MATOKINAJIN (qui signifie « ours qui s’avance et se tient debout » ; connu sous le nom de Little Standing Buffalo), chef santee-sioux, né en 1846, fils de Standing Buffalo [Tatanka-najin*] ; décédé le 21 juin 1921 à Fort Qu’Appelle, Saskatchewan.
Matokinajin naquit dans la région de l’Amérique du Nord qui devint les territoires du Minnesota et du Dakota. Les détails de son enfance demeurent obscurs. En 1862, après plusieurs décennies aux cours desquelles les traités furent mal administrés, les Sioux de la partie est de cette région furent appauvris et dépossédés de leurs terres au Minnesota et confinés dans des réserves temporaires. Finalement, lorsque la guerre de Sécession vint retarder encore davantage le versement des rentes prévues, certains Sioux (ou, pour les désigner de façon plus juste, certains Dakotas) s’emparèrent de vivres et de vêtements et s’insurgèrent, tuant des colons. La bande de Tatanka-najin, qui vivait le plus à l’ouest dans la région est du Dakota, ne participa pas à ce conflit. Le chef recueillit de nombreux Sioux en fuite, les conduisit vers l’ouest et vers le nord, jusqu’en territoire britannique. Dans cette diaspora, toutes sortes de bandes se dissocièrent et d’autres se formèrent au gré des mouvements de fuite dans les prairies.
À la mort de Tatanka-najin, le 5 juin 1871, et conformément à la tradition familiale transmise par son père et son grand-père, Matokinajin prit le nom de son arrière-grand-père, Standing Buffalo. Connu sous le nom de Little Standing Buffalo, il devint le chef d’une portion des partisans sissetons et wahpetons du Nord qui avaient suivi son père. En 1872, lorsque sa bande vivait à Wood Mountain (Saskatchewan), il se rendit à Winnipeg, visitant d’autres Wahpetons et Santees sur son passage, et rencontra le lieutenant-gouverneur Alexander Morris* pour lui exposer son désir d’obtenir une réserve. Il déclara sa loyauté envers la Grande-Bretagne et sa demande fut transmise à Ottawa en décembre. Lorsque les commissaires responsables des traités arrivèrent à Fort Qu’Appelle pour y rencontrer les Cris des Plaines et les Sauteux, ils discutèrent également le 16 septembre 1874 avec des chefs sioux, notamment avec Little Standing Buffalo, qui confirma sa réticence à se déplacer vers l’est, au Manitoba, ou à rentrer aux États-Unis, position qu’il exposa de nouveau l’année suivante au commissaire William Joseph Christie*.
L’arrivée de Sitting Bull [Ta-tanka I-yotank*], qui fuyait l’armée américaine, en mai 1877, obligea de nombreux réfugiés sioux à ne plus rester neutres. Bien que les archives à ce sujet soient rares, il semble que Little Standing Buffalo et la plupart des membres de sa bande soient restés tout à fait à l’écart des groupes de Sitting Bull, dans l’espoir de renforcer leur demande de demeurer au Canada. La disette sévit en l’absence des bisons et, au printemps de 1877, Little Standing Buffalo rencontra le lieutenant-gouverneur David Laird* à Fort Pelly (Saskatchewan). Il lui indiqua sa préférence pour une réserve qui engloberait la coulée de la crique de Jumping Deer, au nord-ouest de Fort Qu’Appelle. Cette requête fut satisfaite le 22 janvier 1878 et la réserve indienne Standing Buffalo fut créée. Des semences et de l’outillage agricole furent fournis par les autorités fédérales, mais aucune autre aide matérielle ne s’ajouta pour l’hébergement ou l’agriculture, tandis que les Sissetons-Wahpetons troquaient leurs activités de chasse contre l’agriculture et le travail salarié pour des colons. Certaines femmes vendaient des objets d’artisanat aux stations ferroviaires pendant que d’autres travaillaient comme domestiques ou cuisinières. Les Américains tentèrent en 1882–1883 d’inciter les Amérindiens à rentrer aux États-Unis, mais leurs efforts furent vains, car les Canadiens insistèrent pour empêcher les troupes de traverser la frontière dans le but d’attirer les fuyards ou de les pourchasser.
En 1885, divers événements convergeaient vers une rébellion [V. Louis Riel*]. La déception de diverses tribus quant à la problématique mise en œuvre des traités des Prairies incita certains groupes amérindiens à prendre part à la résistance des Métis [V. Kāpeyakwāskonam*]. Les Sissetons-Wahpetons, sous la direction de Wapahaska (White Cap), furent intimidés par les forces métisses, qui les convainquirent de se joindre à elles pour contrer les hostilités qui se rapprochaient d’eux, mais la bande de Standing Buffalo demeura loin des lieux de combat et opta pour la paix. Non admissibles aux traités, les réfugiés sioux étaient démunis, mais reconnaissants d’avoir un refuge au Canada. À mesure que les colons affluaient dans la région, la vie dans la réserve changeait. Un pensionnat catholique exista de 1886 à 1895, année où les enfants devant être scolarisés furent envoyés à l’établissement du père Joseph Hugonard*, dans la ville avoisinante de Lebret. Dès 1900, la bande comptait 220 personnes et la plupart des familles s’étaient installées sur la terrasse au-dessus de la coulée pour s’adonner sérieusement à l’agriculture ; elles récoltaient de l’avoine, du blé, du maïs et des pommes de terre, et avaient parfois des surplus à vendre. Le resserrement de la supervision exercée par le ministère des Affaires indiennes, y compris la suppression des cérémonies, suscita de vives mais vaines protestations de la part de Little Standing Buffalo en 1903.
Little Standing Buffalo savait quel traitement avait été réservé aux Sioux de l’Est à cause des affrontements survenus en 1862 aux États-Unis et il chercha un moyen de se joindre à eux dans leur quête en vue d’obtenir le versement des rentes prévues. En 1914, Frank Abbott, du département de l’Intérieur des États-Unis, qui rencontra Little Standing Buffalo afin de discuter d’un tel recouvrement, rapporta que, même si la bande de ce dernier avait reçu seulement de l’outillage, des semences et des services d’éducation, il y avait peu d’espoir qu’elle puisse un jour obtenir un dédommagement de la part des Américains.
Dans les dernières années de sa vie, Little Standing Buffalo porta le nom de Louis Philippe Abelard. Il perdit un petit-fils pendant la Première Guerre mondiale et en fut très attristé. En 1920–1921, pour renforcer l’économie de sa bande, lui et son fils Julius demandèrent à Ottawa de redonner aux leurs des terres propices à la culture du foin que ceux-ci partageaient avec les Cris, mais aucune mesure n’avait encore été prise lorsque Little Standing Buffalo mourut en 1921. Il avait été chef pendant 50 ans.
Mark Diedrich, The odyssey of Chief Standing Buffalo and the Northern Sisseton Sioux (Minneapolis, 1988).— P. D. Elias, The Dakota of the Canadian northwest : lessons for survival (Regina, 2002).— Gontran Laviolette, The Dakota Sioux in Canada (Winnipeg, 1991).
David Reed Miller, « MATOKINAJIN (Little Standing Buffalo) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/matokinajin_15F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
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