MACTAGGART, JOHN, ingénieur et auteur, né le 26 juin 1791 près de Plunton Castle, paroisse de Borgue, Kirkcudbrightshire, Écosse ; décédé le 8 janvier 1830 à Torrs (près de Kirkcudbright, Écosse).
D’après ses écrits, John Mactaggart, l’un des 11 enfants d’un fermier du Galloway, reçut sa première instruction en attrapant des « bribes » de l’enseignement dispensé par les précepteurs que son père engageait au nom des agriculteurs de la région, ainsi que par la lecture et l’observation. Lorsqu’il eut atteint l’âge de parcourir les quatre milles le séparant de Kirkcudbright, il fréquenta le collège de cette ville, dans la mesure où les travaux de la ferme le lui permettaient, et il montra une aptitude exceptionnelle pour les mathématiques. À l’âge de 13 ans, « dégoûté », il quitta le collège pour travailler à la ferme ; il conçut par la suite un vif intérêt pour les éléments folkloriques de sa campagne natale et, en vue d’une publication, il nota ses observations sur les phénomènes naturels et sociaux.
À 18 ans, Mactaggart entra à l’University of Edinburgh où il suivit ses « cours préférés de sciences naturelles ». Il découvrit cependant qu’il ne lui restait pas grand-chose à apprendre dans ce domaine et, comme l’enseignement traditionnel ne lui convenait pas de toute façon, il se mit à « vagabonder » par toute l’Écosse au lieu de s’inscrire à une deuxième session. Puis, on ne sait trop par quel moyen, il « apprit le métier d’ingénieur ». Cette formation aurait normalement supposé une période d’apprentissage chez un ingénieur civil en exercice. Mais Mactaggart ne fait guère mention de ce métier dans ses écrits autrement que pour signaler les deux faits suivants : il travailla à la construction du célèbre brise-lames de John Rennie à Plymouth ; de plus, c’est le fils de Rennie qui, en 1826, le recommanda auprès du lieutenant-colonel John By* pour le poste de conducteur des travaux de construction du canal Rideau.
Entre 1820 et 1830, Mactaggart alla s’installer à Londres, où il enseigna les mathématiques à des « jeunes gentlemen » et tenta vainement, en collaboration avec deux compatriotes demeurant également dans cette ville, le poète Thomas Campbell et lord Brougham, de lancer un journal hebdomadaire, le London Scotchman. En 1824, il fit paraître The Scottish Gallovidian encyclopedia [...], qui était le fruit de ses nombreuses années de travail acharné dans le domaine du folklore. Cet ouvrage considérable présentait, selon l’auteur, « des descriptions de personnages excentriques et d’endroits étranges, avec des explications de mots, de termes et d’expressions bizarres, le tout émaillé de poèmes, de contes, d’anecdotes et de diverses autres choses insolites ». Il contenait également un bon nombre des poèmes de l’auteur ou, plus exactement peut-être, ses œuvres en vers, et un nombre encore plus élevé de poésies classiques de la tradition orale du sud de l’Écosse. Malheureusement, un laird de cet endroit interpréta un article de l’encyclopédie comme une atteinte à l’honneur de sa fille, une beauté connue dans la région sous le nom d’« étoile de Dungyle », et il pressa Mactaggart de supprimer le passage offensant. L’ouvrage fut retiré du marché peu après sa parution et ne fut réimprimé qu’en 1876, bien des années après la mort de Mactaggart. L’édition de 1876 fut limitée à 250 exemplaires, qui demeurèrent longtemps des objets rares et précieux. On fit une réimpression de l’ouvrage en 1981.
Lorsqu’il arriva à Bytown (Ottawa) en août 1826, Mactaggart fut chargé d’examiner le tracé recommandé par Samuel Clowes pour la construction d’un canal entre la rivière Rideau et la rivière des Outaouais. Il dut ensuite explorer et arpenter minutieusement le territoire de huit milles de longueur sur quatre milles de largeur qui englobait ce secteur. La densité de la forêt, les marécages, les insectes et les obstacles imprévus constituaient d’énormes difficultés qui ne furent surmontées finalement qu’à la faveur de l’hiver.
Mactaggart s’acquitta de cette fonction et fut presque aussitôt chargé de terminer l’arpentage des 150 milles de voie d’eau qui restaient pour rejoindre Kingston ; il accomplit cette tâche en juin et juillet 1827. À son retour, il fit une remarque qui en disait long : il était « revenu vivant en Outaouais ». Mactaggart prenait plaisir à voyager, car c’était pour lui l’occasion de satisfaire son goût pour l’histoire sociale et naturelle. Il exécuta aussi plusieurs travaux occasionnels, comme la rédaction de rapports concernant le canal Welland (dont il critiqua sévèrement le plan et la construction), le canal de la baie de Burlington et un projet de chantier naval à Kingston. Pendant l’été de 1827, dans « la brousse d’Ancaster », il rencontra William Dunlop* qui se préparait à retrouver John Galt* à l’endroit où ils avaient choisi de fonder la nouvelle ville de Guelph. Par la suite, il se joignit à Dunlop et à John Brant [Tekarihogen] pour explorer la Huron Tract, et il avait beaucoup à dire sur les activités et l’attitude de la Canada Company.
Le travail le plus ingrat que Mactaggart exécuta en tant qu’ingénieur sous l’autorité de John By fut probablement la construction d’un pont sur la rivière des Outaouais, à la chute des Chaudières. Cet ouvrage, appelé pont de l’Union parce qu’il reliait les deux provinces, était déjà achevé à la fin de 1828. Mactaggart reconnut que « la construction d’un pont en pierre au-dessus de rapides très impétueux et au cœur d’un hiver très rigoureux » fut l’une des tâches les plus ardues qu’il dut accomplir dans le Haut-Canada. Le pont comptait huit travées, dont la plus importante, longue de 200 pieds, enjambait le gouffre connu sous le nom de Big Kettle. La conception du pont ne revient que partiellement à Mactaggart ; il semble que le principal concepteur fut Robert Drummond. Une fois l’ouvrage terminé, Mactaggart se montra circonspect dans ses propos : « Le voilà en place, écrivit-il, et il a des chances de le rester quelque temps. » De fait, ce pont de pierres sèches était un chef-d’œuvre en son genre, mais il ne dura pas longtemps. Une travée fut emportée par le courant en 1836 et, finalement, l’ouvrage fut remplacé par un pont suspendu conçu par Samuel Keefer*.
Peu après son arrivée à Bytown, Mactaggart rédigea plusieurs articles de journaux, dont l’un, dans le Montreal Herald, soulevait un certain nombre de questions sur l’histoire naturelle et la géographie de l’Amérique du Nord britannique ainsi que sur le sort de l’explorateur Samuel Hearne*. Ces articles incitèrent la Société d’histoire naturelle de Montréal, fondée peu de temps après leur parution, à accueillir Mactaggart parmi ses membres. En outre, ce dernier avait déjà tiré avantageusement parti de son intérêt pour la géologie en mettant ses connaissances en pratique : il s’était lancé dans la recherche de gisements miniers et, à la fin de 1826, il devint l’un des membres fondateurs de la Hull Mining Company. Cette compagnie avait pour président Philemon Wright* et comptait parmi ses administrateurs Alexander James Christie*, Thomas McKay*, John Redpath* et Robert Drummond.
À l’été de 1828, une épidémie de fièvre se déclara parmi les gens qui travaillaient dans les secteurs marécageux de la rivière Rideau, et Mactaggart fut atteint. Plus tard, il fut démis de ses fonctions sur l’ordre du gouverneur, sir James Kempt*, pour « ivresse au travail ». Rien ne laisse croire qu’en ces temps difficiles Mactaggart avait pour la bouteille un faible plus marqué que les gens de son milieu et de sa profession. En fait, il avait écrit dans sa jeunesse que la nature l’avait doté d’un « organisme » qui était l’« ennemi juré » de tout liquide plus fort que l’eau. Il devint tout de même assez connaisseur pour considérer le « Craigdarroch [...], fabriqué selon le procédé de Glenlivet » à Perth, dans le Haut-Canada, comme étant « de loin le meilleur alcool distillé au pays ». S’il se permit des écarts de conduite, cela ne faisait pas le poids en regard des lettres de référence qu’il emporta avec lui lorsqu’il regagna l’Angleterre à la fin de 1828, après s’être remis de sa maladie. Dans une lettre au général Gother Mann, inspecteur général des fortifications, By décrivit Mactaggart comme « un homme très doué, possédant à fond les éléments pratiques de sa profession, et un travailleur acharné sur le chantier ». L’évêque Alexander McDonell* eut également des propos flatteurs à son endroit. S’adressant au ministère des Colonies, il affirma qu’il était « peut-être, dans la pratique, l’ingénieur et le géologue le plus compétent, et le meilleur homme qui soit jamais venu dans ces provinces pour explorer les richesses naturelles et les ressources cachées du pays ».
Moins d’un an après son retour en Angleterre, Mactaggart achevait et faisait paraître Three years in Canada [...], remarquable compte rendu d’observations d’ordre social et scientifique. Il y révélait qu’il avait peu d’estime pour les colons britanniques et américains établis au pays ; avec une tristesse dont il ne se cachait pas, il suggérait, sans doute à moitié sérieusement, que la Grande-Bretagne se débarrasse de ces colons, qu’il considérait comme « le meilleur groupe de ronchonneurs que l’on puisse trouver au monde ». Il critiquait en particulier la « gentry », les avocats et les « Irlandais de basse extraction ». Ces derniers, qui vivaient dans des conditions sordides, constituaient une grande partie de la main d’œuvre du canal Rideau. Comme on pouvait s’y attendre, il trouvait que les « Yankees » du Haut-Canada manquaient singulièrement de chaleur et d’originalité ; par contre, il vantait beaucoup la vitalité et la faculté d’adaptation des « Canadiens », et il éprouvait un profond respect pour les Indiens. À son avis, les beautés de la nature canadienne étaient « uniques au monde » et la richesse potentielle du pays était « un facteur de puissance que la Grande-Bretagne ne devait pas mépriser ». Enfin, l’avenir économique du pays exigeait, selon lui, la construction d’un système de canaux reliant la ville de Québec à la côte du Pacifique.
Il est certain que les effets de la « fièvre des marais » que Mactaggart avait contractée au Canada écourtèrent ses jours. Il mourut le 8 janvier 1830, à l’âge de 38 ans, et fut inhumé au cimetière de Sandwich, dans son Galloway natal. Au moment de sa mort, il envisageait de préparer une encyclopédie canadienne ainsi que deux ouvrages sur les voyageurs, soit un recueil de chansons et une histoire. Il laissait un poème inachevé de plus de 5 000 vers, intitulé The Engineer, qui se trouve aujourd’hui au Stewartry Museum, à Kirkcudbright.
Les textes de John Mactaggart révèlent qu’il était un observateur intelligent et un amant passionné de la vie, un Écossais pratique mais sentimental, avec toutes les contradictions inhérentes à ces qualités. Dans East Galloway sketches [...], Alexander Trotter le décrit comme un « bel homme de six pieds deux pouces, bien proportionné et de carrure imposante. Il avait le courage de ses opinions ; il abhorrait la duplicité, et ses amitiés étaient chaleureuses et durables. » Bien que sensible à la beauté féminine, il ne se maria jamais.
John Mactaggart est l’auteur de : The Scottish Gallovidian encyclopedia ; or, the original, antiquated, and natural curiosities of the south of Scotland [...] (Londres, 1824 ; 2e éd., 1876) ; publié à nouveau sous le titre de The Scottish Gallovidian encyclopedia ; a new edition with a note on the author, L. L. Ardem, édit. (Perthshire, Écosse, 1981) ; et Three years in Canada : an account of the actual state of the country in 1826–7–8 ; comprehending its resources, productions, improvements, and capabilities ; and including sketches of the state of society, advice to emigrants, &c. (2 vol., Londres, 1829).
APC, RG 5, A1 : 45081–45100, 45388–45389, 45890–45891, 50823.— Stewartry Museum (Kirkcudbright, Écosse), John Mactaggart, The engineer.— Sights and surveys : two diarists on the Rideau, Edwin Welch, édit. (Ottawa, 1979).— DNB.— The bards of Galloway : a collection of poems, songs, ballads, &c., by natives of Galloway, M. M. Harper, édit. (Dalbeattie, Écosse, 1889).— R. [F.] Legget, John By, Lieutenant Colonel, Royal Engineers, 1779–1836 : builder of the Rideau Canal ; founder of Ottawa (Ottawa, 1982) ; « The Rideau Canal and some of its builders », Archaeological historical symposium, October 2–3, 1982, Rideau Ferry, Ontario, F. C. L. Wyght, édit. (Lombardy, Ontario, s.d.), 127–136 ; Rideau waterway (Toronto, 1955).— R. W. Passfield, Building the Rideau canal : a pictorial history (Toronto, 1982).— Alexander Trotter, East Galloway sketches ; or, biographical, historical, and descriptive notices of Kirkcudbrightshire, chiefly in the nineteenth century (Castle Douglas, Écosse, 1901).
George S. Emmerson, « MACTAGGART, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/mactaggart_john_6F.html.
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Auteur de l'article: | George S. Emmerson |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1987 |
Année de la révision: | 1987 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |