WATSON, sir BROOK, marchand et homme politique, né le 7 février 1735/1736 à Plymouth, Angleterre, fils de John Watson et de Sarah Schofield ; décédé le 2 octobre 1807 à East Sheen (maintenant partie de Londres).

Orphelin à l’âge de six ans, Brook Watson fut envoyé chez un parent éloigné, à Boston ; en 1750, il était employé par Andrew Huston à la traite avec les Français et les Indiens en Nouvelle-Écosse. En 1752, Watson devint secrétaire du lieutenant-colonel Robert Monckton* au fort Lawrence (près d’Amherst, Nouvelle-Écosse) et adjoint de Huston et du commissaire en chef Joshua Winslow. Trois ans plus tard, on l’envoya surveiller l’expulsion des Acadiens de la région de la baie Verte. En 1758, il s’associa avec Joseph Slayter, de Halifax, et forma une entreprise dont il fut le représentant pour la région de Cumberland. Il alla s’établir à Londres l’année suivante et, en 1762, s’associa à John Lymburner, frère d’Adam*, pour se lancer dans le commerce avec la province de Québec. À partir de ce moment-là, la destinée de Watson fut liée à toute une série d’associations commerciales. L’une des plus importantes se fit avec Gregory Olive, et la plus longue avec Robert Rashleigh ; à un moment donné, les trois hommes se trouvèrent associés dans la même entreprise. Leurs intérêts commerciaux se portaient sur la Nouvelle-Écosse et la province de Québec.

Les rapports de Watson avec les deux colonies s’accrurent à la suite de son association avec Joshua Mauger*. Ce dernier avait jeté les bases de sa fortune en Nouvelle-Écosse, au cours des années 1750, et y maintenait ses intérêts grâce à un réseau d’associés, tels Michael Francklin* et John Butler*. En affermissant ses propres affaires dans cette colonie, Watson travailla étroitement avec le groupe Mauger-Francklin, pour lequel il fit du lobbying à Londres. Watson se rendit à Québec en 1766 et 1767, et fit bonne impression sur le lieutenant-gouverneur Guy Carleton ; c’est vraisemblablement au cours d’une de ces visites qu’il engagea George Allsopp pour être son principal représentant à Québec. Vers 1768, Mauger, qui s’était joint quelques années plus tôt à un groupe de marchands de Londres dans une compagnie qui fournissait les marchands de Québec, amena Watson au sein de ce groupe et lui transmit la responsabilité de ses propres affaires. Parmi les diverses entreprises de Watson, on trouvait le commerce du poisson du Labrador et de la Nouvelle-Écosse avec l’Espagne, et celui des fourrures expédiées de Québec vers la Grande-Bretagne ; il se lança dans le commerce du bois et la pêche à la baleine, et, avec Christophe Pélissier*, entre autres, il avait une part dans les forges du Saint-Maurice. Au début des années 1770, il dominait le commerce de la Nouvelle-Écosse, où il avait acquis, aussi, un assez grand nombre de terres. En 1775, il envoya de Québec à ses entrepôts de Londres pour £32 000 de fourrures et pour £8 000 d’autres produits ; on a évalué que, n’eût été l’invasion américaine de la colonie cette année-là [V. Benedict Arnold ; Richard Montgomery*], il eût pu expédier des marchandises supplémentaires pour une valeur de £10 000.

Des affaires de cette envergure entraînaient naturellement des conséquences politiques. Au cours des années 1770, Watson fit des pressions en haut lieu à Londres, pour le maintien de la prime versée au commerce du bois, et, en 1775, il présenta à lord Dartmouth le plan de William Smith* pour la réorganisation de l’empire nord-américain. En mai de cette année-là, il alla à New York où il s’entretint, sur un ton conciliant, avec un certain nombre de futurs rebelles, en même temps que, privément, il condamnait le gouvernement britannique pour son manque de fermeté face à la résistance coloniale. Muni d’un laissez-passer du Congrès continental, il se rendit à Crown Point, dans la colonie de New York, et arriva dans la province de Québec, par voie de terre, le 10 juillet. Après avoir visité Montréal, il s’embarqua à Québec le 11 novembre, au début du siège de la ville ; il voyagea à bord de l’Adamant en compagnie de Joseph Brant [Thayendanegea] et des fonctionnaires du département des Affaires indiennes Christian Daniel Claus* et Guy Johnson*. Moins d’un an plus tard, le bruit courait que Carleton commandait à Watson, pour le département des Affaires indiennes, des produits en mauvais état. Les liens de plus en plus étroits entre ces deux hommes furent confirmés quand, en 1778, Carleton intervint auprès du juge en chef Peter Livius* en faveur de la réclamation de Watson dans une action en justice à laquelle se trouvait mêlé Jean-Louis Besnard*, dit Carignant Livius pencha du côté opposé à Watson et fut immédiatement démis de son poste.

En 1782, lorsque Carleton partit pour New York en tant que commandant en chef, Watson l’accompagna à titre de commissaire général. Sa principale responsabilité consistait à évacuer les Loyalistes vers la Nouvelle-Écosse, près de 30 ans après qu’il eut aidé à expulser les Acadiens de cette colonie. Watson lui-même se rendait compte de l’aspect ironique de cette situation. Malgré le côté désagréable de sa tâche, il était estimé des Loyalistes. À son retour à Londres, il s’entremit pour plusieurs individus qui réclamaient une compensation pour les pertes subies pendant la révolution et il organisa des souscriptions pour venir en aide aux indigents. La nouvelle colonie du Nouveau-Brunswick l’engagea comme représentant en 1786 ; il exerça cette fonction jusqu’en 1794. La Nouvelle-Écosse lui offrit le poste de représentant en second, mais il déclina l’offre, apparemment ; le lieutenant-gouverneur Henry Hamilton* écrivit de Québec pour dire qu’il devait être également le représentant de cette province.

Au début des années 1780, l’entreprise de Watson réalisait à elle seule environ le quart du commerce avec la province de Québec. Mais Watson fut durement frappé par la dépression qui suivit la guerre, et plusieurs de ses correspondants firent faillite. Les marchands rejetèrent une grande partie du blâme sur l’« absurde mixture des lois françaises et anglaises », qui était le « prétexte à l’oppression et aux injustices », et sur le gouverneur Haldimand, qui tolérait cette situation. Watson affirma à la chambre des Communes – il avait été élu député de la cité de Londres en 1784 – que l’Acte de Québec de 1774 avait édifié « un système de gouvernement faible et inadéquat » et qu’il désirait y voir introduire le droit anglais, en matière de commerce, spécialement. Il entretenait des liens étroits avec le parti des bureaucrates à Québec, grâce à des hommes comme le lieutenant-gouverneur Hamilton, le procureur général James Monk* et les conseillers William Grant (1744–1805) et Thomas Dunn. Il était persuadé que son intègre ami Carleton devait retourner à Québec à titre de gouverneur.

De 1784 à 1786, Watson fut le principal défenseur de Carleton auprès du gouvernement britannique. Il pouvait faire fond sur son poste de député, et, comme parent éloigné par alliance de William Pitt, compenser le manque de relations familiales de Carleton et la timidité de celui-ci, qui n’osait pas se mettre lui-même de l’avant. Quand Carleton allait à Londres, il rendait visite à Watson, et le nombre de ces visites augmenta au fur et à mesure que les négociations s’intensifièrent. Les deux hommes reçurent des pensions parlementaires, au nom de leurs femmes, le même jour de juin 1786. Lorsque Carleton retourna à Québec, après avoir été élevé à la pairie par un gouvernement peu convaincu, il amena avec lui deux des hommes de Watson : Thomas Aston Coffin, comme secrétaire civil, et William Smith, comme juge en chef. Smith s’acquitta de sa dette envers Watson, qui lui avait fait confiance, dès sa première décision comme juge en chef : l’Acte de Québec, établit-il, n’avait pas supprimé le droit anglais pour les sujets anglais.

De 1793 à 1796, Watson fut commissaire général de l’armée en Flandre et, de 1798 à 1806, commissaire général de Grande-Bretagne. Dans les dernières années de sa vie, il fut aussi président de la Lloyd’s de Londres et sous-gouverneur de la Banque d’Angleterre. L’un de ses principaux titres de gloire, parmi ses contemporains, fut le fait qu’il devint, en 1796, le premier lord-maire de Londres à n’avoir qu’une jambe. À l’âge de 14 ans, un requin lui avait en effet coupé une jambe dans le port de La Havane, à Cuba. En 1778, il avait commandé à John Singleton Copley une représentation de cette scène, dans une peinture dont les mezzo-tinto qu’on en tira devinrent vite populaires. Quand Watson fut créé baronnet, le 5 décembre 1803, ses nouvelles armoiries portaient « en écusson une jambe humaine arrachée sous le genou » de même que Neptune « repoussant un requin en train de saisir sa proie ».

Brook Watson avait épousé, en 1760, Helen Campbell, fille de Colin Campbell, orfèvre d’Édimbourg. Puisqu’il n’y avait pas d’enfants survivants, c’est un petit-neveu qui hérita du titre de baronnet.

L. F. S. Upton

Sir Brook Watson légua la peinture de John Singleton Copley, Watson and the shark (1778), au Christ’s Hospital de Londres, pour qu’elle « serve d’utile leçon » à la jeunesse. La peinture est aujourd’hui conservée à la National Gallery of Art (Washington). Une seconde version de cette peinture, toujours de la main de Copley (1778), se trouve au Boston Museum of Fine Arts, et la Beaverbrook Art Gallery (Fredericton) en possède une miniature. Le Musée du N.-B. possède une gravure de Valentine Green (1779) faite à partir de l’original (Webster coll. of Canadiana, no 1792), de même qu’une gravure française, non datée, plus grossière, qui représente la scène à l’envers.

James Bretherton exécuta en 1788 une eau-forte qui montre Watson s’adressant à la chambre des Communes, et Robert Dighton publia en 1803 une caricature en couleurs de Watson ; des copies de ces deux œuvres se trouvent au Musée du N.-B., Webster coll. of Canadiana, nos 1794, 1795. Cette collection renferme aussi un portrait non daté, exécuté par Copley. Il représente Watson en robe, laquelle a été erronément décrite comme étant celle du maire, alors qu’il s’agit peut-être de celle du shérif (no 1791) ; une autre version de cette œuvre se trouve à l’Indianapolis Museum of Art. La Webster coll. comprend également une huile peinte par un dénommé Callender (1805), Brook Watson and cattle incident at Chignecto in April, 1755 (no 1797). L’église St Mary the Virgin, à Mortlake (Londres), où Watson est inhumé, possède aussi une gravure le représentant.

Il n’existe plus aucun papier de famille ou d’affaires de Watson. Les papiers concernant son mandat de commissaire général en Amérique du Nord se trouvent au PRO, WO 60/12–15 ; en Flandre, WO 1/166–173 ; et en Grande-Bretagne, WO 58/1–57. [l. f. s. u.]

ASQ, Fonds Viger-Verreau, Carton 37, no 238.— BL, Add. mss 19071 : ff.249–250.— NYPL, Philip Schuyler papers, no 1522, Richard Montgomery à Schuyler, 13 nov. 1775.— PANS, A. J. H. Richardson, « Sir Brook Watson » (mfm) ; MG 1, 936B (transcription).— PRO, PROB 11/1470/930.— G.-B., Hist. mss Commission, The manuscripts of the Earl of Dartmouth (3 vol., Londres, 1887–1896), 2 : 82s., 262.— N.-É., House of Assembly, Journal and proc., 1784 : 96.— The parliamentary history of England from the earliest period to the year 1803, William Cobbett et John Wright, compil. (36 vol., Londres, 1806–1820), 27 : 524.— Proceedings in the case of Peter Livius ([Londres, 1790]), 37.— Smith, Diary and selected papers (Upton), 1 : 217s. ; 2 : 56, 94.— Quebec Gazette, 13 juill., 16 nov. 1775.— DNB. « State papers », APC Report, 1890 : 79.— C. A. M. Edwards, Brook Watson of Beauséjour (Toronto, 1957).— J. C. Webster, « Sir Brook Watson : friend of the loyalists, first agent of New Brunswick in London », Argosy (Sackville, N.-B.), 3 (1924–1925) : 3–25.

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L. F. S. Upton, « WATSON, sir BROOK », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/watson_brook_5F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1983
Année de la révision:    1983
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