OLIVER, JOHN, agriculteur, fonctionnaire et homme politique, né le 31 juillet 1856 à Hartington, Angleterre, fils de Robert Oliver et d’Emma Lomas, veuve ; le 20 juin 1886, il épousa à Mud Bay, Colombie-Britannique, Elizabeth Woodward, et ils eurent cinq fils et trois filles ; décédé le 17 août 1927 à Victoria.

Aîné des huit enfants de Robert et d’Emma Oliver (sa mère avait un fils d’un premier mariage), John Oliver grandit en Angleterre dans un milieu agricole. Sa famille était modeste. Il quitta l’école à 11 ans pour travailler dans une mine de plomb. Quelques années plus tard, à la fermeture de la mine, les Oliver immigrèrent au Canada. En 1870, ils s’installèrent dans une ferme du canton de Maryborough, en Ontario. Cinq ans après leur arrivée, Emma Oliver succomba à une fièvre rhumatismale. De toute évidence, sa mort eut un impact important, car bientôt, les autres membres de la famille commencèrent à quitter la ferme. John resta plus d’un an dans les environs, après quoi, à 20 ans, il décida de partir pour l’Ouest. Arrivé à Victoria le 5 mai 1877, il se fit embaucher par une équipe d’arpenteurs de la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique qui était à l’œuvre dans la partie continentale de la Colombie-Britannique. Après un été de dur labeur, il avait épargné assez d’argent pour se lancer dans l’agriculture. Il acquit donc une terre à Surrey en usant d’un droit de préemption.

Pendant qu’il se bâtissait une cabane et défrichait sa terre, Oliver commença à s’occuper des affaires locales. Il aida à fonder une école rurale et réclama de l’aide au gouvernement provincial pour les routes du district, ouvert depuis peu à la colonisation. Nommé greffier de la municipalité à l’âge de 26 ans, il fut aussi percepteur d’impôts et occupa d’autres postes de fonctionnaire. À l’automne de 1882, il démissionna de ses fonctions, vendit sa terre et acheta une ferme à Delta. Quatre ans plus tard, il épousa Elizabeth Woodward, fille du maître de poste de l’endroit. Ils élèveraient cinq garçons et trois filles tout en exploitant l’une des fermes les plus prospères de la région. À Delta aussi, Oliver participa activement aux affaires publiques. Il devint commissaire d’école et fut élu quelques années plus tard au conseil municipal, dont il occupa la présidence durant deux mandats.

Oliver avait beau aimer la vie rurale, il ambitionnait de plus hautes fonctions publiques. Aux élections provinciales de juin 1900, il tenta enfin sa chance ; il avait 43 ans. La vie politique en Colombie-Britannique se caractérisait alors par d’intenses luttes de factions et par l’absence de partis constitués. Le 28 février, Joseph Martin avait assumé la fonction de premier ministre, sans bénéficier de beaucoup d’appuis. Étonnamment, Oliver choisit d’unir sa destinée à celle du camp de Martin. Il mena une vigoureuse campagne dans la circonscription de Westminster-Delta. Le 9 juin, les candidats de Martin subirent une cuisante défaite : outre Martin, seulement 5 d’entre eux furent élus. L’Assemblée comptait 38 sièges. Oliver, par contre, connut sa première grande victoire : il l’emporta dans sa circonscription.

L’initiation d’Oliver aux joutes de l’arène britanno-colombienne ne se fit pas en douceur. Pour les députés plus raffinés et plus chevronnés que lui, cet homme tout d’une pièce était un rustre. Ses adversaires se moquaient de ses vêtements dépourvus de chic, de ses grosses bottes et de son anglais souvent fruste. C’était, dit en 1905 le Week de Victoria, « un bon fermier et un piètre politique, enclin à lancer, [dans une langue] très incorrecte, d’interminables attaques contre quiconque [était] en désaccord avec lui ». Loin de décourager Oliver, cette critique accrut sa détermination à prouver qu’un homme du commun pouvait servir la démocratie. Il étudia la procédure parlementaire. Au fil du temps, il fit la transition entre les affaires municipales et la politique provinciale, choisissant avec soin les causes qu’il défendait à l’Assemblée.

Pendant la première décennie du xxe siècle, la Colombie-Britannique se rapprocha de l’instauration d’un véritable régime de partis. En se rangeant du côté de Martin, Oliver s’était défini comme libéral, en opposition avec le gouvernement du millionnaire et exploitant de houillères James Dunsmuir*, qui était conservateur en tout sans porter cette étiquette. À n’en pas douter, Oliver était une figure de la lutte contre l’establishment, mais son libéralisme s’enracinait dans ses origines rurales et conservatrices. On l’appela Honest John parce que, au nom de l’intégrité, il mena en 1902–1903, sur les concessions foncières accordées aux compagnies de chemin de fer, une enquête parlementaire qui contribua à faire tomber le gouvernement du successeur de Dunsmuir, Edward Gawler Prior, en juin 1903. Richard McBride*, qui forma le gouvernement suivant, s’empressa de convoquer des élections et annonça qu’elles mettraient en présence des partis structurés – une première en Colombie-Britannique. Même si Oliver s’était brouillé avec Martin, il n’y avait guère de doute qu’il ferait campagne à titre de libéral. Élu le 3 octobre 1903 dans Delta avec une majorité accrue, il ferait partie de l’opposition libérale, dont James Alexander Macdonald* était le chef. McBride devint le premier des premiers ministres de la Colombie-Britannique à exercer le pouvoir sous la bannière conservatrice.

Dans l’opposition, Oliver se tailla une réputation d’homme politique énergique. Personnage sociable, coloré et sans prétention, il s’enorgueillissait d’être de plus en plus à l’aise à l’Assemblée et de jouer le rôle de chien de garde de l’opposition. Entre-temps, McBride, favorisé par une période de croissance économique, vit sa cote grimper. Ses conservateurs remportèrent la victoire haut la main aux élections provinciales du 2 février 1907. Encore une fois, les citoyens de Delta accordèrent la préférence à Oliver. Le triomphe de McBride démoralisa l’opposition libérale, qui n’était pas de taille à obliger un gouvernement aussi populaire à rendre des comptes. Plus décourageante encore était l’indifférence des libéraux fédéraux. En désespoir de cause, Oliver écrivit en juin 1909 au premier ministre du pays, sir Wilfrid Laurier* : « [le Parti libéral provincial] aimerait beaucoup mieux livrer bataille que baisser les bras, mais […] la deuxième option semble la seule qui s’offre à nous ». Oliver réclamait des visites de ministres fédéraux et, surtout, des journaux de tendance libérale : « Nous avons un gouvernement sans scrupules qui dispose de beaucoup d’argent, qui domine quatre-vingt pour cent des journaux de la province et qui a une organisation parfaitement rodée. » Laurier ne répondit que par des paroles de réconfort ; « ce serait une erreur de perdre courage », dit-il.

À l’automne de 1909, la direction du Parti libéral provincial devint vacante parce que James Alexander Macdonald accéda à la magistrature. En toute logique, Oliver, son principal lieutenant, devait le remplacer. Réticent à solliciter ce poste peu recherché, il dit à Laurier, qui l’avait encouragé à le faire : « il n’est pas souhaitable de prendre la succession en ce moment, avec la perspective de partir au combat estropié et quasi invalide ». Néanmoins, les pressions de plus en plus fortes et l’absence de tout autre candidat l’obligèrent à revenir sur sa décision. Lorsqu’il prit la tête du parti, il était trop tard pour qu’il puisse bien se préparer aux élections générales du 25 novembre 1909. Comme il avait beaucoup critiqué la politique ferroviaire du gouvernement, il décida de centrer sa campagne sur cette question. Il désapprouvait le contrat négocié peu de temps auparavant avec la Canadian Northern Railway Company au sujet d’une ligne entre la frontière de l’Alberta et Vancouver. La province, fit-il valoir, n’était pas tenue d’aider une société privée, et les détails du contrat auraient dû être communiqués à la population avant le scrutin.

À l’issue d’une campagne énergique, les conservateurs remportèrent 38 des 42 sièges. Ils feraient face à une opposition formée de deux libéraux, Harlan Carey Brewster* et John Jardine, et de deux socialistes, James Hurst Hawthornthwaite et Parker Williams. Pour la première fois en près de dix ans, Oliver ne siégerait pas à l’Assemblée : il avait perdu dans les deux circonscriptions où il s’était porté candidat, Delta et Victoria. La rumeur disait que ses adversaires avaient dépensé 60 000 $ pour le battre. Bien sûr, Oliver n’avait pas espéré déloger les conservateurs, mais la débâcle de son parti et sa propre défaite le surprirent. Le lendemain du scrutin, il déclara qu’il « quitt[ait] la politique pour de bon ». Cependant, une fois le choc passé, il reprit goût à la vie publique. D’abord, il retourna à sa ferme et aux affaires locales de Delta ; il fut élu commissaire d’école et, par la suite, redevint président du conseil municipal. Aux élections fédérales de 1911, il brigua les suffrages dans la circonscription de New Westminster sous la bannière libérale. Il fut défait avec le gouvernement Laurier.

Au début de 1912, McBride convoqua des élections provinciales. Vu l’augmentation des recettes budgétaires et la faiblesse de l’opposition, les conservateurs voguaient allègrement vers une autre victoire. En fait, le député sortant de Delta, le conservateur Francis James Anderson Mackenzie, annonça que le gouvernement prévoyait consacrer 85 000 $ aux travaux publics dans la circonscription au cours de l’année suivante, alors que 15 000 $ seulement avaient été dépensés dans la dernière année où Oliver avait représenté Delta. Le 28 mars 1912, Oliver subit un nouveau revers et les libéraux furent chassés de l’Assemblée. Il était difficile de croire que leur parti avait un avenir dans la province. Oliver devait, semblait-il, tirer un trait sur sa carrière politique et renoncer à ses hautes ambitions.

En l’espace de quelques années, et après plus d’une décennie au pouvoir, les conservateurs montrèrent des signes d’essoufflement. L’économie provinciale ne pouvait connaître indéfiniment une croissance rapide, et la récession s’amorça avec la Première Guerre mondiale. Pire, des accusations de corruption pesaient sur le gouvernement. Le 15 décembre 1915, à la surprise quasi générale, le premier ministre McBride démissionna. William John Bowser*, dynamique mais austère, le remplaça au commandement du navire en perdition. Au printemps de 1916, deux libéraux, dont Brewster, le nouveau chef du parti, gagnèrent des élections partielles. Lorsque Bowser et ses tories affrontèrent l’électorat, à la fin de l’été, le Parti libéral était mieux organisé et avait quelques nouvelles idées de réforme. Le 14 septembre 1916, Oliver remporta le siège de Dewdney, ce qui s’inscrivait dans une impressionnante victoire : 36 libéraux contre 9 conservateurs et 2 indépendants. Durant un quart de siècle, les libéraux domineraient la scène politique en Colombie-Britannique.

Le 29 novembre, Oliver reçut du nouveau premier ministre Brewster deux nominations au cabinet, l’Agriculture et les Chemins de fer. Animé par l’élan réformateur que la victoire avait donné aux libéraux, il s’attela à sa double tâche. Le poste de ministre de l’Agriculture lui convenait on ne peut mieux. Il se vantait de comprendre les difficultés des fermiers et avait la conviction qu’un secteur agricole fort était vital pour l’avenir de la province. Le sort des soldats qui reviendraient de la guerre le préoccupait aussi : il voulait s’assurer qu’ils auraient la possibilité d’acquérir et d’exploiter des fermes dans les régions rurales de la province. « Une nuit où il réfléchissait à ces problèmes, raconte son biographe, une idée lui vint. Il sortit du lit et, assis en chemise de nuit […] il rédigea le “Land Settlement [and Development] Act”. » Adoptée en 1917, cette mesure familièrement appelée « loi de la chemise de nuit » fit date. En plus, Oliver convainquit le gouvernement fédéral de mettre en œuvre une politique nationale d’aide à l’établissement des soldats.

Être ministre des Chemins de fer permit à Oliver de s’occuper d’un dossier qui l’intéressait depuis longtemps, celui des subventions aux sociétés ferroviaires. Sa priorité était de déterminer quoi faire d’une entreprise privée très proche de l’ex-gouvernement conservateur, la Pacific Great Eastern Railway Company. Celle-ci se trouvait en difficulté et n’avait jamais réalisé son objectif de construire une ligne nord-sud pour desservir la province. À un moment donné, Oliver alla jusqu’à déclarer à l’Assemblée : « [Je] ne recueillerai pas ce produit d’une union illégitime. Cet enfant, on l’a abandonné sur le seuil de ma porte. Il a été conçu dans le péché de la nécessité politique ; il a été engendré dans l’iniquité d’une caisse électorale de un demi-million de dollars. Je refuse d’être le parrain d’un pareil enfant trouvé. » Pourtant, Oliver lança une enquête sur les finances de la compagnie de chemin de fer et en négocia l’achat. Les critiques de la presse à ce sujet l’indignèrent. Il n’avait jamais tellement tenu à cette ligne ferroviaire et affirma avoir « sué sang et eau » afin que la province en fasse l’acquisition aux meilleures conditions possibles.

Au moment où le premier ministre Brewster mourut, le 1er mars 1918, Oliver était l’un de ses principaux lieutenants. À la réunion des députés libéraux quatre jours plus tard, il fut élu à la tête du parti. Premier ministre dès le 6 mars, il dirigerait le gouvernement durant près d’une décennie, avec les manières rustiques qui lui étaient propres. Il garderait le portefeuille de l’Agriculture jusqu’en avril 1918 et celui des Chemins de fer jusqu’en octobre 1922. Plusieurs ministres compétents feraient partie de son cabinet, dont trois futurs premiers ministres provinciaux : John Duncan MacLean*, Thomas Dufferin Pattullo* et John Hart*.

Les Britanno-Colombiens avaient l’air de trouver leur nouveau premier ministre rassurant. Oliver s’exprimait sans détour et ne laissait guère l’apparat du pouvoir changer ses habitudes. Il continuait de porter ses costumes de tweed démodés et ses grosses bottes. « Abandonnez vos habits de drap fin et mettez vos salopettes », dit-il peu après son entrée en fonction aux nombreux délégués venus des municipalités de la province, en les pressant d’assumer la responsabilité de leurs dépenses excessives. Il se définissait comme un homme du peuple, méfiant à l’endroit des experts et tout à fait dénué de prétention. Ce populisme, qui ferait sa force, était un gros atout dans une province inquiète de son avenir.

Quand Oliver devint premier ministre, la Première Guerre mondiale tirait à sa fin. Dans les années suivantes, au lieu de se prévaloir des programmes gouvernementaux d’exploitation agricole, les anciens combattants affluèrent dans les centres urbains et industriels de la province. Oliver en fut très déçu. Son gouvernement avait tenté de prévenir les problèmes de l’après-guerre au moyen d’une législation sociale qui limitait à huit heures la durée de la journée de travail dans certaines industries, améliorait les conditions de travail et garantissait un salaire minimum aux femmes. En outre, il proposa d’instituer des pensions pour les mères en 1920, d’assurer un soutien aux épouses abandonnées et d’améliorer les services médicaux et éducatifs. Il fit aussi voter des lois pour réglementer les services publics et imposer des contrôles à l’industrie forestière. Toutes ces initiatives s’appuyaient sur la conviction que l’intervention directe de l’État était le meilleur remède aux maux de la province.

Pourtant, cette série de réformes ne suffit pas à apaiser l’agitation sociale et économique. Au grand désespoir d’Oliver, les agriculteurs contestaient le gouvernement et avaient formé en 1917 leur propre parti, les Fermiers unis de la Colombie-Britannique. En plus, le militantisme syndical troubla les premières années de son mandat : beaucoup d’ouvriers débrayèrent par solidarité envers les participants de la grève générale de Winnipeg en 1919 [V. Mike Sokolowiski*]. Par ailleurs, le premier ministre fit parler de lui en intentant des poursuites en diffamation contre l’avocat de la compagnie propriétaire de la mine Dolly Varden, qui avait laissé entendre qu’il faisait de la spéculation foncière pour son propre compte. Il eut gain de cause, mais la somme qui lui fut adjugée à titre de dommages-intérêts était symbolique. Honest John, conclut le tribunal, n’avait ni perdu sa réputation ni pâti de l’accusation.

Oliver fit l’objet de critiques en tant que chef du Parti libéral. Certains membres faisaient valoir qu’il aurait dû s’empresser d’affronter l’électorat après sa nomination. En juin 1920, il céda et convoqua des élections pour le 1er décembre. Les femmes voteraient pour la première fois en Colombie-Britannique, et on lui avait déconseillé de choisir une date plus précoce à l’automne parce qu’elles seraient alors occupées par les ventes de charité et la fabrication des conserves. En fait, il eut d’autres soucis que l’arrivée des nouvelles électrices. Son gouvernement était la cible des conservateurs, qui avaient repris du poil de la bête, ainsi que de divers partis d’ouvriers, de fermiers et d’anciens combattants. Dans son manifeste électoral, il demanda aux électeurs de laisser les libéraux continuer leur travail – une « administration solide, sensée et progressiste ». Il axa sa campagne sur la construction routière, le but étant d’ouvrir l’accès aux régions rurales de la province. Ce thème reviendrait constamment dans la politique britanno-colombienne durant un demi-siècle.

Le gouvernement Oliver survécut à peine : il remporta 25 sièges sur 47. Menés tambour battant par Bowser, les conservateurs en obtinrent 15. À leurs côtés, dans l’opposition, il y avait un groupe bigarré de députés travaillistes et indépendants. Les libéraux avaient récolté le plus gros de leurs appuis dans les villes. Oliver, vainqueur dans Delta et dans Victoria, choisit de représenter la capitale. Les élections de 1920 marquèrent un tournant dans l’orientation du gouvernement libéral. La campagne avait été rude, et Oliver avait gagné en grande partie parce que l’opposition était fragmentée. Précairement installé au pouvoir à l’aube d’une nouvelle décennie, il dut affronter de la dissidence dans son propre parti. Même si son cabinet comptait certains ministres puissants, on lui reprochait d’être « un vrai gendarme », et il avait tendance à faire cavalier seul. Il y eut des démissions, par exemple, en novembre 1921, celle de Mary Ellen Smith [Spear*], première femme élue à l’Assemblée, et en 1924, celle du ministre des Finances, Hart. Les libéraux de Vancouver ne se gênaient pas pour dire qu’« Oliver [devait] s’en aller ». De toute évidence, les éléments plus jeunes et plus guindés du parti en avaient assez d’avoir comme premier ministre un fermier aux allures de grand-père.

Dans ce contexte hostile, Oliver battit en retraite et opta pour une prudence quasi excessive. L’élan réformateur associé au gouvernement Brewster-Oliver faiblit. Les années 1920 furent une décennie d’incertitude économique. Oliver devint encore plus circonspect lorsqu’il constata l’impossibilité de compter sur les recettes des industries de base telle la foresterie pour financer un coûteux programme de mesures sociales. Son enthousiasme pour la réforme diminua aussi parce que, de plus en plus, son gouvernement était contesté, de l’extérieur, par des forces de droite et par le milieu des affaires. La formation d’un nouveau groupe politique en 1923 mit cette situation en lumière. Sous la direction d’un millionnaire vancouvérois, le major-général Alexander Duncan McRae*, et de sir Charles Hibbert Tupper, le Parti provincial réclamait la fin du gaspillage au gouvernement et du régime de partis. Il défendait la grande entreprise, et non les laissés-pour-compte de la société. Les gens d’affaires firent savoir de bien d’autres façons qu’ils n’appuyaient pas le gouvernement Oliver. Par exemple, tout au long des années 1923 et 1924, l’industrie forestière combattit ouvertement les propositions de hausse des redevances imposées à ses compagnies. Un puissant groupe de pression, le Timber Industries Council, finit par convaincre le gouvernement de faire marche arrière.

Oliver devait aussi régler la question de l’alcool. À l’occasion d’un référendum tenu le 20 octobre 1920, la province avait rejeté la prohibition en faveur d’une régie d’État – solution qui ne faisait même pas l’unanimité au sein du Parti libéral. Ainsi, en 1921, le député libéral provincial Henry George Thomas Perry s’opposa à ce que le gouvernement profite de la vente d’alcool : « la Colombie-Britannique ne doit pas devenir un deuxième Monte Carlo, ni le premier ministre de la province, un autre prince de Monaco », déclara-t-il. Le Government Liquor Act, adopté dans le courant de l’année, confiait la vente de boissons alcoolisées à des magasins d’État – on les surnommerait les pharmacies de John Oliver – mais l’interdisait dans les bars et les saloons.

Le premier ministre réussissait à conserver son emprise sur le parti et repoussait les assauts des forces combinées de l’opposition. Toutefois, plus la fin de son mandat approchait, plus les perspectives de son gouvernement s’assombrissaient. Il avait espéré que les libéraux, de retour au pouvoir à Ottawa en 1921 sous William Lyon Mackenzie King*, lui porteraient secours. Les conservateurs fédéraux n’avaient guère accordé d’attention à ses demandes de réduction du fret ferroviaire. Or, King, malgré ses bonnes dispositions, ne fit pas grand-chose de concret. Tandis qu’il commençait à songer aux désagréments d’une autre campagne électorale provinciale, Oliver rapporta bravement à King : « Je suis optimiste et, si je dois perdre, ce sera après avoir mené la lutte jusqu’au bout. »

Déçu par l’absence de réaction favorable du nouveau gouvernement libéral fédéral, soumis à des pressions intenses dans la province, Oliver lança son nouveau cri de ralliement : « Combattons Ottawa. » Comme le gouvernement fédéral ne voulait pas aider la Colombie-Britannique par des mesures sur le transport ferroviaire ni sur divers autres sujets, Oliver défendait les droits provinciaux en termes de plus en plus virulents. Dans ses moments de frustration, il allait jusqu’à remettre sa citoyenneté en question. « Je n’ai jamais prôné la séparation, mais si l’ouest du Canada doit continuer indéfiniment à subir un traitement scandaleusement injuste en faveur de l’Est, je ne veux plus me dire Canadien. »

C’est en défendant cette position belliqueuse qu’Oliver se présenta aux élections provinciales du 20 juin 1924. La lutte fut serrée. La confusion régnait parmi les électeurs, et les résultats reflétèrent cet état d’esprit. Après plusieurs recomptages, on dut conclure à la défaite des chefs des trois grands partis, dont Oliver. Les libéraux remportèrent 23 sièges, les conservateurs 17. Le Parti provincial et le Parti travailliste firent élire trois députés chacun, et l’Assemblée compterait aussi deux députés indépendants. Avec moins du tiers des suffrages exprimés, les libéraux pouvaient former un gouvernement minoritaire, mais les deux partis de centre droit avaient, ensemble, recueilli près de 54 % des voix.

Convaincu que le Parti libéral avait surnagé grâce à son leadership, Oliver resta au poste. Il remporta une élection partielle dans Nelson le 23 août et gouverna, sans beaucoup de marge de manœuvre, avec l’appui des députés indépendants et travaillistes. Cette situation n’était guère propice aux initiatives vigoureuses ; en fait, l’élan réformateur disparut complètement. Le premier ministre tenta d’insuffler de la vigueur à son parti en lançant une autre campagne en faveur de la réduction du fret. En 1925, il obtint une diminution des frais de transport des céréales. Cette victoire lui permit d’aider les libéraux aux élections fédérales de 1926. Cependant, la représentation libérale de la Colombie-Britannique à la Chambre des communes, qui était de trois en 1925, passa alors à un, ce qui rendit le premier ministre « d’humeur très sombre ».

Une reprise économique adoucit le reste de la décennie. Oliver continua de s’employer à faire progresser la construction du Pacific Great Eastern Railway malgré les accusations d’incompétence et de corruption. Il survécut à l’enquête menée en 1927 par une commission royale sur les caisses électorales, plus précisément sur des allégations selon lesquelles des distilleries avaient acheminé des contributions aux libéraux. La grogne persistait à l’intérieur de son parti, mais il tenait fermement les rênes. En 1926, il avait célébré son soixante-dixième anniversaire ; de tous les chefs de gouvernement au Canada, il était le plus âgé. L’adoption du Old-age Pension Act marqua sa dernière session législative, qui se termina le 7 mars 1927. Oliver considérait cette loi comme l’une des plus importantes qu’il avait parrainées. En plus, la même année, son parti renoua avec les préoccupations sociales qui avaient caractérisé son premier mandat en adoptant un nouveau programme de réforme. Sa dernière année au poste de premier ministre fut particulièrement chargée. Il se rendit à Ottawa pour réclamer encore une fois des mesures sur des questions ferroviaires. En outre, il fit dans la province une tournée au cours de laquelle il assista à diverses cérémonies. Ces activités, semble-t-il, le fatiguèrent. Il tomba malade et, en mai 1927, ses médecins l’envoyèrent à la clinique Mayo de Rochester, au Minnesota, où une chirurgie exploratoire détermina qu’il souffrait d’un cancer incurable.

John Oliver rentra en Colombie-Britannique et, en juillet, il réunit ses députés. Les larmes aux yeux, il leur offrit sa démission à titre de chef du parti et de premier ministre. Ses collègues insistèrent pour qu’il reste en poste. Il accepta à la condition que son fidèle lieutenant, John Duncan MacLean, soit premier ministre désigné. Oliver mourut à Victoria à l’âge de 71 ans. Il fut exposé à l’Assemblée législative, qu’il avait dominée pendant tant d’années, et eut des funérailles officielles. Chef politique près du peuple, il avait consolidé le Parti libéral provincial et créé un style de leadership à la fois dénué de prétention et combatif dont s’inspireraient plusieurs générations de premiers ministres britanno-colombiens.

David Mitchell

BAC, MG 26, G ; J.— Brief record of the Oliver government ([Victoria], 1920).— Electoral hist. of B.C.— Robin Fisher et David Mitchell, « Patterns of provincial politics since 1916 », dans The Pacific province : a history of British Columbia, H. J. M. Johnston, édit. (Vancouver et Toronto, 1996), 254–272.— S. W. Jackman, Portraits of the premiers : an informal history of British Columbia (Sydney, C.-B., 1969).— James Morton, Honest John Oliver : the life story of the Honourable John Oliver, premier of British Columbia, 1918–1927 (Londres, 1933).— M. A. Ormsby, British Columbia : a history ([Toronto], 1958).— Martin Robin, The rush for spoils : the company province, 1871–1933 (Toronto, 1972).

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David Mitchell, « OLIVER, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/oliver_john_15F.html.

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Auteur de l'article:    David Mitchell
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
Année de la révision:    2005
Date de consultation:    1 décembre 2024