TANSWELL, JAMES, instituteur, journaliste et fonctionnaire, né probablement le 10 mars 1744/1745 à Blandford, Dorset, Angleterre ; décédé le 25 avril 1819 à Québec.

Il est possible que James Tanswell ait étudié dans un collège de jésuites, en Europe ; lui-même, toutefois, rapporte seulement qu’il passa « les vingt premières années » de sa vie « à acquérir une formation universelle et [...] à fréquenter quelques-unes des premières écoles d’Angleterre », jusqu’à ce qu’il ouvrît sa propre école, à Londres, en 1765. Le 3 juin 1768, dans cette même ville, il épousa Ann Blacklock ; ils devaient avoir au moins cinq fils. En 1772, à la demande de plusieurs personnes de la Nouvelle-Écosse, Brook Watson et Robert Rashleigh convainquirent Tanswell de se rendre dans cette colonie « pour y implanter les arts libéraux et les sciences » ; peu après son arrivée, il obtint du gouvernement un permis l’autorisant à ouvrir à Halifax une école qu’il dirigea pendant cinq ans.

En 1778, Tanswell reçut des lettres de quelques citoyens de Québec, qui l’invitaient à aller s’y installer et lui donnaient à entendre que le gouverneur sir Guy Carleton lui avait promis sa « protection et une commission ». Tanswell pensa apparemment que, s’il se rendait à Québec, c’était d’abord pour servir de précepteur aux enfants de Carleton ; or, l’invitation s’expliquait probablement par le fait qu’on manquait d’écoles protestantes à Québec [V. John Fraser]. À l’arrivée de Tanswell, à la mi-septembre, Carleton était parti pour l’Angleterre ; mais, le 3 novembre, le gouverneur Haldimand accueillit favorablement la requête de Tanswell pour un permis de tenir une école publique, et, le 23, ce dernier ouvrit une école et un pensionnat, rue du Parloir. L’année suivante, l’établissement fut installé dans le palais épiscopal, que le gouvernement avait loué de l’évêque catholique.

Dans la Gazette de Québec du 19 novembre 1778, Tanswell annonça des cours publics et privés de lecture, d’écriture et d’arithmétique, de même que l’enseignement de la méthode comptable italienne, de l’anglais, du français, du latin, du grec, de la géographie et de diverses branches des mathématiques. « On veillera particulierement sur la conduite extérieure des Enfans, promettait Tanswell, ainsi qu’à l’avancement de leur instruction. » Il augmenta par la suite le nombre des cours pour y inclure la danse de bal, l’histoire (« l’étude la plus utile qui soit dans la vie »), l’allemand, l’espagnol, l’italien et les systèmes de Copernic et de Newton. En 1801, il mit à la disposition de sa clientèle quatre classes, en anglais et en français : lecture, écriture et arithmétique commerciale, à trois guinées par étudiant annuellement ; grammaires française et anglaise, et comptabilité, à quatre guinées ; géographie, trigonométrie et mesures, à cinq guinées ; puis latin et grec, géographie, étude des sphères, confection de cartes et de plans, astronomie, navigation, arpentage, mesurage, architecture et fortifications, à six guinées.

Tanswell enseignait tant aux garçons qu’aux filles, mais dans « des pièces distinctes ». Aux filles, pour lesquelles il ouvrit un pensionnat en 1800, on offrait « toutes les différentes Branches [nécessaires, utiles ou d’agrément] de Littérature, Langues etc. », de même que les sciences ; on mettait à leur disposition le même matériel que celui qu’utilisaient les garçons, notamment, en 1803, « un planetarium, un lunarium, un tellurium, etc., comme on n’en a[vait] jamais vu dans cette partie du globe ». Les garçons suivaient probablement le même cours, à peu de chose près, en littérature et en sciences, mais, en plus, ils étaient « promptement préparés pour l’armée, la marine, l’université, les maisons de comptabilité, la mécanique, etc., etc. ». Un sujet sur lequel Tanswell insistait pour l’un et l’autre sexe, c’était la langue ; il était aussi zélé pour aider les Britanniques à acquérir « une solide connaissance [...] de cette langue magnifique et nécessaire qu’est le français », qu’il l’était pour enseigner l’anglais aux Canadiens.

Tanswell fit un remarquable effort pour faciliter l’instruction de sa clientèle. Il offrait des cours tant aux jeunes qu’aux adultes, le matin, l’après-midi, le soir, d’abord cinq, puis six jours la semaine, en toutes saisons, et un enseignement privé entre les heures de cours réguliers. « Vu le malheur des tems à présent dans ce pays », il instruisit gratuitement, en 1789, trois jeunes Britanniques et trois jeunes Canadiens ; il doubla ce nombre l’année suivante. En octobre 1793, « sous le patronage et les directions » du prince Edward Augustus, Tanswell ouvrit l’« Ecole franche de dimanche » ; on y donnait, dans les deux langues, des cours de lecture, d’écriture et d’arithmétique, mais on portait une attention particulière à l’enseignement de l’anglais aux Canadiens. À l’autre extrémité de l’éventail social, il proposa en 1815 « de parfaire l’éducation d’un petit nombre, soigneusement choisi, de JEUNES LADIES » et d’un nombre limité de jeunes gentlemen. Vers 1814, il avait commencé à enseigner la grammaire anglaise aux élèves du séminaire de Québec, auxquels il avait pendant plusieurs années offert des prix d’excellence.

Pour venir à bout d’une si grande variété de cours, d’horaires et de sortes d’écoles, Tanswell avait besoin d’être secondé. Son fils Thomas lui apporta son concours de 1790 environ à 1803, tout en ouvrant sa propre école du soir en 1798 ; en 1804, Tanswell avait trois assistants. Pour les Tanswell, l’enseignement devint, à toutes fins utiles, une affaire de famille : en 1817, un petit-fils de James, Stephen Joseph, ouvrit lui aussi une école dans la ville. En 1801, Tanswell transféra son école dans la haute ville ; d’abord, il l’installa au marché et, par la suite, successivement dans diverses maisons. De 1778 à 1790, le nombre des écoles protestantes de Québec était passé à six ; puis ce nombre ne varia plus pendant 30 années en raison, apparemment, de la forte concurrence qui régnait entre ces établissements. Au contraire de la plupart de ceux qui ouvrirent des écoles après lui, Tanswell reçut du gouvernement, dès l’époque de son arrivée, un salaire de £100 par année, à quoi s’ajoutaient les frais ordinaires de scolarité des élèves. Pourtant, il ne trouvait pas sa « difficile, exigeante et absorbante profession d’instruire la jeunesse » très rémunératrice : cela était probablement dû, en partie tout au moins, à la concurrence et à ses propres normes d’excellence. Il fixait non seulement le nombre minimum, mais aussi le nombre maximum, des enfants dans ses classes ; aussi bien, en 1790, la moitié de ses 25 élèves fréquentaient-ils sans frais son école.

Une telle proportion d’enfants instruits gratuitement était probablement inhabituelle, même pour Tanswell, et bien qu’il doublât presque le nombre de ses élèves en 1791, il éprouva constamment des difficultés financières et chercha continuellement de nouvelles façons de se servir de sa propre instruction pour accroître son revenu, tout en dissipant « les sombres nuages de l’ignorance » à Québec. En 1780, il demanda dans une requête à Haldimand une avance de trois années de salaire, pour l’aider à payer le prix d’achat et le coût des réparations d’une grande maison qu’il avait acquise pour en faire un pensionnat, dans lequel il gardait, souvent à crédit, « beaucoup de jeunes gentlemen du pays ». En 1781, il importa « un vaste assortiment général d’articles de bureau et de livres », qu’il mit en vente, en gros et au détail. Dans une lettre à Haldimand, l’année suivante, il disait que, faute de trouver suffisamment de travail à Québec, il était prêt à quitter l’enseignement pour accepter un poste gouvernemental, mais que, s’il devait continuer d’enseigner, il avait besoin au moins d’un poste à temps partiel. À ce même moment, il sollicitait de Carleton, commandant en chef à New York, la permission d’ouvrir une école dans cette dernière ville. On refusa apparemment toutes ces demandes, comme on le fit aussi, en juillet 1783, pour l’autorisation d’appeler son école His Majesty’s Royal Québec Academy. L’année suivante, alléguant « un torrent d’oppositions imprévues, une hausse subite de toute espèce de provisions, l’infidélité de serviteurs et beaucoup de mauvaises créances », il demanda une autre pièce dans le palais épiscopal. En juin 1788, il annonça ses services comme copiste de lettres, de mémoires et de requêtes, comme traducteur et comptable. William Moore* l’avait engagé en janvier de cette même année, pour diriger le Courier de Québec ou Héraut françois, premier journal de la colonie à être publié exclusivement en français ; mais le prospectus et trois numéros seulement parurent. Le 15 décembre, après que le Courier eut disparu, car « il n’y avait pas assez de souscripteurs pour faire les frais de ce journal », Moore annonça la parution prochaine d’une « Gazette française », que dirigerait Tanswell, mais aucun numéro n’en parut jamais. En 1791, Tanswell était prêt à publier, pour les étudiants canadiens, une grammaire anglaise avec des exercices expliqués en français, de même qu’un traité d’arithmétique en français ; ni l’une ni l’autre ne vit le jour, probablement parce qu’on ne trouva pas le moyen de financer cette double entreprise. En 1796, il fut nommé interprète à la Cour du banc du roi et à la Cour des sessions trimestrielles, au salaire de £40 par année ; deux ans plus tard, il devint gardien de la prison spéciale pour le district de Québec. Il loua aussi une partie de sa maison. Mais, en dépit de tous ses efforts pour augmenter ses revenus, Tanswell continua de façon intermittente, jusqu’en 1815, à solliciter l’aide du gouvernement.

Dans les premières années de sa carrière, James Tanswell s’était plaint du « grand nombre de calomnies préjudiciables et imméritées » lancées contre sa personne depuis 1778. Ces dénigrements dont on ne connaît pas la nature contribuèrent peut-être à ses difficultés financières. En 1783, son appartenance à la Thespian Society, compagnie de théâtre créée cette année-là, l’avait fait critiquer : il aurait été plus assidu au théâtre, disait-on, qu’à son école. Mais l’opposition à Tanswell venait peut-être surtout des soupçons qu’on entretenait au sujet de l’appartenance religieuse du « maître d’école protestant ». Anglican, apparemment, avant son arrivée à Québec et grand secrétaire provincial de la Society of Free and Accepted Masons in Canada de 1780 à 1784, il n’en avait pas moins des rapports étroits avec l’Église catholique, à laquelle il se convertit probablement à un moment donné. Son fils Charles fut baptisé à la cathédrale Notre-Dame en 1778, et les funérailles de sa femme Ann y eurent lieu en 1797. Le 25 juin 1799, Tanswell épousa Marie-Joseph Coutant à l’église Notre-Dame-de-Foy, à Sainte-Foy, et, le 27 avril 1819, il fut enseveli dans le cimetière catholique des Picotés. Certainement qu’une des caractéristiques remarquables de sa carrière de maître d’école anglais à Québec, pendant 41 ans, fut la facilité avec laquelle il avait vécu dans la société canadienne catholique et de langue française. Après la mort de Tanswell, un ministre presbytérien, le révérend Daniel Wilkie*, continua de tenir son école.

Mary Jane Edwards

ANQ-Q, CE1-1, 27 avril 1819 ; CE1-20, 25 juin 1799 ; CN1-26, 25 avril 1812, 23 févr. 1813 ; CN1-63, 4 déc. 1811 ; CN1-178, 14 avril 1812 ; CN1-262, 14 août 1797, 10 avril 1801, 26 févr., 8 mars 1803.— APC, RG 1, L3L : 591 ; RG 4, A1 :21369, 38199–38201, 28 déc. 1815 ; RG 68, 90 : 114.— BL, Add. mss 21733 : f.161 ; 21755 : ff.37–38 ; 21877 : ff.229–230, 267–269, 336–338 (mfm aux APC).— PRO, CO 42/71 : ff.284–286 ; PRO 30/55, no 10011 (mfm aux APC).— B.–C., chambre d’Assemblée, Journaux, 1801 : 276 ; 1807 : 250 ; 1814, app. A.— Le Courier de Québec ou Héraut françois (Québec), 1er janv., 24 nov., 1er déc. 1788.— La Gazette de Québec, 17781819.— Nova-Scotia Gazette and the Weekly Chronicle, 15 août 1775.— Québec Herald, Miscellany and Advertiser, 17881792.— Almanach de Québec, 1780 : 60.— The register book of marriages belonging to the parish of St George, Hanover Square, in the county of Middlesex, J. H. Chapman et G. J. Armytage, édit. (4 vol., Londres, 1886–1897), 2 : 176.— P. [–J.] Aubert de Gaspé, Mémoires (nouv. éd., Montréal, 1971), 124s.— L.-P. A’udet, Le système scolaire, 2 : 136, 139, 310, 321, 343s., 346s. : 3 : 55, 140 ; 4 : 181, 188s. ; 5 : 40, 44s.— J. H. Graham, Outlines of the history of freemasonry in the province of Quebec (Montréal, 1892), 50s., 58, 70s.— « L’Académie royale de James Tanswell », BRH, 42 (1936) :359.— F.-J. Audet, « James Tanswell », BRH, 3 (1897) : 141.

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Mary Jane Edwards, « TANSWELL, JAMES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/tanswell_james_5F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1983
Année de la révision:    1983
Date de consultation:    1 décembre 2024