EMERY-CODERRE, JOSEPH, médecin, né le 23 novembre 1813 à Saint-Denis, sur le Richelieu, Bas-Canada, fils de Marc Coderre, agriculteur, et de Marie-Angélique Desgranges ; en 1843, il épousa Héloïse-Euphémie Dasylva et ils eurent 11 enfants ; décédé à Montréal le 9 septembre 1888.
Commis de magasin chez un marchand de Saint-Denis à l’âge de 14 ans, puis chez Jean-Baptiste Trudeau, commerçant de la rue Notre-Dame à Montréal, Joseph Emery-Coderre fit assez d’économies pour acheter un fonds de commerce dans son village natal. Puis il gagna de nouveau Montréal, en 1836, où il devint négociant, en société avec Benjamin Ouimet, frère d’André*, futur président des Fils de la liberté. Son retour à Montréal fut également pour lui l’occasion d’entreprendre des études de médecine. Membre des Fils de la liberté, ses sympathies pour la cause des Patriotes attirèrent l’attention des autorités civiles qui jugèrent bon de l’arrêter le 6 novembre 1838. Écroué à la prison de Montréal, il y demeura durant 38 jours. Il semble qu’en bon étudiant en médecine il ait donné des soins à ses compagnons d’infortune atteints physiquement et moralement ; le docteur Daniel Arnoldi*, médecin de la prison, lui en aurait été reconnaissant.
Libéré, Emery-Coderre devint rédacteur au nouveau journal l’Aurore des Canadas (Montréal), dont le premier numéro parut le 15 janvier 1839. Ce bihebdomadaire, propriété de François Cinq-Mars, se vouait au rétablissement de la paix sociale et politique dans le Bas-Canada. Mais Emery-Coderre ne délaissa pas ses études de médecine pour autant, et, après deux années de « cléricature » chez le docteur Olivier-Théophile Bruneau, il obtint le 13 août 1844 sa licence ad praticandum.
L’école de médecine et de chirurgie de Montréal, reconnue juridiquement en 1845, l’accueillit comme l’un de ses professeurs en 1847. Il y enseigna la matière médicale (l’art de soigner avec les médicaments) et la botanique, tout en acceptant le poste de secrétaire de l’école, rôle qu’il joua pendant près de 40 ans.
Lors de la fondation du Collège des médecins et chirurgiens du Bas-Canada, en 1847, Emery-Coderre, en compagnie d’un collègue, Francis Badgley*, lança un mouvement de protestation qui, deux ans plus tard, amena l’adoption de précieux amendements à la loi médicale alors en vigueur ; ceux-ci visaient surtout à ce que l’élection des gouverneurs soit faite sur une base de représentation proportionnelle au nombre de médecins dans chaque région.
En 1857, Emery-Coderre fut admis dans le service de médecine de l’Hôtel-Dieu de Montréal ; déjà, dès 1849, il avait servi d’agent de liaison entre des collègues de l’école, les docteurs Pierre-Antoine-Conefroy Munro, Louis Boyer, Jean-Gaspard Bibaud, Pierre Beaubien, et les Religieuses hospitalières de Saint-Joseph de l’Hôtel-Dieu, pour assurer l’entente de 1850 qui éleva l’Hôtel-Dieu au rang de centre d’enseignement clinique.
Le 10 septembre 1866, l’école de médecine et de chirurgie de Montréal, après avoir essuyé deux refus de l’université Laval de Québec, devint la faculté de médecine du Victoria College, à Cobourg, au Haut-Canada [V. Hector Peltier*]. Mais Laval obtint, dix ans plus tard, l’autorisation de s’implanter à Montréal et chercha à s’affilier l’école de médecine et de chirurgie. Les membres de l’école, opposèrent à cette volonté un refus catégorique. À telle enseigne que l’archevêque de Québec, Elzéar-Alexandre Taschereau*, jugea bon de les excommunier en juin 1883. Deux mois plus tard cependant, par suite de pressions de Rome, Taschereau fut contraint de lever l’excommunication. Emery-Coderre, secrétaire de l’école, accueillit avec satisfaction la levée de cette sanction. Cependant, il maintiendra jusqu’à sa mort, en 1888, une opposition intransigeante à toute tentative de rapprochement entre l’école de Montréal et l’université Laval.
Emery-Coderre était un médecin actif. En 1853, il fut président de l’Institut canadien de Montréal ; cette nomination lui valut alors la réprobation de Mgr Ignace Bourget qui soupçonnait de noirs desseins les membres de la nouvelle association culturelle. Il fut un des collaborateurs du Traité élémentaire de matière médicale et guide pratique des sœurs de charité de l’asile de la Providence, publié en 1869, et on retrouve son nom parmi les fondateurs de l’Association médicale du Canada (1867), de la Société médicale de Montréal (1871) et de l’Union médicale du Canada (1872). En 1885, Emery-Coderre se montra un adversaire acharné de la vaccination obligatoire et fonda en décembre la revue l’Antivaccinateur canadien français (Montréal). Toutefois, la fin de l’épidémie de variole qui sévissait alors à Montréal modéra quelque peu son ardeur combative à ce sujet. La revue devait disparaître après la publication de trois numéros seulement.
Indéniable contestataire, Joseph Emery-Coderre a joué un rôle primordial dès 1847 en dirigeant la lutte pour faire valoir les droits des médecins francophones ruraux. Il a fait montre d’une attitude honnête dans le conflit des ultramontains contre l’Institut canadien, de dignité et de probité dans le conflit universitaire.
Joseph Emery-Coderre a collaboré au Traité élémentaire de matière médicale et guide pratique des sœurs de charité de l’asile de la Providence (Montréal, 1869) et a fondé, en décembre 1885, l’Antivaccinateur canadien français (Montréal).
AC, Montréal, État civil, Catholiques, Notre-Dame de Montréal, 12 sept. 1888.— ANQ-M, État civil, Catholiques, Saint-Denis, 24 nov. 1813.— Fauteux, Patriotes.— Abbott, Hist. of medicine, 65, 69, 72.— J.-B.-A. Allaire, Histoire de la paroisse de Saint-Denis-sur-Richelieu (Canada) (Saint-Hyacinthe, Québec, 1905).— Heagerty, Four centuries of medical hist. in Canada, I–II.— André Lavallée, Québec contre Montréal, la querelle universitaire, 1876–1891 (Montréal, 1974), 46, 48, 67, 144, 153.— Rumilly, Hist. de la prov. de Québec, IV : 57s., 89s., 92 ; V : 85.— Philippe Constant [J.-J. Lefebvre], « À propos du Dr Coderre », Le Devoir (Montréal), 1er févr. 1938 : 6.— Docteur Frank [ ], « Médecins d’autrefois : notes biographiques sur le Dr J.-Emery Coderre », Le Docteur (Montréal), 1 (1922–1923), n° 8 : 14–19.— Paul Dumas, « Les médecins de l’Hôtel-Dieu et la littérature médicale canadienne », Le Journal de l’Hôtel-Dieu de Montréal (Montréal), 11 (1942) : 479–487.— « Memento nécrologique : le docteur J. E. Coderre », L’Union médicale du Canada (Montréal), 17 (1888) : 558s.— L.-D. Mignault, « Revue historique ; histoire de l’école de Médecine et de Chirurgie de Montréal », L’Union médicale du Canada, 55 (1926) : 597–674.
Édouard Desjardins, « EMERY-CODERRE, JOSEPH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/emery_coderre_joseph_11F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1982 |
Année de la révision: | 1982 |
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