LABRIE, JACQUES, journaliste, médecin, chirurgien, officier de milice, éducateur, auteur et homme politique, né le 4 janvier 1784 à Saint-Charles, près de Québec, fils de Jacques Nau, dit Labry, cultivateur, et de Marie-Louise Brousseau ; décédé le 26 octobre 1831 à Saint-Eustache, Bas-Canada.

Comme plusieurs jeunes de sa génération, Jacques Labrie reçut son éducation élémentaire grâce au dévouement du curé de son village. À l’âge de 14 ans, il entra au petit séminaire de Québec où il se montra brillant écolier. Promu bachelier en 1804, il choisit alors de s’orienter vers la carrière médicale, et, de 1804 à 1807, il étudia sous la direction de François Blanchet, un des médecins éminents de cette époque. Après son apprentissage, il tint à parfaire sa formation médicale par une année d’études à Édimbourg.

Parallèlement à ses études médicales, Labrie avait commencé une carrière de journaliste. À l’automne de 1806, il était rédacteur d’un journal bihebdomadaire le Courier de Québec, fondé par Pierre-Amable De Bonne*. Ce journal s’était donné pour but de défendre les intérêts des Canadiens. Toutefois, il dénonçait le parti canadien et son journal, le Canadien. Le Courier de Québec rapportait des nouvelles politiques et littéraires, locales et étrangères, et aussi des conclusions de recherches sur l’histoire du Canada. Labrie était l’auteur de la majorité des articles. Déjà il admirait la constitution britannique et le libéralisme anglais et il ne cessait de flétrir le despotisme des gouverneurs français et la négligence de la France envers sa colonie. Avant tout, Labrie faisait preuve d’un intérêt hors du commun pour l’histoire de son pays.

Après que le Courier de Québec eût cessé de paraître en décembre 1808, Labrie se consacra uniquement à la profession médicale. Il pratiqua quelques mois à Montréal, puis il s’établit à Saint-Eustache où, le 12 juin 1809, il épousa Marie-Marguerite Gagnier, fille de Pierre-Rémi Gagnier, notaire de l’endroit. Neuf enfants naquirent de cette union, mais seulement trois parvinrent à l’âge adulte.

Lors de la guerre de 1812, Labrie devint chirurgien du 2e bataillon de la milice d’élite incorporée du Bas-Canada. En plus de l’exercice de sa profession, il consacra une grande partie de ses énergies à la cause de l’éducation. En 1821, il fonda deux écoles dans sa paroisse, une pour les filles et une autre pour les garçons. Bien qu’il dirigeât les deux établissements, il eut une nette prédilection pour l’école des filles dont il s’était fait l’instituteur principal et que fréquentait sa fille aînée, Zéphirine. Labrie composa des manuels d’histoire et de géographie, et son école dispensait en plus des cours de français, d’anglais et de mathématiques. Cet établissement jouissait alors d’une excellente réputation et était bâti sur un site agréable, au confluent de la rivière du Chêne et de la rivière des Mille Îles. L’école dut toutefois fermer ses portes en 1828, faute de moyens de subsistance. Labrie l’avait soutenue de ses deniers pendant toutes ses années d’existence.

Passionné d’histoire du Canada, observateur de la société bas-canadienne et défenseur des droits des Canadiens, Labrie avait joint les rangs de la politique active en 1827. En juin de la même année, il participait, à titre de secrétaire, à l’assemblée générale de Saint-Eustache. Il annonça alors son intention de se présenter comme candidat dans la circonscription d’York aux élections de la chambre d’Assemblée. Il se livra aussi à de sévères critiques de l’administration du gouverneur Dalhousie [Ramsay*] et de sa clique. Les élections eurent lieu à l’été de 1827, un des adversaires de Labrie n’était nul autre que Nicolas-Eustache Lambert Dumont, seigneur des Mille-Îles et représentant de la circonscription. La lutte fut chaude : c’est par la force que les votants devaient s’approcher du bureau de scrutin. Labrie fut élu avec Jean-Baptiste Lefebvre, tandis que les deux adversaires, Lambert-Dumont et John Simpson*, durent céder leur siège.

À l’automne de 1827, Labrie s’employa à persuader ses compatriotes de signer une pétition qui devait être envoyée à Londres en 1828, par les soins de Denis-Benjamin Viger*, d’Augustin Cuvillier* et de John Neilson*. Labrie fut particulièrement convainquant dans un discours prononcé à une assemblée tenue à Vaudreuil le 27 décembre 1827. Ce discours, rapporté dans la Minerve du 7 janvier 1828, démontre que l’orateur avait toujours confiance dans les institutions britanniques ; si la constitution du Bas-Canada était lésée, la faute en revenait au gouverneur Dalhousie et à ses créatures du Conseil législatif. L’historien Michel Bibaud* classa ce discours comme une des pièces d’éloquence les plus incendiaires des années prérévolutionnaires.

À la chambre d’Assemblée, Labrie consacra ses efforts à la promotion de la cause de l’éducation et de la profession médicale dans le Bas-Canada. En 1831, il fut nommé membre du Bureau d’examinateurs en médecine du district de Montréal. À l’automne de la même année, il entreprit une tournée d’inspection des écoles de sa circonscription. C’est à la suite des fatigues occasionnées par ces déplacements qu’il contracta une pneumonie qui devait lui être fatale. Le 26 octobre, se sentant dangereusement atteint, il manda auprès de lui son ami le notaire Jean-Joseph Girouard* et lui signifia son intention de faire une déclaration écrite. Le malade déléguait à Augustin-Norbert Morin*, membre de la chambre d’Assemblée et homme de plume du parti patriote, le soin de mener à terme son manuscrit d’histoire du Canada, œuvre de toute sa vie. Ensuite, Labrie s’éteignit dans sa demeure de Saint-Eustache.

Morin se montra à la hauteur de la mission que lui avait confiée son ami Labrie. Il étudia soigneusement le manuscrit, fit des corrections et, en novembre, il présenta devant la chambre une requête de publication de l’œuvre, qui devait comporter trois ou quatre volumes d’environ 500 pages chacun. Labrie commençait avec les débuts de la Nouvelle-France et terminait avec les principaux événements de la guerre de 1812. Un comité de la chambre acquiesça à la demande de Morin, mais le Conseil législatif refusa de publier le manuscrit alléguant le manque d’objectivité de l’auteur. Les conseillers désiraient seulement faire l’achat du manuscrit pour le déposer à la Société littéraire et historique de Québec. La chambre refusa de son côté d’accéder au désir du conseil et décida d’attendre des jours meilleurs pour publier l’œuvre. En attendant, Morin déposa le manuscrit dans la bibliothèque de son ami, le notaire Girouard, à Saint-Benoît. C’est là que l’histoire du Canada de Labrie fut la proie des flammes, en 1837.

On ne saura jamais ce que valait exactement le manuscrit de Labrie, mais on croit sincèrement que l’on doit saluer en cet auteur un des grands historiens du Canada français. Il fut un passionné de l’histoire de son pays au moment où cette matière n’était même pas au programme des études secondaires. À ce moment-là, les esprits curieux devaient encore consulter Pierre-François-Xavier de Charlevoix* qui terminait son récit avec l’année 1731. Aussi pour les années 1731 à 1812, Labrie fut un pionnier. On sait par la correspondance qu’il échangea avec Jacques Viger* qu’il consultait des sources originales et poussait très loin le souci d’exactitude.

On peut s’interroger sur le comportement qu’aurait adopté, au moment des troubles de 1837, celui qui fut un ardent partisan de Louis-Joseph Papineau* et le beau-père de Jean-Olivier Chénier*, qui avait épousé Zéphirine en 1831. Mais il est certain que Jacques Labrie reste un des plus illustres représentants de la génération des patriotes. Avant tout, il a aimé passionnément l’histoire de son pays jusqu’à y consacrer tous ses loisirs, cette histoire qui, symboliquement, a péri dans l’incendie de Saint-Benoît.

Béatrice Chassé

Jacques Labrie est l’auteur de : les Premiers Rudimens de la constitution britannique traduits de l’anglais de M. Brooke ; précédés d’un précis historique, et suivis d’observations sur la constitution du Bas-Canada, pour en donner l’histoire et en indiquer les principaux vices, avec un aperçu de quelques-uns des moyens probables d’y remédier ; ouvrage utile à toutes sortes de personnes et principalement destiné à l’instruction politique de la jeunesse canadienne (Montréal, 1827).

ANQ-M, CE6-11, 12 juin 1809, 29 oct. 1831 ; P1000-32-774 ; P1000–45–889.— Le Canadien, 7 janv. 1832.— La Gazette de Québec, 14 juin 1827.— La Minerve, 7 janv. 1828.— M.-J. et G. Ahern, Notes pour l’hist. de la médecine.— Béatrice Chassé, « le Notaire Girouard, patriote et rebelle » (thèse de d. ès l., univ. Laval, 1974).— A.[-H.] Gosselin, Un bon patriote d’autrefois, le docteur Labrie (3e éd., Québec, 1907).— L.-J. Rodrigue, « Messire Jacques Paquin, curé de Saint-Eustache de la Rivière-du-Chêne (1821–1847) », SCHEC Rapport, 31 (1964) : 73–83.

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Béatrice Chassé, « LABRIE, JACQUES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/labrie_jacques_6F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
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