FABRE, HECTOR (baptisé Louis-Roch-Hector), journaliste, propriétaire de journal, diplomate et sénateur, né le 9 août 1834 à Montréal, fils d’Édouard-Raymond Fabre* et de Luce Perrault ; le 3 août 1864, il épousa à Arthabaskaville (Arthabaska, Québec) Flora Stein, et ils eurent un fils ; décédé le 2 septembre 1910 à Paris.

Hector Fabre est le neveu de deux chefs patriotes, Louis* et Charles-Ovide Perrault. Il a une tante, Julie Fabre, mariée au libraire Hector Bossange, qui vit à Paris, et il est le frère d’Édouard-Charles* qui sera le premier archevêque de Montréal, d’Hortense qui épousera en 1846 George-Étienne Cartier*, de Gustave-Raymond et d’Hectorine. Par sa femme qu’il épouse sous le régime de la séparation de biens, il établit des liens avec l’élite d’Arthabaskaville. Son beau-père Adolphus Stein, qu’on dit juif originaire de Leipzig, en Allemagne, converti d’abord au luthérianisme puis au catholicisme, sera préfet du comté d’Arthabaska, puis maire d’Arthabaskaville.

Hector Fabre fait ses premières études chez les Frères des écoles chrétiennes à Montréal, de 1842 à 1845, puis passe au collège de L’Assomption ; il quitte cet établissement après un semestre (septembre à décembre 1845) pour le petit séminaire de Montréal, où il fait le reste de ses études, à l’exception de 11 mois de méthode à Saint-Hyacinthe. Par son père libraire, il est initié à l’univers des livres et des journaux. Très jeune, il pénètre le monde des idées et entend parler les leaders du temps : Louis-Hippolyte La Fontaine*, Augustin-Norbert Morin*, Edmund Bailey O’Callaghan*, Édouard-Étienne Rodier*, qui « se réuniss[ent] chaque après-midi à la librairie de [son] père, pour causer des événements du jour ». À ceux-là, s’ajoutent les Denis-Benjamin Viger*, Ludger Duvernay* et Louis-Joseph Papineau*, lequel sera avec O’Callaghan un des plus fidèles amis de son père. Tous trois sont à Saint-Denis, sur le Richelieu, en novembre 1837, et c’est Édouard-Raymond Fabre qui incite les deux chefs patriotes à s’enfuir aux États-Unis. Pour leur part, les époux Fabre, avec leur jeune Hector, se cachent tantôt à Lavaltrie, tantôt à Contrecœur. Finalement, le libraire est arrêté en novembre 1838. Sa femme fait une fausse couche ; son beau-frère, Charles-Ovide Perrault, député de Vaudreuil, a été tué lors de la bataille de Saint-Denis l’automne précédent, tandis que son autre frère, Louis, propriétaire du Vindicator and Canadian Advertiser de Montréal, a pris le chemin de l’exil.

Trop jeune pour comprendre ce qui se passe, Hector Fabre demeurera néanmoins profondément marqué par ces événements. Les années qui suivent sont employées à favoriser le retour des exilés et à entretenir la mémoire des disparus. Ce n’est pas par hasard que l’un des premiers textes de Fabre porte sur le souvenir de Chevalier de Lorimier*. Il en a fait le sujet d’un exposé devant les membres de l’Institut canadien de Montréal, dont il fait partie depuis 1851. Il en devient le bibliothécaire en 1858 et, la même année, participe à la fondation de l’Institut canadien-français [V. Ignace Bourget*]. Ses premiers écrits sont fortement imprégnés de nationalisme. Dans une conférence intitulée « Confédération, Indépendance, Annexion », prononcée à l’Institut canadien de Québec le 15 mars 1871, il condamne la politique de l’Angleterre qui n’a jamais été faite « pour nous permettre de rester français [...] mais pour nous transformer graduellement à son image, pour fondre en une seule nationalité la majorité ancienne et la minorité nouvelle ». À ses yeux, la Conquête anglaise a bel et bien été une catastrophe. Il n’hésite pas à dénoncer l’« esprit de tyrannie et de persécution qui a suivi ». « Le plus grand malheur qui puisse frapper un peuple naissant », écrit-il sans doute sous l’influence de Charles-Alexis-Henri Clérel de Tocqueville, « c’est d’être séparé de la nationalité dont il sort, d’être isolé de ses sources ; de voir tout à coup se fermer derrière lui le passé, tandis qu’il s’achemine, seul et sans appui, vers un avenir incertain ».

Une fois son stage de clerc chez son beau-frère Cartier terminé, Fabre devient avocat le 5 mai 1856. L’année suivante, après un long séjour en Italie et à Paris où il assiste aux funérailles d’Alfred de Musset, il s’associe avec Siméon Le Sage et Louis-Amable Jetté*. L’amitié entre les trois associés est solide, mais rapidement, chacun s’oriente différemment.

Fabre, qui depuis plusieurs années collabore irrégulièrement au Pays de Montréal, opte résolument pour le journalisme. Il entre d’abord en 1858 à l’Ordre de Joseph Royal puis en 1863, à Québec, au Canadien, où François Évanturel* fait la pluie et le beau temps. Fabre, à 33 ans, fonde son propre journal, l’Événement. Il en demeure le seul propriétaire de 1867 jusqu’à 1883. Pourtant les problèmes financiers ne manquent pas. Sa femme et son beau-frère l’aident-ils ? D’où vient ce A. Levy Recio qui, en 1869, agit comme comptable de son journal et qui, en 1879–1880, sera aussi administrateur de l’Éclaireur de Québec ? L’année précédente, soit le 3 octobre 1868, Fabre a obtenu de l’argent de sa mère en avance d’hoirie et renoncé du même coup à sa part d’héritage.

Pour financer son journal, Fabre cherche des alliances politiques. Il prend part aux élections municipales à Québec et obtient les contrats de publicité de la ville à partir de 1869. Fabre est candidat dans Québec à une élection fédérale partielle le 28 mars 1873. Battu « par un gosse de riche », du nom d’Adolphe-Philippe Caron, il se console bientôt avec une nomination au Sénat canadien, par le gouvernement libéral d’Alexander Mackenzie*, le 5 février 1875. Il confie alors son journal à Nazaire Levasseur*. En janvier 1877, il est à Paris, avec sa femme et son fils. Il y avait déjà séjourné en 1857 et 1860. De toute évidence, il ne tient plus en place ! Il rentre seul au Canada pour quelques semaines et retrouve les siens en mai de la même année. Deux ans plus tard, il est à nouveau en Europe : Angleterre, Suisse et France.

En septembre 1880, Fabre repart pour Paris. À son retour, en mai, il revoit son ami Joseph-Adolphe Chapleau*. Ce dernier, qui est alors premier ministre, quitte Québec dès la fin de la session avec sa femme et Louis-Adélard Senécal*, également accompagné de sa femme. Sans qu’on sache très bien le rôle qu’il a joué, il est certain que Fabre a été mêlé aux négociations qui ont donné naissance au Crédit foncier franco-canadien. Il est également évident que le trio Chapleau, Senécal et Fabre conçoit alors le projet d’ouvrir à Paris un poste permanent de représentant de la province de Québec.

Dès le début de 1882, le conseil des ministres est saisi d’un rapport concernant « la nomination d’un agent général de la Province de Québec en France, avec résidence à Paris ». Le premier ministre Chapleau, à titre de commissaire des Chemins de fer, souligne le rôle accru du « capital français », « des projets importants de colonisation » qui concernent « des cultivateurs français, belges et flamands », la nécessité de « faciliter les rapports entre les promoteurs de ces entreprises en Europe, et les personnes ou les compagnies qui, dans cette province, s’associent à ces entreprises, et surtout [... de] faciliter et donner les renseignements nécessaires au succès de ces opérations ». Puisque celles-ci « ont pris naissance et s’élaborent en France, en Belgique et dans l’Allemagne Occidentale », la ville de Paris est désignée comme « le centre [...] le plus convenable ». Hector Fabre devra s’y installer. Le rapport en fait le « représentant attitré du gouvernement de Québec pour toutes les négociations qui ressortent des attributions de la province, agissant en cela sous les instructions qu’il recevra de temps à autre du gouvernement de Québec ». Outre un rôle d’information, Fabre reçoit nettement un mandat économique et « jusqu’à nouvel ordre, le dit agent relèvera immédiatement du département du premier ministre de la province ».

Le 4 mars 1882, le lieutenant-gouverneur approuve « l’arrêté du Conseil exécutif en date du 28 février ». Fabre et sa femme sont aux anges. Tous deux adorent Paris. Selon l’historien Robert Rumilly*, Flora Fabre y deviendra « une des plus jolies femmes du corps diplomatique, petite mais faite à ravir, et gracieuse et mondaine ». Mais Paris coûte cher. Pour être efficace et bien paraître, il faut de l’argent. Fabre, qui a surtout accumulé des dettes avec l’Événement, trouve un peu maigre le traitement annuel de 2 000 $, auquel s’ajoute une allocation de 500 $ pour frais d’installation et frais de bureau. Qu’à cela ne tienne ! On verra en temps et lieu. Surtout que la petite controverse qui entoure sa nomination suggère que ce n’est guère le moment d’insister.

À peine est-il débarqué à Paris que Fabre est aussitôt rejoint par Chapleau et Senécal. Il leur doit sa nomination. Il leur devra aussi une rapide amélioration de sa situation. Senécal, qui entend partager des bureaux avec Fabre, s’occupe de l’installation matérielle.

Chapleau, premier ministre du Québec, vient d’accepter de jouer à la chaise musicale avec Joseph-Alfred Mousseau*, ministre à Ottawa. Cette permutation étonnante est complétée par sir John Alexander Macdonald* en juillet 1882. Chapleau travaille alors à convaincre le gouvernement fédéral qu’il lui serait profitable d’utiliser lui aussi les services de ce représentant « québécois » à Paris. Évidemment, la question n’est pas simple. Que dira Londres ? Si la première réaction est négative, certains, comme le ministre de la Milice et de la Défense Adolphe-Philippe Caron, son ancien adversaire dans Québec en 1873, y voient toutefois des avantages. Caron considère qu’un mandat fédéral pourrait obliger Fabre à quitter le Sénat, d’où un libéral de moins. Son beau-frère, Pierre-Antoine De Blois, pourrait combler le siège vacant. Fabre en arrive donc à renoncer au Sénat en juillet et, « avec le consentement du gouvernement de Québec », à accepter de représenter également le gouvernement du Canada « pendant une période n’excédant pas trois ans ». Il conservera ce double mandat jusqu’à sa mort et recevra, pendant toutes ces années, un salaire équivalent de chaque gouvernement.

Quand se posera le problème de la succession de Fabre, en 1910, au moment où le secrétariat d’État aux Affaires extérieures viendra d’être mis sur pied, Joseph Pope*, alors sous-ministre, interprétera l’arrangement de 1882 et rappellera l’autorité du haut-commissaire du Canada à Londres. Des instructions datées du 3 octobre 1882 enjoignaient Fabre « de se conformer à toutes les instructions qu’il pourrait recevoir du haut-commissariat à Londres ». Où sont ces instructions ? Pope les résume mais ne les cite pas. Il est par ailleurs connu que l’ambassadeur britannique à Paris n’était pas très content de l’arrivée de Fabre et le bouda copieusement. Il se considérait en effet comme le représentant du dominion du Canada tout autant que de l’Angleterre. L’écrivain Gérard Parizeau raconte que la princesse Louise* Caroline Alberta, épouse du marquis de Lorne [Campbell*] qui fut gouverneur général du Canada de 1878 à 1883, est intervenue personnellement : « Si vous ne voulez pas recevoir le représentant du Canada, avait-elle dit à l’ambassadeur britannique, recevez au moins mon ami, M. Fabre. » Ils s’étaient en effet souvent rencontrés à Ottawa au cours des années précédentes.

Fabre aura des relations plus faciles avec le haut-commissaire canadien à Londres, Alexander Tilloch Galt*, et surtout avec son successeur, en 1883, sir Charles Tupper*. Ce dernier n’est nullement gêné par le mandat de Fabre, qui concerne surtout le développement des activités commerciales entre la France et le Québec ou le Canada. Comme moyen d’action, Fabre a tôt fait de rêver d’un journal. Deux ans après son arrivée en France, il fonde Paris-Canada. Ce journal, lien entre les Canadiens qui séjournent en Europe, lui permet de mieux faire connaître le Canada, ses produits et ses occasions d’investissements. Dans le premier numéro, il explique le statut politique du Canada, « sorte d’État souverain dont la seule servitude est de rendre foi et hommage à la suzeraineté qui lui a gracieusement accordé tous les avantages de l’indépendance ».

La lecture de Paris-Canada, qui paraîtra de façon plus ou moins régulière jusqu’en 1909, permet de suivre l’activité de Fabre, diplomate. Dans les premières années de son mandat, il sillonne la France et prononce un nombre considérable de conférences. En même temps, sa porte s’ouvre sur un flot continu de visiteurs du Québec et du Canada. Chapleau est à Paris en 1882 et à nouveau en 1893, le curé François-Xavier-Antoine Labelle*, en 1885, Honoré Mercier*, premier ministre, en 1888 et 1891, et à titre privé, à l’hiver de 1892–1893, le commissaire adjoint aux Travaux publics Siméon Le Sage et ses deux filles, en 1895, sir Wilfrid Laurier*, en 1897 et 1902, Joseph-Israël Tarte, en 1899 et 1900, et le premier ministre Lomer Gouin*, en 1907. Tout ce beau monde demande beaucoup de soins et d’attentions. Avec les années, Fabre se constitue un puissant réseau d’amis. Aux hommes politiques, il organise des rencontres au plus haut niveau ; aux artistes, il déniche des occasions et assure d’importants contacts. En général, son travail est apprécié. Parfois il en profite pour demander une aide financière accrue.

Au début de 1889, Flora Fabre se permet d’écrire au premier ministre Mercier. Ne lui a-t-il pas déjà indiqué qu’il ne pouvait rien lui refuser ? Sans une aide spéciale, les Fabre devront en effet sous-louer leur appartement parisien et passer l’été à la campagne. Le 24 avril 1889, le premier ministre leur annonce une somme de 1 000 $ qui sera suivie d’une autre de 2 000 $, sommes fabuleuses si l’on se souvient que le salaire annuel versé par chaque gouvernement était de 2 000 $. En juin, nouvelle lettre du premier ministre Mercier qui se dit très ennuyé : les Fabre auraient quand même quitté leur appartement pour l’été. Il attend un démenti. En juillet, il fait bloquer l’envoi de la seconde allocation. Mme Fabre explique que l’annonce de cet envoi est arrivée au moment où ils venaient de sous-louer leur appartement. Elle parle des jaloux. Le 29 juillet, Mercier envoie une dépêche par câble à Flora Fabre. Il ne promet rien ; il doit réunir ses collègues. Le 14 août, l’allocation est votée. Au printemps de 1891, les Fabre auront l’occasion de manifester leur reconnaissance au premier ministre. Celui-ci s’annonce pour six mois. Arrivé le 21 mars 1891 en compagnie du trésorier de la province, Joseph Shehyn*, il est plein de projets. Tout comme en 1888, il veut négocier un emprunt important. Pour l’essentiel, cette mission qui se termine le 7 juillet est un succès malgré l’agitation des financiers anglais. Fabre hérite cependant de quelques petits problèmes, dont un troupeau de taureaux que les lignes maritimes anglaises refusent de transporter. Le 7 août, Mercier remercie Fabre et lui envoie quelques factures personnelles à régler.

Chapleau, pour sa part, préfère les vins aux taureaux. En 1892, comme ministre des Douanes, il s’intéresse à leur importation. Il souhaite des négociations directes entre la France et le Canada. Les Anglais, en octobre 1892, donnent leur accord de principe. Malgré la démission de Chapleau en novembre suivant, un traité commercial est signé entre le Canada et la France le 6 février 1893. Il s’agit du premier traité signé par le Canada avec un pays européen. Mais des objections se manifestent. Les Parlements tardent à entériner cette signature. Londres revient sur son accord et, en octobre 1895, n’a toujours pas ratifié le traité. Finalement, un nouveau traité commercial sera signé en septembre 1907.

Les Fabre ont un fils, Paul. En février 1892, celui-ci devient secrétaire de la rédaction de Paris-Canada et, deux ans plus tard, directeur du journal. Ce dernier doit s’autofinancer. Il faut pour le fils un poste rémunéré. Le 2 octobre 1896, le gouvernement le nomme secrétaire du Commissariat de la province de Québec à Paris avec un traitement de 500 $. Mais le salaire de son père devra être diminué d’autant, suivant en cela la recommandation d’Hector Fabre lui-même qui avait sans doute été pris à son propre jeu. Toutefois, Fabre ne désarme pas : il multiplie les interventions auprès des autorités fédérales. Fondateur du cercle théâtral et artistique Le Gardenia, acteur et critique théâtral, Paul Fabre transforme les salons du commissariat en un véritable centre culturel qui rayonne dans tout le milieu artistique parisien. La bonne humeur et le dynamisme de Paul cachent mal cependant une santé fragile. En 1901 et 1902, Hector Fabre se fait plus pressant pour son fils. La visite de Laurier et de sa femme lui redonne espoir. Hélas, Paul meurt le 18 décembre.

Siméon Le Sage, qui a lui-même mis du temps à se remettre de la mort de sa femme en 1879, essaie de distraire son vieil ami. Il veut lui confier son propre fils, Jules, pour un temps. Louis-Amable Jetté, devenu lieutenant-gouverneur de la province de Québec en 1898, s’amène pour trois mois à l’automne de 1903 avec sa femme et leur fille. L’amitié de Le Sage et de Jetté réconforte un père que la vie à l’étranger avait sans doute rapproché d’un fils unique avec lequel il avait institué, à partir de 1887, l’habitude de célébrer à Paris la Saint-Jean-Baptiste. En octobre 1893, une autre tradition avait vu le jour avec la fondation de La Boucane, société destinée à combattre un peu le cafard des « exilés canadiens » qui, avec les années, sont de plus en plus nombreux. Ils se font plus présents aussi. Artistes, hommes d’affaires, étudiants défilent au 10, rue de Rome, où est installé, depuis 1887, ce qu’on appelle le Commissariat général du Canada. Le Canada en France, c’est bien sûr le gouvernement fédéral, mais c’est surtout la province de Québec. Le terme « Canadiens » est synonyme de Québécois ou tout au moins de Canadiens français. Ceux-là justement qui ont connu un exode massif vers la Nouvelle-Angleterre tandis que l’immigration en provenance d’Europe s’intensifiait. Les milieux nationalistes réclament une immigration francophone. En 1902, on évalue à 400 le nombre d’immigrants français venus au Canada. Sous l’impulsion principale du journaliste Olivar Asselin*, un agent d’immigration est nommé à Paris en 1903 : Paul Wiallard. Il portera le titre de sous-commissaire canadien en France. Hector Fabre ne se croise pas les bras pour autant. Il reprend la route, sillonne à nouveau la France, obtient des appuis importants parmi le clergé catholique français. Mais les milieux anticléricaux veillent. La population de la France est en décroissance. Les lois interdisent toute propagande favorisant l’émigration. Le consul de France à Montréal s’oppose fortement dans ses dépêches aux Affaires étrangères, à la campagne canadienne en faveur de l’émigration. Georges-Benjamin Clémenceau, président du Conseil et ministre de l’Intérieur, intervient lui-même en 1909 et diffuse une importante circulaire pour dénoncer les difficultés d’adaptation au Canada : travail dur, climat extrêmement rigoureux, communications difficiles et importance de l’anglais. Y a-t-il un lien de cause à effet ? Hector Fabre abandonne la publication de Paris-Canada en janvier 1910. Les efforts des Canadiens atteignent un sommet en 1910 : 2 000 immigrants français gagnent le Canada.

Depuis les retrouvailles de la Capricieuse en 1855 [V. Paul-Henry de Belvèze*], moins de 50 000 Français ont immigré au Canada, soit le dixième du nombre qui a gagné les États-Unis. Les succès des années 1909–1910 sont une bien mince consolation pour un Hector Fabre vieilli et malade qui s’éteint doucement le 2 septembre 1910 au Chesnay, près de Paris. Il sera inhumé au cimetière de Boulogne-sur-Seine, aux côtés de son fils Paul.

Homme de culture et homme d’action, bon vivant, un brin arriviste, diplomate dans l’âme, Hector Fabre a su saisir les bonnes occasions, tant pour lui-même que pour les deux gouvernements dont il défendait habilement les intérêts, dans une France qu’il connaissait bien et aimait profondément. Il a ouvert la voie à l’action internationale du Canada et posé les premiers jalons d’une représentation québécoise à l’étranger.

Sylvain Simard et Denis Vaugeois

Hector Fabre est l’auteur d’articles de journaux, de conférences et d’essais, parmi lesquels : Esquisse biographique sur Chevalier de Lorimier (Montréal, 1856) ; « Causerie », la St.-Jean-Baptiste à Québec (Québec, 1865), 63–79 ; Confédération, Indépendance, Annexion ; conférence faite à l’Institut canadien de Québec, le 15 mars 1871 (Québec, 1871) ; l’Élection du comté de Québec ; pourquoi j’ai été battu ([Québec ?, 1873 ?] ; Chroniques ([Québec ?], 1877) ; le Canada [...] (Paris, 1884) ; le Canada ; conférence faite à Roubaix en avril 1886 (Lille, France, 1886) ; et trois discours, publiés dans Conférences et Discours de nos hommes publics en France, Georges Bellerive, édit. (Québec, 1902), 135–171.

AN, MG 26, G.— ANQ-M, CE1-51, 9 août 1834.— ANQ-MBF, CE2-2, 3 août 1864.— ANQ-Q, P-149.— Centre de recherche en civilisation canadienne-française (Ottawa), P 159 ; Ph 84.— Le Canadien, 28 juin 1865.— La Presse, 28 févr. 1885.— À la mémoire de Alphonse Lusignan : hommage de ses amis et confrères [...] (Montréal, 1892), 265–270.— Raoul Dandurand, les Mémoires du sénateur Raoul Dandurand (1861–1942), Marcel Hamelin, édit. (Québec, 1967).— L.-M. Darveau, Nos hommes de lettres (Montréal, 1873), 230–241.— L.-O. David, Souvenirs et Biographies, 1870–1910 (Montréal, 1911), 179–191.— DOLQ, 1.— Hamel et al., DALFAN, 491.— J.-S. Lesage, Notes biographiques ; propos littéraires (Montréal, 1931), 252–257.— Gérard Parizeau, la Chronique des Fabre (Montréal, 1978).— Jean Piquefort [A.-B. Routhier], Portraits et Pastels littéraires (3 tomes en 1 vol., Québec, 1873).— J.-L. Roy, Édouard-Raymond Fabre, libraire et patriote canadien (1799–1854) : contre l’isolement et la sujétion (Montréal, 1974).— Armand Yon, le Canada français vu de France (1830–1914) (Québec, 1975).

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Sylvain Simard et Denis Vaugeois, « FABRE, HECTOR (baptisé Louis-Roch-Hector) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/fabre_hector_13F.html.

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Auteur de l'article:    Sylvain Simard et Denis Vaugeois
Titre de l'article:    FABRE, HECTOR (baptisé Louis-Roch-Hector)
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
Année de la révision:    1994
Date de consultation:    1 décembre 2024