FRASER, ALEXANDER, officier dans l’armée et dans la milice, fermier, fonctionnaire, juge de paix et homme politique, né le 18 janvier 1786 à Glendoemore, près de Fort Augustus, Écosse ; il épousa Catharine Grant (décédée en 1818), puis Ann McDonell, fille d’Archibald MacDonell (Leek), et ils eurent deux fils et quatre filles ; décédé le 12 novembre 1853 à Fraserfield, près de Williamstown, Haut-Canada.
En 1803, Alexander Fraser s’enrôla dans les Canadian Fencibles en Écosse et compta au nombre des sous-officiers à être gardés dans le régiment quand on licencia la majeure partie de celui-ci, l’année suivante. Il accompagna l’état-major à Québec en septembre 1805 et, peu après, il assuma le commandement du service de recrutement du régiment à Montréal. Quatre ans plus tard, il devint quartier-maître et servit à ce titre durant toute la guerre de 1812. Mis à la demi-solde en 1816, il partit pour le Haut-Canada et s’établit dans le canton de Charlottenburgh, comté de Glengarry, où il acheta de la famille de sa première femme le lot 40, au nord de la rivière aux Raisins. En 1851, sa ferme, qu’il avait appelée Fraserfield, était passée de 200 à 1 281 acres. Dès 1820, il avait « de gros intérêts » dans le comté, ayant acquis d’autres propriétés par achats et par concessions, notamment les concessions qu’avaient reçues ses épouses à titre de loyalistes.
Contrairement à beaucoup de gens bien en vue du comté de Glengarry, Fraser n’eut aucun lien avec la traite des fourrures (bien que son frère Paul y ait été mêlé). Mais Fraser occupait dans la société du comté une position comparable à celle des grands trafiquants de fourrures, comme Simon Fraser* et William McGillivray*, avec qui il fonda la Highland Society of Canada en 1818 ; Fraser occupa le poste de trésorier de l’organisme jusqu’en 1825. Catholique, il devint pourtant un ami intime de John McGillivray (Dalcrombie), chef laïque presbytérien et ancien trafiquant de fourrures, et du révérend John McKenzie de l’église St Andrew, à Williamstown. Fraser semble avoir connu une situation moins heureuse dans la fonction publique. En dépit de la forte recommandation du conseiller législatif Neil McLean*, il ne fut pas nommé registrateur en 1819. Cependant, le bureau d’enregistrement resta à Fraserfield et, pendant quelque temps, Fraser occupa le poste de registrateur adjoint. Ses innombrables lettres portant sur des transactions de terres révèlent un intérêt profond, voire paternaliste, pour les problèmes des premiers colons. En 1820, Fraser reçut sa première commission de juge de paix pour le district d’Eastern. En dépit du fait qu’il n’avait pas de lien avec la milice, Alexander McDonell* (Collachie) le recommanda, plus tard la même année, au poste de commandant du 1er régiment de milice de Glengarry. On le préféra à des officiers de milice plus anciens, comme Duncan Macdonell (Greenfield), et cette nomination fut la cause de grande friction dans le comté. La dissension entre Fraser et les puissants Greenfield Macdonell dura plusieurs années et atteignit son point culminant lorsque, à l’hiver de 1825–1826, on adressa à la chambre d’Assemblée une pétition rédigée par le frère de Duncan, le shérif Donald Macdonell*, dans laquelle on accusait Fraser d’avoir une « conduite anticonstitutionnelle et indigne d’un officier ». On ne sait rien du résultat de cette pétition, mais Fraser sortit indemne de cette accusation. En 1828, il fut élu avec Alexander McMartin à l’Assemblée, comme député de la circonscription de Glengarry, et il le demeura jusqu’en 1834 ; il appuya la cause des conservateurs et, en particulier, les intérêts de son ami, l’évêque Alexander McDonell*.
Dans les années 1830, Fraser consacra ses forces à acquérir d’autres terres, à éviter ses créanciers, à améliorer Fraserfield (que Thomas Rolph cite en 1836 comme étant « une belle ferme, bien cultivée, comportant une charmante résidence »), et à chercher un poste à l’échelon régional. Il devint registrateur du comté de Glengarry à l’hiver de 1836–1837 et conserva ce poste jusqu’à sa mort. Pendant la rébellion de 1837–1838, sir John Colborne* fit son éloge pour le rôle qu’il joua en « dispersant les rebelles » au Bas-Canada. Il tint garnison avec son régiment à Saint-Philippe-de-Laprairie en février et mars 1838. En novembre de la même année, les combats éclatèrent de nouveau et le régiment fit une incursion dans Beauharnois. Malgré la courte durée de l’action, le pillage qui suivit força même Fraser à admettre que « ses hommes [avaient] pass[é] pour des sauvages ». On a dit que beaucoup de soldas de son régiment de Glengarry « arrivés [...] fantassins [... étaient] repartis cavaliers », montés sur « des poneys français errants ».
Sur la recommandation du lieutenant-gouverneur, sir George Arthur, qui le décrivit comme un « fermier possédant un grand domaine foncier », Fraser prêta serment en tant que membre du Conseil législatif en décembre 1839. À ce titre, il appuya la position modérée en faveur de l’union que soutenaient le gouverneur Charles Edward Poulett Thomson*, qui allait bientôt devenir lord Sydenham, et le procureur général William Henry Draper*. Aux élections à la première Assemblée législative des provinces unies en 1841, Fraser et son collègue du Conseil législatif, John McGillivray, choisirent John Sandfield Macdonald* comme leur candidat pour l’unique siège de Glengarry et lancèrent ainsi dans sa longue carrière politique le futur premier titulaire du poste de premier ministre de l’Ontario. Sur le plan politique, Sandfield Macdonald allait abandonner son protecteur l’année suivante, lors de l’arrivée de Robert Baldwin et des réformistes au gouvernement en remplacement de Draper, mais Fraser et lui demeurèrent des amis intimes et continuèrent de partager le même intérêt pour le comté de Glengarry.
En juin 1841, Fraser devint membre du Conseil législatif de la province du Canada. Il appuya le projet de loi de Sydenham sur la répartition des bénéfices annuels des réserves du clergé entre plusieurs confessions. Pourtant, sa position politique modérée fut sérieusement mise à l’épreuve lorsque Sydenham et Draper réussirent à faire voter un projet de loi visant à remplacer les anciennes cours des sessions trimestrielles, dominées par des juges de paix nommés, par des conseils élus. Fraser se joignit aux tories de la ligne dure pour s’opposer vainement à une mesure qui aurait sapé son autorité dans la région. Il s’opposa aussi au projet de loi du gouvernement visant à faciliter la naturalisation des Américains. Draper pouvait difficilement se permettre de s’aliéner Fraser ; il le fit rapidement nommer premier préfet du district d’Eastern, seul poste du nouveau conseil du district qui demeurait l’objet d’une nomination. Ainsi apaisé, Fraser put s’adapter à la nouvelle époque et obtenir un certain pouvoir sur les élections au conseil. Il conserva sa charge de préfet jusqu’au début de 1850 ; cette fonction cessa alors de faire l’objet d’une nomination.
Après 1843, Fraser ne fit que de rares apparitions au Conseil législatif. Il était présent en 1845 afin d’appuyer la vaine tentative de Draper pour mettre sur pied une structure universitaire fédérée qui aurait garanti un soutien financier aux différents collèges confessionnels. En fait, la principale action politique de Fraser consista à accorder son appui à l’enseignement, en particulier à l’aide de l’État aux écoles du district d’Eastern. De nombreuses écoles de la région profitèrent beaucoup de ces efforts. Fraser collabora souvent avec certains réformistes sur des questions d’intérêt régional. En 1848, Sandfield MacDonald et lui versèrent chacun une caution de £500 pour permettre au beau-frère de Fraser, Donald Æneas MacDonell*, candidat réformiste défait de la circonscription de Stormont, d’être nommé shérif de district. L’année suivante, ils réussirent à empêcher la division du district d’Eastern en juridictions de comté séparées, en vertu de la loi sur les corps municipaux. Le district conserva son intégrité sous le nom de comtés unis de Stormont, Dundas et Glengarry. Mais le vieux soldat fut incapable d’accepter le projet de loi de 1849 pour l’indemnisation des pertes subies pendant la rébellion. Bien que le journal de Sandfield Macdonald, le Freeholder de Cornwall, ait fait l’éloge du gouverneur en chef lord Elgin [Bruce*] pour sa profonde compréhension du gouvernement responsable, Fraser, qui n’assista que deux fois aux séances de la Chambre haute ce printemps-là, en profita pour dénoncer les « conseils désastreux » donnés au gouverneur sur le projet de loi. Pour montrer son mécontentement envers les réformistes, Fraser se présenta, en 1850, à l’élection à l’un des cinq sièges du nouveau conseil du canton de Charlottenburgh, en dépit des tentatives de Sandfield Macdonald pour l’en dissuader. Il fut élu, mais arriva quatrième, loin derrière Macdonald et son propre gendre, le docteur Daniel Eugene McIntyre, réformiste. À la réunion qui rassemblait le conseil des comtés unis, ce fut McIntyre, et non Fraser, qui fut élu préfet. C’était la fin d’une époque.
Alexander Fraser demeura néanmoins un personnage important de la société de la région. En 1846, il fut nommé lieutenant-colonel du 1er bataillon de milice de Glengarry qui faisait partie du régiment du district d’Eastern ; ce régiment, mis sur pied depuis peu, devait prendre plus tard le nom de Stormont, Dundas and Glengarry Highlanders. En 1851, Fraser fut élu président de la Highland Society of Canada. En se mariant, ses enfants s’allièrent à d’éminentes familles, catholiques comme protestantes, et de différentes allégeances politiques. Fraser et sa femme continuèrent de donner des réceptions à Fraserfield. À la fin des années 1840, on avait ajouté deux ailes à la partie centrale carrée du manoir vaste et imposant qui existe encore ; la ferme, modèle d’agriculture diversifiée, se trouvait à l’avant-garde de l’industrie laitière de la région. Fraserfield fut cependant hypothéqué, et des codicilles du testament de Fraser stipulaient de procéder à la vente d’une grande partie de ce qui restait de son domaine afin de payer ses dettes. En mai 1853, Fraser, dont la santé déclinait, fit sa dernière apparition au Parlement, pour se prononcer en faveur d’un projet de loi présenté par les réformistes visant à augmenter la représentation à l’Assemblée. Ses gendres, Daniel Eugene McIntyre et Donald Alexander Macdonald*, avaient, à l’instigation du frère de ce dernier, Sandfield Macdonald, persuadé le vieil homme de faire ce pénible voyage à Québec. « Si quoi que ce soit arrivait, écrivit McIntyre, la petite femme ne nous le pardonnerait jamais, ni à moi ni à Donald. » Fraser mourut en novembre de la même année, et on transporta son corps, au son de la cornemuse, de Fraserfield à Williamstown où une grande foule assista à son enterrement.
Un portrait d’Alexander Fraser est reproduit à la page 51 de A history of Glengarry, cité plus loin.
AO, MS 266 ; MU 1968.— APC, MG 24, B30 ; I3, 10 ; RG 1, E3, 70 : 46–48 ; L3, 189 : F10/40, 62 ; 190 : F12/84, 107 ; RG 5, A1 : 24580–24581, 25579, 40733–40736, 67384–67393, 69719–69721, 70631–70634 ; RG 31, A1, 1851, Charlottenburgh Township : 211–212.— MTL, Robert Baldwin papers.— Arthur papers (Sanderson).— Thomas Rolph, A brief account, together with observations, made during a visit in the West Indies, and a tour through the United States of America, in parts of the years 1832–3 ; together with a statistical account of Upper Canada (Dundas, Ontario, 1836), 139.— Montreal Gazette, 16 nov. 1853.— [J. F. Pringle], The genealogy of Jacob Farrand Pringle and his wife Isabella Fraser Pringle ([Cornwall, Ontario, 1892]).— John Fraser, Canadian pen and ink sketches (Montréal, 1890).— B. W. Hodgins, John Sandfield Macdonald, 1812–1872 (Toronto, 1971) ; « The political career of John Sandfield Macdonald to the fall of his administration in March, 1864 : a study in Canadian politics » (thèse de ph.d., Duke Univ., Durham, N.C., 1964).— Royce MacGillivray et Ewan Ross, A history of Glengarry (Belleville, Ontario, 1979).— J. F. Pringle, Lunenburgh or the old Eastern District ; its settlement and early progress [...] (Cornwall, 1890 ; réimpr., Belleville, 1972).— Elinor [Kyte] Senior, « The Glengarry Highlanders and the suppression of the rebellions in Lower Canada, 1837–38 », Soc. for Army Hist. Research, Journal (Londres), 56 (1978) : 143–159.
Bruce W. Hodgins, « FRASER, ALEXANDER (1786-1853) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/fraser_alexander_1786_1853_8F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1985 |
Année de la révision: | 1985 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |