Le chef libéral : les premières années (1887–1896)


En juin 1887, le chef libéral Edward Blake exprime le souhait de céder sa place et propose que Wilfrid Laurier lui succède. Voici un extrait de la biographie de Blake :

Étant donné que Mowat n’était pas disponible, que Cartwright ne faisait pas l’affaire et qu’il fallait tisser des liens entre le Québec et le parti, Blake opta pour Laurier. Ce choix, qui semble tout naturel, surprit Laurier et le parti.

 

Tandis qu’il réfléchit à la proposition de Blake, Laurier confie à son ami Ernest Pacaud, propriétaire et directeur du quotidien libéral lÉlecteurqu’il ne souhaite pas, pour des raisons pécuniaires et de santé, devenir chef du Parti libéral du Canada. L’extrait suivant de la biographie de Laurier montre comment Blake entrevoit sa succession :

[Aux] yeux [de Blake], le parti avait besoin d’un chef intègre, capable de jugement et de courage, capable aussi de considérer les problèmes non sous l’angle racial ou religieux, mais selon le strict intérêt national, capable enfin de remuer les foules mais, également, d’inciter le Québec à joindre majoritairement les rangs libéraux, l’une des conditions essentielles à la prise du pouvoir à Ottawa. 

 

Le 18 juin, Laurier accepte finalement la direction du Parti libéral, formation dont il transforme, entre autres choses, l’unité, l’organisation, le financement et le programme. James David Edgar, président du comité parlementaire du parti sur l’organisation, est l’un des piliers de cette refonte :

Il abandonna l’ancienne façon de faire, qui donnait des résultats incertains, et proposa que les souscripteurs versent un montant fixe chaque année durant trois ans et que l’on soumette au contrôle de Laurier et du comité parlementaire les fonds ainsi réunis. Cette stratégie marquait une étape importante dans l’édification d’un parti libéral vraiment national.

 

Pour Laurier, la réorganisation du Parti libéral n’a qu’un seul objectif : prendre le pouvoir et s’y maintenir. Ainsi, de sa nomination comme chef jusqu’à sa prise effective du pouvoir en 1896, Laurier cherche à amener dans le parti les éléments susceptibles de lui procurer la victoire. Par exemple, après une série d’entretiens en 1890–1891, il réussit à attirer dans le giron du Parti libéral le journaliste conservateur Joseph-Israël Tarte, adversaire politique coriace :

Selon l’avocat Antonio Perrault, Laurier lui aurait alors dit : « Tarte, pourquoi ne venez-vous pas avec nous ? On vous méconnaît dans votre parti. »

 

En Ontario, Laurier recrute une figure d’expérience, le premier ministre de la province sir Oliver Mowat :

Le 4 mai 1896, après quelques semaines de négociations, on annonça que Mowat avait accepté de se joindre aux libéraux fédéraux de Wilfrid Laurier. Ce n’était pas la première fois qu’un chef libéral fédéral tentait de l’attirer à Ottawa […] Pour gagner l’appui de Mowat, Laurier lui avait fait constituer une rente viagère avec des fonds privés et avait même évoqué la possibilité de lui céder la place de premier ministre advenant une victoire. 

 

À l’expérience, Laurier joint la jeunesse. Il voit en Rodolphe Lemieux (dont il connaît le père) une personne capable d’ancrer le parti dans une région qui ne lui est pas politiquement acquise :

[E]n 1894, des électeurs libéraux de Gaspé viennent à la rencontre de Lemieux […] pour lui offrir l’investiture dans cette circonscription. Après s’être laissé prier, notamment par Laurier, Lemieux accepte de se porter candidat dans cette région farouchement conservatrice depuis la Confédération. Il fait finalement sa première campagne pour les élections générales fédérales de 1896 [...] Élu le 23 juin avec une majorité de 42 voix, il est le premier député libéral de Gaspé.

 

En même temps qu’il voit à la réorganisation des finances du parti et au recrutement, Laurier convoque :

[…] à Ottawa, les 20 et 21 juin [1893], un grand congrès national réunissant pas moins de 1 800 libéraux venus de partout au pays, la Colombie-Britannique et les Territoires du Nord-Ouest exceptés. Sous le signe de la dualité, le congrès présidé par l’important Mowat accoucha d’un nouveau programme où la réciprocité totale, atténuée pour satisfaire plusieurs libéraux dont Mowat, s’inscrivit désormais dans la perspective du développement des ressources naturelles du pays et dans celle de la nécessité d’un tarif douanier pour le revenu du Canada. Le parti, devenu officiellement « le Parti libéral du dominion du Canada », pensa organisation, offrit l’image d’une alternative de plus en plus crédible aux électeurs canadiens et, en particulier, aux protectionnistes et aux industriels.

 

C’est également à ce congrès que le premier ministre néo-écossais William Stevens Fielding contribue à la rédaction du nouveau programme du parti, notamment en ce qui a trait à la politique commerciale et tarifaire :

L’entrée de Fielding sur la scène fédérale ne fut pas tout à fait une surprise. Bien avant 1896, Laurier avait reconnu en lui un allié possible et avait recherché assidûment sa participation. Fielding était encore premier ministre provincial lorsque, en vue du congrès national des libéraux en juin 1893, Laurier l’invita à une petite réunion d’amis pour discuter de stratégie. En outre, il lui confia la première vice-présidence du congrès et la présidence du comité central des résolutions, dont le mandat consistait, entre autres, à jeter les bases d’une nouvelle politique commerciale et tarifaire. Pendant le congrès, le parti abandonna son vieux programme de réciprocité complète avec les États-Unis [V. sir James David Edgar*] et, dans l’espoir d’effacer tout soupçon de déloyauté et de rassurer les milieux d’affaires, opta pour une réduction du tarif et un degré moindre de réciprocité. Dans son nouveau programme, le parti s’engageait à établir un tarif fiscal qui répondrait uniquement « aux besoins d’un gouvernement honnête, économe et efficace » et qui stimulerait la libéralisation des échanges, surtout avec la Grande-Bretagne et les États-Unis. Fielding contribua largement à la rédaction et à l’adoption de ce nouveau projet.

 

Pour en savoir davantage sur la carrière politique de Laurier à titre de chef du Parti libéral du Canada, nous vous invitons à explorer les listes de biographies suivantes.

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