MORRIS, EDMUND MONTAGUE, artiste et auteur, né le 18 décembre 1871 à Perth, Ontario, dernier enfant d’Alexander Morris* et de Margaret Cline ; décédé célibataire vers le 21 août 1913 près de Portneuf, Québec, et inhumé au cimetière Mount Pleasant, Toronto.

Edmund Montague Morris appartenait à une illustre famille ontarienne. Enfant, il vécut à Winnipeg, où son père fut juge puis lieutenant-gouverneur. Morris retournèrent en Ontario en 1878, et Edmund fréquenta par la suite le Toronto Collegiate Institute. Après avoir travaillé un moment pour le bureau d’architectes Darling and Curry, il décida de devenir peintre. En janvier 1890, il commença à prendre des leçons chez l’artiste torontois William Cruikshank. L’année suivante, il se rendit à New York, à l’Art Students’ League. De 1893 à 1896, il étudia à Paris, d’abord à l’académie Julian, puis à l’école des Beaux-Arts. L’été, il peignait en Écosse, en France ou en Hollande.

De retour à Toronto en 1896, Morris découvrit le charme de la province de Québec l’été suivant en accompagnant les artistes montréalais Edmond Dyonnet et Maurice Galbraith Cullen* sur la côte de Beaupré. À l’île d’Orléans, il fit la connaissance de Horatio Walker*, qui avait un atelier à cet endroit. La région devint un lieu de rendez-vous estival pour Morris et ses amis artistes ; Cruikshank et William Brymner* se joignaient parfois au groupe.

Financièrement indépendant grâce à des héritages de famille, Morris se voua à la cause de l’art canadien à compter de 1900 environ. Il veilla à ce que des œuvres de lui-même et d’autres artistes soient envoyées à l’Exposition internationale de Glasgow en 1901. Cet automne-là, un de ses tableaux, Girls in a poppy field, lui valut une médaille de bronze à la Pan-American Exposition de Buffalo, dans l’État de New York. Élu en 1905 à l’Ontario Society of Artists, il démissionna deux ans après pour participer à la fondation du Canadian Art Club, dont la mission serait d’aider les artistes canadiens à exposer au pays. En outre, à compter de 1909, il appartint au conseil du nouvel Art Museum of Toronto (par la suite l’Art Gallery of Toronto).

En 1905, à l’occasion d’une exposition solo de Morris à Ottawa, le fonctionnaire des Affaires indiennes Duncan Campbell Scott*, sur l’ordre du premier ministre du Canada, sir Wilfrid Laurier, acheta les portraits des chefs autochtones Poundmaker [Pītikwahanapiwīyin*], Gros Ours [Mistahimaskwa*] et Pied de Corbeau [Isapo-muxika*]. Morris les avait peints d’après des photographies. L’année suivante, le gouvernement de l’Ontario lui donna le mandat d’accompagner le groupe qui, sous la direction de Scott, allait parcourir le nord de la province pour négocier le traité n9. Morris devait exécuter le portrait d’autant de chefs autochtones qu’il le pourrait. Il utilisa du pastel, excellente technique, selon lui, pour représenter des modèles qui pouvaient poser quelque temps puis s’en aller sans prévenir. C’était la première fois que Morris côtoyait des Amérindiens, et il fut atterré par leurs conditions de vie. Plus tard, avec un groupe d’autochtones, il se rendit dans la région sauvage du lac Nipigon, où il réalisa des croquis de paysages.

Exposés à Toronto en mars 1907, les portraits suscitèrent un vif intérêt dans le public. Le premier ministre de l’Ontario, James Pliny Whitney, demanda à Morris d’aller dans le Nord-Ouest à la recherche des chefs qui avaient signé des traités antérieurs. Parti pour le Manitoba en juin, Morris s’assura l’aide d’Acheson Gosford Irvine, ex-commissaire de la Police à cheval du Nord-Ouest. Irvine put lui indiquer des endroits où il avait des chances de trouver des chefs. Armé de ses pastels et d’un appareil photo, Morris se rendit d’un campement à l’autre et constata que les Amérindiens se souvenaient avec respect de son père et d’Irvine. Le premier portrait qu’il fit était celui de l’épouse favorite de Pied de Corbeau, Sisoyaki (Cutting Woman), alors parvenue à un âge vénérable. En 1907, il visita des réserves de Pieds-Noirs, de Sarcis, de Gens-du-Sang et de Peigans. L’année suivante, au cours d’un autre voyage dans l’Ouest, il exécuta aussi des portraits de chefs cris, sauteux, assiniboines, stonies et sioux.

En 1909, le Canadian Art Club tint à Toronto une exposition où furent présentés 55 portraits ainsi que des coiffures, vêtements et autres objets autochtones provenant des collections de Morris et de son père. Dans un catalogue, Morris décrivait les antécédents tribaux de ses modèles. « À première vue, commenta un critique, ces portraits semblent avoir des couleurs trop chatoyantes, mais quand on les compare aux vêtements originaux – M. Morris en a accroché quelques-uns entre les groupes de portraits –, on constate que l’artiste a vraiment travaillé en demi-teintes et sous un demi-jour. » Cette exposition inhabituelle fit grand effet dans la ville, et le premier ministre Whitney commanda d’autres portraits pour la collection gouvernementale. Toujours en 1909, le gouvernement de la Saskatchewan commanda 15 portraits pour l’édifice du Parlement, alors en chantier à Regina ; en 1910, Morris exécuta 5 portraits pour la province de l’Alberta.

Au fil de ses quatre voyages dans le Nord-Ouest, Morris apprit à comprendre de mieux en mieux l’histoire et la culture des autochtones. Il prenait soin de noter dans ses carnets les légendes qu’ils lui racontaient et convainquit quelques chefs de représenter leurs exploits sur des peaux de bison fournies par lui. En 1910, dans une lettre sur « la question indienne » adressée au Manitoba Morning Free Press, il demanda : « à quoi [sommes-] nous donc en train de les réduire en leur imposant notre prétendue civilisation ? »

Morris était toujours secrétaire du Canadian Art Club, continuait de participer aux expositions annuelles de l’Académie royale des arts du Canada, dont il était membre associé depuis 1898, et exposait aussi dans des galeries privées. Peut-être en 1911, il écrivit Art in Canada : the early painters, une des premières études sur l’histoire de l’art canadien. À la même époque, il participa à la conception d’un monument qui commémorerait la signature du traité n4 au fort Qu’Appelle (Fort Qu’Appelle, Saskatchewan). En août 1913, surchargé de travail et peut-être en proie à la dépression, il alla peindre à l’île d’Orléans. Le 25, on trouva son corps dans le Saint-Laurent, près de Portneuf. Il avait 41 ans.

On connaît Edmund Montague Morris surtout par ses impressionnants portraits d’Amérindiens – documents sur la dernière génération qui se rappelait l’époque antérieure à la colonisation européenne. À propos de ses amples paysages, un critique de son temps a vanté les « manifestations variées et insaisissables de la lumière [...], le jeu toujours changeant des couleurs, les ciels brillants ». Plus récemment, un critique, Geoffrey Simmins, a dit de l’une de ses œuvres qu’elle était « parmi les paysages les plus achevés qu’un artiste canadien ait exécutés dans ces années ». Sa mort précoce empêcha que se réalise la promesse contenue dans ses paysages.

Jean S. McGill

En plus de son livre intitulé Art in Canada : the early painters ([Toronto, 1911 ?]), les publications d’Edmund Montague Morris comprennent plusieurs articles : « An ancient Indian fort » et « L’t-Col. Irvine and the North-West Mounted Police », Canadian Magazine, 36 (nov. 1910–avril 1911) : 256–259, et 37 (mai–oct. 1911) : 493–503, respectivement ; « Art in Canada : the early painters », Saturday Night, 21 janv. 1911 : 25, 29 ; « Early Canadian painters », Arts and Letters Club, Lamps (Toronto), 1 (1911–1912), no  2 : 8 ; et « Old lords of the soil ; description of Indians living near James Bay », News (Toronto), 9 mai 1907. Sa lettre intitulée « The Indian problem » figure dans le Manitoba Free Press, 22 oct. 1910. Morris a aussi préparé deux catalogues pour son exposition de 1909 au Canadian Art Club : Canadian Art Club exhibition of Indian portraits ; with notes on the tribes et Catalogue of loan collections of objects of Indian art and curios on view at the exhibition of Indian portraits by Edmund Morris. Ces deux catalogues ont été publiés à Toronto en 1909.

On trouve les journaux personnels de Morris rédigés de 1886 à 1904 et pendant son voyage à la baie James en 1906 dans ses papiers personnels aux QUA ; ses journaux personnels écrits pendant ses séjours dans l’Ouest sont conservés à l’Ethnology Dept. du Musée royal de l’Ontario (Toronto), et ont été transcrits par Mary Fitz-Gibbon et publiés sous le titre The diaries of Edmund Montague Morris ; western journeys, 1907–1910 (Toronto, 1985).

La collection de portraits d’Amérindiens du gouvernement de l’Ontario se trouve maintenant à l’Ethnology Dept. du Musée royal de l’Ontario. Des œuvres de Morris sont également conservées au Musée des Beaux-Arts du Canada (Ottawa), au Musée des Beaux-Arts de l’Ontario (Toronto) et à l’Art Gallery of Hamilton (Hamilton, Ontario), au Glenbow Museum (Calgary), au Provincial Museum of Alberta (Edmonton), et aux Art Galleries (Regina), du Legislative Building. En outre, on trouve aux PAM une collection de plus de 700 photographies d’autochtones et de paysages prises par Morris au cours de ses voyages dans l’Ouest.

On trouve une comparaison des peintures de Morris avec celles de ses contemporains et une évaluation de sa place dans l’histoire de l’art au Canada dans Edmund Morris, « Kyaiyii », 1871–1913, Geoffrey Simmins et Michael Parke-Taylor, compil., ouvrage quia été préparé pour une grande exposition rétrospective tenue à la Norman Mackenzie Art Gallery (Regina, 1984). Cette étude comprend une liste des expositions des œuvres de Morris (app. A), mais on ne trouve aucune liste de ses peintures selon leur détenteur actuel.

AN, MG 30, D6.— AO, F 51 ; F 1140.— Musée des Beaux-Arts de l’Ontario, Library, Canadian Art Club papers ; Edmund Morris, artist’s file ; Edmund Morris letter-books.— North York Public Library (North York, Ontario), Canadiana Coll., Newton MacTavish coll.— PAM, MG 12, B1 ; B2 ; MG 14, C30.— Univ. of Toronto Library, Thomas Fisher Rare Book Library, lots coll. 1 (B. E. Walker papers) ; ms coll. 13 (D. C. Scott papers) ; ms coll. 119 (James Mavor papers).— Daily Mail and Empire, 26 août 1913.— Globe, 26 août 1913.— American Art News (New York), 24 avril 1909.— W. M. Boultbee, « Edmund Morris, painter », Canadian Magazine, 31 (mai–oct. 1908) : 121–127.— Catalogue of the Ontario Society of Artists : fifty-sixth annual exhibition and the Edmund Morris memorial exhibition (Art Gallery of Toronto, 1928 ; exemplaire conservé à la bibliothèque du Musée des Beaux-Arts de l’Ontario).— A dictionary of Canadian artists, C. S. MacDonald, compil. (7 vol. parus, Ottawa, 1967–  ).— J. S. McGill, Edmund Morris : frontier artist (Toronto, 1984) ; « Edmund Morris among the Saskatchewan Indians and the Fort Qu’Appelle monument », Sask. Hist., 35 (1982) : 101–107 ; « The Indian portraits of Edmund Morris », Beaver, outfit 310 (1979–1980), n1 : 34–41.— N. [McF.] MacTavish, Ars longa (Toronto, 1938).— D. [R.] Reid, A concise history of Canadian painting (Toronto, 1973).— D. C. Scott, « Lines in memory of Edmund Morris », dans The poems of Duncan Campbell Scott (Toronto, 1926), 141–150.— Studio (Londres), 22 (févr.–mai 1901) : 209s.

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Jean S. McGill, « MORRIS, EDMUND MONTAGUE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/morris_edmund_montague_14F.html.

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Auteur de l'article:    Jean S. McGill
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
Année de la révision:    1998
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