CHATELAIN (Chastellaine, Chatelaine, Chatelan, Chattelaine), NICOLAS, porte-parole des Métis, interprète, trafiquant de fourrures et fonctionnaire, né autour des années 1795–1799, vraisemblablement à ou dans la région de Grand Portage (près de Grand Portage, Minnesota), d’un père francophone venu du Bas-Canada et d’une mère de la tribu des Sauteux ; il se maria et eut au moins deux fils et une fille ; décédé le 6 mars 1892 au fort Frances (Fort Frances, Ontario).
On sait peu de chose de la jeunesse de Nicolas Chatelain, sinon qu’il combattit apparemment durant la guerre de 1812. La première mention de son nom remonte à 1823 : il était interprète pour la Hudson’s Bay Company au lac à la Pluie (lac Rainy, Ontario). En 1850, il était présent au moment de la signature, à Sault-Sainte-Marie (Saint Ste Marie, Ontario), du traité du 7 septembre entre William Benjamin Robinson*, représentant de la province du Canada, et les Sauteux de la rive nord du lac Supérieur. À l’époque, Chatelain faisait partie de la bande du fort William (Thunder Bay), qui comptait un certain nombre de Métis. Il travailla pour la Hudson’s Bay Company pendant environ 50 ans à titre d’interprète, de trafiquant et de chef de poste de l’intérieur, ce qui explique peut-être, en partie du moins, qu’il ait quitté le fort William pour aller vivre au fort Frances.
En 1871, Chatelain était interprète pour le compte du gouvernement fédéral et recevait un salaire de 250 $ par an, qu’il toucha d’ailleurs jusqu’à sa mort. D’après les fonctionnaires de l’époque, il ne pouvait traduire le sauteux qu’en français, ce qui ne fit aucunement obstacle à sa carrière. Il assista aux négociations avec les Sauteux de la région du lac des Bois, puis il participa à la signature du traité no 3 en 1873. Les Métis de la région du lac et de la rivière à la Pluie, dont il faisait partie, avaient beaucoup en commun avec les Sauteux, et on peut supposer qu’ils eurent plus d’influence sur le résultat des négociations que les Métis du Manitoba, à qui le négociateur du gouvernement, Alexander Morris*, attribua cependant son succès.
Au cours des négociations, les Sauteux avaient demandé que l’on autorise les Métis de la région à signer le traité ; Morris refusa mais recommanda néanmoins que ceux qui souhaitaient être considérés comme Indiens puissent y donner leur adhésion. Le 12 septembre 1875, Chatelain signa donc au nom des Métis du lac et de la rivière à la Pluie un protocole d’entente avec l’arpenteur général du Canada, John Stoughton Dennis*. Selon cette entente, connue sous l’appellation d’« adhésion des sang-mêlé au traité no 3 », les Métis devaient, à cause de leur « sang indien », se voir accorder deux réserves de même que les indemnités prévues par le traité, notamment des rentes, du bétail et des instruments aratoires.
Il est fort probable que le protocole d’entente avait d’abord été conçu par les Métis du lac et de la rivière à la Pluie, ensuite arrêté par Chatelain et rédigé par Dennis. Cependant, les mesures ultérieures du département des Affaires indiennes laissent supposer que le gouvernement fédéral ne le ratifia jamais. Ainsi, durant dix ans, les Métis chercheraient à obtenir ce qu’on leur avait promis. La première tentative eut lieu en août 1876 : Chatelain informait Dennis que Robert Pither, le fonctionnaire des Affaires indiennes au fort Frances, n’avait reçu aucune instruction à propos de l’entente, et lui demandait de faire en sorte que les Métis reçoivent, entre autres choses, les rentes. On renvoya l’affaire au département, qui déclara ne pas pouvoir reconnaître les Métis séparément et demanda si ceux-ci ne pouvaient se joindre à la bande de Sauteux qui vivaient près de là. Plusieurs mois après, un groupe de Métis rencontra Pither, en l’absence de Chatelain. Certaines rentes avaient de toute évidence été payées entre-temps, puisque les Métis déclarèrent qu’ils n’en accepteraient pas d’autres si on ne leur faisait pas parvenir les autres indemnités qu’on leur devait et s’ils n’avaient pas droit à une reconnaissance distincte.
Juste au moment où la résistance dans le Nord-Ouest [V. Louis Riel*] prenait fin, les Métis tentèrent à nouveau de faire reconnaître tous les droits que leur conférait le traité. Le 8 juillet 1885, Chatelain envoya au département des Affaires indiennes une pétition qui demandait les rentes que les « sang-mêlé du lac à la Pluie » n’avaient pas reçues, et qui s’élevaient à 782 $ pour 46 personnes. La correspondance officielle qui suivit confirma que les Métis avaient fait des aménagements dans leurs réserves et construit de bonnes maisons de rondins. Les Métis affirmaient cependant qu’ils n’avaient reçu ni bétail, ni instruments aratoires, ni arrérages comme le prévoyait l’entente de 1875 et, qu’en conséquence, ils s’estimaient « mal traités par le gouvernement ». La résistance indienne et métisse de 1885 contribua peut-être à faire voir leurs demandes d’un œil favorable. Suivant les recommandations de Duncan Campbell Scott* et d’autres fonctionnaires des Affaires indiennes, on leur accorda l’argent dû depuis 1875. Chatelain et d’autres Métis continuèrent jusqu’en 1886 à faire pression pour obtenir les arrérages de rentes de même que le bétail, la nourriture et les instruments aratoires qu’on leur avait promis mais, pour le département des Affaires indiennes, l’affaire était classée.
Nicolas Chatelain mourut au fort Frances le 6 mars 1892, vraisemblablement parmi les Métis. Trois ans auparavant, un fonctionnaire des Affaires indiennes l’avait décrit comme « l’un des aristocrates de la nature, six pieds quatre pouces de taille, 98 ans et complètement aveugle ». Le fonctionnaire ajoutait que personne dans la région n’avait « plus d’influence sur les Indiens que cet homme remarquable ». Il est clair que Chatelain avait aussi beaucoup d’influence sur les Métis du fort Frances et qu’il avait dans une certaine mesure réussi à défendre leurs intérêts au cours des années 1870 et 1880.
AN, RG 10, B3, 3637, file 6918 ; 3715, file 21809 ; 3830, file 62423.— D. T. McNab, « Hearty co-operation and efficient aid, the Métis and Treaty 3 », Canadian Journal of Native Studies (Brandon, Manitoba), 3 (1983) : 131–149.
David T. McNab, « CHATELAIN (Chastellaine, Chatelaine, Chatelan, Chattelaine), NICOLAS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/chatelain_nicolas_12F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1990 |
Année de la révision: | 1990 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |