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FLYNN, EDMUND JAMES, avocat, professeur, homme politique et juge, né le 16 novembre 1847 à Percé, Bas-Canada, fils de James Flynn, pêcheur, et d’Elizabeth Tostevin ; le 11 mai 1875, il épousa à Québec Augustine Côté (décédée en 1911), fille d’Augustin Côté*, éditeur et propriétaire du Journal de Québec, et ils eurent 11 enfants, dont 4 survécurent à leur père, puis le 8 janvier 1912, à Montréal, Marie-Cécile Pouliot, veuve d’Eugène Globensky ; décédé le 7 juin 1927 à Québec et inhumé au cimetière Notre-Dame de Belmont, à Sainte-Foy, Québec.
Les Flynn qui se sont établis à Percé, en Gaspésie, étaient d’origine irlandaise. Le grand-père paternel d’Edmund James, Edmund, est né à Percé, où il a dirigé une importante maison de commerce et a été agent de douane. Du côté maternel, son grand-père, John, était originaire de l’île de Guernesey et sa grand-mère, de celle de Jersey. Son père a vécu du commerce, de la pêche et de la culture de la terre. Sa mère est elle aussi née à Percé.
Bilingue et catholique, Edmund James va étudier au séminaire de Québec de 1860 à 1865. De 1867 à 1869, il s’initie à l’administration en tant que registraire adjoint, protonotaire adjoint, greffier adjoint à la Cour du banc de la reine, registraire à la Cour de circuit du district de Gaspé et secrétaire-trésorier de la municipalité de Percé. Il poursuit des études de droit à l’université Laval, à Québec, de 1871 à 1873, année où il obtient sa licence avec distinction. Le 16 septembre 1873, il est admis au Barreau de la province de Québec et commence à exercer sa profession dans sa région natale. L’année suivante, il se fixe à Québec, où il résidera par la suite, et où, jusqu’en 1914, il pratiquera le droit en association avec Édouard Rémillard, François-Xavier Drouin et Jean Gosselin, puis avec son fils Francis. Il sera bâtonnier du barreau de Québec de 1907 à 1909.
Dès son arrivée à Québec, Flynn donne un cours de droit romain à l’université Laval. En 1878, à 31 ans, il y obtiendra un doctorat en droit. Il fera une longue carrière dans cet établissement : professeur titulaire de droit romain jusqu’à son décès, il sera également membre du conseil universitaire (1891—1927), doyen de la faculté de droit (1915—1921) et membre du bureau des gouverneurs (1915—1921).
Très tôt, Flynn s’intéresse à la politique. Dès 1874, il pose sa candidature, comme libéral, aux élections générales fédérales dans la circonscription de Gaspé ; nommé en même temps professeur à l’université Laval, il se retire de la course. En 1875, il se présente à nouveau dans Gaspé sous la bannière libérale, mais aux élections générales provinciales ; il est cependant défait par le docteur Pierre-Étienne Fortin*, qu’il accuse, l’année suivante, d’avoir bénéficié de l’intervention du clergé. Une fois disculpé, Fortin fait encore mordre la poussière à Flynn le 2 juillet 1877, jour de l’élection partielle tenue en raison de l’annulation du scrutin précédent.
Le 1er mai 1878, Flynn est enfin élu, sans opposition, député libéral provincial de Gaspé. À ces élections générales, le pouvoir revient aux libéraux menés par Henri-Gustave Joly*. L’Assemblée législative compte cependant un nombre égal de députés libéraux et conservateurs. Joseph-Adolphe Chapleau*, chef de l’opposition, fait alors des offres à certains députés libéraux pour les convaincre de laisser tomber Joly et de rompre l’équilibre des sièges en faveur des conservateurs. Flynn reçoit probablement des propositions précises de Chapleau. Le 29 octobre 1879, avec quatre collègues libéraux, il vote pour la proposition de William Warren Lynch*, qui réclame la mise en place d’un gouvernement de coalition. Il se prononce ainsi contre son parti, qui souhaite plutôt l’abolition du Conseil législatif. En rejoignant les rangs du Parti conservateur, ces députés rendent minoritaire le gouvernement de Joly, qui doit démissionner.
Le nouveau premier ministre, Chapleau, règle ses dettes et accorde au transfuge de Gaspé le portefeuille des Terres de la couronne. Après une présence d’un an et demi seulement à l’Assemblée législative, Flynn est déjà devenu commissaire. Minutieux, honnête et dévoué, il s’attelle à la tâche tout en étant étroitement surveillé par les libéraux qui essaient en Chambre d’embarrasser ce traître (notamment avec la question du Conseil législatif).
En 1882, Chapleau quitte son poste de premier ministre pour s’en aller sur la scène fédérale et son successeur, Joseph-Alfred Mousseau*, ne fait pas de place au cabinet pour Flynn. Ce purgatoire ne dure pas longtemps car, en janvier 1884, Mousseau cède la place à John Jones Ross* qui fait appel à Flynn, conservateur modéré, comme commissaire des Chemins de fer (1884—1886), puis comme solliciteur général (1885—1887). En 1886, Flynn doit affronter en Chambre des adversaires coriaces, tel Honoré Mercier*, lorsque, en l’absence du premier ministre, il est appelé à défendre le point de vue de son gouvernement, qui refuse de blâmer l’attitude du fédéral dans l’affaire Riel [V. Louis Riel*].
Au début de l’année 1887, le Parti national de Mercier, porté par la vague de fond liée à l’affaire Riel, enlève le pouvoir à Louis-Olivier TAILLON, qui vient de succéder à Ross. Flynn se retrouve pour la première fois dans l’opposition. De plus, aux élections générales provinciales de 1890, encore une fois remportées par Mercier, il perd sa circonscription, où il a gagné comme conservateur en 1879, 1881, 1884 et 1886. Il se présente alors sur la scène fédérale aux élections générales de 1891, dans la circonscription de Québec, mais il est aussi battu. Pendant cette période où il est éloigné du pouvoir, Flynn se livre exclusivement à la pratique du droit et à l’enseignement universitaire.
Révoqué par le lieutenant-gouverneur Auguste-Réal Angers* à la suite du scandale du chemin de fer de la baie des Chaleurs, Mercier doit céder le pouvoir le 16 décembre 1891 aux conservateurs menés par Charles Boucher* de Boucherville. Quelques jours plus tard, Flynn redevient commissaire des Terres de la couronne. Aux élections générales provinciales du 8 mars 1892, ne prenant pas de risques, il pose sa candidature à la fois dans la circonscription de Gaspé et dans celle de Matane, ce que lui permet la loi. Élu aux deux endroits, il choisit Gaspé et conserve son poste de commissaire. À la fin de l’année 1892, il est également procureur général intérimaire. Éclairé, efficace et capable de grandes idées, il reformule la loi des mines qu’il a fait adopter en 1880 (1895), règle la vieille question des titres de propriété aux îles de la Madeleine (1895), crée le parc national des Laurentides (1895) et le parc de la Montagne tremblante (1895).
Au début de mai 1896, Taillon, qui a succédé à Boucherville comme premier ministre quelques années plus tôt, s’en va à Ottawa pour occuper la fonction de maître général des Postes. Comme cette nomination se fait rapidement, « il ne convient guère, écrit Taillon au lieutenant-gouverneur Chapleau le 4 mai, que je vous offre mon avis sur le choix de mon successeur ». Le lieutenant-gouverneur ne veut pas offrir le poste à un membre du cabinet lié à la tendance ultramontaine ou « castor » du Parti conservateur, mais plutôt à un membre de l’aile modérée représentée par Guillaume-Alphonse Nantel* et Flynn. Comme Chapleau récuse les « castors » et ceux-ci récusent Nantel, Flynn, qui est doyen du cabinet et qui ne soulève aucune objection d’ordre personnel, est un bon compromis. Le lieutenant-gouverneur fait une offre symbolique à Nantel, qui refuse de former un nouveau cabinet. C’est ainsi que Flynn devient, le 11 mai 1896, le dixième premier ministre de la province de Québec. Dans son cabinet, où Thomas Chapais* et Louis-Philippe PELLETIER sont les membres les plus vigoureux, il se réserve le portefeuille des Travaux publics. L’équipe devra cependant fonctionner sans deux piliers du parti, Taillon et Thomas Chase-Casgrain*, qui, lui aussi, quittera bientôt Québec pour Ottawa.
Le programme de Flynn, moins austère que celui de Taillon mais plus prudent que celui de Mercier, propose la conversion de la dette publique (remplacement des titres en circulation par des titres à intérêts moins élevés et à échéance plus éloignée), des subsides accrus aux chemins de fer, la réorganisation des départements, le développement plus rationnel des ressources naturelles et l’abolition de la taxe imposée en 1892 sur les transferts d’immeubles. Le premier ministre, qui est aussi le chef des conservateurs depuis le 13 juin, accorde de l’attention aux questions concernant l’enseignement primaire, en particulier l’aide financière aux municipalités pauvres et le relèvement du traitement du personnel enseignant. La conversion de la dette et les subsides aux chemins de fer sont les sujets les plus débattus en Chambre. À l’inverse, la loi dite des homesteads, qui vise à protéger les colons contre la saisie de biens indispensables (200 acres de terrain, maison, bestiaux, instruments aratoires, ustensiles de ménage), est accueillie avec satisfaction.
Le mandat des conservateurs tire cependant à sa fin et il faut songer aux élections. Le scrutin est fixé au 11 mai 1897. Un an seulement après sa nomination comme premier ministre, Flynn a déjà accompli beaucoup de travail. Pendant cette même année, deux de ses filles sont décédées d’une forme de tuberculose ; la même maladie en emportera deux autres, l’une en 1898 et l’autre en 1906. Le chef conservateur fait face à une conjoncture peu favorable, due entre autres à l’usure normale du pouvoir, à l’arrivée en force des libéraux de Wilfrid Laurier* à Ottawa, au ressentiment tenace à l’égard des conservateurs à la suite de leurs décisions au sujet des écoles du Manitoba [V. Thomas Greenway*] et de l’affaire Riel, ainsi qu’à la réhabilitation de Mercier, décédé en octobre 1894. Pelletier, procureur général dans le cabinet de Flynn, lui a écrit le 17 novembre 1896 : « Je ne crois pas que nous puissions remporter les élections partis comme nous sommes là […] Nous avons économisé, nous avons cicatrisé les blessures faites à la Province : c’est bien mais ce n’est pas suffisant… » De plus, le premier ministre sortant a peu de notoriété (notamment à Montréal) et sa personnalité plutôt réservée et sans lustre n’en fait pas un tribun qui peut soulever les foules.
Le programme politique que propose Flynn pendant la campagne est en continuation avec ses réalisations de la dernière année ; il demande qu’on le juge sur son programme et sur ses résultats, sans mêler les questions fédérales à l’élection provinciale. Les conservateurs s’acharnent sur le régime Mercier, qu’on accuse encore de tous les maux présents. Quant au chef libéral, Félix-Gabriel Marchand*, il insiste surtout sur le bilan du gouvernement conservateur et sa mauvaise gestion financière. Les organisateurs de Laurier arrivent aussi en force et la campagne électorale prend vite l’allure d’une confrontation entre Flynn et Laurier. Le jour du scrutin, les libéraux de Marchand l’emportent facilement avec 52 députés ; le chef conservateur, qui compte parmi les 22 élus pour ce parti, conserve de justesse son siège de Gaspé (avec 11 votes de plus que son adversaire). Avec la chute du cabinet Flynn disparaît le dernier gouvernement conservateur au pays. Dans la province de Québec, ce parti ne reprendra jamais le pouvoir ; l’Union nationale, qui gagnera les élections en 1936, sera issue de la coalition du Parti conservateur et de l’Action libérale nationale.
Flynn devient donc le chef discret d’une opposition démoralisée. Le pays traverse alors une grande période de prospérité économique et les libéraux, fédéraux comme provinciaux, ont le vent dans les voiles. Ces derniers n’ont aucune difficulté à balayer de nouveau la province à l’élection générale du 7 décembre 1900, qu’ils ont précipitée. Flynn, pendant la campagne, s’applique sans trop de vigueur et de succès à dénoncer l’ingérence fédérale dans la politique provinciale : quelques mois plus tôt, le décès de Marchand a nécessité la nomination d’un nouveau premier ministre et Laurier aurait tranché en faveur de Simon-Napoléon Parent*. Flynn ne prend pas la chance de se représenter dans Gaspé ; il préfère la circonscription de Nicolet, où son parti a toujours été élu depuis 1867, sauf en 1890, et où il gagne avec 41 voix de majorité.
Le 3 novembre 1904, Laurier est reporté au pouvoir au fédéral. Le lendemain, tandis que Flynn est toujours chef de l’opposition dans la province de Québec, Parent fait dissoudre le Parlement, fixe la tenue des élections au 25 novembre, forçant les gens à se prononcer en un temps record. Comme les libéraux ont gagné 64 des 74 circonscriptions en 1900, il leur suffit de présenter les mêmes députés. Flynn n’est pas dans la même situation et a peu de temps pour se préparer. Il signe un manifeste pour dénoncer la conduite de Parent, qui cherche selon lui à identifier sa candidature à celle de Laurier. L’opposition ne veut pas se prêter à ce jeu, déclare-t-il. Il ordonne alors à ses troupes de contester, en s’abstenant, la légitimité de l’élection en cours (qu’il qualifie de coup de force). Lui-même ne se présente dans aucune circonscription. La directive est suivie de façon imparfaite et les libéraux l’emportent encore facilement. L’année suivante, Flynn, sans mandat, renonce à son poste de chef du Parti conservateur, parti qui ne possède plus qu’un seul quotidien, l’Événement, et qui ne dispose en Chambre que de sept députés.
Après une trentaine d’années dans la vie politique active, Flynn doit retourner à une vie professionnelle plus effacée, c’est-à-dire à la pratique du droit et à l’enseignement universitaire. En 1908, il fait en vain une dernière tentative en politique en se présentant aux élections générales fédérales dans Dorchester. En 1911, il prend son fils Francis, nouvellement admis au barreau, comme associé. D’autres deuils surviennent : son épouse Augustine meurt en 1911 après une maladie de quelques jours et Francis succombe en 1919 à une tuberculose pulmonaire. En juin 1914, Flynn père a été nommé juge à la Cour supérieure pour le district de Beauce. En juin 1920, il devient juge à la Cour du banc du roi, poste qu’il occupe jusqu’à son décès en 1927.
Plus à l’aise à la cour ou en classe que sur une tribune politique, Edmund James Flynn était un politicien consciencieux, renommé pour sa méticulosité, sa connaissance des dossiers et sa maîtrise de l’argumentation. Ce professeur de droit a accompli un travail de législation très valable, en particulier au département des Terres de la couronne. Homme de bonne élocution, habile et convaincant, il était particulièrement à l’aise avec les questions constitutionnelles. Il savait faire preuve de pondération ; sa prudence le faisait même souvent hésiter avant de passer à l’action. Son instinct politique, sa sensibilité aux humeurs de l’électorat, sa vision des grands enjeux de société ainsi que sa combativité se résumaient cependant à peu de chose. Sans lustre, effacé et flegmatique, pour ne pas dire austère, cet homme politique de transition, qui ne maîtrisait pas le sens de la formule, a accédé au poste de premier ministre de la province de Québec à un bien mauvais moment. Il ne pouvait rivaliser avec des personnalités charismatiques comme Laurier, Joseph-Israël Tarte* ou même Marchand.
Il n’existe aucune biographie d’Edmund James Flynn. L’information manuscrite sur ce personnage politique se résume principalement à un fonds documentaire relativement modeste, conservé aux ANQ-Q, P734, S1, et qui comprend de la correspondance, des télégrammes, des discours, des documents relatifs aux affaires gouvernementales et législatives, des adresses aux électeurs, ainsi que des informations personnelles et familiales. On consultera également à BAC, le MG 27, II, F8. Les discours de Flynn sont regroupés dans différentes brochures. Les Débats de l’Assemblée législative de la province de Québec, 1878—1904, constituent une source importante pour étudier la carrière politique de Flynn, en particulier ceux de la sixième session de la huitième législature (1896—1897).
ANQ-BSLGIM, CE102-S19, 18 nov. 1847.— ANQ-Q, CE301-S1, 11 mai 1875.— BCM-G, RBMS, Saint-Jacques-le-Mineur (Montréal), 8 janv. 1912.— L’Action catholique (Québec), 7 juin 1927.— Le Devoir, 7 juin 1927.— L’Événement, 8 juin 1927.— Le Soleil, 7 juin 1927.— Ken Annett, « To clutch the golden keys : the distinguished career of Edmund James Flynn », SPEC (New Carlisle, Québec), 10 (1984), no 42 : 14.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898).— Marc Desjardins et al., Histoire de la Gaspésie (nouv. éd., Sainte-Foy, Québec, 1999).— DPQ.— Jacques Flynn, Un bleu du Québec à Ottawa (Sillery, Québec, 1998).— J.-A. Lamarche, les 27 premiers ministres (Montréal, 1997).— Laurent Laplante, « Edmund-James Flynn », dans « Portraits des premiers ministres du Québec » (émission de Radio-Canada, Montréal, 1982 ; copie à la BCM-G).— Où sont les cliquards : le groupe Flynn, ce qu’il en coûte à la province ([Québec ?, 1897 ?]).— Rumilly, Hist. de la prov. de Québec, 8-9 ; 12 .— George Stewart, « The premiers of Quebec since 1867 », Canadian Magazine, 8 (nov. 1896-avril 1897) : 289-298.
Marc Desjardins, « FLYNN, EDMUND JAMES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/flynn_edmund_james_15F.html.
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Auteur de l'article: | Marc Desjardins |
Titre de l'article: | FLYNN, EDMUND JAMES |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
Année de la révision: | 2005 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |