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BOWN, WALTER ROBERT, dentiste, homme d’affaires, journaliste, éditeur, homme politique et fonctionnaire, né le 27 janvier 1828, probablement dans le comté de Dorset, Angleterre ; décédé célibataire le 8 mars 1903 à Battle Creek, Michigan.
Walter Robert Bown passa les premières années de sa vie d’adulte dans le Haut-Canada, à Brantford. Sa famille était solidement implantée dans la bourgeoisie de la ville ; son beau-père et ses frères étaient des citoyens influents. Ses perspectives d’avenir à lui n’étaient pas aussi bonnes. Après avoir tâté du commerce, il fit son apprentissage de dentiste, métier qui, au milieu du xixe siècle, n’était guère plus prestigieux que celui de barbier. Vers 1860, dans l’espoir de trouver mieux, il partit pour l’ouest des États-Unis.
Selon des sources familiales, Bown servit plusieurs années dans le Far West à titre de membre de l’état-major d’un général de l’armée de l’Union. En outre, il fut volontaire pendant le soulèvement des Sioux en 1862–1863 [V. Tatanka-najin*]. Ensuite, il pratiqua l’art dentaire, mais il participa aussi au commerce, qui prit de l’essor dans cette région à compter du milieu des années 1860. Il établit ses bases à Saint Paul, au Minnesota, à Pembina et à Devil’s Lake (Dakota du Nord), pour s’engager graduellement dans des échanges avec la colonie de la Rivière-Rouge (Manitoba), d’abord à titre de fournisseur de légumes, par l’entremise de l’International Vegitable House, qui lui appartenait, puis de trafiquant de fourrures avec son associé John Christian Schultz*.
C’est son association avec Schultz, à compter de 1864, qui propulsa le petit dentiste et commerçant au cœur des événements de la Rivière-Rouge. Personnage très controversé, Schultz l’initia à diverses activités commerciales et, surtout, en fit un adepte de la canadianisation du Nord-Ouest et un adversaire de la Hudson’s Bay Company. Pendant une trentaine d’années, les deux hommes allaient être liés à un point tel que leurs contemporains et les historiens ont généralement reconnu que Bown était presque entièrement la créature de Schultz.
La première fois que Bown fut mêlé à une controverse, ce fut au début de 1868, soit au moment où Schultz, incarcéré pour dettes, sortit de prison grâce à un coup de force organisé par sa femme, Agnes Campbell Farquharson. Rédacteur en chef du Nor’Wester en l’absence de Schultz, Bown écrivit que la majorité des habitants de la Rivière-Rouge approuvait cette intervention, défi lancé à la tyrannie de la Hudson’s Bay Company et, en particulier, à celle de son appareil judiciaire. Or, seule une poignée d’immigrants canadiens de fraîche date étaient de cet avis, comme en témoigna bientôt une pétition dans laquelle 804 résidents contestaient les assertions de Bown. Une délégation de pétitionnaires lui demanda d’insérer le texte dans le Nor’Wester, ce qu’il refusa sous prétexte qu’il manquait de papier. On le menaça alors de saisir l’imprimerie et de l’expulser de la colonie, sur quoi il accepta de tirer 50 exemplaires de la pétition. Apparemment, un malentendu survint au sujet du paiement. Bown accusa publiquement de vol les deux Métis qui avaient pris livraison des exemplaires. Poursuivi pour diffamation, il fut reconnu coupable et, faute d’avoir acquitté les dommages-intérêts, fixés à 14 £ 19 s 6 d, il purgea une courte peine d’emprisonnement.
Les événements qui survinrent de mars à mai 1868 renforcèrent l’opinion de Bown sur le caractère inadéquat du régime de la Hudson’s Bay Company, sur son incapacité de maintenir l’ordre dans la colonie (les menaces contre lui avaient été proférées en présence du gouverneur d’Assiniboia et de Rupert’s Land, William Mactavish*) et sur la nature injuste de tribunaux soumis à sa loi. Lui-même et Schultz redoublèrent donc d’efforts pour discréditer l’hégémonie de la compagnie et promouvoir l’annexion de Rupert’s Land au Canada dans les colonnes du Nor’Wester. Ils signèrent aux États-Unis des déclarations sous serment dans lesquelles ils qualifiaient d’« illicite et offensant » le jugement prononcé contre Bown et accusaient les magistrats d’Assiniboia d’être « possédés et manipulés » par la compagnie.
Le 1er juillet 1868, Bown acheta le Nor’Wester à Schultz. Puis, sans tarder, il l’installa dans des locaux plus grands, améliora la qualité de la présentation et en fit un hebdomadaire plutôt qu’un bihebdomadaire. Le journal ne changea pas d’orientation, mais il y eut quand même des moments où il servit à autre chose qu’à semer la discorde. Par exemple, à la fin de l’été et à l’automne de 1868, ce fut par les éditoriaux de Bown que, à Saint Paul et au Canada, on prit conscience que les colons de la Rivière-Rouge étaient presque réduits à la famine à cause de la sécheresse et d’une invasion de sauterelles. Au moins en partie grâce à ses articles et à son travail de secrétaire du comité de secours de la Rivière-Rouge, la colonie reçut assez de vivres et de semences du Canada, des États-Unis et de l’Angleterre pour aider ses habitants les plus pauvres à passer l’hiver de 1868–1869.
En mai 1869, les colons de la Rivière-Rouge n’ignoraient plus que le Canada annexerait bientôt Rupert’s Land. Même s’il était conscient de l’animosité que suscitait le transfert du territoire, Bown ne pouvait guère approuver les actions commises par les Métis en octobre et novembre. Il condamna l’« insurrection des sang-mêlé français » et s’en prit en particulier à ceux qui avaient empêché le lieutenant-gouverneur désigné, William McDougall, d’entrer à la Rivière-Rouge. Cependant, il ne sembla pas mesurer l’ampleur de la résistance jusqu’à ce que, au début de novembre, le chef des Métis, Louis Riel*, le somme de publier une proclamation dans le Nor’Wester. Comme il refusait de collaborer, Riel l’emprisonna dans son bureau, tout simplement. Il fut libéré par la suite, mais il ne pouvait plus douter que Riel réquisitionnerait le Nor’Wester quand bon lui semblerait.
Tout au long du mois de novembre 1869, Bown continua d’aider le « parti canadien » en faisant circuler des pétitions et en publiant des documents. Moins d’un mois plus tard, Riel, qui en avait assez, prit possession du Nor’Wester et envoya des hommes à sa recherche. Bown leur échappa de justesse et se réfugia au nord de la colonie, dans un poste éloigné de la Hudson’s Bay Company où il resta caché jusqu’à la fin de la résistance métisse.
Les événements de 1869–1870 l’avaient presque totalement ruiné. Il avait perdu son journal, et son absence forcée l’avait empêché de s’acquitter de sa fonction de commissionnaire de plusieurs maisons de commerce montréalaises. Il fit plusieurs longs séjours en Ontario, réclamant une prompte indemnisation pour les pertes qu’il avait subies pendant la « rébellion ». Apparemment, de la fin de 1869 au début de 1872, il vécut de « la générosité d’amis » et de parents. De toute évidence, la pénurie ne lui avait cependant pas ôté le goût de l’intrigue, car en mars 1872, il accompagna Schultz à Saint Paul, où Riel se cachait. Les deux hommes tentèrent de s’emparer des papiers personnels de Riel, mais ceux qu’ils avaient pressentis pour commettre le vol révélèrent le complot au chef métis. Peu après, Bown se rendit à Ottawa. La question de son indemnisation fut finalement réglée et le premier ministre, sir John Alexander Macdonald*, lui promit pour l’année suivante un poste de fonctionnaire, celui de « magasinier des équipes d’arpenteurs ».
Bown ne connut plus jamais une notoriété aussi grande qu’en 1868–1869, mais il ne tomba pas tout à fait dans l’oubli. S’étant lié d’amitié en 1872 avec l’aventurier et escroc qui se faisait appeler lord Gordon Gordon*, il passa l’été et l’automne de 1873 à courir dans tout Winnipeg dans l’espoir de réhabiliter ce dernier. Plus tard la même année, apparemment pour apaiser les soi-disant « loyalistes » canadiens, on nomma Bown au Conseil des Territoires du Nord-Ouest [V. Alexander Morris*]. À cette époque, il n’était guère plus que le valet de Schultz. Il perdit son siège après la réorganisation du conseil territorial en 1876 et, dès lors, passa le plus clair de son temps à s’occuper des affairés de son ami. Dans les périodes où les autochtones recevaient les paiements prévus par les traités, il parcourait l’Ouest pour faire de la traite avec eux. À Winnipeg, il occupait la vice-présidence et la direction générale d’une entreprise de Schultz, la North West Trading Company Limited. Il fit avec lui plusieurs opérations de spéculation immobilière dont certaines le menèrent devant les tribunaux. Quand Schultz fut nommé lieutenant-gouverneur du Manitoba, en 1888, il devint son secrétaire particulier. En dépit de sa mauvaise santé, il exerça cette fonction jusqu’à la fin du mandat de Schultz, en septembre 1895.
Sa vie publique aurait dû se terminer à ce moment-là, mais en octobre 1896, bien contre son gré, l’attention se tourna à nouveau vers lui. Malade, dévasté par la mort récente de son vieil ami, il vivait de la générosité de lady Schultz, qui le soignait. Mise au courant de la situation, sa sœur jumelle, Mme Ferrier, arriva à Winnipeg et s’empressa de recourir aux tribunaux pour le faire déclarer aliéné afin que ses affaires financières puissent être bien administrées. Au cours d’une embarrassante audience publique, Bown fut jugé sain d’esprit sur le témoignage de plusieurs médecins, de l’archidiacre Robert Phair et de lady Schultz. Ce fut une triste victoire pour lui. Sa santé continua de décliner. À sa mort, en 1903, il laissa tous ses biens à lady Schultz ; après tout, pendant presque 40 ans, elle-même et son mari avaient été sa vraie famille.
AN, MG 26, A.— PAM, ATG 25, file 72 ; MG 2, C14 ; MG 3, B11 ; B15 ; D ; MG 12, E ; MG 14, C66.— Manitoba Morning Free Press, 21 oct. 1896, 12 mars 1903.— Nor’Wester, 1859–1869.— Alexander Begg, History of the north-west (3 vol., Toronto, 1894–1895).— J. J. Hargrave, Red River (Montréal, 1871 ; réimpr., Altona, Manitoba, 1977).
James David Mochoruk, « BOWN, WALTER ROBERT », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/bown_walter_robert_13F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1994 |
Année de la révision: | 1994 |
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