STUART, ANDREW, avocat, homme politique, fonctionnaire et auteur, né le 25 novembre 1785 à Cataraqui (Kingston, Ontario), fils de John Stuart* et de Jane Okill ; il épousa Marguerite Dumoulin, et ils eurent deux fils, dont Andrew*, puis en secondes noces Jane Smith, et de ce mariage naquirent trois filles et un fils ; décédé le 21 février 1840 à Québec.

Issu d’une famille nombreuse, Andrew Stuart était le cinquième fils du ministre de l’Église d’Angleterre John Stuart. Établis à Cataraqui depuis 1785, les Stuart, beaucoup plus par l’influence du père que par leur fortune, faisaient partie de l’élite de l’endroit. Andrew eut le privilège d’avoir comme précepteur pendant quelques années John Strachan*, puis il alla poursuivre ses études à l’Union College de Schenectady, dans l’État de New York. Il fit son droit au Bas-Canada et on l’admit au barreau le 5 novembre 1807. À l’instar de son frère James*, il allait exercer la profession d’avocat.

En quelques années, Stuart réussit à se tailler une place fort enviable dans le domaine juridique et, malgré l’âpre compétition, il devint l’un des avocats les plus en demande et les mieux rémunérés de la région de Québec. En fait, il était de toutes les causes importantes. Ainsi au début de sa carrière il défendit avec brio Pierre-Stanislas Bédard* qu’on avait emprisonné, en mars 1810, sur les ordres de sir James Henry Craig*. Il ne réussit cependant pas à lui obtenir une ordonnance d’habeas corpus de la Cour du banc du roi. Tout comme François Blanchet* et Jean-Thomas Taschereau* arrêtés en même temps que lui, Bédard participait à la rédaction du journal le Canadien. Le choix de Stuart à titre de défenseur s’explique par le fait qu’il entretenait des rapports fort étroits avec Bédard, lequel considérait les frères Stuart comme des « amis des Canadiens ». Stuart fut aussi l’avocat du séminaire de Saint-Sulpice, à Montréal, qui devait défendre la propriété de ses biens contre les prétentions de la couronne [V. Jean-Henry-Auguste Roux*]. La clientèle de Stuart se composait également de financiers et de marchands prospères de Québec, en particulier ceux qui avaient fondé la Banque de Québec en 1818 [V. John William Woolsey*]. Conseiller juridique des administrateurs de la banque, il sut, en plusieurs occasions, les tirer d’un mauvais pas. Ces hommes ne manquaient certes pas d’expérience dans le domaine des affaires, mais ils ne purent que se féliciter de s’être alliés à un juriste aussi renommé.

Il s’avérait intéressant également pour un jeune avocat de s’associer à Stuart. Ce fut le cas de Henry Black* qui, reçu au barreau en 1820, pratiqua sa profession durant un bon nombre d’années en société avec Stuart. Plusieurs jeunes gens qui devaient par la suite s’illustrer auprès de leurs contemporains poursuivirent chez eux leur apprentissage. Joseph Bouchette, ami de Stuart, lui confia au début des années 1820 son fils Robert-Shore-Milnes*, et William Locker Pickmore Felton*, futur député libéral-conservateur, fit aussi un stage de clerc dans l’étude de Stuart et de Black. D’autre part, la communauté irlandaise de Québec fit appel à eux en 1831 lorsqu’elle voulut acquérir un terrain destiné à la construction d’une église catholique pour les anglophones [V. John Cannon*].

Joseph-Guillaume Barthe* rappelle dans Souvenirs d’un demi-siècle le procès d’un Indien que la Hudson’s Bay Company accusait de meurtre et de brigandage. Andrew Stuart, entouré de plusieurs confrères, occupait le banc de la défense et James Stuart représentait la couronne. Le procès dura une semaine entière et donna aux deux frères l’occasion d’échanger moult arguments. Ces passes d’armes entre les deux Stuart n’étaient pas destinées à amuser la galerie, mais elles faisaient bien un peu partie du jeu. Une autre cause qui opposait Toussaint Pothier et Marie-Amable Foretier* offrit par ailleurs l’occasion à Andrew de remplacer son frère. Ce dernier en avait assez, semble-t-il, d’affronter Joseph-Rémi Vallières de Saint-Réal qui ne manquait certes pas de panache dans ses plaidoiries.

Stuart déploya également beaucoup d’énergie dans un autre domaine qui constituait en fait un pendant à sa carrière de juriste : celui de la politique. Il s’y engagea assez tôt, à une époque où la vie politique du pays était en train de se transformer. C’est sous la bannière du parti canadien qu’il se fit élire comme député de la Basse-Ville de Québec à la chambre d’Assemblée du Bas-Canada. Il représenta cette circonscription du 13 mai 1814 au 9 février 1820, puis celle de la Haute-Ville de Québec, du 25 juillet 1820 au 2 septembre 1830. Le parti canadien comptait alors dans ses rangs quelques anglophones, notamment John Neilson et les frères Stuart, pour qui les droits de l’Assemblée l’emportaient sur les prérogatives de la couronne. Les deux frères en vinrent à exercer un ascendant certain sur le parti dont les membres les plus influents avant 1815 résidaient à Québec. Le lien colonial et les institutions britanniques n’étaient pas encore contestés (ils le seront vers 1830) et c’est avant tout la fameuse question des subsides qui devint leur cheval de bataille.

Aux élections de 1834, Stuart se représenta dans la Haute-Ville, mais il fut battu. Il avait depuis quelque temps déjà quitté les rangs du parti canadien afin de joindre le camp ministériel. Il semble bien que ce changement d’orientation soit attribuable à une certaine fidélité à sa ligne de pensée plutôt qu’à des rapports d’influence au sein même du parti canadien, devenu en 1826 le parti patriote. Louis-Joseph Papineau*, qui le dirigeait, avait radicalisé ses positions et, même s’ils n’étaient pas nombreux, les députés qui voulaient comme Stuart limiter leur engagement à la réalisation de réformes administratives préférèrent abandonner le parti.

Stuart se révéla par la suite un farouche adversaire de Papineau. De nouveau député de la Haute-Ville de Québec, du 26 mars 1836 au 27 mars 1838, en remplacement de René-Édouard Caron* qui avait démissionné de son siège, il en vint à défendre le projet d’union du Haut et du Bas-Canada. À titre de président de l’Association constitutionnelle, qui comptait aussi parmi ses membres William Bristow*, Thomas Cushing Aylwin*, George Pemberton et Neilson, il se rendit en Angleterre en 1838 afin de promouvoir la cause de l’union. Le 25 octobre de la même année, on le nomma solliciteur général, fonction qu’il occupera jusqu’à son décès.

Les talents de juriste de Stuart conjugués à son engagement politique contribuèrent sans doute à lui ouvrir plus d’une porte. Il réussit aussi à acquérir une notoriété certaine en fréquentant les cercles littéraires et les sociétés savantes de son temps. Il fit partie, avec son frère James, du cercle d’amis de Louise-Amélie Panet qui tenait salon à son manoir de Sainte-Mélanie. Outre les frères Stuart, Jacques Viger*, Denis-Benjamin Viger* et Papineau s’y rendaient.

L’intérêt de Stuart pour la littérature, l’histoire et les sciences l’amena à rédiger plusieurs articles et ouvrages qui dénotent des connaissances approfondies de ces sujets. Élu président de la Société littéraire et historique de Québec en 1832, il présenta devant les membres de cet institut plusieurs conférences sur des sujets aussi variés que la poésie ancienne et l’histoire romaine. De plus, il fournit plusieurs essais intéressants qui furent publiés par cette société.

Le 23 février 1828, on avait nommé Andrew et David Stuart commissaires chargés d’explorer l’intérieur des terres relevant des postes du roi dans la région située au nord du Saint-Laurent et de son golfe. Accompagnés du géologue Frederick Henry Baddeley*, lui aussi membre de la Société littéraire et historique de Québec, ils visitèrent et étudièrent cette région. En 1831, la société publia sous le titre de Rapport des commissaires nommé pour l’exploration du pays, borné par les rivières Saguenay, Saint-Maurice et Saint-Laurent, le rapport qu’Andrew rédigea. Stuart contribua aussi d’une façon plus tangible au développement de cette association en lui permettant d’obtenir du gouvernement une première subvention destinée à la publication des mémoires de la société. À l’occasion, il fit quelques dons personnels à sa bibliothèque et à son musée.

Stuart fit aussi partie de la Société pour l’encouragement des sciences et des arts en Canada dont il devint vice-président. Cette association qui vit le jour à Québec en 1827 poursuivait des buts similaires à ceux de la Société littéraire et historique. Les membres les plus actifs de l’une se retrouvaient d’ailleurs souvent à la tête de l’autre. Sir James Kempt* intervint finalement en faveur de leur fusionnement en 1829. Ces sociétés savantes regroupaient, il va sans dire, l’élite intellectuelle de la ville. Andrew Stuart y retrouvait son confrère Henry Black ainsi que ses amis Joseph Bouchette et John Charlton Fisher. De plus, Stuart collabora régulièrement à la rédaction du Star and Commercial Advertiser/l’Étoile et Journal de Commerce, qui parut à Québec de 1827 à 1830. Puis, avec Fisher, il recueillit les renseignements qui servirent à Alfred Hawkins* pour la rédaction de son ouvrage historique, Hawkins’s picture of Quebec ; with historical recollections, qu’il publia en 1834 à Québec.

Andrew Stuart et son frère James obtinrent tous les deux une grande notoriété dans le domaine du droit où ils excellaient, quoiqu’ils n’aient pas acquis tout à fait la même réputation. Tous deux étaient renommés pour leur éloquence, mais Andrew faisait preuve, semble-t-il, de plus d’indulgence dans l’exercice de sa profession et ses plaidoiries recelaient plus souvent de la mansuétude. Homme aux multiples intérêts, Andrew Stuart s’attira souvent des louanges de ses adversaires politiques, ce qui est somme toute assez exceptionnel.

Ginette Bernatchez

Andrew Stuart rédigea quelques articles pour le compte de la Société littéraire et historique de Québec ; ce sont : « Journey across the continent of North America by an Indian chief, about the middle of the last century, as taken from his own mouth, and reduced to writing by M. Le Page du Pratz », « Notes on the Saguenay country », « Of the ancient Etruscans, Tyrrhenians or Tuscans », qui parurent respectivement aux pages 198–218, 52–61 et 167–181 du volume 1 (1824–1829) des Trans. de cette société, et « Canadian etymologies », « Detached thoughts upon the history of civilization », publiés tous deux dans le volume 3 (1832–1837) des Trans., aux pages 261–270 et 365–386.

Stuart est aussi l’auteur de : Notes upon the south western boundary line of the British provinces of Lower Canada and New Brunswick, and the United States of America (Québec, 1830) ; Review of the proceedings of the legislature of Lower Canada in the session of 1831 [...] (Montréal, 1832) ; An account of the endowments for education in Lower Canada, and of the legislative and other public acts for the advancement thereof, from the cession of the country in 1763 to the present time (Londres, 1838) ; Succinct account of the treaties and negociations between Great Britain and the United States of America, relating to the boundary between the British possessions of Lower Canada and New Brunswick, in North America, and the United States of America (Londres, 1838).

ANQ-Q, CE1-61, 24 févr. 1840 ; P-294.— APC, MG 24, B12 ; MG 30, D1, 28 : 493–517 ; RG 68, General index, 1651–1841 : 9, 199, 202, 214, 272, 661.— Doc. relatifs à l’hist. constitutionnelle, 1819–1828 (Doughty et Story), 383.— Literary and Hist. Soc. of Quebec, Index of the lectures, papers and historical documents [...], F. C. Würtele et J. C. Strachan, compil. (Québec, 1927), v, vii, ix–x, xiv, xx, xxiv, xxviii, xl, xlii.— P.-G. Roy, les Avocats de la région de Québec, 413–417.— Barthe, Souvenirs d’un demi-siècle, 292–298, 314–317.— Ginette Bernatchez, « la Société littéraire et historique de Québec (the Literary and Historical Society of Quebec), 1824–1890 » (thèse de m.a., univ. Laval, 1979), 6, 67, 138.— J. M. LeMoine, Picturesque Quebec : a sequel to « Quebec past and present » (Montréal, 1882) ; Quebec past and present, a history of Quebec, 1608–1876 (Québec, 1876), 276, 415.— Marianna O’Gallagher, Saint-Patrice de Québec : la construction d’une église et l’implantation d’une paroisse, Guy Doré, trad. (Québec, 1979).— Benjamin Sulte, Histoire des Canadiens-Français, 1608–1880 [...] (8 vol., Montréal, 1882–1884), 8.— A. H. Young, The Revd. John Stuart, D.D., U.E.L., of Kingston, U.C., and his family : a genealogical study (Kingston, Ontario, [1920]).

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Ginette Bernatchez, « STUART, ANDREW », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/stuart_andrew_7F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1988
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