DUVERNAY, LUDGER, imprimeur, éditeur, fonctionnaire, journaliste, homme politique et patriote, né le 22 janvier 1799 à Verchères, Bas-Canada, fils de Joseph Crevier Duvernay et de Marie-Anne-Julie Rocbert de La Morandière ; décédé le 28 novembre 1852 à Montréal.

Originaire de la Normandie, l’ancêtre de Ludger Duvernay, Christophe Crevier, immigrait en Nouvelle-France au milieu du xviie siècle et s’établissait à Trois-Rivières. Son fils, Jean-Baptiste Crevier, adoptait le patronyme Duverné qui devint, avec le temps, Duvernay. Le 26 juin 1748, son petit-fils, Jacques Crevier Duvernay, se voyait accorder par l’intendant Gilles Hocquart* une commission de notaire royal lui permettant d’exercer ses fonctions dans l’étendue des côtes de Verchères, de Varennes, de Saint-Ours et de la rivière Chambly (rivière L’Acadie). L’un des fils de ce dernier, Pierre Crevier Duvernay, remplissait lui aussi les fonctions de notaire royal en 1762. Un autre de ses fils, le père de Ludger, était maître menuisier à Verchères ; il devait se noyer, le 21 août 1820, en traversant le Saint-Laurent à la hauteur de Saint-Sulpice. La mère de Ludger Duvernay descendait d’une illustre famille. En effet, son père, François-Abel-Étienne Rocbert de La Morandière, qui avait été lieutenant dans les troupes de la Marine, capitaine d’un bataillon envoyé contre Pondiac* et ingénieur militaire, était le petit-fils d’Étienne Rocbert* de La Morandière, garde-magasin du roi à Montréal dans les premières décennies du xviiie siècle.

Duvernay aurait bénéficié des leçons du maître d’école Louis Labadie* qui, après avoir enseigné dans divers villages du Bas-Canada, tint une école à Varennes, localité voisine de Verchères, à compter de 1805. Certains de ses élèves venaient des paroisses environnantes et prenaient pension près de son école. En 1813, Labadie s’établit à Verchères où il s’intéressa d’une façon particulière aux premiers pas de Duvernay dans le monde de l’imprimerie. Le 3 juin 1813, le Spectateur de Montréal, dont le propriétaire était Charles-Bernard Pasteur, annonça qu’il avait besoin d’un apprenti pour son imprimerie. Selon ce journal, cet apprenti devait être « une Jenne Garçon bien élevé et d’honnête famille » et sachant « lire et écrire la langue Françoise ». Duvernay, alors âgé de 14 ans, se présenta et fut choisi. Le jeune apprenti était sérieux et appliqué. Un résident de Verchères déclara aux parents de Duvernay que leur fils raisonnait « non pas comme un perroquet mais comme un homme sensé ». En 1815, ayant terminé son apprentissage, Duvernay devint, avec l’appui de Labadie, l’un des employés de l’imprimerie de Pasteur. Labadie lui avait fortement conseillé de faire carrière dans le domaine de l’imprimerie « car dans cette vocation [il] ne pouv[ait] qu’être un homme éclairé ». Duvernay gagna la confiance de Pasteur et occupa une place de plus en plus importante à l’intérieur de l’établissement. Lorsque son patron s’absentait, il se voyait confier la marche de l’entreprise.

En 1817, Duvernay quitta Montréal pour ouvrir sa propre imprimerie à Trois-Rivières. Incité probablement par Denis-Benjamin Viger*, qui aidait les imprimeurs et propriétaires de journaux en leur fournissant une aide financière et en leur louant des locaux, il aurait choisi cet endroit en sachant qu’il n’aurait pas de concurrent à affronter. Le 12 août, il commença, non sans une certaine témérité, la publication du premier journal bas-canadien qui ait existé hors des villes de Québec et de Montréal, la Gazette des Trois-Rivières. La parution du premier numéro attira une foule aux portes de l’atelier. Duvernay reçut plusieurs commentaires élogieux. Quelque temps auparavant, dans le prospectus de cet hebdomadaire, il avait énuméré les devoirs d’un journal. Selon lui, si, d’une part, un « papier périodique » devait souligner et féliciter les « bonnes actions », il devait, d’autre part, dénoncer l’oppression, « de manière à exciter cette crainte salutaire qui fait l’appui et la sauvegarde des faibles en devenant un frein pour les méchants ». Il déclarait aussi qu’il ferait son possible pour publier des œuvres littéraires afin d’égayer « le sérieux des affaires, par les agréments de la litérature ». Tout au long de sa carrière d’éditeur, Duvernay dérogea peu à cette ligne de conduite. La Gazette des Trois-Rivières aurait cessé de paraître en février 1821.

Entre-temps, de juin à septembre 1820, Duvernay avait également publié un mensuel religieux, l’Ami de la religion et du roi, dont le directeur officieux était le curé de Trois-Rivières, Louis-Marie Cadieux*. Jean Raimbault*, curé de Nicolet et supérieur du séminaire de l’endroit, collaborait aussi à la publication. Les nombreux prêtres royalistes de la région de Trois-Rivières, exilés de France au lendemain de la Révolution française, étaient des propagandistes de ce périodique. Le 11 mars 1823, Duvernay entreprit la publication d’un autre journal, le Constitutionnel. Par sa présentation et son contenu, ce nouveau journal s’apparentait à la défunte Gazette des Trois-Rivières. Il aurait survécu jusqu’à l’automne de 1824. En dépit de ses insuccès répétés, Duvernay s’acharnait à vouloir faire vivre un journal à Trois-Rivières. En août 1826, il profita de la tenue d’une élection complémentaire dans la circonscription de Trois-Rivières pour lancer un autre journal. L’Argus parut durant trois mois et, comme son sous-titre, « journal électorique », l’indiquait, son contenu était surtout consacré aux péripéties de l’élection. Les rédacteurs de ce journal, les frères Dominique* et Charles-Elzéar* Mondelet, appuyèrent, en vain, le candidat Pierre-Benjamin Dumoulin.

À son établissement de la rue Royale, Duvernay imprima aussi quelques livres et brochures, tint une petite librairie ainsi qu’un atelier de reliure. Malgré son jeune âge, il ne tarda pas à jouer un rôle important dans les affaires de Trois-Rivières. Il fut gérant de la voirie et inspecteur des ponts et chemins de cette ville. Il occupa aussi les fonctions d’inspecteur du service des incendies, connu sous le nom de Société du feu, de 1819 à 1826. Durant son séjour à Trois-Rivières, Duvernay, en plus de se familiariser avec les divers aspects du métier d’imprimeur, fit preuve d’initiative et d’esprit d’organisation. Mais Trois-Rivières ne pouvait alors fournir les ressources nécessaires à la survie d’un journal et de son imprimeur.

En décembre 1826, le Canadian Spectator de Montréal, sans éditeur depuis le départ de John Jones, fit appel à Duvernay. Celui-ci accepta l’offre et retourna à Montréal dès le début de janvier 1827. Le 18 janvier, en présence du notaire Jean-Marie Mondelet*, Duvernay s’engagea à publier le Canadian Spectator, journal qui s’adressait particulièrement aux Irlandais de la région de Montréal, et loua l’atelier d’imprimerie de Jean-Dominique Bernard, situé dans la rue Saint-Jean-Baptiste. Le même jour, il fit l’acquisition du journal la Minerve au coût de £7 10 shillings. La Minerve avait été fondée par Augustin-Norbert Morin*, alors étudiant en droit, et son premier numéro avait paru le 9 novembre 1826. Le nombre d’abonnés étant insuffisant, Morin avait interrompu la publication dès le 29 du même mois. Lors de la vente de son journal, il promit de continuer à se charger de la rédaction durant six mois. En décembre 1828, Jocelyn Waller*, qui avait conservé son poste de rédacteur en chef du Canadian Spectator, dont il était l’âme, mourut. Duvernay remplaça alors ce dernier, tout en continuant d’assurer la publication de ce journal qui cessa de paraître en février 1829. En août de la même année, il acquit l’imprimerie de James Lane où il devait demeurer jusqu’au 16 novembre 1837. Situé au coin des rues Saint-Paul et Saint-Gabriel, l’atelier de la Minerve se trouvait au cœur du quartier des affaires de Montréal et fournissait les divers imprimés utiles aux hommes d’affaires, aux membres des professions libérales et aux fonctionnaires. De 1829 à 1837, Duvernay fut le principal imprimeur de livres et de brochures à Montréal. Des manuels scolaires, des ouvrages de dévotion et des pamphlets politiques sortaient des presses de la Minerve. Plusieurs ententes d’impression et de vente liaient Duvernay et le libraire Édouard-Raymond Fabre. Les almanachs de la Minerve, tirés à quelques milliers d’exemplaires, étaient vendus par les marchands de campagne des régions de Trois-Rivières et de Montréal. L’almanach était souvent le seul livre, à l’exception des manuels de piété, que la plupart des paysans et des citadins pouvaient se permettre d’acquérir. En 1836 et 1837, un ouvrage imprimé en contrefaçon par Duvernay, à l’incitation d’Amury Girod*, souleva beaucoup de controverses. Cette œuvre, les Paroles d’un croyant de Hugues-Félicité-Robert de La Mennais, parue à Paris en 1834, avait été condamnée par le pape Grégoire XVI, la même année. Les patriotes utilisèrent l’ouvrage de La Mennais pour justifier leurs luttes. Mgr Jean-Jacques Lartigue*, évêque auxiliaire de Québec à Montréal, qui avait longtemps été un disciple de La Mennais, se conforma à la décision du pape et s’opposa à la propagation de ce livre.

Sous la conduite de Duvernay, la Minerve s’imposa en peu de temps comme l’un des principaux journaux du Bas-Canada. Au moment de son achat en 1827, la Minerve n’avait que 240 abonnés. Quelques années plus tard, en 1832, elle en comptait environ 1 300, tirage fort respectable à l’époque. Elle était devenue, selon Morin, « le papier du pays ». Partisan des idées prônées par le parti patriote, Duvernay avait mis son journal au service de ce groupe politique. La Minerve bénéficiait de l’aide financière accordée par Viger et Fabre. Duvernay y écrivait lui-même très peu, se contentant de rédiger à l’occasion de courts textes sur des faits divers. Toutefois, lorsqu’il se sentait attaqué, il pouvait produire des écrits très virulents. Antoine Gérin-Lajoie*, qui travailla deux ans au bureau de la Minerve, reconnaissait que Duvernay se débrouillait très bien quand il s’agissait « d’écraser quelqu’un au moyen d’injures, de personnalités insultantes ». Mais, en temps ordinaire, il laissait à un rédacteur le soin de défendre les positions du journal. Morin demeura à la rédaction de la Minerve plus longtemps que les six mois d’abord prévus. Élu député de la circonscription de Bellechasse à la chambre d’Assemblée du Bas-Canada en octobre 1830, il eut cependant de moins en moins de temps à consacrer au journal et l’on peut considérer que Léon Gosselin* fut le véritable rédacteur en chef de la Minerve entre 1831 et 1834. Par la suite, Hyacinthe-Poirier Leblanc* de Marconnay, James Julien Theodore Phelan, Gérin-Lajoie et Raphaël Bellemare s’occupèrent successivement de la rédaction de la Minerve, sous les ordres de Duvernay. Très exigeant et imposant constamment ses points de vue, celui-ci se querella avec plusieurs de ses employés. Gosselin, Leblanc de Marconnay et Phelan quittèrent l’établissement en très mauvais termes avec Duvernay. Ce dernier rémunérait peu ou mal ses employés, et si l’un d’eux se plaignait, il l’accusait de vouloir faire des économies à ses dépens. « Thésauriser, ou faire des épargnes, c’était pour lui quelque chose d’extravagant, de monstrueux », racontait Gérin-Lajoie.

Les auteurs des textes publiés par la Minerve et le Canadian Spectator étant rarement identifiés, Duvernay en assumait la responsabilité. En 1828, il avait été arrêté et emprisonné, en compagnie de Waller du Canadian Spectator, sous l’accusation de diffamation. En janvier 1832, Duvernay et Daniel Tracey*, éditeur du Vindicator (qui deviendra par la suite le Vindicator and Canadian Advertiser), durent comparaître à la barre du Conseil législatif du Bas-Canada. On les accusait d’avoir déclaré que ce conseil était une « grande nuisance ». Les deux coupables furent sermonnés par le président du conseil, Jonathan Sewell*, et incarcérés à la prison de Québec jusqu’à la fin de la session. Ce deuxième emprisonnement de Duvernay indigna la presse patriote qui en fit un héros et un martyr. Lors de sa libération, il fut félicité dans de nombreux villages au cours de son voyage de retour à Montréal. Dans cette ville, des arcs de triomphe avaient été élevés en son honneur. On lui remit une médaille avec cette devise en exergue : la Liberté de la presse est le palladium du peuple. Mais, en 1836, Duvernay se retrouva de nouveau derrière les barreaux. En mars de cette année-là, la Minerve avait accusé le shérif, Louis Gugy*, d’avoir constitué un jury favorable à un geôlier inculpé de la mort d’un détenu décédé à cause de privations et du froid à la prison de Montréal. Poursuivi pour outrage au tribunal, Duvernay reçut, en septembre, une peine de 30 jours d’emprisonnement. Il fut conduit en triomphe à la prison par un imposant cortège de patriotes, dont le maire de Montréal, Jacques Viger.

Quelques mois auparavant, Duvernay avait défendu l’honneur de son journal dans un duel avec l’avocat Clément-Charles Sabrevois* de Bleury, qui avait été élu député patriote de la circonscription de Richelieu en 1832. Attaqué sévèrement par la Minerve pour avoir quitté le parti patriote et s’être joint par la suite aux députés plus modérés de la région de Québec, ce dernier avait défié le propriétaire du journal de l’affronter en duel. La rencontre eut lieu derrière le mont Royal le 5 avril 1836. Officier de milice et habile tireur, Sabrevois de Bleury atteignit Duvernay un peu au-dessus du genou droit. « Le sang qu’il a voulu verser, répliqua Duvernay dans la Minerve du surlendemain, n’efface pas ce qui est écrit et le salpètre et le soufre ne blanchissent pas ce qui est noir ! »

En mars 1834, Duvernay avait participé avec George-Étienne Cartier*, Louis-Victor Sicotte* et d’autres patriotes à la fondation de la société Aide-toi, le Ciel t’aidera, et en avait été élu président. Chaque membre de cette société secrète devait fournir et lire un essai sur la politique ou la littérature. Duvernay eut alors l’idée de doter les Canadiens français d’une fête nationale annuelle qui serait célébrée le 24 juin. Depuis des temps immémoriaux, le solstice d’été était une occasion de réjouissances. L’Église catholique avait récupéré cette fête païenne en la mettant sous le patronage de saint Jean-Baptiste. Un « feu de la Saint-Jean » avait eu lieu en Nouvelle-France dès 1646 et la coutume de célébrer la Saint-Jean-Baptiste s’était perpétuée, particulièrement dans les paroisses du Bas-Canada désignées sous le vocable de saint Jean (Saint-Jean-Port-Joli, Saint-Jean, dans l’île d’Orléans, et autres), jusqu’au moment où Duvernay décida d’en faire une fête nationale. Il s’occupa des préparatifs d’un banquet qui eut lieu le 24 juin 1834 dans le jardin de la propriété de l’avocat Jean-François-Marie-Joseph MacDonell* (emplacement aujourd’hui occupé par la gare Windsor). Près de 60 convives, dont plusieurs membres influents du parti patriote, prirent part à la célébration. Ce banquet était avant tout une manifestation politique. Quelque temps auparavant, le parti patriote avait adopté les Quatre-vingt-douze Résolutions et haussait graduellement le ton face à l’administration coloniale. Les participants au banquet rendirent hommage au peuple, « source primitive de toute autorité légitime », aux réformistes du Bas et du Haut-Canada et de l’Irlande. Ils se réunirent de nouveau autour de Duvernay on 1835, en 1836 et en 1837. La rébellion interrompit durant quelques années cette coutume.

Duvernay désira longtemps faire carrière en politique, mais il n’en eut point la chance. Candidat lors d’une élection complémentaire dans la circonscription de Rouville en février 1833, il avait été battu par François Rainville. Plusieurs personnes l’avaient dissuadé de poser sa candidature aux élections générales de novembre 1834. On considérait alors qu’il était beaucoup plus utile à la tête de la Minerve. Devant son insistance, on lui permit de se présenter en 1837 et il fut élu sans opposition député de la circonscription de Lachenaie le 26 mai de cette année-là. Convoquée le 18 août, l’Assemblée fut prorogée dès le 26 du même mois par le gouverneur lord Gosford [Acheson*] écontent de l’attitude des députés du parti de Louis-Joseph Papineau*. Le député Duvernay ne siégea donc que quelques jours.

Au cours de l’automne de 1837, le recours aux armes par les patriotes paraissait de plus en plus’ prévisible et inévitable. Le 23 octobre, plus de 5 000 personnes assistèrent à l’assemblée des six comtés à Saint-Charles-sur-Richelieu. Dans la soirée du 6 novembre, un violent affrontement se produisit à Montréal entre des membres du Doric Club et les Fils de la liberté. L’imprimerie du Vindicator and Canadian Advertiser, journal patriote dirigé alors par le docteur Edmund Bailey O’Callaghan*, fut saccagée. L’établissement de Duvernay se vit menacé de subir un sort identique. Le 16 novembre, lord Gosford lança des mandats d’arrestation contre 26 patriotes influents, dont Duvernay. Lorsque les huissiers se présentèrent à l’atelier de la Minerve, Duvernay, prévenu de l’imminence de son arrestation, avait déjà fui. Avant de quitter Montréal, il avait confié son journal au rédacteur en chef Phelan et à l’imprimeur François Lemaître, mais un seul numéro parut après son départ.

Nommé officier d’un petit bataillon de patriotes, Duvernay participa à la bataille de Moore’s Corner (Saint-Armand-Station), le 6 décembre 1837. Les patriotes, qui n’étaient pas suffisamment nombreux face aux adversaires, abandonnèrent leurs deux canons et leurs fusils et s’enfuirent. Duvernay se réfugia aux États-Unis où il résida successivement à Swanton et à St Albans, dans le Vermont, à Rouses Point, dans l’état de New York, et à Burlington, dans le Vermont. Malgré de nombreuses difficultés à se procurer le matériel d’imprimerie nécessaire, il réussit à fonder un journal à Burlington en 1839. « Nous déclarons d’avance que nous n’aurons aucun ménagement pour personne », avait proclamé Duvernay dans le prospectus de ce journal. Le premier numéro du Patriote canadien parut le 7 août. Un des fils de Papineau, Louis-Joseph-Amédée, fournit quelques articles au journal. N’ayant pas reçu du nouveau gouverneur Charles Edward Poulett Thomson* la permission de distribuer son journal par la poste au Bas-Canada et les exilés étant pauvres, dispersés et de moins en moins nombreux, Duvernay dut mettre un terme à la publication du Patriote canadien le 5 février 1840. L’exil devint alors de plus en plus difficile à supporter. Duvernay, qui avait toujours eu un penchant pour l’alcool, se mit à boire d’une façon excessive. « J’envoie quelquefois à tous les diables, et la politique et tous ceux qui nous ont précipités dans ce gouffre », confia-t-il à son confrère montréalais, l’imprimeur Louis Perrault*, rentré d’exil en 1839. Au cours de l’été de 1840, il songea même à devenir employé du Bureau américain des douanes. Au début de mai 1841, Mgr Ignace Bourget*, évêque de Montréal, en route pour New York, rencontra Duvernay à Burlington. Porte-parole des exilés, celui-ci réclama la venue de prêtres canadiens. L’évêque déclara avoir été édifié par les sentiments religieux de Duvernay qui, pourtant, avait accepté de publier certains écrits anticléricaux avant la rébellion. En octobre 1841, ce fut au tour de Mgr Charles-Auguste-Marie-Joseph de Forbin-Janson*, évêque de Nancy et de Toul, en France, et célèbre prédicateur, de lui rendre visite. Peu après, Duvernay présida l’assemblée des Canadiens français de Burlington tenue pour discuter de la possibilité de construire une église catholique dans cette ville. Alors que la plupart des exilés étaient de retour au pays, Duvernay, en dépit des conseils de plusieurs personnes, s’entêtait à demeurer aux États-Unis. « Sachez d’ailleurs, prétendait-il, que rien ne s’oppose à ma rentrée au Canada, excepté un sentiment d’honneur qui doit passer devant l’intérêt personnel. » Mais, en fait, il retardait son retour davantage pour des raisons financières que pour des motifs politiques. Il avait tout perdu. L’aventure du Patriote canadien s’était révélée désastreuse. L’atelier de la Minerve avait été l’objet de multiples déprédations. Joseph Lettoré lui avait dévoilé que, peu de jours après son depart de Montréal, « chacun tirait à qui [le] vollerait le plus ». En outre, les personnes chargées de percevoir des sommes qu’on lui devait n’avaient guère connu de succès.

Louis-Hippolyte La Fontaine*, qui apparaissait de plus en plus comme le successeur de Papineau, ne pouvait se passer de l’appui d’un journal. Ses organisateurs entrèrent donc en contact avec Duvernay, reconnu pour ses talents et son efficacité à la direction d’un journal, et l’invitèrent à ressuciter la Minerve. Après avoir tergiversé un certain temps, Duvernay accepta l’offre et revint à Montréal en 1842. Le 9 septembre, la Minerve recommençait à paraître en proclamant qu’elle ne dévierait pas de ses anciens principes, mais se prêterait aux circonstances où se trouverait le pays. Tout en protestant contre certaines injustices de l’Acte d’Union, le journal soutint le parti réformiste de La Fontaine et le principe de la responsabilité ministérielle. N’imprimant plus de livres dans son atelier, désormais installé au coin des rues Saint-Vincent et Sainte-Thérèse, Duvernay concentra ses efforts sur la publication de la Minerve, qui redevint, comme auparavant, le journal de langue française le plus important et le plus influent de Montréal, et sur l’organisation de l’Association Saint-Jean-Baptiste. Au début de 1843, on l’avait prié de remettre sur pied cette société. Il n’existe aucun document qui prouve l’existence d’une telle société avant la rébellion. En 1834, Duvernay avait institué une fête nationale et organisé un banquet, non une société. Pourtant, les Montréalais parlèrent en 1843 de la réorganisation d’une société. Le 9 juin de cette année-là, à l’instigation de Duvernay, l’Association Saint-Jean-Baptiste de Montréal fut constituée lors d’une imposante assemblée tenue au marché Sainte-Anne. Nommé commissaire ordonnateur, Duvernay reçut ainsi un poste clé qui, tout en mettant entre ses mains la responsabilité des affaires courantes, lui permit de donner à la société ses lignes directrices et ses buts. La charte, obtenue en 1849, stipulait que cette société de bienfaisance avait été établie dans le but d’aider et de secourir les personnes d’origine française et de contribuer à leur progrès moral et social. L’Association Saint-Jean-Baptiste de Montréal comptait dans ses rangs la plupart des notables canadiens-français, dont beaucoup étaient d’anciens patriotes de 1837 ralliés au parti de La Fontaine. Des jeunes, plus radicaux, ne pouvant défendre leurs idées à l’intérieur de l’association de Duvernay, décidèrent de fonder l’Institut canadien de Montréal en 1844 [V. Jean-Baptiste-Éric Dorion*].

En 1848, Papineau, resté fidèle aux principes qu’il avait défendus avant la rébellion, était devenu encombrant pour La Fontaine et ses partisans qui, eux, tentaient de soutirer tous les avantages possibles des nouvelles institutions établies lors de l’entrée en vigueur de l’Acte d’Union. Duvernay, qui partageait l’admiration de Papineau à l’égard des « institutions électives républicaines » des États-Unis, se montrait beaucoup plus conciliant et n’approuvait plus le « radicalisme » de l’ancien chef du parti patriote. « Nous n’aimons pas l’Union, mais nous l’aimons mieux que la dévastation », déclarait la Minerve, qui voyait en Papineau un « grand agitateur ». En 1849, au cours des débats sur le projet d’annexion de la province du Canada aux États-Unis, l’attitude de la Minerve prêta à équivoque. Duvernay admirait le peuple américain et ses institutions. « L’Américain est fier de son pays et il a raison de l’être », avait-il affirmé en 1838, durant son exil. En 1849, il le pensait encore. Le parti réformiste de La Fontaine s’opposant à l’annexion prônée par les « rouges » de l’Institut canadien, Duvernay, un « annexioniste de cœur », selon l’expression d’Hector-Louis Langevin*, était placé dans une situation intenable. Il ne voulait pas déplaire à La Fontaine et ne pouvait s’allier aux membres radicaux de l’Institut canadien et du journal l’Avenir. La Minerve tardait à se prononcer ouvertement sur la question. « L’annexion ne nous a jamais effrayé », affirma finalement le journal de Duvernay le 12 juillet 1849. Ces propos indisposèrent La Fontaine. Quelques jours plus tard, à la suite de certaines pressions, la Minerve se rétracta et affirma : « Nous n’avons pas prétendu nous faire les apôtres de l’annexion. » Ayant besoin de l’appui financier du parti de La Fontaine, Duvernay avait momentanément reculé. La survie de son entreprise en dépendait. D’une façon subtile, il continua de publier des écrits qui soulignaient la prospérité des États-Unis.

Le long exil n’avait pas complètement assagi Duvernay. Des divergences politiques et une rivalité sur le plan des affaires l’opposaient à Joseph-Guillaume Barthe*, éditeur de l’Aurore des Canadas. Barthe et son journal recevaient l’appui du ministère de William Henry Draper*, et de Denis-Benjamin Viger alors que Duvernay et la Minerve défendaient les positions du parti de La Fontaine. D’autre part, la Minerve et l’Aurore des Canadas s’arrachaient les annonceurs, et Duvernay acceptait mal le fait que le journal rival reçoive les annonces officielles du gouvernement. Le 25 juillet 1844, il invita son concurrent à l’affronter en duel. Barthe déposa une plainte et Duvernay fut contraint de promettre devant un magistrat qu’il garderait la paix durant six mois. Mais l’affaire n’était point close. En 1845, lors d’une rencontre inopinée dans une rue de Montréal, Duvernay frappa solidement Barthe à coups de bâton et fut condamné à quatre jours de prison. Une longue querelle l’opposa aussi à Louis-Antoine Dessaulles*, de l’Institut canadien. En 1848, la Minerve avait accusé Dessaulles d’athéisme et de parjure et le procès qui s’ensuivit en décembre 1849 devint une cause célèbre, car il opposait les partisans de La Fontaine à ceux de l’Institut canadien. Les avocats de Duvernay prétendirent que Dessaulles devait prouver qu’il pratiquait « une religion quelconque ». Mais, incapable de justifier son accusation de parjure, Duvernay dut verser £100 de dommages-intérêts à Dessaulles.

Le 14 février 1825, Duvernay avait épousé à Rivière-du-Loup (Louiseville) Reine Harnois, fille du capitaine Augustin Harnois. Ils eurent neuf enfants, dont quatre moururent en bas âge. Leurs filles reçurent une bonne éducation et apprirent le piano. Marie-Reine-Joséphine épousa l’avocat Charles Glackmeyer, greffier adjoint, puis greffier de la ville de Montréal, et Marie-Adèle-Victorine épousa le docteur Ovide Pelletier. Impressionné par la carrière de Benjamin Franklin, imprimeur et homme politique américain, Duvernay donna le prénom de Franklin à l’un de ses fils, qui naquit et mourut lors de l’exil. Le 19 novembre 1852, il avait d’abord légué son établissement à son fils aîné, Louis-Napoléon. L’autre fils, Ludger-Denis, ayant probablement protesté, il révisa son testament quelques jours plus tard, le 24 novembre, afin de céder ses biens à ses deux fils et de stipuler que ceux-ci devaient donner un piano-forte à chacune de leurs sœurs.

Dans les deux dernières années de sa vie, Duvernay fut affecté par des « douleurs aiguës dans la poitrine » et une toux de plus en plus pénible. Le 2 juin 1851, il ne fut pas moins élu président de l’Association Saint-Jean-Baptiste de Montréal, poste honorifique qu’il conserva jusqu’à sa mort. Il s’éteignit dans la nuit du 28 novembre 1852, à l’âge de 53 ans. Ses obsèques, présidées par Mgr Bourget, eurent lieu le 1er décembre en l’église Notre-Dame de Montréal. La Fontaine, Fabre et Romuald Trudeau* avaient accepté d’agir comme porteurs. Ne pardonnant pas à Duvernay de l’avoir abandonné, Papineau ne vint pas aux funérailles. Trois ans plus tard, le 21 octobre 1855, la translation des restes de Duvernay du cimetière de la rue Saint-Antoine au nouveau cimetière Notre-Dame-des-Neiges fut l’occasion d’une imposante cérémonie qui attira plus de 10 000 personnes. Cartier, alors président de l’Association Saint-Jean-Baptiste de Montréal, et Thomas-Jean-Jacques Loranger* firent l’éloge du disparu.

Ludger Duvernay était devenu par ses nombreux coups d’éclat l’une des figures les plus connues et les plus populaires de Montréal. D’un tempérament « joyeux et bon enfant », il s’emportait facilement et devenait belliqueux dès qu’il était question de politique. Dans ses fonctions de journaliste, il était impulsif et, contrairement à son contemporain Étienne Parent*, incapable de prendre le moindre recul face aux événements. Parent craignait d’ailleurs que Duvernay compromette par « des folies » la cause des patriotes. Entêté et intransigeant, il défendait ses idées avec opiniâtreté et fut mêlé à d’innombrables disputes, emprisonné à quatre reprises et forcé de s’exiler. À travers les vicissitudes de cette carrière tumultueuse, on peut discerner dans de nombreuses actions de Duvernay l’idéal qui l’a guidé dès la publication de son premier journal – éduquer le peuple. Certains de ses écrits révèlent qu’il était très conscient du fait que ses fonctions de journaliste et d’imprimeur lui permettaient et lui commandaient de jouer un rôle d’éducateur. On retrouve aussi cet idéal dans certains objectifs de l’Association Saint-Jean-Baptiste qu’il a fondée et dans la devise qu’il lui donna : Rendre le peuple meilleur. En 1849, il proposa aux membres de cette société la création d’une « chambre de lectures » afin d’offrir aux classes ouvrières les mêmes avantages que les « classes mercantiles et lettrées » possédaient. Artisan déterminé, il mit sur pied, dans des conditions souvent difficiles et défavorables, des entreprises de presse à Trois-Rivières, à Montréal et à Burlington. L’une des figures de proue du journalisme et de l’imprimerie dans le Bas-Canada durant la première moitié du xixe siècle, Duvernay fit de la Minerve le premier grand journal de langue française de Montréal et une institution respectée qui lui survécut près d’un demi-siècle. « J’ai sacrifié mon temps, avait-il confié un jour, mon travail, mes faibles recettes, mon avenir et celle de ma famille, et les plus belles années de ma vie, tout pour la Minerve. »

Jean-Marie Lebel

Un portrait de Ludger Duvernay, peint par Jean-Baptiste Roy-Audy* en 1832, est conservé à la maison Ludger-Duvernay, siège social de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal.

Duvernay est l’auteur de : « Liste des journaux publiés dans le Bas-Canada depuis 1764 », article paru dans la Canadienne (Montréal), 22 oct. 1840 : 3–4. On considère cet article comme le premier essai de bibliographie de la presse bas-canadienne.  [j.-m. l.]

ANQ-M, CE1-26, 22 janv. 1799 ; CE1-51, 1er déc. 1852 ; CN1-32, 6 mai 1837, 19, 24 nov. 1852 ; CN1-192, 4 oct. 1833 ; CN1-295, 18 janv. 1827, 27 août 1829, 27 févr. 1834, 23 avril 1835, 30 mars 1837 ; CN1-312, 7 déc. 1843, 21 juin, 2 juill. 1844.— ANQ-MBF, CE1-15, 14 févr. 1825.— ANQ-Q, P–68.— APC, MG 24, C3, L3 : 10781–10782, 10868–10869, 10879–10880, 11169A–11170, 11217–11218, 11451, 11480–11481, 11632–11633, 11726–11727, 12850, 31807, 33031, 33034–33035, 33465.— Arch. de l’Assoc. Saint-Jean-Baptiste de Montréal (Montréal), Procès-verbaux des assemblées générales, 1843–1852.— BVM-G, mss, Ludger Duvernay, 11 sept. 1836, 14 janv. 1845.— Soc. d’archéologie et de numismatique de Montréal, Ludger Duvernay, 1799–1852 (mfm aux APC).— Canada, prov. du, Statuts, 1849, chap. 149.— « Papiers de Ludger Duvernay », L.-W. Sicotte, édit., Canadian Antiquarian and Numismatic Journal (Montréal), 3e sér., 5 (1908) : 167–200 ; 6 (1909) : 1–33, 87–138, 151–186 ; 7 (1910) : 17–48, 59–96, 106–144, 178–192 ; 8 (1911) : 21–48, 76–96.— Amédée Papineau, Journal d’un Fils de la liberté, réfugié aux États-Unis, par suite de l’insurrection canadienne, en 1837 (2 vol. parus, Montréal, 1972-  ), 1 : 13, 15, 18, 31 ; 2 : 67, 152, 191–192.— L’Ami de la religion et du roi (Trois-Rivières, Québec), 1820.— L’Argus (Montréal), 1826–1828.— Le Constitutionnel (Trois-Rivières), 1823–1824.— La Gazette des Trois-Rivières, 1817–1821.— La Minerve, 1827–1837, 1842–1852, 3 déc. 1852.— Le Patriote canadien (Burlington, Vt.), 1839–1840.— Roland Auger, « Essai de bio-bibliographie sur Ludger Duvernay, imprimeur, journaliste et fondateur de la Société Saint-Jean-Baptiste » (thèse de bibliothéconomie, univ. de Montréal, 1953).— Ivanhoë Caron, « Papiers Duvernay conservés aux Archives de la province de Québec », ANQ Rapport, 1926–1927 : 145–252.— Fauteux, Patriotes, 36, 58, 148, 150, 210, 366–367.— Montreal directory, 1824–1854.— H.-R. Casgrain, Œuvres complètes (2 e éd., 4 vol., Montréal, 1896), 431–542.— David, Patriotes, 9, 43, 72–73, 77.— Ægidius Fauteux, le Duel au Canada (Montréal, 1934), 172–173.— Filteau, Hist. des patriotes (1975).— J.-L. Gagner, Duvernay et la Saint-Jean-Baptiste (Montréal, 1952).— J.-M. Lebel, « Ludger Duvernay et la Minerve : étude d’une entreprise de presse montréalaise de la première moitié du xixe siècle » (thèse de m.a., univ. Laval, 1982).— Thomas Matheson, « Un pamphlet politique au Bas-Canada : les Paroles d’un croyant de La Mennais » (thèse de l. ès l., univ. Laval, 1958).— Monet, la Première Révolution tranquille.— R.-D. Parent, Duvernay, le Magnifique (Montréal, 1943).— J.-L. Roy, Édouard-Raymond Fabre, 42, 84–85, 92, 127–128, 135–136, 146, 156–157.— P.-G. Roy, la Famille Rocbert de La Morandière (Lévis, Québec, 1905).— Robert Rumilly, Histoire de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal : des patriotes au fleurdelisé, 1834–1948 (Montréal, 1975) ; Papineau et son temps.— Sulte, Mélanges hist. (Malchelosse), 15.— F.-A. Angers, « Qui était Ludger Duvernay ? », Action nationale (Montréal), 71 (1981–1982) : 82–94.— F.-J. Audet, « Ludger Duvernay », la Rev. nationale (Montréal), 7 (1925) : 133–136.— Montarville Boucher de La Bruère, « la Société « Aide-toi, le Ciel t’aidera », BRH, 34 (1928) : 107–111.— Michel Brunet, « Ludger Duvernay et la permanence de son œuvre », Alerte (Saint-Hyacinthe, Québec), 16 (1959) : 114–120.— Ivanhoë Caron, « le Patriote canadien », le Devoir (Montréal), 27 oct. 1927 : 1, 10.— É.-Z. Massicotte, « Comment Ludger Duvernay acquit la Minerve en 1827 », BRH, 26 (1920) : 22–24.— Robert Rumilly, « Quand la Société Saint-Jean-Baptiste a-t-elle été fondée ? », RHAF, 1 (1947–1948) : 237–242.— Yves Tessier, « Ludger Duvernay et les débuts de la presse périodique aux Trois-Rivières », RHAF, 18 (1964–1965) : 387–404, 566–581, 624–627.

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Jean-Marie Lebel, « DUVERNAY, LUDGER (baptisé Joseph-Ludger) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/duvernay_ludger_8F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1985
Année de la révision:    1985
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