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BÉDARD, ELZÉAR, avocat, homme politique et juge, né le 24 juillet 1799 à Québec, deuxième fils de Pierre-Stanislas Bédard*, avocat et député, et de Luce Lajus, fille de François Lajus*, médecin de Québec ; le 15 mai 1827, il épousa dans la même ville Julie-Henriette Marett, fille de James Lamprière Marett, négociant, et ils eurent une fille qui mourut en bas âge ; décédé le 11 août 1849 à Montréal.
Elzéar Bédard fit ses études classiques au séminaire de Nicolet de 1812 à 1814, puis au petit séminaire de Québec où il termina son cours en 1818. À la fin de ses études, il prit la soutane et fut tonsuré en même temps que son ami Pierre-Martial Bardy* par Mgr Joseph-Octave Plessis*. Il renonça par la suite à l’état ecclésiastique et, en 1819, il entreprit son stage de clerc dans le cabinet d’Andrew Stuart, avocat en vue de Québec. Il fut admis au barreau le 17 août 1824.
Comme beaucoup de ses confrères, Bédard se lança très tôt dans la politique provinciale. Aux élections générales de 1830, il se porta candidat conjointement avec Pierre Marcoux dans la circonscription de Kamouraska, mais tous deux furent défaits à plates coutures par Amable Dionne* et Charles-Eusèbe Casgrain. La même année, il participa avec Étienne Parent*, René-Édouard Caron*, Jean-Baptiste Fréchette et Hector-Simon Huot à la cueillette des fonds nécessaires à la relance du quatrième Canadien. Le journal, dont le premier numéro parut le 7 mai 1831, eut son bureau au « Foyer politique du district de Québec », rue de la Montagne (côte de la Montagne), et représenta les intérêts du groupe modéré de Québec. Puis, à une élection partielle tenue le 31 juillet 1832, Bédard fut élu sans concurrent député de la circonscription de Montmorency laissée vacante par Philippe Panet*, qui venait d’être nommé juge de la Cour du banc du roi. Il conserva son siège aux élections générales de 1834.
À la chambre d’Assemblée, Bédard joignit les rangs du parti de Louis-Joseph Papineau* et, le 17 février 1834, il présenta les fameuses Quatre-vingt-douze Résolutions. Cependant, les historiens ont grandement minimisé le rôle joué par Bédard dans l’élaboration du programme du parti patriote. Selon Thomas Chapais*, ces résolutions, préparées au domicile de Bédard par Papineau, Augustin-Norbert Morin*, Louis Bourdages* et Bédard lui-même, avaient été fortement inspirées par Papineau et rédigées par Morin. D’après François-Xavier Garneau*, on modifia même le texte des résolutions afin de rallier Bédard qui faisait déjà preuve de tiédeur. Et Chapais ajoutait à ce propos : « comme on désirait plaire à M. Bédard, quelque peu vaniteux, on lui en confia la présentation ».
Les Quatre-vingt-douze Résolutions, après avoir souligné la fidélité du peuple canadien à l’Empire britannique, constituaient une charge à fond de train contre le système existant à l’époque. Les auteurs critiquaient le fonctionnement du Conseil législatif qu’ils voulaient électif et réclamaient des institutions plus populaires et plus conformes aux vœux et aux mœurs des habitants du Bas-Canada. Ils dénonçaient le fonctionnement de l’appareil judiciaire, l’exclusion des Canadiens de l’administration coloniale de même que la loi relative à la tenure des terres adoptée par le Parlement de Londres. En outre, ils condamnaient d’une manière générale toute l’administration financière du gouvernement et réclamaient pour la chambre d’Assemblée les mêmes pouvoirs, privilèges et immunités que ceux qui étaient dévolus au Parlement britannique. Ils demandaient enfin le rappel du gouverneur en chef, lord Aylmer [Whitworth-Aylmer].
Papineau défendit vigoureusement les Quatre-vingt-douze Résolutions, mais, fit observer Michel Bibaud*, Bédard « put à peine dire quelque chose à leur soutien [...] il n’y eût que M. Papineau qui en parût connaître le fond ». Quoi qu’il en soit, les résolutions furent adoptées à 56 voix contre 23 après cinq jours de débats, le 21 février 1834. Il convient toutefois d’ajouter qu’en décembre de la même année Bédard agissait encore comme secrétaire du Comité de correspondance de Québec, qui s’occupait des griefs des Canadiens formulés dans les Quatre-vingt-douze Résolutions.
C’est surtout durant la session de 1835–1836 que Bédard joua un rôle politique plus important. Considéré au sein du parti patriote comme le chef du groupe modéré qu’on appelait le « parti de Québec », où figuraient aussi René-Édouard Caron et George Vanfelson*, Bédard, qui ne suivait la majorité qu’à contrecœur, prenait de plus en plus ses distances vis-à-vis de Papineau. Les « modérés » de Québec reprochaient ouvertement à Papineau son intransigeance et se montraient beaucoup plus conciliants envers le nouveau gouverneur en chef, lord Gosford [Acheson]. Il faut dire que lors d’un grand bal donné à l’occasion de la Sainte-Catherine, le 25 novembre 1835, lord Gosford avait eu des prévenances particulières à l’égard de Mme Bédard, voulant ainsi manifester son désir de se rapprocher de Bédard et de ses partisans. Malheureusement, lorsque Bédard fut nommé juge de la Cour du banc du roi le 22 février 1836 par lord Gosford, en remplacement de James Kerr, ses adversaires, les radicaux du parti patriote, exploitèrent à fond cette nomination par trop évidente et la virent comme un acte de corruption. Ils donnèrent par ironie le surnom de « petite famille » à Bédard et à ses amis, qu’ils considéraient comme des hommes plus prompts à servir leurs propres intérêts que ceux de leur pays.
Entre-temps, Bédard s’était également intéressé à la politique municipale. Aux premières élections de la ville de Québec, le 25 avril 1833, il avait été élu sans concurrent l’un des conseillers du quartier Saint-Louis. Six jours plus tard, le 1er mai, le conseil municipal l’élisait premier maire de Québec par 12 voix contre 8 à Caron. Sous la gouverne de Bédard, le conseil définit sa propre régie interne, adopta les règles qui touchaient les devoirs du maire, des conseillers et du secrétaire et délimita les tâches des futurs employés municipaux. De plus, le maire et son conseil durent s’occuper de l’organisation policière, sanitaire et financière de la ville. Aux élections municipales du 25 mars 1834, Bédard conserva son siège de conseiller mais, six jours plus tard, le 31 mars, le conseil lui préféra Caron au poste de maire par une seule voix de majorité. Selon la Gazette de Québec et le Quebec Mercury, cette défaite était imputable à la conduite politique de Bédard pendant le débat sur les Quatre-vingt-douze Résolutions. Narcisse-Eutrope Dionne* attribua plus tard la raison de ce changement au fait qu’« [on] allégua [...] que c’eût été consacrer un mauvais précédent que de garder un maire en sa fonction pendant plus d’un an ». Bédard abandonna la politique municipale le 3 avril 1835.
La carrière de juge de Bédard ne fut pas non plus exempte de soubresauts. En effet, durant la période des troubles, Bédard et Philippe Panet acquiescèrent le 21 novembre 1838 à des demandes d’habeas corpus en faveur de John Teed, tailleur de Québec. Les deux juges passaient ainsi outre à des ordonnances du Conseil spécial qui interdisaient la loi de l’habeas corpus introduite en 1784. Le 10 décembre suivant, Bédard et Panet étaient suspendus de leurs charges de juges par sir John Colborne*.
Le 26 décembre 1838, Bédard partit de New York pour aller défendre sa cause en Angleterre. On ne sait ce qu’il advint de ses démarches, mais il fut réhabilité avec Panet le 8 août 1840 par le gouverneur en chef Charles Edward Poulett Thomson. Bédard siégea à Québec jusqu’en 1848. Il passa par la suite à Montréal où il eut une dispute de préséance avec son confrère puîné, Charles Dewey Day* ; ce litige fut porté jusque devant le comité judiciaire du Conseil privé de Londres. Ce n’est que sur son lit de mort qu’il apprit par le premier ministre de la province du Canada, Louis-Hippolyte La Fontaine*, que le gouvernement britannique s’était prononcé en sa faveur. Bédard mourut prématurément à Montréal le 11 août 1849, à l’âge de 50 ans, pendant une épidémie de choléra.
Un des notables de son époque, promu à de hautes fonctions, Elzéar Bédard connut une existence pour le moins mouvementée. Que ce soit comme personne ou à titre de député, de maire ou de juge, il semble que l’adversité l’ait poursuivi sans relâche. Cette adversité s’explique en partie par le fait qu’au cours de la période troublée des années 1834 à 1839, où l’exaspération et l’extrémisme régnaient, Bédard fit montre de modération devant Papineau et ses partisans et sut garder son intégrité face aux décrets de Colborne et du Conseil spécial. Toutefois, les historiens ont minimisé le rôle qu’il joua dans la préparation des Quatre-vingt-douze Résolutions. Quant à la mairie de Québec, elle lui échappa de justesse après moins d’un an de pouvoir. Le persiflage salua sa nomination à la charge de juge ; suspendu de cette dernière fonction, puis réhabilité, il mourut après une dernière querelle relative à une question de préséance sur le banc. Même sa mort semble empreinte d’ironie, puisqu’il fut emporté sans postérité et peu fortuné par la dernière épidémie de choléra au Bas-Canada. Sa femme ainsi qu’une fille adoptive, Hélène, née Ellen McEnes, qui avait épousé en avril 1849 Joseph-Amable Berthelot, avocat et futur juge, lui survécurent.
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Claude Vachon, « BÉDARD, ELZÉAR », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/bedard_elzear_7F.html.
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Auteur de l'article: | Claude Vachon |
Titre de l'article: | BÉDARD, ELZÉAR |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1988 |
Année de la révision: | 1988 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |