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ARNOLDI, DANIEL, médecin, fonctionnaire et juge de paix, né le 7 mars 1774 à Montréal, fils de Peter Arnoldi, militaire originaire de Hesse (République fédérale d’Allemagne), et de Philipina Maria (Phébé) Horn, frère de Phebe* et de Michael* Arnoldi ; il épousa Élisabeth Franchère, et ils eurent trois fils et sept filles ; décédé le 19 juillet 1849 dans sa ville natale.
Après avoir étudié en Angleterre, Daniel Arnoldi fit son apprentissage médical à Montréal sous la direction de Robert Sym et de John Rowand. Ces derniers, de même que Charles Blake*, examinateurs en médecine du district de Montréal, signèrent le 22 juin 1795 la licence qui l’autorisait à pratiquer. Arnoldi s’établit d’abord à Rivière-du-Loup (Louiseville). Sans doute à cause d’une concurrence trop vive et d’une clientèle restreinte, il alla s’installer dans la baie de Quinte, dans le Haut-Canada, vers 1797. Après trois années difficiles dans une région peu exploitée, où il mania aussi fréquemment l’aviron et la hache que ses instruments de chirurgie, il revint au Bas-Canada et s’établit à Laprairie (La Prairie). En 1802, il se fixa définitivement à Montréal.
Selon son ami et collègue Archibald Hall*, les débuts d’Arnoldi furent difficiles, mais très tôt il put compter sur une clientèle nombreuse et fortunée. En 1808, il prit en apprentissage John Fraser, originaire du Haut-Canada ; Henry Munro, Robert Nelson* et Andrew Fernando Holmes* lui devront aussi leur formation médicale et ce dernier deviendra même son associé.
En 1812, Arnoldi fut nommé examinateur en médecine du district de Montréal. C’était à son tour de juger les candidats aptes à la profession médicale. Lord Dalhousie [Ramsay] modifia en 1823 le bureau des examinateurs et décida que seuls les médecins du Montreal General Hospital en feraient partie. Arnoldi fut donc exclu de ce cénacle de médecins qui comprenait les docteurs John Stephenson, Holmes, William Caldwell* et William Robertson. Ceux-ci détenaient alors le monopole de l’accès à la profession médicale. Ils fondèrent la Montreal Medical Institution en 1823, qui devint six ans plus tard la faculté de médecine du McGill College.
En 1831, en vertu d’une nouvelle loi sur la pratique de la médecine, les membres des bureaux d’examinateurs ne furent plus désignés par le gouverneur, mais élus par les médecins autorisés de chaque district. À la première réunion des médecins du district de Montréal, en juillet, le groupe du McGill College, qui jouissait de la protection du gouverneur et qui avait la mainmise sur la nomination des médecins depuis huit ans, fut complètement éliminé. Arnoldi, avec entre autres les docteurs Jacques Labrie*, Robert Nelson, Wolfred Nelson*, Pierre Beaubien*, Timothée Kimber* et Jean-Baptiste Meilleur*, fut élu. Les anciens examinateurs, pris par surprise à cette élection, voulurent revenir à la charge au moment du renouvellement des mandats le 7 juillet 1834. Ainsi, lorsque Wolfred Nelson, secondé par Joseph-François Davignon, proposa la candidature d’Arnoldi comme président du Bureau d’examinateurs, Robertson et Stephenson s’opposèrent énergiquement, mais en vain. Arnoldi devait toutefois démissionner quatre mois après sa nomination, en raison de son désaccord croissant avec l’idéologie politique de ses confrères.
Les sympathies politiques d’Arnoldi avaient semblé se modifier au cours des années 1810 à 1830. D’abord loyaliste ardent, il avait signé en 1814 une adresse pour la défense des juges Jonathan Sewell et James Monk*, attaqués par la chambre d’Assemblée [V. James Stuart*]. À la suite de son éviction en 1823 à titre d’examinateur en médecine, des membres du parti canadien, profitant de son ressentiment à l’endroit des médecins responsables de son exclusion, avaient tenté de le gagner à leur cause. Arnoldi profita de la situation en appuyant, sans jamais se compromettre, l’idéologie de ses alliés temporaires. Déjà en mai 1832, son soutien à la cause patriote paraît très douteux. À l’occasion d’une élection complémentaire dans Montréal-Ouest, il accorda son appui à Stanley Bagg, représentant du parti des bureaucrates, plutôt qu’à Daniel Tracey*, du parti patriote, et, lors de l’émeute du 21 mai, il approuva sans restriction l’intervention des militaires.
D’autres événements devaient amener les chefs de l’Assemblée à douter de la sincérité d’Arnoldi. Ainsi, sa nomination à titre de médecin de la prison de Montréal par le gouverneur en 1833 et sa commission de juge de paix parurent suspectes à plusieurs. La chambre d’Assemblée prétexta alors la mort d’un détenu, causée, selon elle, par la « négligeance coupable » du geôlier et d’Arnoldi, pour demander sa destitution de son poste de médecin de la prison. Par la suite, les relations se détériorèrent entre Arnoldi et ses anciens alliés. À la fin de 1835, Beaubien, dans une lettre au chef du parti patriote, Louis-Joseph Papineau*, signala la nomination d’Arnoldi au poste de juge de paix en ces mots : « ne pouvons nous pas dire que l’administration dernière leur a adjoint de ces fous furieux qu’elle aurait mieux fait d’envoyer aux loges ? N’avions nous pas assez du Dr Robertson ? fallait-il encore y ajouter le Dr Arnoldi. » Beaubien reprochait aussi à Arnoldi d’être venu dire en pleine cour qu’on aurait dû « casser la tête » de Louis-Hippolyte La Fontaine* pour sa participation aux événements du 21 mai 1832.
À la suite du soulèvement de 1837–1838, certains patriotes accusèrent Arnoldi d’avoir négligé de soigner les prisonniers incarcérés à la prison de Montréal pour leur participation à la rébellion. D’autres cependant louèrent l’humanité dont il fit preuve en cette même occasion. Plusieurs lui reprochèrent, ainsi qu’à son fils François-Cornelius-Thomas, lui aussi médecin, d’avoir outragé le corps du patriote Jean-Olivier Chénier. Jacques Paquin, curé de Saint-Eustache, affirma. « Le corps du Dr. Chénier fut trouvé vers six heures [...] les docteurs l’ouvrirent pour s’assurer de la cause de sa mort, mais il est faux qu’on lui ait arraché le cœur, et qu’on en ait fait un objet de curiosité. » Louis-Joseph-Amédée Papineau s’insurgea contre le témoignage de Paquin et écrivit : « Débiter un homme tué sur le champ de bataille, & criblé de balles, & fendre son corps en quatre, & en arracher le cœur & le porter à Montréal, pour s’assurer de la cause de la mort ! ! ! ! ! Postérité ! N’oublie pas les Docteurs Arnoldi, père & fils, de la ville de Montréal, bouchers ! ! ! » Si les contemporains ne s’entendent pas sur le rôle d’Arnoldi à l’autopsie de Chénier, du moins semblent-ils d’accord pour reconnaître la cruauté de son fils, l’un des chefs d’un bataillon de volontaires loyalistes de Montréal qui terrorisèrent les habitants de Saint-Eustache et de Saint-Benoît (Mirabel).
Le loyalisme d’Arnoldi lui permit de retrouver en 1839 sa fonction au sein du Bureau d’examinateurs en médecine tandis que plusieurs de ses anciens confrères étaient en exil à la suite de leur participation à la rébellion, ou simplement évincés du bureau à cause de leur tiédeur loyaliste. Arnoldi en fit partie jusqu’à la dissolution du bureau en 1847.
Si les idées politiques d’Arnoldi furent plutôt conservatrices, sa participation au mouvement de modernisation de la législation médicale le range du côté des réformistes. En 1823, il participa à une assemblée de médecins du district de Montréal où l’on étudia les moyens de donner à la profession médicale un prestige qui lui faisait terriblement défaut. Cette assemblée présenta une requête au gouverneur pour le presser de modifier la loi de 1788 qui régissait l’enseignement et la pratique de la médecine. La première véritable loi fut sanctionnée en 1831. À l’époque de l’union des deux Canadas, cette loi avait subi certains changements et les membres du Bureau d’examinateurs en médecine du district de Montréal la contestèrent régulièrement. À leur réunion du 4 mai 1841, les docteurs James Crawford, Holmes et Arnoldi rédigèrent une pétition et l’envoyèrent à l’Assemblée dans le but de faire modifier cette loi. Dans les années qui suivirent, cette préoccupation revint régulièrement à l’ordre du jour et, à chaque fois, Arnoldi participa aux débats. Lorsqu’en 1843 le Bureau d’examinateurs créa un comité d’étude chargé de rédiger un projet de loi pour réglementer d’une façon plus rigide l’enseignement et la pratique de la médecine, il en devint l’un des membres les plus actifs. Cependant, il fut absent des nombreuses assemblées de médecins tenues entre 1844 et 1847 et qui aboutirent, cette année-là, à l’adoption de la loi considérée comme la grande charte de la médecine et qui créait le Collège des médecins et chirurgiens du Bas-Canada. Cette loi renforçait le pouvoir de la profession et lui conférait un prestige nouveau. Une fois cette loi adoptée, les dissensions qui opposaient les médecins des différents districts et des différentes écoles compliquèrent le choix du président du collège. Le gouverneur désigna finalement Arnoldi le 10 août 1847.
Comme la majorité de ses confrères, Arnoldi ne limitait pas ses activités au domaine médical. Au début de sa carrière, il semble que des spéculations foncières malheureuses l’aient mis pour un temps à la gêne. Il surmonta rapidement ces déboires financiers et fit l’acquisition, en 1806, d’une très belle maison de pierre rue Saint-François-Xavier, considérée à l’époque comme un modèle. Au printemps de 1829, il acheta la moitié de la seigneurie de Bourg-Louis qu’il revendit plus tard. Le 3 octobre 1831, un avis parut dans la Minerve : Arnoldi, en compagnie notamment de Joseph Masson, de Peter McGill* et de Horatio Gates*, s’adressait à l’Assemblée afin d’obtenir le privilège de créer une compagnie pour la construction d’un canal entre Lac-des-Deux-Montagnes (Oka) et Lachine.
Daniel Arnoldi fréquentait la « meilleure » bourgeoisie montréalaise, et plusieurs de ses filles épousèrent de grands bourgeois. Élisabeth s’unit à Benjamin Holmes*, Caroline Matilda convola avec Robert Gillespie*, Aurelia Felicite avec William King McCord*, et Louise Priscille avec Albert Furniss. Emporté par le choléra le 19 juillet 1849, Arnoldi était alors juge de paix et président du Collège des médecins et chirurgiens du Bas-Canada. Il avait reçu l’année précédente un doctorat honoris causa du McGill College.
ANQ-M, CE1-51, 21 août 1807, 3 août 1809, 7 juill. 1811, 9 mars 1815, 5 sept. 1816, 22 déc. 1818, 14 mai 1833, 12 juill. 1837, 16 juin 1845 ; CE1-63, 13 mars 1774, 19 juill. 1849 ; CN1-134, 30 août 1816, 13 févr. 1818, 19 avril, 5 juill. 1828, 8 oct. 1829, 18 oct. 1830, 15 sept. 1837 ; CN1-135, 9 août 1845, 20 févr. 1846 ; CN1-185, 12 avril 1806, 22 janv. 1808 ; CN1-187, 9, 12 oct. 1815, 31 mai 1821 ; CN1-216, 12 sept. 1834, 23 févr. 1837, 5 sept. 1838, 22 août 1843 ; P-26, 11 sept. 1832.— ANQ-Q, P-69, 21, 25 déc. 1835, 16 janv., 25 févr. 1836.— APC, MG 24, A27, sér. 2, 22 : 527–528 ; B2 : 2062–2064 ; B28, 52 : 1532–1539 ; RG 4, B28, 47 : 101–102 ; B37, 1 : 570–572 ; RG 68, General index, 1651–1841.— Arch. de la Corporation professionnelle des médecins du Québec (Montréal), Montreal Medical Board, procès-verbaux, 1839–1847 ; Collège des médecins et chirurgiens du Bas-Canada, procès-verbaux, 1847–1850.— BVM-G, Coll. Gagnon, corr., Daniel Arnoldi à Louis Gugy, 29 mai 1821, 15 janv. 1826.— B.-C., chambre d’Assemblée, Journaux, 9 févr. 1833 ; 1836, 25 févr., 4 mars, app. WW ; 24 nov. 1843.— Émélie Berthelot-Girouard, « les Journaux d’Émélie Berthelot-Girouard », Béatrice Chassé, édit., ANQ Rapport, 1975 : 13–20.— L.-J.-A. Papineau, Journal d’un Fils de la liberté, 2 : 52.— Le Canadien, 2 juin 1824, 4 janv., 25, 28 août 1833, 22 déc. 1837, 13 août 1845.— La Minerve, 11 juill., 3 oct. 1831, 7, 10 juill. 1834.— Montreal Gazette, 7 oct. 1834.— Montreal Herald, 25 juin, 12 juill. 1814.— Le Populaire, 22 déc. 1837, 3 janv. 1838.— Abbott, Hist. of medicine.— Biographical sketch of the late Daniel Arnoldi, M.D. [...] (Montréal, 1850).— Canniff, Medical profession in U.C.— Filteau, Hist. des patriotes (1975).— J. J. Heagerty, Four centuries of medical history in Canada and a sketch of the medical history of Newfoundland (2 vol., Toronto, 1928).— Germain Lesage, Histoire de Louiseville, 1665–1960 (Louiseville, Québec, 1961).— B. [R.] Tunis, « The medical profession in Lower Canada : its evolution as a social group, 1788–1838» (mémoire de b.a., Carleton Univ., Ottawa, 1979).— Édouard Fabre Surveyer, « Une famille d’orfèvres », BRH, 46 (1940) : 310–315.— B. R. Tunis, « Médical licensing in Lower Canada : the dispute over Canada’s first medical degree », CHR, 55 (1974) : 489–504.
Gilles Janson, « ARNOLDI, DANIEL », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/arnoldi_daniel_7F.html.
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Auteur de l'article: | Gilles Janson |
Titre de l'article: | ARNOLDI, DANIEL |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1988 |
Année de la révision: | 1988 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |