BRELAND (Berland), PASCAL, trafiquant de fourrures, agriculteur, juge de paix, juge, homme politique et fonctionnaire, né le 15 juin 1811 dans la vallée de la rivière Saskatchewan, fils de Pierre Du Boishué, dit Berland, et de Louise (Josephte) Belley ; décédé le 24 octobre 1896 à Saint-François-Xavier, Manitoba.
Pascal Breland passa sans doute les premières années de sa vie sur les sentiers de la traite dans la vallée de la Saskatchewan, où son père était apparemment chasseur et trafiquant indépendant. On ne sait pas s’il a fréquenté l’école, mais les diverses nominations gouvernementales qu’il reçut et les documents qui en restent indiquent qu’il savait lire et écrire. En 1828, sa famille s’adonnait à l’agriculture au cœur de la colonie de la Rivière-Rouge (Manitoba). Quatre ans plus tard, Pascal alla s’établir à Grantown (Saint-François-Xavier) avec sa mère qui était veuve et ses jeunes frères et sœurs ; son frère aîné Alexandre y habitait depuis quelque temps. C’est là qu’en 1836 il épousa une jeune fille de 15 ans, Maria Grant, fille du fondateur de Grantown, Cuthbert Grant*. Ils élevèrent une nombreuse famille, six garçons et neuf filles, et leur fils aîné, Patrice, devait plus tard, comme son père, s’intéresser à la politique et aux affaires publiques.
Breland devint l’un des agriculteurs les plus prospères de Grantown grâce à l’acquisition progressive de la terre de son beau-père. En 1875, il en détenait un peu plus de 376 acres et, en 1880, il était, semble-t-il, propriétaire de tout le domaine. Il possédait également un nombre exceptionnel de chevaux, de bœufs et de charrettes de la Rivière-Rouge, indice de sa participation au commerce des fourrures, dont certaines activités illégales qui échappaient au monopole officiel de la Hudson’s Bay Company.
Breland passait alors une grande partie de son temps dans les plaines de l’Ouest, surtout aux alentours du mont Wood, des monts Cypress et du fort Pitt (Fort Pitt, Saskatchewan), où il faisait commerce. La traite des fourrures, qu’il pratiqua tant à titre de trafiquant que d’intermédiaire, lui valut à la fois fortune et prestige social, comme en témoigne probablement son surnom de « Roi des traiteurs » ; ce sont les Métis qui lui auraient donné ce sobriquet, mais les trafiquants canadiens-français et écossais l’utilisaient aussi en certaines occasions. Selon ses descendants, il occupait une place importante dans les expéditions de chasse au bison que les Métis organisaient deux fois l’an et, après la mort de Grant en 1854, il l’a peut-être remplacé comme capitaine de chasse.
Breland s’engagea pour la première fois dans les affaires politiques de la colonie en se joignant, au moment du procès de Pierre-Guillaume Sayer* en mai 1849, aux Métis qui protestaient contre le monopole que la Hudson’s Bay Company exerçait sur la traite des fourrures. Par la suite, on l’invita à faire partie du comité que Louis Riel* père avait formé pour faire connaître les griefs des Métis à l’égard de la compagnie et d’Adam Thom*, recorder de Rupert’s Land. Au cours des deux décennies suivantes, Breland allait occuper plusieurs postes importants dans la structure administrative de la colonie de la Rivière-Rouge. L’organisme qui régissait la colonie, le Conseil d’Assiniboia, dont il fut membre du 19 septembre 1857 au 10 août 1868, le nomma juge de paix en 1850 et en 1861, juge au tribunal des petites causes en 1851 et agent recenseur en 1856, toujours pour le district de la prairie du Cheval-Blanc (Saint-François-Xavier), de même que membre du comité des travaux publics en 1856. Quoiqu’elles aient été la preuve d’un favoritisme criant, les nominations de ce genre parmi les membres de « l’élite » métisse étaient néanmoins accordées à ceux qui, par leur fortune ou leur rang social, auraient été des « leaders naturels ». D’après certains auteurs, Breland et d’autres comme lui « auraient été élus au suffrage populaire, si ce mécanisme avait existé ».
Après avoir fait la preuve de ses talents de leader dans les affaires politiques de la Rivière-Rouge, Breland allait briller par son absence au moment de l’insurrection de 1869–1870. Au cours de l’été de 1869, il avait organisé avec d’autres Métis une réunion des opposants aux Canadiens qui, sous les ordres du lieutenant-colonel John Stoughton Dennis*, avaient entrepris l’arpentage des terres de la colonie. Cependant, au moment où éclatait le premier incident du drame de 1869–1870, Breland et Salomon Hamelin étaient déjà partis avec leur famille pour leur migration annuelle vers la vallée de la Qu’Appelle. Il est possible que Breland ait évité le soulèvement métis pour protéger ses intérêts politiques et économiques, soit parce qu’il n’était pas prêt à accepter l’autorité de Louis Riel*, ou encore parce qu’il craignait réellement que les événements ne divisent sa famille et ses amis. Les chefs de la résistance ne manquèrent pas de lui reprocher son antipatriotisme et sa traîtrise. Toutefois, son absence ne semble pas avoir compromis sa popularité politique, car on l’élut en 1870 à la première Assemblée législative de la nouvelle province du Manitoba, à titre de député de Saint-François-Xavier-Est, fonction qu’il remplit jusqu’en 1874. Défait dans la circonscription fédérale de Marquette en 1872, il fut cependant nommé la même année au Conseil des Territoires du Nord-Ouest, qu’on venait de former ; il occupa ce poste durant quatre ans.
Pendant ses deux premières années au conseil, Breland joua un rôle important à titre de commissaire auprès des tribus indiennes de l’Ouest. Des signes d’agitation dans ces tribus et la menace d’un soulèvement sioux amenèrent le conseil à l’envoyer étudier la situation au printemps de 1873. On lui avait confié cette mission de conciliation parce qu’il était une personne sûre et qu’il avait de « nombreuses connaissances » parmi les Indiens, et tout porte à croire que son enquête plut aux autorités. À l’automne de la même année, il reçut une autre mission du conseil, celle de préparer la voie pour la négociation des traités entre le gouvernement fédéral et les Indiens des Plaines de ce qui est maintenant le sud de la Saskatchewan. Il retourna l’année suivante informer les chefs cris de la réunion au fort Qu’Appelle (Fort Qu’Appelle, Saskatchewan), réunion qui devait aboutir à la signature du traité no 4 [V. Paskwāw*]. On lui confia également l’enquête sur deux séries de meurtres qui impliquaient diverses bandes indiennes, dont celle du chef assiniboine Hunkajuka*, afin qu’il traduise en justice les coupables. Tout compte fait, grâce à ses qualités de diplomate, Breland réussit à bien représenter les autorités gouvernementales tout en gagnant la confiance des autochtones qu’il rencontrait. En 1878, on le nomma encore une fois, à la demande populaire, à un nouveau Conseil des Territoires du Nord-Ouest, plus restreint ; cependant, son âge avancé, sa connaissance imparfaite de l’anglais et la distance qui séparait Saint-François-Xavier, où il habitait, de Battleford (Saskatchewan), où se tenaient les réunions, l’empêchèrent de prendre une part active aux travaux du conseil.
En politique, le Métis Pascal Breland fut un modéré. Peu enclin à s’opposer à l’autorité établie sur les questions relatives à son peuple, il jouissait néanmoins du respect et de la confiance de la population de Saint-François-Xavier et des autochtones de l’Ouest, qui se tournèrent vers lui pour les guider et les représenter.
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Lynne Champagne, « BRELAND (Berland), PASCAL », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/breland_pascal_12F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1990 |
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