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McDONELL, ALEXANDER (à compter de 1838, il signa Macdonell), prêtre catholique, fonctionnaire, évêque et homme politique, né le 17 juillet 1762 dans Glengarry, Écosse ; décédé le 14 janvier 1840 à Dumfries, Écosse.
Alexander McDonell, à qui Thomas D’Arcy McGee* allait donner un jour le titre de « plus grand tory du Canada », appartenait à un clan des Highlands qui avait soutenu en 1745 le prince Charles, le Jeune Prétendant, et souffert des conséquences de sa défaite. Malgré les mesures sévères que le gouvernement appliqua après la rébellion pour réprimer la culture highlander, les Macdonell et bien d’autres jacobites se hâtèrent d’entrer dans l’armée britannique. Peut-être était-ce par simple résignation devant la fatalité ou, ce qui est plus probable, par acquiescement à la conviction du clergé catholique, pour qui se soumettre au pouvoir était le seul moyen d’obtenir une amélioration de la situation. En raison des lois pénales, le jeune Alexander McDonell, tout comme ses coreligionnaires, ne reçut qu’une formation rudimentaire dans son pays. Il dut donc s’expatrier pour faire des études religieuses. Après avoir fréquenté le Scots College de Paris, il alla, en 1778, terminer sa préparation à la prêtrise au Royal Scots College de Valladolid, en Espagne. Façonné par la théologie et la morale qui s’y enseignaient alors, McDonell en sortit strictement orthodoxe et profondément conservateur. Ordonné le 16 février 1787, il retourna dans les Highlands dans le courant de l’année à titre de missionnaire. Homme corpulent – il aurait toujours des problèmes de poids – Big Sandy ou Mr Alistair, comme on le surnommait, exerça d’abord son sacerdoce à Badenoch puis dans la région de Lochaber, auprès de petits fermiers gaéliques.
Toutefois, le système des clans, avec ses droits et obligations réciproques, s’effondrait. McDonell chercha du travail pour ses paroissiens à Glasgow et réussit à les placer dans l’industrie du coton, alors en plein essor. Au début de 1792, on décida de lui confier la mission de Glasgow. Mais les Highlanders ne connurent qu’un bref répit : en désorganisant le commerce avec l’Europe, les hostilités contre la France révolutionnaire, déclenchées en 1793, les jetèrent de nouveau dans la misère.
Au cours de cette année-là, l’abbé McDonell communiqua avec le jeune chef de son clan, le protestant Alexander Ranaldson Macdonell of Glengarry, à qui il s’associa bientôt. Chacun de leur côté ou ensemble, ils conçurent un projet à l’intention du gouvernement britannique : rassembler les chômeurs highlanders en un régiment qui accepterait de servir hors d’Angleterre ou d’Écosse, contrairement aux autres régiments de fencibles. Après être allé présenter cette proposition à Londres, McDonell retourna pour quelque temps à Glasgow, où son évêque, mécontent et inquiet, lui reprocha de négliger sa mission. Malgré ses airs contrits, McDonell était bien résolu à suivre Glengarry : peut-être aspirait-il à le ramener au sein de l’Église catholique ou plus probablement espérait-il trouver quelque autre emploi à ses ouailles.
De toute manière, le gouvernement britannique accepta l’offre. On incorpora le Glengarry Fencibles et on le plaça sous les ordres de Glengarry, nommé colonel ; le 14 août 1794, Alexander McDonell en devint l’aumônier (l’armée britannique n’avait pas compté d’aumônier catholique depuis la Réforme). Envoyé à Guernesey en 1795, le régiment connut une période d’oisiveté relative, car la menace d’invasion française qui avait motivé son affectation ne se concrétisa pas. En 1798, on l’expédia en Irlande, où une rébellion venait d’éclater ; il y servit pendant quatre années au cours desquelles McDonell rata peu d’occasions de vanter la loyauté et le dévouement des Highlanders catholiques. Il tenait à se rendre aussi utile que possible aux autorités britanniques ; déterminer quelle part l’influence ou le favoritisme avait dans le succès des hommes ou des politiques ne l’intéressait pas.
La brève paix d’Amiens, conclue en 1802, amena le licenciement de nombreux régiments de réserve ; les paroissiens de McDonell furent donc, encore une fois, laissés à eux-mêmes. Pire encore, McDonell, trahi par Glengarry, dut injustement assumer la responsabilité de ses dettes et subir l’humiliation d’un séjour en prison. À sa libération, en janvier 1803, l’Écosse n’offrait toujours pas de perspectives encourageantes. Il décida donc de persuader le gouvernement de récompenser les anciens membres de son régiment en leur concédant des terres dans le Haut-Canada. Vu son conservatisme, les États-Unis lui auraient semblé un refuge inacceptable, et il refusa, comme on le lui proposait, d’emmener ses paroissiens aux Antilles. Si le Haut-Canada l’attirait, c’est que bien des Macdonell of Glengarry, combattants loyalistes au moment de la Révolution américaine, s’étaient établis dans la partie est de cette lointaine province, où un comté portait le nom de Glengarry. De plus, en servant dans l’armée, les hommes de McDonell s’étaient fait des amis influents, dont le lieutenant-gouverneur Peter Hunter* ; ce dernier avait été leur commandant en Irlande et les avait assurés d’un accueil à bras ouverts dans le Haut-Canada.
McDonell quitta l’Écosse au début de septembre 1804. La province où il se rendait comptait peu de catholiques, et il y serait le seul prêtre. En traversant le Bas-Canada, il rendit visite au coadjuteur de l’évêque, Joseph-Octave Plessis*, et le 1er novembre 1804 Mgr Pierre Denaut* lui confia la juridiction ecclésiastique. Plessis, qui succéda à Denaut au début de 1806, fut l’unique membre de la hiérarchie canadienne-française avec qui McDonell noua jamais des relations chaleureuses. Décidé à obtenir la subdivision de l’immense diocèse de Québec, qui englobait toute l’Amérique du Nord britannique, il voyait en McDonell non seulement un grand ami, mais aussi un allié utile. Pour commencer, il en fit son vicaire général et l’informa en privé qu’il le nommerait évêque du Haut-Canada in partibus dès que la subdivision serait chose faite.
Entre-temps, McDonell s’était installé à St Raphaels, dans le comté de Glengarry, mais son territoire comprenait toute la province. Il veilla à ce que les anciens fencibles reçoivent les concessions foncières promises et que des postes d’arpenteur ou de shérif reviennent à ses amis et parents. En outre, à Kingston et à York (Toronto), il fit l’acquisition de terrains en vue d’y construire des églises. C’était le gouverneur en chef, à Montréal, qui lui versait son salaire. Cet arrangement convenait à McDonell car, outre qu’il lui assurait une certaine indépendance par rapport au gouvernement provincial d’York, il symbolisait, à ses yeux, la reconnaissance des autorités. McDonell entreprit aussi une longue campagne afin que le gouvernement haut-canadien rémunère les prêtres et instituteurs catholiques. Selon lui, cette mesure aurait bien des avantages, tant pour l’Église que pour les autorités. Si ces gens tiraient leur subsistance du gouvernement, affirmait-il, ils lui seraient constamment fidèles, et l’État en retour serait tenu de continuer à soutenir l’Église. De plus, si les prêtres catholiques n’avaient plus à compter sur la générosité de leurs paroissiens, ils pourraient exercer une plus grande influence sur eux. Cette proposition reçut d’abord un accueil favorable, mais plusieurs années s’écoulèrent avant son application, qui se fit au prix d’une rupture de McDonell avec John Strachan*, principal représentant de l’Église d’Angleterre dans la province.
La détérioration des relations américano-britanniques donna entre-temps à McDonell une merveilleuse occasion de se faire valoir et, par la suite, de devenir une célébrité provinciale. En 1807, il avait préconisé l’enrôlement des hommes de Glengarry dans la milice ; le colonel Isaac Brock*, entre autres, au courant de son passé militaire, avait applaudi à cette idée. Toutefois, le gouverneur sir James Henry Craig* avait écarté la proposition car, selon lui, McDonell avait plus d’enthousiasme que de compétence pour lever un régiment. À la veille de la guerre, Brock était administrateur du Haut-Canada et commandant des troupes de la province. Il accueillit chaleureusement McDonell, en visite éclair à York, et accepta sans délai la constitution du régiment de Glengarry : pouvoir compter sur des hommes d’une loyauté éprouvée, alors que l’ensemble de la population lui inspirait une profonde méfiance, le rassérénait. Le gouverneur sir George Prevost* donna son accord et le 24 mars 1812, sans attendre l’aval des autorités britanniques, il ordonna la formation du régiment. L’abbé McDonell, bien sûr, en fut l’aumônier.
McDonell déploya aussi son énergie sur d’autres fronts. Il joua un rôle efficace à l’occasion des élections provinciales de 1812 qui, à cause de la menace de guerre, soulevèrent des passions particulièrement fortes. La circonscription de Glengarry était gagnée d’avance : fermement tory, elle était habitée surtout par des membres du clan Macdonell. Selon l’écrivain John Graham Harkness, ce clan « semblait [...] déten[ir] le monopole des honneurs parlementaires » car, « des députés élus à l’Assemblée [...] de 1792 à 1840, tous [sauf deux] étaient liés aux Macdonell par les liens du sang ou du mariage ». Comme Glengarry ne suscitait aucune inquiétude, l’abbé McDonell, sur l’insistance du futur juge en chef, Archibald McLean*, intervint dans la circonscription de Stormont and Russell en faveur du candidat gouvernemental, John Beikie, qui parvint à déloger le député en place, Abraham Marsh, vigoureux critique du gouvernement. Le message de McDonell à la communauté catholique, livré au moment opportun, eut l’effet attendu.
La position de McDonell s’améliora durant la guerre. De tous les problèmes stratégiques de Brock, le plus aigu consistait à maintenir la ligne de communication avec le Bas-Canada, dont les sections navigables étaient très vulnérables aux attaques américaines. En 1813, avec l’approbation de Prevost, McDonell fut chargé, à titre de commissaire, de superviser la construction d’une route qui relierait les deux provinces. Cette nomination accrut d’autant plus son prestige qu’elle lui permit de dispenser nombre de faveurs dans le district d’Eastern. Quant au Glengarry Light Infantry Fencibles, il s’acquitta admirablement bien de sa mission durant le conflit. L’écrivain William Foster Coffin* comparerait plus tard McDonell à un « homme de l’Église médiévale, mi-évêque, mi-baron, [qui] combattait et priait, avec un zèle égal, aux côtés d’hommes qu’il en était venu à considérer comme ses partisans héréditaires ». On doubla son salaire, et il reçut un appui chaleureux du nouvel administrateur du Haut-Canada, Gordon Drummond*, quand il proposa de nouveau d’inscrire les prêtres catholiques sur la liste de paie du gouvernement. La loyauté avec laquelle les catholiques haut-canadiens avaient soutenu l’effort de guerre, souligna-t-il à Prevost, démontrait combien un leadership solide et constant aurait des effets bénéfiques.
McDonell eut bientôt l’occasion de défendre sa cause à un échelon plus élevé. En juin 1816, Plessis le rejoignit à Kingston pour y consacrer la première église catholique et inaugurer la longue période de service de McDonell dans ce qui allait devenir son siège épiscopal. Plessis estimait que le moment était venu, puisque la guerre était terminée, de réclamer de nouveau la subdivision du diocèse de Québec. C’est McDonell qui allait lui servir d’intermédiaire à Londres. Par la même occasion, il demanderait aux autorités britanniques d’approuver le versement de salaires gouvernementaux aux prêtres et instituteurs catholiques du Haut-Canada et d’intervenir dans ce sens. À l’automne de 1816, il s’embarqua donc à Halifax pour aller s’acquitter de cette double mission.
À son arrivée à Londres, McDonell entreprit de faire pression sur le ministère des Colonies, et ce, durant presque un an. Le secrétaire d’État, lord Bathurst, semblait tout à fait sympathique aux désirs de Plessis mais, comme McDonell le savait fort bien, l’affaire exigeait d’être menée avec grand soin. Il proposa alors à Bathurst qu’on subdivise le diocèse en vicariats apostoliques plutôt qu’en sièges indépendants ; ainsi il ne serait pas nécessaire de faire des désignations territoriales et l’Église d’Angleterre ne s’alarmerait pas. Fait curieux, il adopta une position gallicane et affirma que, comme les vicaires apostoliques devraient leur position au gouvernement britannique, ils devraient aussi lui être fidèles, si bien que l’Empire y trouverait son compte, tout comme, administrativement parlant, l’Église catholique d’Amérique du Nord britannique. Le secrétaire d’État aux Colonies parut convaincu. Sur ce, les autorités britanniques informèrent le Vatican qu’elles étaient favorables à pareille subdivision du diocèse de Québec et lui firent savoir qui elles souhaitaient voir accéder aux postes de vicaire apostolique. McDonell avait dressé la liste des candidats, et son nom y figurait.
McDonell tenta aussi de convaincre Bathurst que le gouvernement aurait avantage à subvenir aux besoins des prêtres et instituteurs catholiques. Comme le taux d’immigration du Haut-Canada s’était accru depuis la fin de la guerre, il proposa d’ouvrir un séminaire qui, en formant une élite catholique, protégerait les loyaux sujets contre les pernicieuses influences démocrates des États-Unis. Cette élite occuperait aussi des postes clés dans l’administration provinciale. McDonell savait fort bien que John Strachan, récemment nommé conseiller exécutif, faisait confier des fonctions importantes à ses anciens élèves, et il ne voulait pas que les catholiques soient laissés pour compte. Finalement, après avoir subi les assauts de McDonell, Bathurst surmonta ses hésitations et décida d’un compromis. Le 12 mai 1817, il approuva le versement des salaires, mais exigea qu’on les puise dans les revenus du Haut-Canada. McDonell aurait bien aimé qu’ils proviennent de Londres pour échapper ainsi aux humeurs du gouvernement provincial, mais il dut se contenter de cette demi-victoire.
McDonell avait donc fait un voyage qui, sans être un triomphe personnel, avait été d’une utilité manifeste, et il rentra dans le Haut-Canada tard à l’automne de 1817. Quelque temps s’écoulerait encore avant que ses négociations sur la subdivision du diocèse ne portent fruit. En effet, ce n’est qu’en janvier 1819 que le Vatican nomma McDonell et Angus Bernard MacEachern* vicaires apostoliques et évêques titulaires subordonnés à Plessis, qui devint archevêque. Ce dernier n’avait pas été consulté et, pour diverses raisons, l’arrangement ne lui plut pas. Les brefs du pape ne furent donc jamais exécutés. On délivra de nouveaux brefs en février 1820 : McDonell devint alors évêque titulaire de Rhesaina, suffragant et vicaire général de l’archevêque de Québec. Son intronisation eut lieu à Québec le 31 décembre 1820, en la chapelle du couvent des ursulines.
Entre-temps, Strachan avait entendu dire qu’on nommerait McDonell évêque et que le gouvernement verserait des salaires aux prêtres et instituteurs catholiques, ce qui l’avait indigné. Comme il tenait jalousement à ce que l’Église d’Angleterre conserve ses prérogatives et qu’il craignait de ne pas avoir lui aussi sa mitre, il usa de son influence, comme McDonell l’avait bien prévu, pour empêcher l’affectation de crédits gouvernementaux à ces salaires. La promesse de Bathurst n’allait être honorée que plusieurs années plus tard. Par ailleurs, McDonell avait dû faire face aux changements (récurrents dans la vie politique coloniale) qu’apportait la nomination d’un nouveau lieutenant-gouverneur. En 1818, Francis Gore* avait été remplacé par sir Peregrine Maitland*, qui pendant dix ans allait être au centre des relations de pouvoir dans le Haut-Canada et exercer une influence déterminante dans le complexe réseau de favoritisme qui soutenait l’élite gouvernante. L’aile politique de cette élite avait pour chefs Strachan et John Beverley Robinson*, qui prirent beaucoup d’ascendant sur le lieutenant-gouverneur. C’est durant le mandat de Maitland que la puissance des membres de ce family compact atteignit son apogée ; jamais ils n’auraient la même position auprès de ses successeurs.
En raison de son indubitable loyauté, de ses opinions conservatrices et de son pouvoir sur la population de son district, McDonell était très utile au gouvernement. Certes, il ne pouvait pas appartenir au family compact, qui soutenait avec fermeté le statut officiel de l’Église d’Angleterre, mais il partageait sûrement son opposition farouche aux influences républicaines et égalitaristes. En outre, lui aussi était très attaché à la Grande-Bretagne même si, à l’instar de Strachan, il ne fut jamais un colonial servile. Dans la mesure où il appuyait le gouvernement provincial et ses politiques conservatrices, le régime de favoritisme lui était ouvert, les autorités le consultaient sur les questions qui le touchaient, et on prenait sérieusement en considération ses opinions sur les affaires publiques. En fait, il était un membre associé de l’élite gouvernante et, à la fin des années 1820, les radicaux le considéraient comme l’un des partisans les plus influents du gouvernement.
Pour attirer l’attention de Maitland sur sa personne, McDonell profita de ce que les Écossais, dans le Haut et le Bas-Canada, partageaient les mêmes intérêts. Après avoir obtenu une charte de la Highland Society of London, il fonda la Highland Society of Canada en collaboration avec bon nombre des associés et hauts fonctionnaires de la North West Company. Sur son insistance, Maitland accepta d’en être le premier président ; McDonell lui-même se contenta du poste de vice-président. L’évêque et les Nor’Westers n’avaient pas pour seul point commun de conserver pour les Highlands un attachement romantique. Les Nor’Westers contribuaient à ses campagnes de construction et endossaient ses emprunts bancaires. Quant à lui, il convainquit Plessis de retarder l’envoi d’autres missionnaires à la rivière Rouge parce que, si une colonie réussissait à s’implanter là-bas, elle menacerait les activités de la compagnie. Ce n’est qu’après la fusion de la North West Company et de la Hudson’s Bay Company, survenue en 1821, qu’il donna quelque encouragement à Plessis dans son projet d’étendre l’Église dans l’Ouest.
Comme Maitland voyait en McDonell un allié utile, il le nomma au conseil des terres du district d’Eastern, à un comité qui examinait l’achat de terres indiennes ainsi qu’à une commission chargée de régler le vieux contentieux sur les limites du Haut et du Bas-Canada. Encouragé par ces nominations, McDonell demanda à Maitland d’intervenir pour qu’on verse les salaires promis. Cette fois, il renforça son argumentation en faisant valoir que les Irlandais catholiques arrivaient en nombre croissant et que, étant donné leur « tempérament turbulent et [leur] manque de sang-froid », il faudrait les confier aux bons soins de prêtres et d’instituteurs supplémentaires, Irlandais de préférence. Maitland accéda à sa requête. Cependant, tout en étant ravi que les crédits de 1823 incluent les salaires promis depuis longtemps, McDonell décida de se rendre en Angleterre pour percevoir les arrérages que devait, selon lui, le secrétaire d’État aux Colonies.
Un voyage à Londres lui permettrait aussi de faire avancer d’autres dossiers. Plessis espérait encore une subdivision complète du diocèse de Québec – c’est-à-dire que McDonell et les autres vicaires généraux, MacEachern, Jean-Jacques Lartigue et Joseph-Norbert Provencher*, deviennent des évêques résidentiels, nantis de leur propre siège épiscopal, qu’ils soient ses suffragants et que lui-même accède au titre d’évêque métropolitain. Le secrétaire d’État aux Colonies s’était montré réfractaire à cette idée, étant donné les conséquences qu’aurait la nomination de quatre autres évêques catholiques indépendants en Amérique du Nord britannique. Toutefois, forts de l’appui du gouverneur lord Dalhousie [Ramsay], Plessis et McDonell jugeaient que le moment était opportun pour discuter de cette question en privé avec Bathurst.
Par ailleurs, McDonell était intervenu dans le débat politique de plus en plus intense que la proposition d’union du Haut et du Bas-Canada avait soulevé en 1821–1822. En affirmant que le district d’Eastern s’opposait farouchement à cette union, il avait joint sa voix à celles de Strachan et de Robinson pour dire que l’ensemble du Haut-Canada serait irrémédiablement lésé. Louis-Joseph Papineau* l’invita à faire partie de la délégation bas-canadienne qui se rendait à Londres pour protester. McDonell refusa en invoquant le fait qu’il ne pouvait pas se rendre en Grande-Bretagne avant le printemps de 1823 ; cependant, il écrivit de flatteuses lettres d’introduction pour Papineau. Peu de temps après, il changea d’avis sur lui, mais les effets de toute forme d’union sur les Canadiens français le préoccupaient de toute évidence. Il ne fallait pas les pousser à la désaffection, écrivit-il en janvier 1823 à son vieil ami lord Sidmouth. « Les deux Canadas, précisait-il, se remplissent rapidement de radicaux écossais, de rebelles irlandais et de républicains américains » ; la combinaison de ces éléments pourrait mener à la dissolution du lien impérial. Bien qu’écrite en partie pour frapper l’imagination, cette lettre révèle que les intérêts du Haut-Canada n’étaient pas son seul souci.
McDonell quitta le Haut-Canada au printemps ; son voyage durerait plus de deux ans mais aboutirait à la réalisation de presque tous ses objectifs. Après avoir rencontré par hasard John Beverley Robinson à Londres et avoir appris avec soulagement qu’on avait abandonné le projet d’union, il fit un bref séjour dans les Highlands. Ce fut pour lui l’occasion de courtiser John Galt, l’un des fondateurs de la Canada Company. En échange d’un bon nombre de renseignements utiles sur les questions foncières du Haut-Canada, dont le plus récent rapport du département des Terres de la couronne, McDonell reçut des actions de la nouvelle compagnie et, par la suite, un très beau terrain pour construire une église à Guelph, où la compagnie avait son siège. Dès son retour à Londres, il se consacra aux affaires qu’il devait régler avec le ministère des Colonies. Lord Bathurst le surprit passablement en capitulant tout de suite sur la question des arrérages, et la Trésorerie, grâce à l’intervention opportune du cousin de McDonell, Charles Grant, futur baron Glenelg et futur secrétaire d’État aux Colonies, accepta de verser £3 400 pour solde de tout compte. Un autre geste devait témoigner de l’estime dont jouissait McDonell au ministère : Bathurst porta son salaire à £400, décision qui fut bien accueillie par Maitland, Dalhousie et même Strachan.
L’érection de diocèses séparés en Amérique du Nord britannique prit beaucoup plus de temps. Bathurst ne s’y opposait plus comme au début, en partie parce que Dalhousie avait fait pression sur lui. Cependant, malgré les bonnes dispositions de Bathurst, McDonell dut finalement se rendre à Rome, au printemps de 1825, pour assurer au Vatican que la création de nouvelles juridictions catholiques en terre non catholique ne provoquerait pas de réactions défavorables et avait même l’assentiment du gouvernement britannique. On soumit la question à l’assemblée des cardinaux, après quoi la lourde bureaucratie vaticane se mit en branle et, finalement, le pape sanctionna la formation de trois nouveaux diocèses : ceux de Kingston (1826), de Charlottetown (1829) et de la Nouvelle-Écosse (1842).
McDonell retourna à Londres en août 1825 pour célébrer sa victoire avec le secrétaire d’État aux Colonies. Mais il put bientôt constater que Bathurst se préoccupait alors davantage des conséquences de la hausse de l’immigration irlandaise en Amérique du Nord britannique et, en particulier, du danger que ces gens coordonnent leurs activités avec celles de Daniel O’Connell au Royaume-Uni. McDonell profita de l’occasion et demanda des fonds supplémentaires pour des prêtres irlandais qui pourraient tenir bien en main leurs fidèles agités. C’était un avant-goût des années d’anxiété que lui ferait connaître la communauté irlando-catholique du Haut-Canada. De retour au pays à l’automne de 1825, McDonell fit peu après, avec Maitland, une tournée des districts récemment peuplés par des Irlandais dans la vallée de l’Outaouais et obtint son appui. Bien qu’il ait été sympathique à sa cause, le lieutenant-gouverneur ne lui promit pas de fonds, et c’est de Bathurst que McDonell reçut finalement £750 par an. Le secrétaire d’État aux Colonies détournait ces fonds des recettes de la Canada Company pour rémunérer des prêtres irlandais supplémentaires.
Au début de 1826, le Haut-Canada devint le diocèse de Kingston (ou Regiopolis, comme McDonell le désignait souvent), et McDonell l’évêque en titre. L’annonce de sa nomination fit un peu verdir de jalousie Strachan mais n’empêcha pas McDonell de collaborer avec l’élite gouvernante aux élections provinciales de 1828. Il tenta même, sans succès, de convaincre le procureur général Robinson de se porter candidat dans Glengarry. Cette circonscription était passablement sûre mais, à la consternation de McDonell, les catholiques ne purent s’entendre sur le choix d’un candidat, et c’est un partisan presbytérien du gouvernement qui remporta la victoire. Pire encore, la nouvelle chambre d’Assemblée contenait une majorité de critiques et d’adversaires de l’exécutif, influencés, sinon dirigés, par le radicalisme croissant de William Lyon Mackenzie*.
Aux événements déjà nombreux de cette année-là s’ajouta l’arrivée d’un nouveau lieutenant-gouverneur. Quel genre d’homme était le successeur de Maitland, sir John Colborne* ? Nul ne le savait. McDonell lui demanderait bientôt de l’aider à orienter les immigrants irlando-catholiques dans les voies de la respectabilité. Parmi ces immigrants de fraîche date se trouvait un prêtre nommé William John O’Grady, dont la conduite désordonnée défierait l’influence de l’évêque sur ses ouailles et l’amènerait à se mêler encore davantage de la politique haut-canadienne.
McDonell accueillit bien O’Grady, car il avait la conviction que les prêtres irlandais étaient le mieux à même de diriger les communautés irlando-catholiques. En janvier 1829, il lui confia la fonction importante, et visible, de curé de la capitale provinciale, puisque les catholiques yorkais étaient très majoritairement irlandais. En outre, il fit d’O’Grady son intermédiaire auprès du lieutenant-gouverneur Colborne et fut même assez satisfait de son travail pour lui donner les pouvoirs de vicaire général au début de 1830. Bientôt de troublantes rumeurs se mirent à circuler dans York : on disait qu’O’Grady négligeait ses obligations pastorales, était trop familier avec une femme de la ville et, pire que tout, se mêlait de politique réformiste et était considéré de plus en plus proche de Mackenzie. Pendant l’été de 1832, McDonell résolut de mettre fin à ce scandale en mutant O’Grady à Brockville. Devant le refus de ce dernier, il conclut qu’il n’avait pas d’autre choix que de le suspendre de ses fonctions sacerdotales.
En janvier 1833, O’Grady demanda à Colborne d’intervenir en sa faveur. L’affaire devint extrêmement gênante car les journaux s’en mêlèrent : le Colonial Advocate de Mackenzie soutint O’Grady tandis que le Canadian Freeman, dont le rédacteur en chef était Francis Collins*, et le Patriot and Farmer’s Monitor de Thomas Dalton défendirent fermement l’autorité de l’évêque. Presque chaque semaine, la population pouvait suivre la controverse dans la presse. Cet épisode fut d’autant plus douloureux pour McDonell qu’il avait mis de grands espoirs en O’Grady. D’après lui, la réputation de loyauté et de respectabilité des catholiques était en jeu, et par conséquent l’avenir même de l’Église dans le Haut-Canada. Qu’O’Grady se mêle de politique passait encore, mais qu’il soutienne la mauvaise cause était inacceptable. Jamais McDonell n’aurait concédé que celui qui soutenait le gouvernement faisait autre chose que son devoir. Cependant, il pouvait difficilement dénoncer l’activité politique d’O’Grady sans être accusé d’hypocrisie. Il fallait donc invoquer, contre le prêtre rebelle, l’insubordination à son supérieur religieux.
Colborne ne se laissa pas impressionner par l’argument tortueux d’O’Grady, selon lequel l’autorité sur l’Église était passée de la France à l’Angleterre au moment de la Conquête, ce qui habilitait le lieutenant-gouverneur, en qualité de représentant de la couronne, à intervenir dans le différend. Après avoir consulté ses légistes, Colborne soumit simplement l’affaire au secrétaire d’État aux Colonies, qui reconnut lui aussi l’autorité de l’évêque. Après une visite infructueuse à Rome, O’Grady abandonna la lutte et, en janvier 1834, retourna dans le Haut-Canada où, à titre de journaliste allié à Mackenzie, il continua de harceler l’évêque. Même si on lui avait donné raison dans cette querelle, McDonell en resta profondément marqué. Jamais plus il ne ferait autant confiance à un nouvel arrivant et, à compter de ce moment, il surveilla son clergé de beaucoup plus près. Il n’envisageait pas non plus de renoncer à intervenir ouvertement en politique puisque la réputation de loyauté des catholiques haut-canadiens devait être rebâtie.
La position publique de McDonell, cependant, demeurait solide. Il admirait sincèrement Colborne qui, de son côté, appréciait son appui. Un des premiers objectifs du lieutenant-gouverneur avait été d’élargir la représentativité du Conseil législatif, et l’évêque fut l’un des premiers candidats dont il recommanda la nomination au ministère des Colonies. L’ordonnance qui convoquait McDonell au conseil était datée du 13 septembre 1830 mais, pour des raisons de santé, il ne prêta serment que le 21 novembre 1831. Même s’il n’assistait pas souvent aux réunions, il considérait sa nomination autant comme un honneur personnel que comme une reconnaissance du fait que les catholiques avaient droit à une place dans la vie publique de la province. Toutes les Églises, espérait-il, seraient désormais placées sur un pied d’égalité ; par Églises, il entendait celles d’Angleterre, d’Écosse et de Rome, car toutes les autres n’étaient que des sectes. Colborne et le nouvel administrateur, sir James Kempt*, lui dispensaient un assez grand nombre de faveurs ; ils lui concédaient des terrains pour de nouvelles églises et lui fournissaient de quoi payer de nouveaux prêtres pour prendre en charge les immigrants irlando-catholiques qui ne cessaient d’arriver.
Comme McDonell continuait de participer à des activités partisanes, il était l’une des cibles des fréquentes diatribes de Mackenzie contre l’exécutif provincial. À l’été de 1832, après qu’on l’eut expulsé plusieurs fois de l’Assemblée, Mackenzie porta sa cause devant le ministère des Colonies. Ses nombreuses critiques comprenaient notamment une attaque directe contre la présence de Strachan et de McDonell au Conseil législatif. La réponse du secrétaire d’État aux Colonies, lord Goderich, sous forme d’une longue lettre datée du 8 novembre 1832 et adressée à Colborne – qui devint largement connue sous le nom de mémoire de Goderich –, fit sensation. Tout en écartant les accusations les plus excessives de Mackenzie, Goderich semblait conclure que bien des choses allaient de travers dans la colonie. Il disait notamment à Colborne que la présence constante de McDonell et de Strachan au Conseil législatif ne lui plaisait guère. En février 1833, au conseil, les tories adoptèrent une réplique cuisante dans laquelle ils dénonçaient Mackenzie, rejetaient l’intervention de Goderich qui reposait sur une information incomplète et défendaient ardemment les deux ecclésiastiques. La Chambre haute, affirmaient-ils, devait conserver son indépendance pour continuer de jouer le rôle essentiel de régulateur de la constitution. Si quelque chose menaçait le lien impérial, c’était l’intervention déplacée de fonctionnaires du ministère des Colonies qui agissaient sur la foi de témoignages pervers et malveillants comme celui de Mackenzie. Peu de temps après, lord Stanley remplaça Goderich et l’affaire se calma, mais les tories haut-canadiens avaient démontré qu’ils n’étaient pas des coloniaux soumis. Dans une lettre à Kempt, McDonell présenta le problème en termes fort clairs. L’allégeance des Haut-Canadiens était fragile et autant l’hésitation du gouvernement impérial à soutenir l’exécutif colonial que les machinations d’un homme dépourvu de principes comme Mackenzie pouvaient l’anéantir.
McDonell passa l’année 1833 à York pour rétablir l’harmonie au sein de ses fidèles et tirer parti de son amitié avec Colborne. Mais il avait tout de même 71 ans et aspirait à se fixer à Kingston. Il souhaitait également se libérer des affaires courantes du diocèse. Aussi avait-il entrepris le laborieux processus de convaincre Québec, Londres et le Vatican d’approuver la nomination d’un coadjuteur. Sa position auprès des autorités, tant politiques qu’ecclésiastiques, était telle que la question finit par se régler avec une rapidité surprenante. Il évita d’éventuelles disputes entre ses paroissiens écossais et irlandais en choisissant un prêtre du Bas-Canada, Rémi Gaulin*, qui parlait anglais. C’était un choix judicieux ; McDonell put lui confier sans crainte l’administration du diocèse. Il gagna toutefois peu de loisirs et dut demeurer sur la scène publique. En effet, les élections de 1834 replongèrent la province dans la tourmente.
Peut-être les tories étaient-ils trop satisfaits d’eux-mêmes, mais ils firent campagne avec mollesse et ne comprirent absolument pas qu’une vague de mécontentement était sur le point de donner aux réformistes la majorité à l’Assemblée. McDonell n’intervint pas à Kingston, où Christopher Alexander Hagerman remporta facilement la victoire sur O’Grady. Dans les autres circonscriptions, y compris celles du district d’Eastern, les candidats tories furent battus à plate couture. Dans Glengarry, l’intransigeant conservateur Alexander McMartin* perdit au profit du radical Alexander Chisholm, cousin de McDonell. Ce n’était vraiment pas la faute de l’évêque. Néanmoins, il devenait évident que même les Highlanders pouvaient être gagnés par l’agitation réformiste et que le gouvernement ne pouvait pas prendre leur soutien pour acquis. Les élections aboutirent à la formation d’une Assemblée insoumise où la majorité réformiste, désunie, comptait surtout des modérés, mais aussi un groupe résolu de radicaux dirigés par Mackenzie. McDonell et les tories allaient payer cher leur négligence.
L’évêque et son collègue du Conseil législatif, l’archidiacre John Strachan, étaient parmi les cibles favorites des députés radicaux, ce qui les rapprocha l’un de l’autre. McDonell alla jusqu’à appuyer la croisade que Strachan continuait de mener pour devenir évêque, notamment en écrivant à son cousin lord Glenelg, alors secrétaire d’État aux Colonies. Strachan fut touché par l’appui de McDonell et, même si cette intervention précise fut infructueuse, il devint évêque de Toronto peu de temps après. Comme Mackenzie continuait ses attaques, les deux hommes auraient encore besoin de s’épauler. Celui-ci avait convaincu l’Assemblée, en 1835, de créer un comité spécial qui, sous sa présidence, étudierait les griefs de la province ; il consacra un temps étonnant à harceler McDonell et Strachan. Nombre des éléments sur lesquels il s’appuyait provenaient des lettres personnelles que McDonell avait écrites à O’Grady pendant que celui-ci faisait fonction de vicaire général. Peu de réformistes modérés prenaient l’ancien prêtre au sérieux, mais l’affaire embarrassa beaucoup McDonell.
Croyant à tort que le rapport du comité spécial reflétait l’opinion bien réfléchie de l’Assemblée, le ministère des Colonies conclut que la situation haut-canadienne était inquiétante et décida de remplacer Colborne. McDonell se porta alors à sa défense et, en décembre 1835, dans une lettre amère à son cousin Glenelg, dénonça Mackenzie et ses fulminations iniques. Entre-temps, Mackenzie avait lancé une enquête sur les fonds que l’évêque recevait de la Canada Company et il exigeait des comptes. McDonell refusa carrément et Glenelg l’appuya.
Arrivé en janvier 1836, le nouveau lieutenant-gouverneur, sir Francis Bond Head*, reçut de l’Assemblée, peu de temps après, une requête qui exigeait notamment que l’on contraigne McDonell et Strachan à démissionner du Conseil législatif. Quand il demanda à Mcdonell ce qu’il en pensait, ce dernier refusa fermement de quitter son poste. Il n’avait nulle intention de commettre, « à la fin de [sa] vie, l’idiotie de renoncer à l’honneur que [lui] a[vait] conféré [son] souverain pour flatter la malveillance vindicative de quelques radicaux dépourvus de principes ». Il défendit aussi Strachan en disant : « Jamais je ne l’ai vu s’engager dans quelque discussion politique que ce soit ! » La « politique », c’était ce à quoi se livraient les adversaires du gouvernement. Apparemment, Head et Glenelg furent satisfaits de sa réponse.
De toute façon, cette querelle perdit bientôt toute importance car les relations entre Head et l’Assemblée aboutirent dans une impasse. Pendant l’été de 1836 eut lieu la campagne électorale la plus violente que la province ait connue jusqu’alors. McDonell se consacra tout entier au district d’Eastern. Le débat était clair : défense de la constitution contre déloyauté. L’évêque fit paraître une adresse « aux propriétaires fonciers catholiques et protestants des comtés de Stormont et de Glengarry ». Il accusait les radicaux de vouloir briser le lien impérial et d’empêcher l’affectation des fonds nécessaires aux routes, canaux et autres ouvrages, puis il poursuivait en qualifiant sir Francis d’authentique réformiste. Même l’ordre d’Orange salua son discours en annulant le défilé qu’il faisait traditionnellement dans la capitale le 12 juillet et en portant un toast au patriotisme de l’évêque. Les candidats gouvernementaux remportèrent 10 des 11 sièges du district. McDonell et les tories semblaient assez contents du résultat, mais la défaite électorale conduirait bientôt Mackenzie à des mesures plus désespérées.
McDonell usa de son crédit considérable auprès de Head et de l’exécutif pour faire adopter au début de 1837 le projet de loi de constitution d’un séminaire. Cependant, les catholiques du Haut-Canada, il le savait bien, n’avaient pas les moyens de financer cet établissement. Il devait donc envisager de retourner en Grande-Bretagne afin d’aller y chercher des fonds pour une dotation convenable. Mais bientôt la situation du Haut-Canada l’absorba de nouveau. La hiérarchie catholique cherchait encore à obtenir la création d’une nouvelle province ecclésiastique en Amérique du Nord britannique. Il fallait donc, et ce n’était pas facile, convaincre le gouvernement britannique de reconnaître l’évêque catholique de Québec comme métropolitain sans provoquer l’anxiété de l’Église d’Angleterre. Les évêques bas-canadiens se tournèrent de nouveau vers McDonell, qui fit une longue visite à Montréal et à Québec pendant l’été de 1837. Il persuada le gouverneur, lord Gosford [Acheson], d’intervenir auprès de Londres, mais cette affaire lui donnait une raison de plus de se rendre en Grande-Bretagne.
De retour à Kingston au début de l’automne de 1837 pour préparer son départ, McDonell trouva la province dans une grande agitation. Maintenant que nombre de réformistes modérés, dont Robert Baldwin* et Marshall Spring Bidwell*, avaient quitté la politique active, Mackenzie fustigeait au hasard l’ensemble de ses adversaires, qui étaient nombreux. Et, fait aussi important peut-être, les tories avaient perdu confiance en Head, dont les idées sur le développement économique, et surtout sur les banques, étaient contraires aux leurs. Malgré son implacable opposition à Mackenzie, McDonell n’était pas sourd au ressentiment qu’engendrait la domination de l’oligarchie. Dans une lettre écrite à lord Durham [Lambton] après la rébellion, il condamna les radicaux mais ne put s’empêcher de souligner que bien des Haut-Canadiens s’irritaient de voir « un certain groupe, à Toronto et dans la région, exercer trop de pouvoir et avoir une influence selon eux excessive [...] à tel point qu’il n’y a[vait] guère de postes de confiance ni de postes rémunérateurs qui [n’étaient] occupés par [les membres de ce groupe] ou leurs amis ». Si l’on ajoute à cela le vieux débat des réserves du clergé et des prétentions de l’Église d’Angleterre, la position de McDonell n’était pas très éloignée de celle des réformistes modérés. Cependant, sur la question de la rébellion, il ne pouvait y avoir de position mitoyenne.
Les incidents frontaliers de 1838 tourmentèrent beaucoup McDonell : une bonne partie de la population du Haut-Canada lui semblait peu sûre, les militaires lui paraissaient toujours agir avec ineptie, et il invoqua ses exploits passés pour prôner la formation de régiments de miliciens qui défendraient la province. Quand les choses se calmèrent, c’est un problème familier qui se posa à lui, soit de s’habituer à un nouveau lieutenant-gouverneur. Il fut le premier signataire d’une adresse de bienvenue à sir George Arthur* de la part d’un impressionnant groupe de notables de Kingston. Les deux hommes allaient s’entendre à merveille. En outre, il pressa lord Durham de régler la question des réserves du clergé qui, selon lui, était la plus inquiétante. Durham inclut la lettre de McDonell dans son Rapport pour étayer sa critique virulente des réserves. Quand, après le départ de Durham, la rébellion éclata de nouveau dans le Bas-Canada, McDonell, « aussi vieux et perclus » qu’il ait été, offrit même de faire campagne à la tête des membres de son clan. Arthur déclina poliment son offre mais suivit ses conseils en matière de nominations. Le geste le plus efficace de l’évêque fut d’écrire aux habitants du comté de Glengarry une adresse qui connut une large diffusion et qui les invitait à soutenir le gouvernement. Encouragé par Arthur, il publia une adresse semblable à l’intention des catholiques irlandais de la province.
En 1839, une fois passée la menace d’invasion, les hommes politiques se mirent à débattre de l’exécutif « responsable » recommandé par Durham. McDonell ne prit aucune part aux discussions. Il se préparait à se rendre enfin en Angleterre et en Écosse afin de recueillir des fonds pour son séminaire, le Regiopolis College, dont, plein d’espoir, il posa la première pierre en juin. Sir George Arthur se montra aussi encourageant que possible et proposa même de le nommer officiellement agent provincial d’immigration et de payer ses dépenses. McDonell s’embarqua à Montréal le 20 juin 1839.
Après une quarantaine d’années, McDonell était bien connu au ministère des Colonies, mais en fait il ne put faire grand-chose pour convaincre les fonctionnaires que lui-même et son Église avaient droit à une part des réserves du clergé. L’énergique Charles Edward Poulett Thomson, qui allait être nommé gouverneur en septembre, préparait justement un plan en vue de leur répartition. McDonell fut donc bien accueilli, mais sa tâche se révéla impossible : il allait devoir compter sur des fonds privés pour faire vivre son séminaire. Au début d’octobre, pour honorer ses engagements envers sir George Arthur, il se rendit en Écosse, puis en Irlande, dans l’espoir de convaincre les évêques d’appuyer ses projets d’émigration. Une pneumonie le terrassa à Dublin et, après une rémission apparente, il retourna en Écosse. Mais, pris d’une faiblesse, il mourut à Dumfries le 14 janvier 1840.
Le décès d’Alexander McDonell coïncida presque exactement avec la fin du Haut-Canada comme province distincte. Les valeurs qu’il jugeait essentielles à la véritable liberté – ordre, stabilité, respect de l’autorité – allaient aussi disparaître de la philosophie des tories haut-canadiens. Son profond conservatisme social et politique deviendrait aussi désuet que l’oligarchie qu’il avait combattue et avec laquelle il avait coopéré dans le but de faire du Haut-Canada un havre britannique pour les Écossais et les Irlandais catholiques.
Cette biographie a été rédigée presque exclusivement à partir de sources de première main.
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J. E. Rea, « McDONELL, ALEXANDER (1762-1840) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/mcdonell_alexander_1762_1840_7F.html.
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Auteur de l'article: | J. E. Rea |
Titre de l'article: | McDONELL, ALEXANDER (1762-1840) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1988 |
Année de la révision: | 1988 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |