PÉLISSIER, CHRISTOPHE (on écrit parfois Pellissier mais il signait Pélissier), écrivain du roi, directeur des forges du Saint-Maurice, né le 29 avril 1728 à Lyon, France, dans la paroisse Saint-Pierre et Saint-Saturnin, fils de François-Christophe Pélissier, marchand, et d’Agathe Martaud La Rigaudière, décédé avant 1800.

Christophe Pélissier semble être arrivé à Québec vers 1752 pour y travailler comme écrivain du roi. C’est probablement en juin 1756 qu’il a son premier contact avec les forges du Saint-Maurice lorsqu’il achète la maison de Barthélemy Sicard, dit Marseille, à Trois-Rivières, en tant que procureur de Jacques Zorn, négociant de Québec. Le sieur Zorn s’absente cependant du pays avant d’avoir payé Pélissier et ce dernier revient à Trois-Rivières, en juin 1758 et février 1759, lors du procès concernant la remise en vente de cette maison et les sommes qui lui sont dues. Le 2 avril 1759, Jacques Zorn est condamné à payer à Pélissier la somme de 6 242# 10s., mais celui-ci ne récupère que 2 500#.

En mars 1767, Pélissier dresse l’inventaire des propriétés et de l’outillage des forges du Saint-Maurice, qu’il désire louer. De 1760 à 1764, les forges avaient été sous l’administration du gouvernement militaire et avaient produit des quantités appréciables de fer. Elles étaient tombées sous la juridiction du gouvernement civil en septembre 1764 ; Hector Theophilus Cramahé, envoyé du gouverneur Murray, avait fermé l’entreprise au printemps de 1765 et renvoyé le directeur, François Poulin de Courval, et les ouvriers, ne laissant sur les lieux que quelques militaires. Le 9 juin 1767, le lieutenant-gouverneur Guy Carleton* signe, au nom du roi, un bail d’une durée de 16 ans accordant à Christophe Pélissier ainsi qu’à Alexandre Dumas*, Thomas Dunn*, Benjamin Price*, Colin Drummond, Jean Dumas Saint-Martin, George Allsopp*, James Johnson et Brook Watson* la location d’une vaste superficie de terrain sur laquelle se trouvent les forges du Saint-Maurice, et qui inclut le fief et la seigneurie de Saint-Maurice, ainsi que d’autres terrains adjacents. Ils ont le privilège d’y couper du bois, d’y ériger tout édifice jugé nécessaire et d’y exploiter les mines de toutes sortes, sauf celles d’or et d’argent, contre la somme annuelle de £25, cours de la province de Québec (£18 15 shillings, cours de Grande-Bretagne). Les associés s’engagent à remettre en bon état les constructions déjà existantes, abandonnées depuis deux ans. Le 4 avril 1771, Pélissier achète les parts de Dunn, Drummond, Allsopp et Watson ; il avait acquis auparavant celles de Johnston, dont celui-ci avait fait l’acquisition au nom de la société qu’il avait formée avec John Purss*. Cette même année, la compagnie dépense plus de £4 500 dans les forges pour les relever de leur piètre état et réussit à fabriquer du fer de très bonne qualité. Toujours en 1771, Pierre Fabre*, dit Laterrière, est nommé agent des actionnaires, à Québec, chargé d’y vendre leurs produits. Quatre ans plus tard, il s’installe aux forges en tant qu’inspecteur. Dans ses Mémoires il décrit l’endroit comme « des plus agréables ». D’après lui les forges rapportaient de « 10 à 15 mille louis par campagne de 7 mois ; les frais en emportoient les deux tiers ; c’étoit donc le tiers net que les intéressés avoient annuellement à partager ». Sans doute y a-t-il beaucoup d’exagération dans cette affirmation puisque, d’après Francis Maseres*, « les profits [...] n’ont pas été ceux qu’espéraient les associés qui ont été à peine remboursés de leur frais ».

L’arrivée de Laterrière aux forges marque, en quelque sorte, le début des malheurs de Pélissier. Celui-ci avait épousé, le 16 octobre 1758, Marthe, fille du chirurgien Gervais Baudouin*, qui mourut en 1763. Veuf depuis plusieurs années, Pélissier désirait se remarier avec Marie-Catherine*, fille de son ami l’orfèvre Ignace-François Delezenne. Le mariage a lieu à Bécancour le 8 mars 1775, malgré, semble-t-il, la résistance de la jeune fille qui n’a pas encore 20 ans et qui est amoureuse de Laterrière. Lors de l’invasion américaine du Canada en 1775–1776, Pélissier, que Laterrière décrit comme un « grand partisan de John Wilkes et de son système de liberté, partant influencé [...] en faveur des Anglo-Américains, révoltés », collabore avec les Américains, fournissant entre autres des munitions, bombes et boulets pour le siège de Québec et écrivant au Congrès continental, le 8 janvier 1776, pour lui indiquer les mesures à prendre afin de réussir ce siège. La fortune des armées américaines tourne, et Pélissier, qui apprend le mécontentement de Carleton à son égard, croit préférable de s’enfuir. Le 7 juin 1776, il quitte Trois-Rivières emportant « tout son or et son argent et un compte des avances faites à l’armée du Congrès, se montant à 2 000 louis ». Il va aux États-Unis où il se fait rembourser et travaille quelque temps à Ticonderoga, New York, comme ingénieur avec le rang de lieutenant-colonel. Il retourne ensuite en France, à Lyon. Aux forges, la direction des travaux est prise en main par Laterrière, avec qui Marie-Catherine va vivre. Les amants auront une fille, Dorothée, en janvier 1778.

Au printemps de cette année-là, Pélissier envoie une procuration à M. Perras de Québec pour vendre les forges et retirer la part qui lui revient, et pour faire passer en France sa femme et les enfants qu’il avait eus de son premier mariage. Marie-Catherine refuse de quitter Laterrière et sa fille. Pélissier, qui a obtenu la permission de revenir au Canada, arrive en juillet pour réviser ses comptes et essayer de ramener sa femme. Alors qu’il s’occupe avec Laterrière de la liquidation de ses affaires aux forges, il fait enlever Marie-Catherine et la séquestre. Celle-ci réussit à s’évader et se cache sur l’île de Bécancour, propriété de Laterrière, jusqu’au départ de Pélissier, en octobre. Le mari jaloux, bien décidé à séparer les amants, réussit, avant son départ, à se venger de Laterrière en le faisant arrêter sous l’accusation de collaboration avec les Américains [V. Ignace-François Delezenne].

Pélissier ne devait jamais plus revenir au Canada. Le 18 décembre 1799, les jésuites lui retirent une concession située dans la seigneurie du Cap-de-la-Madeleine, qui lui avait été accordée le 29 avril 1767, « attendu l’absence du dit sieur Christophe Pélissier depuis plus de 20 ans ». Pélissier était déjà mort à ce moment-là puisque, le 10 octobre précédent, Pierre Fabre, dit Laterrière, et Marie-Catherine Delezenne s’étaient mariés, cette dernière « ayant produit des preuves suffisantes de la mort du dt Sieur Pélissier son premier époux ».

Malgré ses mésaventures, Pélissier ne laissa pas que des mauvais souvenirs au Canada. Il avait souvent fait preuve de générosité envers ses ouvriers lorsqu’il était directeur des forges du Saint-Maurice. Il cautionna parfois ses commis, en particulier Louis Bomer lors de l’achat d’un navire pour la somme de 1 200 shillings ; il accepta de prêter 900 shillings à un « garçon volontaire », engagé chez lui et qui désirait acheter un terrain ; il donna en dot la somme de 720 shillings à une jeune fille qui avait travaillé chez lui, « en considération de bons et fidelle servisse » ; enfin, il plaida la cause d’un de ses ouvriers à qui l’Église refusait le mariage. Il semble aussi qu’il eût longtemps la confiance des autorités du pays, comme d’ailleurs celle des dignitaires religieux et militaires, qu’il recevait à de somptueux soupers aux forges.

M.-F. Fortier

ANQ-MBF, État civil, Catholiques, La Nativité de Notre-Dame (Bécancour), 8 mars 1775 ; Greffe de J.-B. Badeaux, 22, 23 avril, 16 oct. 1771, 16 juin, 11 nov. 1772, 2 mai, 6 juill. 1773, 11 nov. 1774, 24 sept. 1778 ; Greffe de C.-L. Maillet, 14 mars 1772, 20 févr. 1775, 11 nov. 1780 ; Greffe de Louis Pillard, 4 juin 1756, 16 juin 1758, 27 juill. 1767.— ANQ-Q, Greffe de Claude Barolet, 13 oct. 1758 ; Greffe de J.-A. Saillant, 4 avril 1771 ; Greffe de Charles Vover, 18 déc. 1799.— Archives municipales, Lyon (dép. du Rhône, France), État civil, Saint-Pierre et Saint-Saturnin, 30 avril 1728.— Coll. of several commissions (Maseres), 221233.— Fabre, dit Laterrière, Mémoires (A. Garneau).— P.-G. Roy, Inv. jug. et délib., 1717-1760, VI : 89, 91.— Jouve, Les franciscains et le Canada : aux Trois-Rivières.— Sulte, Mélanges historiques (Malchelosse), VI.— Tessier, Les forges Saint-Maurice.— Catholics and the American revolution, American Catholic Hist. Researches (Parkesburg, Pa.), nouv. sér., III (1907) : 144149, 193196.

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M.-F. Fortier, « PÉLISSIER (Pellissier), CHRISTOPHE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/pelissier_christophe_4F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1980
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