MAUGER, JOSHUA (baptisé Josué, il signait cependant Joshua), capitaine au long cours, homme d’affaires et homme politique, baptisé le 25 avril 1725 dans la paroisse St John, île de Jersey, fils aîné de Josué Mauger et de Sarah Le Couteur ; il aurait épousé, croit-on, Elizabeth Mauger, sa cousine ; on lui connaît un seul enfant, Sarah, baptisée le 8 avril 1754 à Halifax ; décédé le 18 octobre 1788 à Warborne, près de Lymington, Hampshire, Angleterre.

On connaît peu de chose de la carrière de Joshua Mauger avant qu’il aille à Halifax en 1749. En décembre 1743, à l’âge de 18 ans, il était commandant du Grand Duke, mis en quarantaine dans un port britannique, au retour d’un voyage à Naples et à Livourne. Plus tard, il commanda quelque temps le bâtiment de transport le Duke of Cumberland jusqu’à ce que celui-ci soit désarmé à Londres en mars 1747. Mauger installa alors une base d’opérations à Louisbourg, île du Cap-Breton. Lorsque les Britanniques évacuèrent la forteresse en 1749, il y était devenu fournisseur de vivres de la marine royale, nomination qui laisse à penser qu’il avait déjà des amis influents à Londres. Il déménagea à Halifax cette année-là et, à part un voyage en Angleterre en 1749–1750, il y resta, semble-t-il, jusqu’en 1760.

Mauger entra bientôt en conflit avec les autorités de la Nouvelle-Écosse à propos de quelques-unes de ses transactions avec Louisbourg. D’après la preuve dont on dispose, les citoyens de Halifax qui résidaient à Louisbourg avaient la permission de rapatrier leurs biens, ou le montant de la vente de ceux-ci, pendant un an environ après la remise officielle de Louisbourg à la France. À l’automne de 1749, Mauger reçut « diverses marchandises et provisions » qu’il y avait laissées. Il semble toutefois que Mauger avait utilisé le recouvrement de ses biens de Louisbourg comme moyen d’éviter les restrictions commerciales du gouverneur Cornwallis qui tenait à décourager le contact avec les Français. En 1750, Mauger obtint la permission de décharger dix barriques de vin en provenance de Louisbourg mais il dut en importer une bien plus grande quantité car, en juillet et en août, Cornwallis lui ordonna d’en retourner plus de 22. Le gouverneur soutenait que l’on s’efforçait de faire de Halifax « un dépôt des marchandises de Louisbourg et ceci grâce surtout à l’appui et à l’intervention continuelle de M. Mauger ». En novembre 1751, il ordonna la saisie d’un sloop qui passait pour avoir débarqué de la contrebande de Louisbourg et, soupçonnant Mauger d’avoir reçu une partie de la marchandise, autorisa la perquisition de son entrepôt. Mauger soutint que la Cour de vice-amirauté n’avait aucune juridiction sur terre et s’opposa à la perquisition mais, sur les ordres du gouverneur, James Monk*, père, força l’entrepôt et saisit une certaine quantité de rhum. À la défense de Mauger, Isaac Deschamps* attesta que le rhum faisait partie de 100 tonneaux importés avec la permission du gouverneur en novembre 1750. Mauger expliqua que, lors de l’évacuation de Louisbourg, il avait dû se défaire de grandes quantités de marchandises et en avait fourni une partie à crédit aux résidents français de l’endroit. Sebastian Zouberbuhler, qui représentait Mauger à Louisbourg, n’avait pu obtenir de traites acceptables ou d’argent comptant contre les marchandises et avait donc accepté le rhum et la mélasse qu’il avait expédiés à Halifax. La Cour de vice-amirauté accepta l’explication et ordonna que l’on rende le rhum à Mauger.

Cornwallis, manifestement mécontent, proposa au Board of Trade de destituer Mauger de sa fonction de fournisseur de vivres de la marine. Il était convaincu que la Nouvelle-Écosse deviendrait, à moins que les autorités n’usent de fermeté, « un rendez-vous de contrebandiers et de gens qui sont en constante relation avec Louisbourgh ». Tout en admettant que le commerce était « très nuisible », le Board of Trade faisait pourtant remarquer qu’il n’était défendu par aucun traité ou loi valides et qu’en conséquence, il n’était pas illégal. Les lords de l’Amirauté étaient prêts à mettre un terme au contrat de Mauger si Cornwallis croyait qu’il le fallait, mais d’autres, semble-t-il, demandèrent sa prorogation. Mauger garda apparemment son poste jusqu’à son départ pour l’Angleterre et il continua à recevoir des marchandises de Louisbourg jusqu’en 1754 au moins.

La plus grave, peut-être, des provocations envers le gouvernement dans lesquelles Mauger se trouva impliqué s’amorça en décembre 1752 par suite de l’insatisfaction d’un bon nombre d’habitants de Halifax envers leurs juges de paix. Quand Ephraim Cook, négociant et armateur en vue, venu d’Angleterre, perdit sa charge de juge de paix et de juge de la Cour inférieure des plaids communs et, subséquemment, se vit inculpé pour avoir émis un mandat sans autorisation, son avocat, David Lloyd, accusa les juges de paix de partialité dans l’accomplissement de leurs tâches. Mauger, prompt à venir à l’aide d’un confrère négociant, s’unit à 13 autres citoyens de Halifax, qui se qualifièrent de « Notables de cette Ville », pour appuyer la protestation de Lloyd. Au début de mars 1753, le Conseil de la Nouvelle-Écosse innocenta les juges de cette accusation mais, avant la fin du mois, le gouverneur Peregrine Thomas Hopson* avait nommé quatre nouveaux juges de paix « pour éviter dans l’avenir tout soupçon de partialité dans la magistrature ».

Pendant les 11 années que Mauger passa en Nouvelle-Écosse, ses affaires prirent de l’ampleur, et certaines, tel son commerce avec Louisbourg, aboutirent à des conflits avec les autorités locales. À l’été de 1751, il s’adressa à Cornwallis pour obtenir la permission d’installer une distillerie dans un « magasin spacieux » derrière chez lui. S’étant vu refuser cette permission sous prétexte que l’établissement constituerait un danger d’incendie, Mauger érigea des constructions à l’extérieur de la ville « grâce à un dur labeur et à grands frais, ayant dû déplacer presque une montagne ». Les travaux de construction étaient, semble-t-il, en cours dès le mois d’août 1751. En juillet, le gouvernement avait fixé un droit de trois pence par gallon sur le rhum et autres spiritueux, sauf sur les produits venant de la Grande-Bretagne et des Antilles britanniques, dans le but spécifique de promouvoir l’établissement d’une distillerie et en ayant, sans aucun doute, les intérêts de Mauger à l’esprit. À l’automne de 1752, Mauger expédiait de grandes quantités de rhum aux avant-postes, tels le fort Lawrence (près d’Amherst) et le fort Edward (Windsor) ; en 1766, sa distillerie produira 50 000 gallons par an. Lorsque William Steele sollicita, en 1754, la permission de construire une distillerie à l’intérieur de la ville, Mauger fit savoir que, si elle se trouvait à proximité de l’ une quelconque de ses propriétés, il se verrait dans l’obligation de protester « publiquement », à cause du risque d’incendie, et le conseil rejeta la proposition de Steele. On ignore cependant si Mauger s’opposa à l’installation de la distillerie de John Fillis en 1752, ou si ce dernier la fit construire à l’intérieur de la ville. Les deux hommes en vinrent à jouir du quasi-monopole du commerce de rhum dans la province, et Fillis et John Butler, représentant de Mauger, agirent conjointement au début des années 1760 pour persuader la chambre d’Assemblée d’augmenter les droits protecteurs. Parce que la Nouvelle-Écosse était gravement endettée et que les droits sur les spiritueux étaient le seul moyen éprouvé d’assainir les finances locales, ceux qui désiraient améliorer le crédit de la province eurent comme principal objectif d’en arriver à un arrangement qui permît des recettes fiscales maximales ; ils allaient impliquer Mauger et ses amis dans de nouveaux conflits avec les gouverneurs de la colonie dans les années 1760 et 1770.

William Steele aurait sans doute trouvé difficilement à ériger des constructions à Halifax sur un terrain qui ne se trouvât pas à proximité d’une quelconque terre de Mauger. Entre 1740 et 1760. Mauger prit part, dans cette ville, à quelque 52 transactions foncières. Il reçut des terres sous forme de concessions directes du gouvernement et acquit d’autres biens provenant de marchands en faillite ou de commerçants qui lui étaient redevables. En dehors de la ville, il possédait des terrains à Lunenburg, à Annapolis Royal et à Windsor, ainsi que des propriétés plus étendues dans le comté de Cumberland. le long de la rivière Saint-Jean et sur l’île Saint-Jean (Île-du-Prince-Édouard). Ces propriétés comprenaient une étendue de 20 000 acres dans le comté de Cumberland, que Mauger avait obtenue d’Alexander McNutt* à la suite d’un procès en 1769, ainsi qu’un domaine d’une dimension analogue sur l’île Saint-Jean, qui lui fut accordé en 1767 et dont il se départit en 1775. Mauger semble avoir joué un rôle très important dans le développement économique de Lunenburg où il s’occupait de construction navale et du commerce du bois. En 1754, le lieutenant-gouverneur Charles Lawrence* recommanda de décourager les habitants du village de chercher du travail à Halifax parce que « avec leurs terres à Lunenburg et l’emploi que M. Mauger leur procure, ils sont occupés à la limite de leurs possibilités ».

Or, l’activité commerciale de Mauger éclipsait en importance ses immenses propriétés. En sa qualité de plus grand armateur de Halifax pendant les années 1749–1760, il possédait, en tout ou en partie, 27 vaisseaux ; certains avaient été achetés en Nouvelle-Angleterre, d’autres obtenus aux enchères publiques après que la Cour de vice-amirauté de Halifax les eut confisqués pour trafic illicite, et d’autres encore achetés comme navires de prise. Mauger expédiait du poisson et du bois aux Antilles et obtenait en échange du rhum, de la mélasse et du sucre. Dans certains cas, le bois provenait sans aucun doute de ses scieries près de Lunenburg, et le poisson, peut-être de l’installation de pêche qu’il maintenait, dit-on, à Halifax. Ses navires transportaient du rhum de sa distillerie au magasin qu’il possédait à Annapolis Royal, ainsi qu’aux Mines et à Chignectou où il avait peut-être également des magasins. D’Angleterre, d’Irlande et de Nouvelle-Angleterre il importait une grande variété d’articles, allant de la bière et des raisins secs aux perles de verre, à la grenaille de plomb et aux meules à aiguiser. Il semble qu’il ait fait aussi le commerce d’esclaves. La guerre de Sept Ans lui fournit un nouveau champ d’activité : il fit des placements dans des navires corsaires et dans l’achat de vaisseaux de prise, et servit d’agent aux officiers et aux équipages des navires britanniques qui capturaient des bateaux français au large de l’île du Cap-Breton.

Les entreprises maritimes de Mauger ne furent pas toutes lucratives. En 1750, les Français détruisirent un de ses bateaux dans le fond de la baie Française (baie de Fundy). Trois ans après, il simula une vente de schooner à Matthew Vincent de Louisbourg afin de se rendre en Martinique faire du commerce, mais l’officier qu’il avait engagé s’enfuit avec le bateau. Les deux navires corsaires qu’il possédait avec John Hale, le Wasp et le Musquetto, firent chacun une capture, mais ni l’une ni l’autre ne se révéla avantageuse. Le vaisseau pris par le Wasp ne valait que £342 environ, cargaison comprise. La seconde prise dut être relâchée sur ordre de la Cour de vice-amirauté parce que le vaisseau était hollandais ; par la suite, son équipage accusa ses ravisseurs de les avoir torturés. La cour, que présidait John Collier*, donna ordre que le capitaine et l’équipage, ou leurs agents, payassent des dommages-intérêts aux parties lésées ainsi que les frais du procès qui avait duré un mois.

À titre de fournisseur de vivres de la marine, Mauger se procurait de grandes quantités de victuailles, à la fois en Grande-Bretagne et en Nouvelle-Angleterre, surtout pendant les années de guerre. On ne connaît pas les fournisseurs britanniques de Mauger ; par contre, sa source américaine était une association du Connecticut dirigée par Jonathan Trumbull, un des plus grands négociants en vivres de la colonie dans les années 1750, et qui plus tard en devint le gouverneur. Mauger usa du fait qu’il connaissait le révérend Aaron Cleveland* pour prendre contact avec Trumbull, et employa John Butler pour arranger la première expédition de marchandises à l’automne de 1752. Pour Trumbull et ses associés, ce commerce était précieux parce que, pendant quelques années, il leur fournit presque les seules lettres de change qu’ils pouvaient obtenir. Mauger, toutefois, n’était pas très satisfait. Les approvisionnements qu’il recevait ne correspondaient pas toujours à ses normes sévères, et, en 1754, il commença à se tourner vers l’Irlande pour se procurer du bœuf, du porc et du beurre. Il se plaignit à Trumbull qu’il avait perdu plus de £100, cours d’Angleterre, sur la viande expédiée du Connecticut. Au moins un lot de bœuf s’était révélé non comestible en dépit du fait que dès l’arrivée il l’avait fait saler à nouveau, mariner et remballer. Lorsque l’inflation du temps de guerre rendit les marchandises irlandaises moins dispendieuses que celles du Connecticut, Mauger cessa d’acheter chez Trumbull.

Mauger partit pour l’Angleterre en 1760, apparemment à l’été, mais il continua à s’intéresser vivement à la Nouvelle-Écosse. Sa participation soutenue aux affaires de la province s’explique évidemment par l’immense fortune qu’il y avait accumulée et qu’il fut capable de préserver et d’augmenter, même à une distance de 2 500 milles. Cependant, la raison précise pour laquelle il réussit à ce point dans son entreprise n’est pas tout à fait claire. D’après ses contemporains, un « parti » Mauger s’était créé avant les années 1770 à Halifax mais il n’est pas toujours facile d’identifier les membres de cette formation, ou de déterminer ce qui les liait à Mauger. Certains, tel Fillis, avaient des intérêts économiques analogues ; d’autres, comme Butler, étaient ses employés ; d’autres encore, tel Michæl Francklin, lui étaient devenus redevables. Ce qui importe peut-être davantage que des liens individuels, cependant, fut le fait que Mauger, en défendant ses propres intérêts, défendait une structure financière coloniale dont bénéficiait une bonne partie de l’élite commerçante de Halifax. Il avait donc des appuis à Halifax, ce qui, joint à sa connaissance de la Nouvelle-Écosse et à ses investissements appréciables dans la dette de la province, dut lui conférer une certaine autorité en Angleterre. Néanmoins, ces facteurs ne suffisent pas à expliquer son influence considérable auprès des différents gouvernements. Son élection comme député de Poole au parlement en 1768, siège qu’il occupa, avec seulement une brève interruption, jusqu’en 1780, augmenta sûrement son prestige, mais il ne paraît pas avoir été une personnalité politique importante. Toutefois, comme l’indique sir Lewis Bernstein Namier, « il semble avoir été écouté, même quand, au parlement, il se rangeait du côté de l’opposition ». Bref, ses rapports avec les autorités de la métropole demeurent en quelque sorte un mystère.

En avril 1762, la chambre d’Assemblée de la Nouvelle-Écosse choisit Mauger comme représentant de la colonie à Londres. En cette qualité, il mena une âpre campagne contre Jonathan Belcher, juge en chef et lieutenant-gouverneur. À plusieurs occasions en 1762 et en 1763, il comparut devant le Board of Trade afin d’exiger que Belcher fût révoqué de ses fonctions administratives ; il lui reprochait, par exemple, de vouloir mettre fin au monopole de la fourrure dont Benjamin Gerrish était le principal bénéficiaire. Il lui reprochait encore sa répugnance à proroger la loi protégeant les colons qui avaient laissé des dettes derrière eux dans d’autres colonies (Debtors’ Act), loi dont le maintien intéressait vivement bien des membres de la société commerçante de Halifax. Il se plaignit devant le Board of Trade de la « conduite impudente » de Belcher et accusa le lieutenant-gouverneur d’être « si peu versé et si inexpert dans l’exercice du gouvernement, et de s’être conduit d’une manière si malséante qu’il avait fait naître une commune aversion à son égard [...] et un dégoût pour ses mesures ». Ce qui importait davantage pour les intérêts de Mauger, c’était que Belcher, pendant un certain temps en 1762, avait refusé d’approuver deux projets de loi qui auraient modifié les droits sur les spiritueux de façon à favoriser les distillateurs de l’endroit. Le fait de ne pouvoir obtenir le paiement des lettres de change qu’il avait fournies au gouvernement de la Nouvelle-Écosse pendant le mandat de Belcher constituait une autre raison probable de son attaque. En mars 1763, Belcher fut remplacé par Montagu Wilmot*, et à la mort de ce dernier, trois ans plus tard, Michael Francklin fut nommé lieutenant-gouverneur. On ne sait pas vraiment si Mauger fut mêlé ou non à cette nomination, mais Francklin était l’un de ses protégés et, avec Butler et Isaac Deschamps, avait charge de défendre les intérêts de Mauger après le départ de celui-ci pour l’Angleterre. Il finit par s’endetter lourdement envers Mauger et il semble que ses dix années comme lieutenant-gouverneur n’avantagèrent que son protecteur.

Bien que Mauger, en décembre 1763, eût cessé de représenter la Nouvelle-Écosse à Londres, il demeura le porte-parole officieux de la colonie, jouissant d’une influence apparemment plus grande que celle des gouverneurs successifs. En 1763, il usa de cette influence pour procurer aux habitants de la Nouvelle-Angleterre, le long de la rivière Saint-Jean, des terres où ils s’étaient installés mais sur lesquelles des officiers britanniques avaient un droit antérieur ; leur colonie s’appela Maugerville en son honneur. Il prit également part aux revendications de particuliers de la Nouvelle-Écosse contre des décisions gouvernementales qui leur portaient préjudice. Toutefois, de toutes les questions débattues en Nouvelle-Écosse à cette époque, c’est celle des distilleries qui le touchait le plus. En 1767, la chambre d’Assemblée, en vue d’augmenter le revenu de la colonie et avec l’appui du gouverneur lord William Campbell, adopta un projet de loi qui diminuait la taxe sur les spiritueux importés et augmentait le droit d’accise. Étant donné que Butler, Fillis et Francklin avaient été impuissants à faire échouer le projet de loi, ils cherchèrent de l’aide auprès de Mauger. Avec Brook Watson* et d’autres marchands londoniens qui s’intéressaient à la Nouvelle-Écosse, Mauger présenta une requête au Board of Trade s’opposant aux droits qui allaient, faisait-on valoir, « tendre à affaiblir le commerce et la pêche » de la province. Campbell soutint que Mauger et Fillis avaient joui injustement d’un monopole de commerce de rhum en Nouvelle-Écosse, « au détriment de tous les marchands, commerçants et de presque tout le monde dans la province », et que les nouveaux droits profiteraient à la colonie tout entière en permettant une diminution de la dette. Le lobby des marchands était si puissant cependant que le Board of Trade rejeta les arguments mercantilistes de Campbell comme étant « contraires à toute véritable politique », et les anciens taux des droits furent rétablis. Le fait que Mauger et ses amis détenaient une proportion substantielle des billets du trésor provincial (ce qu’ils ne manquèrent pas de signaler au Board of Trade) joua sans doute fortement en leur faveur. Comme Campbell continuait d’être gênant, Mauger et Butler commencèrent une campagne pour le faire révoquer. Bien que ce fussent des raisons de santé qui entraînèrent le déplacement du gouverneur en Caroline du Sud en 1773, les amis de Mauger attribuèrent à ce dernier le mérite de cette révocation.

Le conflit des droits sur les spiritueux révèle nettement ce que John Bartlet Brebner* décrit comme « tout le dispositif d’influence et de dépendance » qui assura « la soumission à Londres de la Nouvelle-Écosse ». Francis Legge, successeur de Campbell, signalait en 1775 que l’influence de Mauger était si considérable que le gouverneur de la Nouvelle-Écosse ne pouvait pas, sans s’exposer à des plaintes, « présenter quelque mesure que ce soit pour le bien public » qui était contraire aux intérêts des partisans de Mauger. Déjà en 1775 s’étaient élevées d’autres voix contre le « projet d’empire » de Mauger et contre la puissance « notoire » de son agent John Butler, mais l’opposition n’était pas forte. Legge désirait réformer les droits de douane et d’accise ; cela en soi aurait été suffisant pour s’attirer l’inimitié de Mauger, mais il s’attaqua à toute la structure des privilèges en Nouvelle-Écosse, ce qui décida de son sort. À l’aide des protestations que les ennemis de Legge, dans la colonie, avaient envoyées à Mauger, celui-ci mena à Londres une habile campagne contre le gouverneur. Legge fut rappelé en 1776, et les amis de Mauger se vantèrent qu’il était le troisième gouverneur à être révoqué grâce à leur influence.

Ses intérêts assurés, Mauger semble s’être contenté, pendant la Révolution américaine, de recueillir le profit de ses investissements. En fait, ces placements représentaient un des liens principaux entre la Nouvelle-Écosse et la Grande-Bretagne pendant les années de guerre. Ce ne fut qu’en 1779 qu’il commença à se dégager des affaires de la Nouvelle-Écosse. Cette année-là, il donna à son habile lieutenant, John Butler, une procuration lui permettant d’y vendre un nombre considérable de ses avoirs. Trois ans plus tard, le neveu de Butler, John Butler Dight* Butler, reçut le mandat de vendre tout ce qui restait de ses biens, sauf deux étendues de 20 000 acres sur la baie de Fundy (l’une d’elles étant apparemment la propriété qu’il avait obtenue d’Alexander McNutt), ainsi que sa distillerie de Halifax et les terres s’y rattachant. Enfin, en 1784, Mauger vendit également sa distillerie. Quoiqu’il soit impossible de l’affirmer, il se peut que Mauger ait connu des embarras financiers à la fin des années 1770. La liste des faillis dans le Gentleman’s Magazine de 1777 cite un certain J. Mauger, courtier, mais on ne peut confirmer qu’il s’agissait bien de Joshua.

On sait peu de chose des affaires personnelles et commerciales de Mauger en Angleterre. À sa mort, il était l’un des administrateurs du French Hospital et un des maîtres de Trinity House (corporation chargée de l’entretien des phares, du balisage et du pilotage), deux organismes qui reflètent ses origines et ses antécédents. Il laissa la plupart de ses biens aux enfants de ses nièces. Ni sa femme ni sa fille ne sont citées dans son testament ; on présume qu’elles moururent avant lui.

Donald F. Chard

Conn. Hist. Soc. (Hartford), Jonathan Trumbull papers.— Halifax County Court of Probate (Halifax), Book 3, pp.47–51 (testament de Joshua Mauger) (mfm aux PANS).— Halifax County Registry of Deeds (Halifax), 1, p.136 ; 2, pp.110, 411 ; 18, p.97 ; 20, pp.193–195 (mfm aux PANS).— Hampshire Record Office (Winchester, Angl.), 84M70/PR2 (registre de la paroisse de Boldre), 24 oct. 1788.— PANS, RG 1, 29, no 8 ; 35, no 15 ; 164/2, pp.54, 57 ; 209, 31 juill. 1751, 29 déc. 1752, 1er, mars 1753 ; 210, 28 févr. 1754 ; 491, pp.84–87, 90, 141 ; 492, pp.14, 31, 34 ; 493, pp.7, 8, 10, 13s., 28, 33, 46, 47–50, 182s., 191–193.— PRO, Adm. 106/275 ; CO 217/13, ff.8, 66, 83 ; 217/19, f.167 ; 217/20, ff.202, 203 ; 217/21, f.52 ; 217/22, ff.113, 122, 127 ; 218/7 ; 221/28, ff.4, 9, 11, 77, 80, 103, 110, 139, 209.— St John’s Church (Jersey), Registre des baptêmes, 25 avril 1725.— St Paul’s Anglican Church (Halifax), Registers of baptisms, burials, and marriages, 8 avril 1752 (mfm aux PANS).— G.-B., PRO, CHOP, 1773–75, 431s. ; CTBP, 1742–45, 387.— Boston Evening-Post, 12 août 1751.— Boston Weekly News-Letter, 8 nov. 1750.— Namier et Brooke, House of Commons, III : 119–120.— Brebner, Neutral Yankees (1969), 67 ; New England’s outpost, 246.— J. G. Lydon, Pirates, privateers, and profits (Upper Saddle River, N.J., 1970), 237.— Glenn Weaver, Jonathan Trumbull, Connecticut’s merchant magistrate, 1710-1785 (Hartford, Conn., 1956), 50, 54, 70, 80.

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Donald F. Chard, « MAUGER, JOSHUA (baptisé Josué) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/mauger_joshua_4F.html.

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Auteur de l'article:    Donald F. Chard
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1980
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