MORRIS, ALEXANDER, avocat, juge, homme d’affaires, homme politique et fonctionnaire, né le 17 mars 1826 à Perth, Haut-Canada, fils aîné de William Morris* et d’Elizabeth Cochran ; en novembre 1851, il épousa Margaret Cline, de Cornwall, Haut-Canada, et ils eurent 11 enfants ; décédé le 28 octobre 1889 à Toronto.

Alexander Morris naquit dans un milieu privilégié et il allait mettre les avantages conférés par sa naissance au service de sa famille et de son pays. Son enfance se passa dans l’établissement militaire de Perth, au sein de l’élite marchande et politique dont son père était l’un des membres les plus importants. Ce dernier, qui avait été membre de la chambre d’Assemblée et du Conseil législatif du Haut-Canada, fut nommé au Conseil législatif et au Conseil exécutif de la province du Canada. Il s’occupait activement des intérêts des colons écossais et de l’Église d’Écosse, et participa à la fondation du Queen’s College, à Kingston. Son fils hérita de lui le sens du devoir civique et du rang que devait tenir sa famille – sens bien caractéristique de ces années où la reine Victoria était à la moitié de son règne – et aussi d’un réseau d’amis politiques. Ayant d’abord fréquenté la Perth Grammar School, Alexander fut envoyé en Écosse en 1841 ; il y passa deux ans au Madras College, à St Andrews, et à l’University of Glasgow. Puis, pendant trois ans, il travailla à Montréal pour la firme de marchands-commissionnaires Thorne and Heward ; il y développa des talents qui allaient le servir tout au long de sa carrière. Il améliora, en particulier, sa maîtrise du français, grâce à un séjour de trois mois dans une famille canadienne-française de Belle-Rivière (Mirabel), Bas-Canada.

En 1847, Morris alla s’installer à Kingston, pour y étudier le droit, à titre de stagiaire, en même temps qu’Oliver Mowat*, sous la direction de John Alexander Macdonald*. Admis parmi les élèves de deuxième année au Queen’s College, il « travailla si fort que sa santé en fut altérée » et, en 1848, il retourna à Montréal. Il passa l’examen d’entrée au McGill College, en janvier 1849, et, plus tard cette année-là, il en devint le premier diplômé ès arts. Il devait par la suite obtenir du même collège une licence en droit civil (1850), une maîtrise ès lettres (1852) et un doctorat en droit civil (1862). Il acheva son apprentissage du droit dans le bureau de William Badgley et de John Joseph Caldwell Abbott*, à Montréal. En 1851, Morris était admis aux barreaux du Bas et du Haut-Canada. Pour des « raisons familiales » – peut-être le mauvais état de santé de son père – il commença d’exercer sa profession à Montréal cette même année ; au moment où il se lança dans la carrière politique, en 1861, il avait réussi, avec son associé, Frederick William Torrance, à se bâtir « une grande et lucrative clientèle » en droit commercial, dans cette ville qui était en pleine expansion économique et qui devenait rapidement la plaque tournante des réseaux de transport. De surcroît, son mariage, en 1851, à la nièce de Philip VanKoughnet* imprima sans aucun doute à sa carrière un élan supplémentaire.

À l’instar d’autres jeunes hommes de son temps au Canada, Morris rêvait d’une destinée impériale pour le pays. Ses intérêts commerciaux, ses liens familiaux et ses tendances personnelles l’amenèrent à soutenir que les Canadiens devraient s’élever au-dessus des querelles partisanes et prendre leur juste place dans l’édification d’un empire. Il n’hésita pas à exprimer publiquement ses idées, et son essai, ... Canada and her resources [...], obtint le deuxième prix offert en 1855 par le gouverneur général sir Edmund Walker Head* et le comité canadien de l’Exposition universelle de Paris. Cette brochure, d’allure lourde et descriptive, prédisait un avenir glorieux pour cette « fertile province britannique », où la « liberté politique [...] les avantages [dans le domaine] de l’éducation et les privilèges [dans le domaine] religieux », sans aucun doute, « attirer[aient] des hommes énergiques et entreprenants ». En 1849, Morris était devenu vice-président de l’Association de la bibliothèque de commerce de Montréal ; il donna à ses collègues une conférence intitulée « The North American Indian, their origin, présent conditions and oratory », premier indice d’une des passions ardentes qui, plus tard, marqueraient sa vie. Devant le même auditoire, il donna en 1858 sa conférence intitulée « Nova Britannia ; or, British North America, its extent and future [...] », conférence qui retint l’attention jusqu’à un certain point, et dont les 3 000 exemplaires de la brochure qu’on en tira se vendirent en dix jours. Dans ce texte, Morris prédisait la fédération des colonies britanniques d’Amérique et la construction de l’Intercolonial et du chemin de fer canadien du Pacifique. Il s’était intéressé à ces sujets depuis que, dans sa jeunesse, il avait lu le rapport de lord Durham [Lambton*], et s’était identifié au projet d’une union fédérale, ayant été en 1849 l’un des délégués à une réunion de la British American League, à Kingston, où l’on discuta de ce projet. Laissant présager le rôle de Morris dans l’Ouest, son Nova Britannia prônait aussi l’idée que le Canada devait faire montre d’une « appréciation large et complète des besoins du pays, et [d’]un juste sentiment des responsabilités à assumer relativement au bien-être des aborigènes et des autres habitants, et au développement adéquat des ressources du territoire ». Cette brochure, son ouvrage le plus important de l’époque, exprimait des idées en train de devenir non seulement acceptables, mais stimulantes même, au Canada, pendant les années 1850. Une autre conférence, en 1858 encore, prononcée devant l’Association de la bibliothèque de commerce de Montréal, puis devant l’institut des artisans de Hemmingford, Bas-Canada, et intitulée « The Hudson’s Bay and Pacific territories [...] », mit vigoureusement l’accent sur un autre thème populaire de l’époque : l’opposition à la Hudson’s Bay Company et l’annexion de ses territoires par le Canada. Morris voyait dans le Canada le propriétaire légitime de Rupert’s Land, et il était convaincu qu’il fallait mettre un frein à l’activité de la compagnie si l’on voulait voir prospérer le nouvel empire du Canada.

Morris, toutefois, ne se contenta jamais d’être l’homme politique d’une seule idée. À 27 ans, il avait publié un traité théorique sur les statuts refondant et réglant les clauses relatives aux chemins de fer du Canada, ouvrage qui ne fut pas sans utilité pendant les décennies qui précédèrent la confédération. Tout comme son père, il prit aussi une part active aux affaires de l’Église d’Écosse. Surtout intéressé, au début, par la question des missions et de l’éducation, il aida à la mise sur pied, en 1856, d’un magazine destiné aux enfants, le Juvenile Presbyterian, à la rédaction duquel il apporta sa collaboration. Conseiller presbytéral en vue au sein du synode de l’Église presbytérienne au Canada et membre du conseil d’administration du Queen’s College de Kingston à partir de 1858, Morris fut l’un des délégués chargés de se rendre en Écosse, en 1859, afin d’y trouver un nouveau directeur pour cette école. Le travail de la délégation en Écosse devait amener la nomination de William Leitch*, une vieille connaissance de son père. Morris, de son côté, eut l’occasion de rencontrer un bon nombre des hauts dignitaires de l’Église d’Écosse et de renouer pour son compte des amitiés que son père s’y était acquises lors de visites antérieures. À Glasgow, il rencontra pour la première fois George Monro Grant*, qui allait être directeur du Queen’s College dans les années 1880 en même temps que Morris assumerait la présidence du conseil d’administration. Morris avait aussi été élu à titre de représentant de la faculté des arts au conseil d’administration du McGill College en 1854 et membre de ce même conseil en 1857.

Dès les années 1860, Morris attirait l’attention sur la scène publique. Avocat qui avait réussi, qui possédait de bonnes relations de famille et qui s’intéressait à l’éducation de même qu’aux affaires de son Église, il se révélait en outre un bon orateur public, capable de se débrouiller en français, et dont le style, en anglais, pouvait s’élever jusqu’aux sommets et aux extravagances du nouvel impérialisme qui se développait sur les rives du Saint-Laurent. Depuis quelque temps, Morris songeait à la carrière politique et il avait cherché une circonscription qui lui convînt ; en 1861, il fut élu, à titre de libéral-conservateur, dans Lanark South, au Haut-Canada ; son père avait représenté Lanark à l’Assemblée législative du Haut-Canada pendant plus de dix ans. Morris affirmait : « les gens m’ont mis sur les rangs à mon insu et m’ont accordé une majorité de plus de quatre cents voix, si bien que ma sphère d’influence s’étend. J’hésitais beaucoup à accepter, mais, comme c’était le comté de mon père [... je] ne pouvais dire non. » Il vit là une obligation envers sa famille, et, comme le laisse entendre un chant composé pour célébrer sa victoire, ses électeurs aussi virent d’abord en lui un successeur de son père : « Il a été honnête homme / Et il a brillé par sa vertu, / On a vu les vertus du père / Revivre dans le fils. »

En 1864, Morris était de retour à Perth avec sa famille, à la fois pour résider dans la circonscription électorale qu’il représentait et pour y ouvrir une étude juridique avec un associé. Comme pour beaucoup de gens de sa classe sociale, son intérêt dans les affaires se diversifiait à la veille de la confédération. Ses placements dans l’exploitation du minerai de fer et de la plombagine ainsi que dans les canaux l’amenèrent, d’une façon assez naturelle, à s’intéresser aux chemins de fer et à prôner la construction d’un chemin de fer de Montréal à Ottawa, et, de là, à Perth et à Parry Sound. Dès 1867, Morris comptait aussi parmi ceux qui avaient joué un rôle de premier plan dans la fondation de la Bedford Navigation Company ; Richard John Cartwright* et lui firent partie du conseil d’administration. La même année, il devint aussi un des administrateurs de la Commercial Bank of Canada.

Au parlement, Morris parla haut et fort en faveur de la confédération, car il voyait là une solution aux difficultés des fermiers du Haut-Canada, dont les fils quittaient la province pour le Wisconsin et le Minnesota. Il revint aux thèmes de son Nova Britannia, affirmant que les Canadiens devaient, ou croître en « force, et en richesse et en puissance grâce à cette union, sous l’aile protectrice de la Grande-Bretagne, ou [...] être absorbés par la grande puissance voisine ». La solution aux problèmes des deux Canadas n’était pas la représentation basée sur la population, mais « le plan plus vaste de la confédération ». Morris joua, au parlement, un rôle mineur ; mais, en juin 1864, à la suite de la défaite du gouvernement de sir Étienne-Paschal Taché* et de John Alexander Macdonald, Morris et John Henry Pope rencontrèrent George Brown* et transmirent son offre de collaboration à Macdonald, aidant ainsi à rendre possible la Grande Coalition qui, trois ans plus tard, amena la Confédération.

Lors des premières élections fédérales, Morris fut réélu dans la circonscription de Lanark South, devenant dès lors en mesure, comme Macdonald l’avait prévu, de « commencer à manœuvrer pour jouer un rôle éminent dans les rangs des conservateurs ». Après avoir subi quelques pressions dans ce sens, Macdonald nomma Morris au sein du cabinet, à titre de ministre du Revenu intérieur, le 16 novembre 1869. Obligé de se représenter devant ses électeurs à la suite de cette nomination, Morris vit son statut de membre du cabinet des ministres confirmé par sa réélection sans opposition lors d’une élection partielle dans Lanark South.

Si elles ne furent pas remarquables, les dix années que Morris passa au parlement se révélèrent utiles. Il est évident qu’il servit ses commettants à leur satisfaction, et que son appui à Macdonald ne se démentit pas. Il présenta deux mesures libérales, l’abolition des exécutions publiques et la tenue, par les municipalités, des statistiques démographiques, mesures qui furent facilement adoptées. Il donnait l’impression d’être moins partisan que beaucoup de ses collègues ; aussi put-il agir en conciliateur à une époque critique de l’histoire politique canadienne.

Les difficultés inhérentes à la politique fédérale, le conseil de son médecin de se retirer de la vie publique et les problèmes financiers résultant de la rareté des affaires, dans le domaine juridique à Perth, amenèrent Morris à laisser la politique en juillet 1872. « Si je dois me retirer », avait-il écrit à Macdonald en mai 1871, « j’aimerais que vous m’envoyiez comme juge au Manitoba. La tâche n’y serait pas lourde et, en dépit de l’exil, ce coin de pays a de l’avenir et je pourrais y être utile à Archibald [le lieutenant-gouverneur Adams George Archibald*]. »

De juillet à décembre 1872, Morris assuma les fonctions de premier juge en chef de la Cour du banc de la reine du Manitoba, tâche qui paraît difficilement convenir à un homme malade. En outre, il fut l’administrateur intérimaire du Manitoba et des Territoires du Nord-Ouest, après le départ d’Archibald à la mi-octobre. À ce titre, il put continuer sa correspondance suivie avec Macdonald sur une base plus officielle. Il eut comme tâche première, à titre de juge en chef, de voyager par toute la Rivière-Rouge afin de procéder à la révision et à la confirmation des listes électorales fédérales, d’une part, et de se faire connaître dans la nouvelle province, d’autre part. En septembre, il fut témoin de soulèvements populaires lors des élections fédérales, à Winnipeg, et il recommanda la formation d’une force policière du dominion, laquelle serait payée et dirigée localement. Ce conseil ne fut pas suivi. Les soulèvements populaires et autres troubles n’étaient pas chose rare à la suite de la rébellion de la Rivière-Rouge, qu’avait conduite Louis Riel ; celle-ci avait laissé, comme en héritage, l’anarchie et un manque de respect envers l’autorité constituée. Les accrochages étaient fréquents entre les Métis et les colons en provenance de l’Ontario. La cour de Morris était une « fosse aux ours » où, écrivait-il, « j’ai connu un conflit d’autorité et de jurisprudence – les vieilles conceptions d’Assiniboia – l’Ontario et le Québec en lutte. Heureusement, la législature, ici, a adopté la jurisprudence anglaise et les lois anglaises, et je [...] les ai tranquillement toutes deux mises en vigueur, en amenant à mon sentiment le barreau français. » Il était enclin à chercher un compromis, car il écrivait : « j’ai décidé, du moment où j’ai mis les pieds dans cette province, de n’y connaître aucun parti, et je suis resté ferme à cet égard ».

L’objectif de Morris était de voir un Manitoba paisible et stable, s’inspirant largement du modèle ontarien, et une population française consentante et prête à collaborer. À cette fin, il fit des pressions, à titre d’administrateur intérimaire, pour que l’on réglât rapidement les réclamations foncières des Métis, de façon à enlever des partisans à Riel lors de l’élection dans Provencher, en septembre 1872, et pour que l’on fournît de l’aide aux nombreux Métis qui, espérait-il, déserteraient le camp de Riel en faveur de Pascal Breland*, un leader plus modéré. Le règlement des réclamations foncières déclencha la première grande crise qu’il eut à affronter comme administrateur, et il eut le sentiment de s’en être bien tiré ; en novembre 1872, il écrivait à Macdonald : « en faisant preuve de fermeté et de caractère, j’espère conduire correctement le char de l’État ». La santé de Morris s’améliorait, et de petites victoires comme celles qu’il avait remportées – victoires à la Pyrrhus, peut-être – le persuadèrent de revenir sur sa décision de refuser le poste de lieutenant-gouverneur du Manitoba. En octobre 1872, il avait dit à Macdonald qu’il apprécierait l’offre qu’on lui en ferait, mais qu’il la déclinerait pour cause de maladie ; pourtant, le 2 décembre, il prêtait serment comme lieutenant-gouverneur du Manitoba et des Territoires du Nord-Ouest. Gilbert McMicken*, qui présida la cérémonie, avait peut-être exprimé les doutes entretenus par d’autres personnes quand, le 13 octobre, il déconseilla à Macdonald la nomination d’un homme au « tempérament sensible et nerveux ». Mais Morris surprit bientôt ces observateurs par son habileté, et particulièrement par le tact avec lequel il mania les groupes disparates, fortement déterminés et inexpérimentés d’hommes politiques et de soi-disant dirigeants locaux auxquels il avait à faire face. À titre de lieutenant-gouverneur, Morris avait la responsabilité de l’administration des fonds fédéraux, des affaires indiennes, des terres de la couronne et des douanes, de même qu’il devait être, à titre privé, le représentant personnel de Macdonald.

L’une des réalisations les plus significatives de Morris, pendant son mandat de cinq ans comme lieutenant-gouverneur du Manitoba, fut l’introduction rapide du gouvernement responsable dans la nouvelle province. Si sa motivation vint peut-être de la crainte des désaccords et des situations politiques embarrassantes, le fait de donner très tôt une impulsion en faveur du gouvernement responsable fut probablement bénéfique, en ceci qu’il concentra les esprits sur les alliances du moment et les mesures à envisager pour l’avenir, plutôt que sur les récriminations relatives aux défaites passées et sur l’hostilité envers le pouvoir fédéral. Que ce fût le résultat de sa propre faiblesse ou le couronnement de ses idéaux politiques, lors de la démission du Conseil exécutif et de son principal leader, Henry Joseph Clarke, en juillet 1874, Morris demanda à Marc-Amable Girard* d’accepter le poste de premier ministre ; pour la première fois, le cabinet du Manitoba fut choisi non point par le lieutenant-gouverneur, mais par le premier ministre. Dans le fait que Morris pressa l’instauration du gouvernement responsable, on pourrait aussi voir une motivation plus large, celle de la diffusion de traditions politiques devenues familières ; une préoccupation de ce genre s’était fait jour dans les instructions de Macdonald à Morris, alors juge en chef, d’imposer un système de gouvernements municipaux aux paroisses alors existantes de la Rivière-Rouge. Le but poursuivi en cela par Macdonald était évident. « L’émigrant venu de l’Ontario comprendra son fonctionnement, et il suscitera parmi le peuple le sens de la responsabilité et le sentiment de se gouverner lui-même, choses dont [celui-ci] est encore ignorant. Il s’en est jusqu’ici remis entièrement à la Hudson’s Bay Company et n’a jamais pensé ni agi par lui-même. »

La mise en place du gouvernement responsable en 1874 signifia au moins, pour Morris, un allégement du fardeau qui consistait à « diriger les animaux qui composaient son ministère ». D’une expérience politique bien supérieure à celle de la plupart des hommes politiques du Manitoba, il se plaignait avec lassitude des constantes disputes auxquelles se livraient Clarke et Joseph Royal*, Stewart Mulvey*, Francis Evans Cornish* et les représentants d’autres factions politiques. « Je dois lire tous les projets de loi et jouer le rôle de greffier, disait-il à Macdonald, mais ils [en] font un triste gâchis, par leurs amendements, dans les chambres. » À mesure que croissaient les ambitions politiques de la législature locale, Morris perdait de plus en plus patience devant les rivalités mesquines, qui s’élevaient rarement au-dessus des questions de personnalités.

Bien qu’il eût ainsi réduit son rôle dans la politique provinciale, Morris conserva de l’influence dans certains secteurs qui auraient leur importance dans le développement du Manitoba. Pendant un certain temps, il continua d’assister aux réunions du cabinet, mais il est difficile de déterminer la fréquence de ses présences ou le rôle qu’il joua dans les débats. Il prit une part active aux relations de la province avec le dominion concernant les « meilleures conditions » à obtenir pour le Manitoba, en particulier au sujet des chemins de fer, domaine où il participa à quelques négociations et où il rédigea des mémoires à l’adresse du gouvernement fédéral. Morris s’intéressa aussi, et d’une façon toute spéciale, à l’éducation. Il fit les démarches nécessaires pour pourvoir la province de lois scolaires, mais sa réalisation la plus notable reste la fondation de l’université de Manitoba en 1877. George Monro Grant devait écrire : « En fondant l’université, il a réussi, dans une certaine mesure, entre différents groupes religieux, une collaboration qui ne s’était avérée possible dans aucune autre province du Canada à cette époque. » La contribution de Morris, à cet égard, s’explique par les bonnes relations qu’il entretenait avec les trois grandes Églises du Manitoba : l’Église d’Angleterre, l’Église catholique et l’Église presbytérienne. Ses rapports avec l’archevêque catholique de Saint-Boniface, Mgr Alexandre-Antonin Taché*, s’ils n’étaient pas faciles, étant donné l’inquiétude de ce dernier au sujet de Riel et des Métis, étaient caractérisés par une politesse officielle plutôt que par une opposition ouverte de part et d’autre. Aussi, quand Robert Machray*, archevêque anglican de la Terre de Rupert, suggéra la création d’une université non confessionnelle dotée de collèges religieux affiliés, Morris, étroitement associé tant au McGill College qu’au Queen’s College, ne fut pas lent à réagir. Reprenant une suggestion de Taché, que l’on examinât le modèle de l’University of London, il regroupa « les collèges existants pour former la structure dirigeante d’une université pour le Manitoba ». Dans son discours du trône, en janvier 1877, Morris annonça le projet de loi proposé relatif à l’université, présentant « cette mesure comme étant d’une grande importance et comme un signe évident du rapide progrès de [cette partie du] pays, [qui] posséder[ait] [bientôt] plusieurs des avantages dont jouiss[aient] déjà les provinces plus anciennes du dominion ».

Morris agit comme lieutenant-gouverneur des Territoires du Nord-Ouest de 1872 à 1876, période au cours de laquelle l’Acte des Territoires du Nord-Ouest (1875) établit pour cette région un gouvernement indépendant de celui du Manitoba. Il eut à affronter la tâche – pour reprendre les mots de la Manitoba Daily Free Press de Winnipeg – « de mettre de l’ordre dans le chaos, sur un territoire plus vaste que la moitié du continent européen ». Il était assisté d’un conseil bigarré des Territoires du Nord-Ouest, pour la constitution duquel des mesures avaient été prises en 1869, mais dont les membres ne furent pas nommés officiellement par le gouvernement fédéral avant décembre 1872. Le doyen du conseil était Girard, et seulement deux des 11 membres qui en faisaient partie à l’origine, soient Robert Hamilton et William Joseph Christie*, résidaient dans la région. Sans cesse paralysé par ce qui paraît avoir été un manque d’intérêt de la part du fédéral, doublé d’un manque de fonds, et aussi par l’exigence selon laquelle toute loi devait avoir l’approbation d’Ottawa pour entrer en vigueur, Morris avait la responsabilité de créer un service postal (inauguré en 1876), d’accorder les permis aux magistrats « stipendiaires » et de pourvoir à la réglementation relative aux boissons alcooliques. Par la suite, il eut la responsabilité de conclure des traités avec les Indiens, comme de leur apporter toute forme d’aide. Il se fit sans cesse l’avocat d’une force policière pour l’Ouest. « Le maintien de l’ordre dans le Nord-Ouest », confia-t-il à Macdonald, est « la question la plus importante pour l’avenir » ; il était conscient de la présence des Sioux [V. Ta-tanka I-yotank], lesquels pouvaient fort bien provoquer d’autres tribus, et aussi de la menace que représentait, pour la survie des populations, l’extinction graduelle des bisons. La présence des « hommes à l’habit rouge », il la voyait comme une nécessité pour prévenir des soulèvements du genre de ceux qu’avait connus le Minnesota en 1862. Le massacre survenu en juin 1873 aux monts Cypress (Saskatchewan) démontra le besoin d’une force de police pour faire respecter la loi dans les Prairies, et Morris souligna à Macdonald l’importance de traduire en justice les Blancs responsables du massacre.

Ce sont les affaires indiennes qui, semble-t-il, valurent à Morris ses plus grandes satisfactions. De 1873 à 1876, il s’intéressa personnellement, en tant que représentant de la reine, à négocier et à traiter avec les Indiens, signant, au nom de la couronne, les traités nos 3, 4, 5 et 6, qui portaient sur de larges portions du territoire, du lac Supérieur aux Rocheuses, et révisaient les traités nos 1 et 2. Chacun de ces traités exigeait de longs préparatifs, de l’habileté diplomatique et de la rapidité d’esprit pendant les négociations, sans oublier la volonté de donner suite aux promesses faites. Morris s’acquitta de toutes ces tâches, et le fait que le Nord-Ouest se soit développé pacifiquement lui est dû en partie, ainsi qu’à l’affaiblissement physique des Indiens des Plaines.

Après certaines difficultés et presque trois ans de longues négociations, le traité no 3, connu sous le nom de North-West Angle, fut signé le 3 octobre 1873. Morris dirigeait une mission composée de trois membres, les deux autres étant Joseph-Alfred-Norbert Provencher et Simon James Dawson*. Grâce à l’aide inappréciable de quelques Métis de la Rivière-Rouge et usant habilement de menaces et de flatteries, il réussit à convaincre les Sauteux de la région du lac des Bois, dans ce qui est maintenant le nord-ouest de l’Ontario, de la détermination du gouvernement à s’entendre finalement avec eux. Bien que deux traités eussent été précédemment signés avec des Indiens en 1871 par le lieutenant-gouverneur Archibald, dans ce qui est maintenant le sud du Manitoba, le traité no 3 servit de prototype à ceux qui suivirent. Celui-ci avait été précédé de négociations étendues, et on s’était assuré que tous les groupes concernés y adhéreraient. En plus, le traité en question prévoyait le transfert de vastes territoires, longtemps avant que les colons blancs en eussent besoin, et il contenait des dispositions relatives aux ressources que pouvaient offrir ces mêmes territoires. Les traités nos 1 et 2 furent révisés plus tard et on y incorpora des dispositions concernant les versements annuels et des règlements en argent comptant, semblables à celles contenues dans le traité no 3.

S’il était persuadé qu’il ne fallait rien épargner, monétairement parlant, en vue de la signature des traités, Morris se voyait contraint par Ottawa à n’offrir que des gratifications annuelles et des cadeaux limités, de façon à ne pas exagérer les attentes des Indiens plus à l’ouest. Pour sa part, il fit valoir auprès d’Ottawa que, si les gratifications annuelles étaient limitées, il fallait prévoir des subventions pour l’établissement d’écoles de même que d’autres mesures, dans le domaine de l’éducation, en faveur des Indiens. Il réussit à faire valoir, également, que ceux-ci avaient toujours été portés à s’attendre à ce que leurs droits fussent reconnus avant que la colonisation ne débutât, et qu’en conséquence les traités devaient être conclus bien avant l’établissement des colons, de façon à préserver la paix et la bonne volonté.

Conformément à la jurisprudence confirmée par la Proclamation royale de 1763, et les traités conclus par William Benjamin Robinson* dans les décennies 1840 et 1850, Morris reconnut les droits naturels des Indiens de conserver leurs terres, accepta la cession qu’ils firent de ces droits et, en retour, leur garantit la continuation de ce qui pouvait paraître être leur mode de vie traditionnel, en les autorisant à chasser et à pêcher sur les terres non colonisées des territoires qu’ils avaient cédés. Le principe voulant qu’on leur accordât de petites réserves éloignées les unes des autres ne fut pas adopté simplement en vue d’éviter de susciter la jalousie des colons blancs ou de diminuer la puissance militaire des Indiens. Morris ne voulait pas tomber dans le système américain du « déplacement », et il entendait cultiver un « sentiment d’attachement au sol natal », lequel, possédé en commun, maintiendrait la cohésion des aborigènes face à l’immigration.

Morris croyait aussi qu’il importait de « renforcer l’autorité des chefs et de leurs conseillers en reconnaissant leur statut et en leur manifestant du respect. Ils devraient être fortement convaincus, ajoutait-il, qu’ils sont des officiers de la couronne et qu’ils ont le devoir de veiller à ce que les Indiens de leurs tribus se conforment aux dispositions des traités. » À cette fin, des habits, des médailles, des fusils et des gratifications annuelles plus généreuses devaient être accordés aux chefs et à leurs conseillers ; et si Morris, à l’instar de beaucoup de Blancs, était porté à surestimer le pouvoir politique des chefs indiens, il est vraisemblable néanmoins que cette aide matérielle leur permit d’assurer la stabilité de leur leadership dans un milieu qui changeait rapidement.

Si toutes ces méthodes se révélaient conservatrices, l’objectif poursuivi était, du point de vue des Indiens, révolutionnaire : il s’agissait de leur assimilation. Et même si Morris assura à Gros Ours [Mistahimaskwa], au cours des négociations qui se déroulèrent au fort Carlton (Fort Carlton, Saskatchewan) en 1876 concernant le traité no 6, que le gouvernement n’avait aucune intention « d’intervenir dans la vie quotidienne de l’Indien » ou de « le lier », mais uniquement de l’aider à vivre dans les réserves, il n’en reste pas moins que la vision anticipée d’un changement graduel dans le domaine social et économique faisait partie intégrante de chaque traité. La plupart des traités conclus dans l’Ouest prévoyaient des dispositions relatives à l’éducation dans les réserves, afin, pour citer Morris, d’« initier la nouvelle génération aux arts civilisateurs » ; aussi « un aspect très important » de tous les traités était-il de fournir aux Indiens des « instruments agricoles, des bœufs, des bestiaux (pour commencer à former des troupeaux) et des graines de semence », en somme tout ce qu’il fallait pour transformer des chasseurs en fermiers. Comme beaucoup de gens de l’époque victorienne, Morris voyait, dans le nouveau mode de vie proposé aux Indiens, non seulement l’avantage de contribuer à amener des pupilles à l’autosuffisance, mais aussi le fait d’« élever » la population indienne : « Le Canada pourra se persuader que, dans un esprit vraiment patriotique, notre pays a fait son devoir à l’égard des peaux-rouges du Nord-Ouest, et, de ce fait, envers lui-même. » Étant donné sa conception classique de l’impérialisme, Morris considérait que les bienfaits de l’Empire n’étaient dus qu’à ceux qui prenaient conscience de la responsabilité inhérente à un fardeau assumé librement et qui remplissaient leurs devoirs de chrétiens.

La conclusion des traités n’avait pas été facile. L’enjeu était de taille et nécessitait une forte dose de tact et de ténacité. Mais, pour Morris, l’occasion de jouer ce rôle dans la transformation de l’Ouest, dont il avait rêvé depuis si longtemps, fut une expérience hautement gratifiante. Le symbolisme entourant la préparation des traités, le langage et le cérémonial semblent aussi avoir satisfait le sentiment qu’il avait de la dignité de ses fonctions, et il devait, par la suite, ressentir vivement la perte de ce rituel. Après l’adoption par le parlement canadien, en avril 1875, de l’Acte des Territoires du Nord-Ouest, Morris parut découragé et sentit diminuer son intérêt pour le travail. En novembre, il écrivit à Macdonald : « Le domaine [de mon activité] ici n’a plus [pour moi] l’attrait qu’il avait, par suite du projet de me retirer le Nord-Ouest. J’[aurais] souhait[é] qu’on m’y eût laissé achever mon travail, pendant les deux dernières années de mon mandat. Néanmoins, j’ai établi la politique à l’égard des Indiens, et le travail se poursuivra. Maintenant que je suis en bonne santé, je suis fatigué de la solitude et de l’absence de compagnie ici ; et, pour ma famille, [cette situation] constitue un exil. » Lors de la proclamation de l’Acte des Territoires du Nord-Ouest, le 7 octobre 1876, David Laird* en devint lieutenant-gouverneur, mais Morris continua d’assumer les fonctions de lieutenant-gouverneur du Manitoba tout en se voyant confier les mêmes fonctions pour le district du Keewatin, au nord (jusqu’à l’océan Arctique) et à l’est du Manitoba, lequel district fut créé à la même occasion. Il conserva ces fonctions jusqu’en décembre 1877. On ne l’avait pas consulté au cours de la préparation de l’acte de 1875, et il aurait préféré voir le territoire être administré à partir de Winnipeg (le fort Pelly était prévu comme siège du futur gouvernement). Après la nomination d’un conseil remanié pour les Territoires du Nord-Ouest, comprenant trois membres, tous fonctionnaires blancs du gouvernement, il écrivit qu’il était « scandaleux qu’on n’ait pas tenu compte des sang-mêlé. Il en résultera des problèmes et il s’agit d’une grave injustice. »

Au moment où il se préparait à mettre un terme à cet exil et à retourner en Ontario, Morris pouvait tirer quelque fierté de ses réalisations au Manitoba et dans le Nord-Ouest. Outre son travail auprès des Indiens, l’introduction du gouvernement responsable au Manitoba et la création d’une université, il avait, dans une certaine mesure, assoupli les relations entre les anciens habitants de la Rivière-Rouge, les Métis, et les nouveaux colons venus de l’Ontario. Il avait atteint l’objectif de Macdonald de créer une nouvelle société dans l’Ouest, modelée sur les institutions de l’Ontario, et sans perdre l’appui de la population française.

La grande faiblesse de l’administration de Morris, ce fut son incapacité de garder aux Métis leurs terres du Manitoba. En dépit du fait que c’est Morris lui-même qui perçut la nécessité d’un règlement rapide de la question de la répartition des terres, afin de préserver la paix dans la province, il fut incapable de prévenir la spéculation sur les titres fonciers qui aboutit à déposséder les Métis. Morris sentit toujours que sa sympathie « allait fortement aux populations autochtones », mais son admiration pour ces dernières ne s’étendait pas à tous les Métis (bien qu’il y eût de notables exceptions), et il était fort consterné par leur esprit de parti et leurs dissensions. Plus importante peut-être, apparaît la question de l’intérêt personnel de Morris pour les terres des Métis. Pendant son séjour au Manitoba, il acheta nombre de lots à Winnipeg, y compris une portion de terre sise non loin des rues Portage et Main, sur laquelle il construisit plus tard l’édifice qui porta son nom. Il acheta d’autres terres, ailleurs dans la province, et il plaça de l’argent dans diverses compagnies intéressées aux transactions foncières. Avocat prospère, spécialisé dans le droit commercial, il eût presque fait exception à la règle s’il n’avait profité de ce « magnifique cadeau » pour accroître la fortune familiale, comme certains Métis le soupçonnaient de l’avoir fait. Il eût été impardonnable si, à titre de lieutenant-gouverneur, il s’était lancé dans l’achat de terres aux dépens des gens dont il devait protéger les droits. Il ne trouvait apparemment pas à répondre aux sang-mêlé qui lui lançaient, lors de rencontres électorales, des cris tels que « aujourd’hui, nous voyons M. McMicken et ses amis tous derrière nous, sur les terres de nos enfants ».

Morris, à son retour à Perth, en 1878, fut l’objet d’un accueil public. À la fin de l’été, disposé à se relancer dans la carrière politique, il écrivait non sans inquiétude à Mgr Taché pour s’informer de ses chances d’être élu dans la circonscription manitobaine de Marquette à la chambre des Communes. Ayant dû s’incliner devant Joseph O’Connell Ryan, désigné comme candidat conservateur de ce comté, Morris décida de se présenter dans Selkirk ; le 7 août 1878, il fut choisi comme candidat par John Norquay. Si Morris obtint quelque appui à Winnipeg, sa campagne suscita peu d’enthousiasme tant parmi les Métis que parmi les vieux colons des paroisses environnant la ville. La Manitoba Daily Free Press, qui favorisait son adversaire, Donald Alexander Smith*, se moqua de la pompe et du cérémonial dont avait aimé s’entourer l’ancien lieutenant-gouverneur, et l’accusa d’avarice : il s’était servi « tout d’abord du climat bénéfique du Manitoba comme d’un sanatorium, pour ensuite engraisser ses biens dans les verts pâturages de la résidence du gouverneur ». On souleva des questions dans le même journal relativement à ses achats de terres appartenant aux Métis, et en particulier au sujet de l’activité de Gilbert McMicken, agent des terres du dominion et propre agent de Morris, qui, à ce qu’on disait, avait profité du fait qu’il savait d’avance quelles terres devaient être distribuées. Même en tenant compte du parti pris du journal et de ses propos, Morris semble s’être défendu sans conviction ; ses discours manquaient de vigueur, ses manières étaient évasives et arrogantes. Smith l’emporta avec une majorité de dix voix.

Peu après, Matthew Crooks Cameron démissionna comme député de Toronto East à l’Assemblée législative ontarienne, et Morris se présenta à l’élection partielle. Il fut élu le 21 décembre 1878 et conserva son siège aux élections générales de juin 1879, l’emportant sur son adversaire libéral, Oliver Mowat, premier ministre de l’Ontario, par 57 voix. Son apport à la législature ontarienne ne fut pas bien grand ; il semble s’être contenté de son poste de leader de l’opposition à l’Assemblée, sous la direction de William Ralph Meredith*, et d’en recueillir les lauriers. En 1880, il publia The treaties of Canada with the Indians of Manitoba and the North-West Territories [...], histoire et analyse détaillées et complètes des traités conclus avec les Indiens du Nord-Ouest de 1871 à 1876. Cette dernière année, il fut nommé conseiller de la reine par le gouvernement ontarien, et, en 1881, par celui d’Ottawa. En 1886, il accepta une adresse officielle de la part de ses collègues conservateurs à l’occasion de ses 25 ans de vie publique. Il se fit le défenseur des droits fédéraux contre les libéraux de Mowat, et l’on dit qu’il décida en 1881 le Toronto Daily Mail à appuyer le parti conservateur, écrivant lui-même quelques-uns des éditoriaux consacrés à cette question.

Morris, qui n’avait jamais été fort physiquement, était aux prises avec un « rhumatisme héréditaire de la tête », entre autres désordres d’origine nerveuse ; malgré un repos et des traitements en Angleterre, il fut, pendant ces années, en mauvaise santé. Sur l’ordre de ses médecins, il refusa de se porter de nouveau candidat en 1886. Il ne resta pas oisif pour autant. Il œuvra au sein de l’Église presbytérienne et conserva des liens avec le Queen’s College, agissant, de 1883 à sa mort, à titre de président du conseil d’administration. Il était aussi invité à faire partie des conseils d’administration de diverses entreprises financières, à cause de ses relations financières et politiques étendues à travers le dominion, et s’associa, entre autres, avec la Compagnie d’assurance de l’Amérique du Nord, sur la vie et la Banque impériale du Canada. Pendant ces dernières années, il s’intéressa à la construction de son domaine à Muskoka, endroit depuis peu à la mode. Il prenait plaisir, aussi, à suivre la carrière de ses nombreux enfants, qui lui étaient restés attachés et qui, tous, exerçaient une profession libérale. Son plus jeune fils, Edmund Montague*, fut en particulier l’objet de son attention, Morris cherchant à lui procurer la meilleure formation possible en Europe et en Amérique, dans les domaines de l’art et de l’architecture.

À la mort de Morris, le 28 octobre 1889, à l’âge de 63 ans, on fit ainsi son éloge : c’était un « homme bon, un fonctionnaire fidèle, un loyal conseiller presbytéral de l’Église, travaillant pour son temps et pour les gens de sa génération, et dont la vie publique fut sans tache ». Dans une perspective plus lointaine, on peut dire d’Alexander Morris qu’il fut un homme d’assez grands talents, né de surcroît dans une famille engagée dans la politique et jouissant de bonnes relations, au sein d’une petite société du milieu du xixe siècle. Il partagea les visions des jeunes gens de sa classe sociale et, grâce à sa famille et à sa fortune, il put jouer un rôle, modeste il est vrai, dans l’édification de l’avenir d’un pays en voie d’expansion. Il avait l’esprit bienveillant et les manières généreuses qu’on pouvait attendre d’un homme qui connaissait le succès dans sa profession et qui subit peu d’échecs dans sa carrière, et la préoccupation d’étendre l’influence de sa famille, préoccupation qui n’aurait rien d’inhabituel de la part du premier fils d’un immigrant écossais. Une note de 1894, adressée par son fils aîné, Alexander Cline, à son cadet, Edmund, pourrait lui servir d’épitaphe : notre « père n’a jamais manqué de se faire un ami de quiconque il rencontrait, ce à quoi il dut, pour une très grande part, son succès dans la vie. Tu as hérité un beau nom. Tires-en le meilleur parti possible. »

Jean Friesen

Alexander Morris est l’auteur de : ... Canada and her resources : an essay, to which, upon a reference from the Paris exhibition committee of Canada, was awarded, by His Excellency Sir Edmund Walker Head, bart., governor general of British North America [...], the second prize (Montréal, 1855 ; 2e éd., Montréal et Londres, 1855) ; The Hudson’s Bay and Pacific territories : a lecture (Montréal, 1859) ; Nova Britannia ; or, British North America, its extent and future : a lecture (Montréal, 1858) ; Nova Britannia ; or, our new Canadian dominion foreshadowed : being a series of lectures, speeches and addresses, [J. C. Dent, édit.] (Toronto, 1884) ; ... Speech delivered in the Legislative Assembly [...] during the debate on the subject of the confederation of the British North American provinces (Québec, 1865) ; et de Treaties of Canada with the Indians. Sous le pseudonyme de A Canadian Loyalist, il écrivit, en collaboration avec H. E. Montgomerie, The question answered : « Did the ministry intend to pay rebels ? » in a letter to His Excellency the Right Honourable the Earl of Elgin and Kincardine, K. T., governor general of British North America [...] (Montréal, 1849). Morris est également le compilateur de : An analytical index to the act 20th Victoriæ, cap. XLIV., amending the judicature acts of Lower Canada (Montréal, 1857) ; et de The railway clauses consolidation acts of Canada, 14 & 15 Victoriæ, chapter 51, and 16 Victoriæ, chapter 169, with an alphabetical and analytical index thereto (Montréal, 1853).

AASB, T.— AO, MU 2 164–2 170.— APC, MG 26, A.— PAM, MG 12, B.— [William Morris], « Twilight in Jamaica », Douglas Library Notes (Kingston, Ontario), 14 (1965), no 2.— R. G. Babion, « Alexander Morris : his place in Canadian history » (thèse de m.a., Queen’s Univ., Kingston, 1945).— G. M. Grant, « Churches and schools in the north-west », John Macoun et al., Manitoba and the great north-west : the field for investment ; the home of the emigrant, being a full and complete history of the country [...] (Guelph, Ontario, 1882), 523539.— F. A. Milligan, « The lieutenant-governorship in Manitoba, 18701882 » (thèse de m.a., Univ. of Manitoba, Winnipeg, 1948).— D. R. Owram, « The great north-west : the Canadian expansionist movement and the image of the west in the nineteenth century » (thèse de ph.d., Univ. of Toronto, 1976).— J. T. Saywell, The office of lieutenant-governor : a study in Canadian government and politics (Toronto, 1957).— L. H. Thomas, The struggle for responsible government in the North-West Territories, 1870–97 (Toronto, 1956).— L. F. Wilmot, « The Christian churches of the Red River Settlement and the foundation of the University of Manitoba : an historical analysis of the process of transition from frontier college to university » (thèse de m.a., Univ. of Manitoba, 1979).— Lila Staples, « The Honourable Alexander Morris : the man ; his work », SHC Report, 1928 : 91100.

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Jean Friesen, « MORRIS, ALEXANDER », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/morris_alexander_11F.html.

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Auteur de l'article:    Jean Friesen
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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1982
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