WALLER, JOCELYN (connu aussi sous le nom de Jocelyn Macartney Waller), fonctionnaire, juge de paix, rédacteur en chef et éditeur, né vers 1772 à Newport, comté de Tipperary (république d’Irlande), quatrième fils de Robert Waller et de Catherine Moore ; il épousa Elizabeth Willis, veuve du docteur Cullen, et ils eurent huit enfants ; décédé le 2 décembre 1828 à Montréal.
Homme de talent et de bonne éducation, Jocelyn Waller était apparenté à certaines familles influentes d’Irlande. Son père, créé baronnet en 1780, fut député au Parlement. Waller demeurait dans le Bas-Canada lorsqu’il reçut sa commission de greffier de la couronne en décembre 1817 ; le mois suivant, il devint greffier de la Cour d’audition et de jugement des causes criminelles. Bien connu en Grande-Bretagne pour ses opinions réformistes, Waller ne conserva ces deux postes que peu de temps. En apprenant qu’il avait été nommé greffier de la couronne, le secrétaire d’État aux Colonies, lord Bathurst, ordonna en effet au gouverneur, sir John Coape Sherbrooke, de le démettre de ses fonctions et de rendre le poste à son ancien titulaire, Gilbert Ainslie. Sherbrooke hésitait à destituer Waller, faisant remarquer que lui et sa « nombreuse » famille étaient dans la « misère » depuis qu’ils avaient perdu tous leurs biens dans le naufrage survenu pendant leur traversée vers l’Amérique du Nord britannique ; mais les ordres de Bathurst prévalurent. Waller se retira dans une maison de campagne, probablement à Saint-Gilles, près de Québec, et vécut d’une rente annuelle d’environ £200. En juin 1821, il fut nommé juge de paix du district de Québec et commissaire chargé de la décision sommaire des petites causes à Saint-Gilles.
En 1822, on invita Waller à collaborer à la Montreal Gazette. L’indépendance d’esprit et la franchise dont il fit preuve dans ses articles lui valurent apparemment la désapprobation des propriétaires du journal. Waller abandonna donc le journalisme et retourna vivre dans sa maison de campagne. La même année, Edward Ellice* persuada le gouvernement britannique de présenter devant le Parlement de Londres un projet de loi visant à unir le Haut et le Bas-Canada. Comme ce projet ne manqua pas d’éveiller l’opposition des Canadiens français, on demanda à Waller d’expliquer les motifs de leur dissension à la population anglophone du Bas-Canada. Le Canadian Spectator succéda au Spectateur canadien en octobre 1822, et c’est probablement à ce moment-là que Waller en devint le rédacteur en chef. En 1824, le journal réformiste, qui s’adressait tout spécialement à la population irlandaise de Montréal, présentait Waller comme rédacteur en chef ; au mois de janvier 1825, celui-ci se vit confier la charge d’éditeur. À la fin de 1826, Ludger Duvernay* allait devenir l’imprimeur du Canadian Spectator.
En 1823, l’opposition à la chambre des Communes avait réussi à faire abandonner temporairement le projet d’union des deux Canadas. Dès 1825, les propositions en faveur de l’Union se faisaient toutefois de plus en plus pressantes, et Waller relança sa campagne contre le projet. Ami de Denis-Benjamin Viger*, de Louis-Joseph Papineau*, d’Amable Berthelot* et d’Augustin Cuvillier*, Waller connaissait bien les raisons pour lesquelles les Canadiens français s’opposaient à l’Union, mais ses arguments s’appuyaient plutôt sur la tradition britannique d’autodétermination et sur son refus d’accepter que des changements soient apportés à l’Acte constitutionnel de 1791, sans qu’on ait au préalable informé les habitants de la colonie et obtenu leur assentiment. Ses éditoriaux étaient spirituels, recherchés et vigoureux ; ils s’appuyaient sur la logique et les exemples plutôt que sur les invectives et les préjugés. Ses articles étaient accueillis avec enthousiasme et republiées dans le Haut-Canada, aux États-Unis et en Angleterre. Ils suscitèrent l’hostilité du gouverneur, lord Dalhousie [Ramsay*], de la faction tory et, en particulier, du procureur général du Bas-Canada, James Stuart*.
Le Canadian Spectator faisait partie d’un groupe de journaux qui s’opposaient à l’Union. Comme certains autres tels que le Canadian Freeman, publié à York (Toronto) par Francis Collins, et le British Colonist and St. Francis Gazette, publié à Stanstead, dans le Bas-Canada, par Silas Horton Dickerson*, il déplorait le projet de loi de 1826 sur les non-naturalisés [V. John Rolph*] et la prorogation inattendue de la chambre d’Assemblée par Dalhousie le 7 mars 1827. Les rédacteurs en chef de tous ces journaux seraient accusés à un moment ou l’autre de diffamation ou d’outrage au tribunal et passeraient quelque temps en prison au cours de leurs luttes pour la réforme politique.
Waller appuya, dans les colonnes du Canadian Spectator, les efforts du lieutenant-gouverneur, sir Francis Nathaniel Burton, pour en arriver à une entente avec l’Assemblée au sujet du droit de regard sur les revenus de la colonie. Il attaqua l’organe officiel du gouvernement, la Gazette de Québec, publiée par autorité [V. John Charlton Fisher*], et critiqua Dalhousie parce que celui-ci avait refusé, le 21 novembre 1827, de sanctionner l’élection de Papineau à titre de président de la chambre. Il approuva également la conduite du juge John Walpole Willis* dans le procès de Francis Collins, qui avait été accusé de diffamation au printemps de 1828. Il signa en outre d’autres éditoriaux sur le droit essentiel pour les sujets britanniques de se réunir et de discuter des affaires publiques, et sur la nécessité de l’équilibre entre les pouvoirs exécutif et législatif.
À l’automne de 1827, le Canadian Spectator publia un article où l’on critiquait le discours que Dalhousie avait fait lors de la prorogation de l’Assemblée, le 22 novembre. L’auteur qualifiait ce discours « d’extraordinaire, d’inconvenant, d’inexcusable », lequel selon lui « n’aurait jamais dû être prononcé ». Le 18 décembre, par ordre du procureur général, Waller fut donc arrêté en compagnie de Duvernay pour diffamation contre le gouvernement. Waller se préparait alors à parler devant une assemblée constitutionnelle convoquée dans le but de dresser, à l’intention du secrétaire d’État aux Colonies, une liste des plaintes contre le gouvernement. Une caution fut immédiatement versée. L’arrestation de Waller aurait apparemment redonné vigueur au mouvement de protestation, et c’est avec une « vive émotion » qu’il lut « les diverses accusations portées par le pays contre l’infâme gouvernement au pouvoir ». Il fut mis en accusation, mais le jury spécial choisi pour son procès, qui devait se tenir en septembre 1828, fut déclaré illégalement constitué et renvoyé. La cause fut reportée au mois de mars 1829, mais Waller, vaincu par « la maladie, l’épuisement, l’hostilité et les soucis », mourut le 2 décembre 1828. Des accusations pesaient toujours contre lui, et la question des droits des habitants de la colonie et celle de l’Union étaient loin d’être réglées. Après la mort de Waller, ses idées allaient être perpétuées par Duvernay dans la Minerve et par son compatriote Daniel Tracey dans l’Irish Vindicator and Canada General Advertiser, qui fut fondé le 12 décembre 1828.
Moins d’un an après la mort de Jocelyn Waller, ses deux frères aînés qui demeuraient en Irlande le suivirent dans la tombe. Le fils aîné de Waller, Edmund, hérita par conséquent du titre de baronnet et d’une fortune considérable qui allait lui procurer un revenu annuel de £6 000 à £7 000. Waller fut regretté autant par les francophones que par les anglophones du Bas-Canada. On forma un comité dans le but de lui ériger un monument, lequel fut présidé par Augustin-Norbert Morin*, un des étudiants en droit qui assistèrent à ses funérailles. Waller fut très apprécié à titre d’ardent défenseur de la cause du libéralisme et de porte-parole des Canadiens français. C’était « un journaliste politique de grand talent », doté d’un « caractère aimable et vertueux ».
ANQ-M, CE1-63, 4 déc. 1828.— ANQ-Q, P1000-41-757.— APC, RG 68, General index, 1651–1841.— PRO, CO 42/178 : 66, 322 (copies aux APC).— British Colonist and St. Francis Gazette (Stanstead, Québec), 23 août 1827.— Canadian Spectator (Montréal), oct. 1822–déc. 1828.— La Gazette de Québec, 15 janv. 1818, 5, 9 juill. 1821, 19 sept. 1822.— Beaulieu et Hamelin, la Presse québécoise, 1.— Burke’s peerage (1826).— H. J. Morgan, Bibliotheca Canadensis ; Sketches of celebrated Canadians.— J.-G. Barthe, Souvenirs d’un demi-siècle ou Mémoires pour servir à l’histoire contemporaine (Montréal, 1885).— Ægidius Fauteux, « Jocelyn Waller », BRH, 26 (1920) : 307–310.
Elizabeth Waterston, « WALLER, JOCELYN (Jocelyn Macartney Walter) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/waller_jocelyn_6F.html.
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Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1987 |
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