KIMBER, TIMOTHÉE, médecin, distillateur et patriote, né le 11 février 1797 à Québec, fils de Joseph Kimber et de Josette Dabin ; décédé le 6 février 1852 à Chambly, Bas-Canada.

L’ancêtre des Jékimbert ou Kimber, Joseph-Antoine Jékimbert, était un jardinier, originaire d’Aix-la-Chapelle (République fédérale d’Allemagne), qui serait venu en Nouvelle-France comme soldat dans une compagnie des troupes de la marine entre 1750 et 1753. Quelque 12 ou 15 ans après son arrivée, il adopta l’orthographe Kimbert ou Kimber, afin de donner une forme plus française à son nom. Son fils Joseph, le père de Timothée, servit dans le bataillon de milice de la ville de Québec à l’hiver de 1775–1776. Après avoir probablement aidé à repousser l’invasion américaine, il travailla en tant que jardinier comme son père à Québec où il se maria en 1780.

Timothée Kimber était le onzième d’une famille de 12 enfants. Malgré ses origines modestes, il put être envoyé aux études. Le jeune Timothée commença son cours classique au petit séminaire de Montréal en 1806 et ne le termina qu’en 1816. À la fin de son cours, il habita pendant quelques années à Montréal et décida d’y faire son apprentissage de la médecine. Selon Laurent-Olivier David*, John Douglas Borthwick et Ægidius Fauteux*, il remarqua en 1817 ou 1818 un jeune garçon du nom de Jean-Olivier Chénier*, le futur héros de Saint-Eustache ; il le prit sous sa protection et s’occupa lui-même de son instruction. En 1819, Kimber aurait quitté Montréal pour l’Europe et, l’année suivante, il fit des études médicales à Paris. Sans doute se plut-il en France où, tout en suivant ses cours, il se serait imprégné des idées de la révolution de 1789.

De retour au Bas-Canada en 1821, Kimber reçut l’autorisation d’exercer la médecine, la chirurgie et l’obstétrique dans la colonie, le 27 juin de la même année. Il alla s’installer à Chambly, près de Montréal, où peu après son arrivée il ouvrit un cabinet. Le 12 novembre 1822, il épousait dans ce village Emmélie Boileau, fille de René Boileau, ancien député de la circonscription de Kent à la chambre d’Assemblée du Bas-Canada. Par cette union, Kimber entrait dans l’une des vieilles familles de notables canadiens-français de la vallée du Richelieu. Il fut comme son cousin René-Joseph Kimber, de Trois-Rivières, un médecin habile, de sorte qu’il ne tarda pas à se faire une clientèle nombreuse. Ses connaissances et sa compétence lui valurent aussi de diriger plusieurs apprentis praticiens parmi lesquels se trouva Chénier. En 1831, Kimber fut élu membre du Bureau d’examinateurs du district de Montréal avec, entre autres, Robert Nelson*, Jacques Labrie* et Wolfred Nelson*. L’année suivante, pendant l’épidémie de choléra, il fut nommé membre du bureau de santé de Chambly, présidé par Samuel Hatt, coseigneur de Chambly et conseiller législatif.

Kimber avait une grande admiration pour Louis-Joseph Papineau*, chef du parti patriote. Il se lia aussi d’amitié avec Wolfred Nelson, l’un des principaux lieutenants de Papineau dans la région de Montréal. Vers 1830, il s’associa d’ailleurs avec Nelson pour mettre sur pied une distillerie à Saint-Denis, sur le Richelieu, qui fut incendiée quelques jours après la bataille qui eut lieu en novembre 1837 dans le village. En 1834, Kimber comptait parmi les principaux patriotes du comté de Chambly. Cette année-là, il participa à l’assemblée de comté au cours de laquelle il se prononça en faveur des Quatre-vingt-douze Résolutions.

En avril 1837, à la suite de l’adoption des résolutions de lord John Russell par le Parlement de Londres, les chefs patriotes décidèrent d’organiser de grandes assemblées de protestation [V. Denis-Benjamin Viger*]. Le 4 juin, Kimber prit part à la grande assemblée anticoercitive du comté de Chambly aux côtés de Louis-Michel Viger et de Louis Lacoste*, députés patriotes de la circonscription de Chambly. Le 21 octobre, pour saluer le passage de Papineau qui se rendait à Saint-Charles-sur-Richelieu où devait avoir lieu l’assemblée des six comtés, Kimber ne craignit pas d’arborer le drapeau tricolore sur sa maison. Deux jours plus tard, il assista lui-même à cette assemblée. Apparemment bien informé du résultat des délibérations de l’état-major patriote qui s’étaient ensuivies, il faisait état le lendemain d’un plan de soulèvement dans les termes suivants : « Du moment que la Rivière [le Saint-Laurent] sera prise, nous irons avec 40 ou 50 000 hommes armés prendre Montréal, tous les habitans sont bien armés et bien fournis de munitions et bien déterminés et après Montréal nous prendrons Québec. » Il va sans dire que la proposition de son ami Nelson de « fondre [les] cuillères pour en faire des balles » avait obtenu l’appui enthousiaste de Kimber, lequel s’était alors dissocié de la politique modérée de Papineau pour se ranger très ouvertement dans le camp des radicaux qui préconisaient le recours aux armes.

Le 16 novembre 1837, Kimber, qui passait pour le chef des patriotes du comté de Chambly, était sur le point d’être arrêté lorsque quelques-uns de ses partisans se rendirent à sa résidence juste à temps pour le libérer de l’escorte qui venait le faire prisonnier. Les historiens ne s’entendent pas sur le rôle que Kimber aurait joué le lendemain dans l’affaire du chemin de Chambly. Robert Christie soutient que Kimber seconda Bonaventure Viger* lors de l’embuscade que celui-ci tendit avec un groupe d’hommes à un détachement de la Royal Montreal Cavalry pour délivrer Pierre-Paul Démaray et Joseph-François Davignon. David affirme de son côté que Kimber ne fit qu’inciter ses partisans à aller libérer les deux prisonniers. Gérard Filteau et Fauteux ne font aucune mention quant à eux d’une participation quelconque de Kimber à l’escarmouche. Quoi qu’il en soit, les patriotes se proposèrent peu après de s’emparer du fort Chambly, et Kimber et François Barsalou, l’un de ses adjoints à Chambly, en préparèrent l’attaque qui devait être lancée dans la nuit du 18 au 19 novembre. Cependant, le 18 novembre au soir, un groupe important de soldats du 15e d’infanterie et quelques volontaires vinrent renforcer la garnison de Chambly, et le projet dut être abandonné.

Désireux d’aider aux préparatifs de la résistance, Kimber alla trouver, probablement le 21 novembre 1837, Nelson à Saint-Denis. Le 23 novembre au matin, Nelson chargea Kimber de surveiller le lieutenant George Weir, capturé par les patriotes la nuit précédente, mais ce dernier fut tué quelques heures plus tard dans des circonstances qui ne furent jamais complètement élucidées. Durant la bataille de Saint-Denis, Kimber soigna les patriotes et les prisonniers blessés. Deux jours après la défaite de Saint-Charles-sur-Richelieu, il s’enfuit de Saint-Denis. Il fut cependant arrêté avec Siméon Marchesseault, Jean-Philippe Boucher-Belleville*, Rodolphe Desrivières* et un ou deux autres compagnons à Bedford, le 7 décembre, avant d’avoir pu franchir la frontière américaine. Enfermé quelques jours au fort Lennox, dans l’île aux Noix, Kimber fut conduit le 12 décembre à la prison de Montréal avec, entre autres, Robert-Shore-Milnes Bouchette*. Il ne fut élargi que quelques jours après l’amnistie générale accordée par lord Durham [Lambton*], le 11 juillet 1838. Les autorités devaient le considérer comme un rebelle de premier plan, puisqu’elles exigèrent de lui un cautionnement de £10 000 ; ce chiffre fut ramené à £5 000, soit la même somme que pour Jean-Joseph Girouard et William Henry Scott, après d’âpres discussions qui expliquent, selon Fauteux, pourquoi Kimber et ces derniers ne recouvrèrent pas leur liberté en même temps que les autres amnistiés.

Après sa libération, Kimber revint à Chambly. Il semble qu’il n’ait pas participé à la seconde insurrection, car il devait faire l’objet d’une très étroite surveillance de la part des autorités. Il reprit l’exercice de sa profession qu’il pratiqua jusqu’à la fin de sa vie. Kimber mourut à Chambly le 6 février 1852, à l’âge de 54 ans. Sa femme et lui avaient eu un fils, Hector, décédé en 1844.

Issu d’une famille de jardiniers, Timothée Kimber s’était élevé dans l’échelle sociale grâce à sa profession de médecin et à son mariage avec une fille de notable. À titre de membre de la petite bourgeoisie canadienne-française en voie d’ascension, il avait pris une part active au mouvement de lutte pour la réforme du régime politique, allant même jusqu’à se rallier aux partisans du soulèvement armé pendant la rébellion de 1837 pour tenter de faire triompher la cause patriote. Comme plusieurs de ses confrères, Kimber a contribué à sa façon au mieux-être, à l’avancement et à l’émancipation de ses compatriotes du Bas-Canada dans la première moitié du xixe siècle.

Michel De Lorimier

ANQ-M, CE1-39, 12 nov. 1822.— ANQ-Q, CE1-1, 27 juin 1780, 11 févr. 1797 ; E17/15, nos 862–865 ; E17/22, nos 1485–1486 ; E17/38, nos 3053–3054.— APC, RG 4, B28, 49 : 822–824 ; 52 : 1532–1539.— Arch. de l’univ. de Paris, Faculté de médecine, Reg. des inscriptions, 1820.— BVM-G, Fonds Ægidius Fauteux, notes compilées par Ægidius Fauteux sur les patriotes de 1837–1838 dont les noms commencent par la lettre K, carton 6.— R.-S.-M. Bouchette, Mémoires de Robert-S.-M. Bouchette, 1805–1840 (Montréal, 1903), 44.— « Les Dénombrements de Québec » (Plessis), ANQ Rapport, 1948–1949 : 15, 65, 114.— La Minerve, 3 juill. 1832, 14 avril 1834, 12 juin 1837, 18 juill. 1844, 10 févr. 1852.— F.-J. Audet, les Députés des Trois-Rivières, 53–55.— Borthwick, Hist. and biog. gazetteer, 183.— Fauteux, Patriotes, 174, 276–278.— Lefebvre, le Canada, l’Amérique, 142.— Abbott, Hist. of medicine, 51.— M.-J. et George Ahern, Notes pour servir à l’histoire de la médecine dans le Bas-Canada depuis la fondation de Québec jusqu’au commencement du XIXe siècle (Québec, 1923), 318.— Allaire, Hist. de Saint-Denis-sur-Richelieu, 346–347.— Armand Auclaire, Chambly : son histoire, ses services, ses associations, ses religions (Chambly, Québec, 1974), 11–12.— Chabot, le Curé de campagne, 111.— Chapais, Cours d’hist. du Canada, 4 : 197.— Christie, Hist. of L.C. (1866), 4 : 443, 451–454.— David, les Gerbes canadiennes, 172173 ; Patriotes, 28, 147.— Filteau, Hist. des patriotes (1975).— Laurin, Girouard & les Patriotes, 68.— Maurault, le Collège de Montréal (Dansereau ; 1967).— J.-B. Richard, les Événements de 1837 à Saint-Denis-sur-Richelieu ([Saint-Hyacinthe], 1938), 7, 30, 33.— Rumilly, Papineau et son temps.— Sulte, Mélanges hist. (Malchelosse), 9 : 4445.— Les Ursulines des Trois-Rivières depuis leur établissement jusqu’à nos jours (4 vol., Trois-Rivières, Québec, 18881911), 1 : 468.— « Billets de la distillerie de Saint-Denis », BRH, 23 (1917) : 346.— C.-M. Boissonnault, « Histoire de la médecine : histoire des médecins canadiens », Laval médical (Québec), 17 (1952) : 223–272.— « La Famille Jékimbert ou Kimber », BRH, 21 (1915) : 201205.— Sylvio Leblond, « la Médecine dans la province de Québec avant 1847 », Cahiers des Dix, 35 (1970) : 69–95.— Gérard Malchelosse, « À travers notre histoire : un épisode de 1837 », la Rev. nationale (Montréal), 3 (1921) : 85–87.— Fernand Ouellet, « Papineau dans la révolution de 1837–1838 », SHC Rapport, 1958 : 13–34.— Damase Potvin, « D’autres médecins que les chefs des patriotes furent moins directement mêlés aux troubles de 1837–38 », l’Information médicale et paramédicale (Montréal), 1er oct. 1957 : 14.— Benjamin Sulte, « la Famille Kimber », BRH, 5 (1899) : 252.

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Michel De Lorimier, « KIMBER, TIMOTHÉE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/kimber_timothee_8F.html.

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Auteur de l'article:    Michel De Lorimier
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1985
Année de la révision:    1985
Date de consultation:    28 novembre 2024