fermiers unis. À l’époque, il maintenait trois priorités du gouvernement conservateur précédent : construire un embranchement jusqu’à Kirkland Lake, électrifier le chemin de fer et le prolonger jusqu’à la baie James. Mort au Wellesley Hospital à la suite d’une hémorragie cérébrale, il fut inhumé au cimetière Hillsdale, près de Petrolia. Sa succession, d’une valeur de 2 millions de dollars, fut répartie surtout entre des parents et amis.
La carrière de Jacob Lewis Englehart auprès de la commission qui s’occupait du Temiskaming and Northern Ontario Railway est analysée dans notre ouvrage intitulé Steam into wilderness : Ontario Northland Railway, 1902–1962 (Toronto, 1978). [a. t.]
AO, RG 8-5, boxes 12–13 ; RG 22-273, nos 4133, 6563 ; RG 22-305, nos 46014, 46221 ; RG 55-17-33, nos 111, 185, 403 ; RG 80-5-0-196, nº 5652 ; RG 80-8-0-343, nº 5598 ; RG 80-8-0-801, nº 2946.— Globe, 7, 11 avril 1921.— Petrolia Advertiser and Canadian Oil Journal (Petrolia, Ontario), 1er janv. 1892, 6 janv. 1909.— Michael Barnes, Jake Englehart (Cobalt, Ontario, 1974).— Canadian annual rev., 1905–1917.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1912).— Cyclopædia of Canadian biog. (Rose et Charlesworth), 3.— J. S. Ewing, « The history of Imperial Oil Limited » (ms, Harvard Business Hist. Foundation, Boston, 1951 ; exemplaire aux Imperial Oil Arch., Toronto).— Industrial Canada (Toronto), 22 (1921–1922), nº 1 : 124, 126.— National cyclopædia of American biography [...] (63 vol., New York, [etc.], 1892–1984), 14 : 362 ; 36 : 147s.— Newspaper reference book.— Ontario, Legislature, Sessional papers, 1900, nº 5 : 107.— Trow’s New York City directory [...] (New York), 1864/1865–1882/1883.— Who’s who and why, 1919–1920 : 1143.
Albert Tucker, « ENGLEHART, JACOB LEWIS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/englehart_jacob_lewis_15F.html.
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Auteur de l'article: | Albert Tucker |
Titre de l'article: | ENGLEHART, JACOB LEWIS |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
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