MARCOUX, PIERRE, officier dans l’armée et dans la milice, marchand, né le 2 janvier 1757 à Québec, fils de Pierre Marcoux et de Geneviève Lepage ; décédé le 20 novembre 1809 à Berthier (Berthier-sur-Mer, Québec).

Il est souvent arrivé qu’on ait confondu la carrière de Pierre Marcoux avec celle de son gère, prénommé aussi Pierre. Ce dernier, né à Québec le 9 juillet 1731, était le fils de Germain Marcoux, maçon, et de Geneviève Marchand. Il était déjà établi comme marchand lorsqu’il épousa Geneviève Lepage le 9 septembre 1754 et il habitait en 1769 rue Notre-Dame, dans la basse ville de Québec. En 1773, un comité de marchands britanniques de Québec, désireux d’obtenir une chambre d’assemblée, invitèrent à une réunion 15 seigneurs et marchands canadiens capables, pensaient-ils, d’amener les Canadiens à appuyer cette proposition. Huit d’entre eux, dont Marcoux père, y assistèrent ; cependant, les soupçons qu’ils nourrissaient sur le désir des Britanniques d’empêcher les Canadiens d’être élus à l’Assemblée furent plus forts que leur sympathie pour le projet, et ils refusèrent d’y donner leur appui. L’année précédente, Marcoux père s’était porté acquéreur d’une ferme à Berthier ; en mars 1775, il y ajouta un lot acheté à Louis Dunière, marchand de Québec, lequel était aussi son voisin à Berthier. En août de la même année, il devint capitaine de milice à Québec et, pendant le siège de la ville par les Américains, il commanda une compagnie de volontaires, dont son fils Pierre faisait partie et qui aida à repousser l’assaut du major général Richard Montgomery* contre les barricades de la rue du Sault-au-Matelot. En 1777, le jeune Marcoux se joignit à l’armée du major général John Burgoyne*, à titre de lieutenant.

Entre-temps, vraisemblablement dès 1776, Marcoux père avait commencé à s’intéresser au commerce maritime en s’associant avec le marchand de Québec Louis (Louis-Martin) Marchand. Ils achetèrent un schooner pour £900 comptant en janvier 1777 et se mirent probablement à produire de la farine et à en faire le transport l’année suivante. En 1779, Marcoux père acquit du séminaire de Québec et de l’Hôtel-Dieu de Québec plusieurs lots, dont un lot de grève à La Canoterie, dans la basse ville. En février 1780, il loua la ferme de Berthier contre paiement en nature, y compris la moitié du grain. C’est peut-être la même année qu’il ouvrit dans sa maison de la rue Notre-Dame un magasin où il vendait des vins, du porter, du cidre et du fromage. À cette époque, Marcoux était manifestement devenu prospère ; en septembre 1779, il avait pu donner à sa fille Marie-Geneviève et à son gendre Marchand, qui était aussi son associé, une avance de 12 000# sur l’héritage de celle-ci. Mais sa situation financière se détériora très vite ; en 1781, il dut emprunter £2 000 de Joseph Brassard* Deschenaux.

À la fin de la Révolution américaine, Marcoux fils fut mis à la demi-solde et se vit octroyer 2 000 acres de terre. Le 7 juin 1783, il épousa Marie-Anne Dunière, fille de Louis Dunière, et se lança en affaires à son compte. Le contexte de l’après-guerre était cependant défavorable, et, dès novembre, Pierre et son frère Jean-Baptiste, qui avaient formé une société, se retrouvaient créanciers de deux marchands au bord de la faillite ; l’un d’eux, Louis Marchand fils, leur devait £500. En outre, à cause de « la grande diminution du prix et de la valeur des marchandises depuis la Paix » avec les États-Unis, les trois Marcoux devaient, en septembre 1784, une somme atteignant £1 800 en marchandises importées des firmes londoniennes Watson and Rashleigh [V. sir Brook Watson] et Rashleigh and Company, lesquelles demandaient le remboursement d’au moins les deux tiers de ce montant en trois ans. En octobre, on mit en vente la maison de la famille Marcoux, une demeure de trois étages en pierre sise rue Notre-Dame, où habitaient alors Pierre et Marie-Anne (Marcoux père était allé s’établir à Berthier en 1783), ainsi qu’une autre maison de deux étages à La Canoterie, dotée d’un « grand et commode hangard distribué pour une manufacture de farine » ; ni l’une ni l’autre ne furent vendues. Au printemps et à l’été de 1785, tout le « Fond de Commerce [des Marcoux], consistant en un assortiment complet et de prix de marchandises sèches, merceries et liqueurs », fut mis à l’encan.

Pendant que les Marcoux s’efforçaient de rembourser leurs créanciers britanniques, ils tentèrent de financer un projet hasardeux d’expédition de traite à la baie des Esquimaux (inlet de Hamilton), au Labrador. Parmi ceux qui faisaient la traite en divers points de la côte du Labrador, se trouvaient des marchands comme Adam Lymburner*, Thomas Dunn et William Grant (1744–1805) de Québec, de même que George Cartwright et Andrew Pinson d’Angleterre ; cependant, la baie des Esquimaux semblait offrir d’excellentes perspectives. Louis Fornel* l’avait explorée en 1743, puis sa veuve Marie-Anne Barbel* et ses associés en avaient fait l’exploitation commerciale dans les années 1750, mais elle paraissait depuis lors passablement négligée. En juillet 1784, les Marcoux obtinrent du gouverneur Haldimand un permis pour envoyer huit hommes et £800 de marchandises à la baie des Esquimaux, à la condition de respecter les lois régissant le commerce avec les Indiens. L’expédition n’eut cependant pas lieu cette année-là. En août 1785, Marcoux fils forma une société avec Dunière et deux autres marchands de Québec, Jacques-Nicolas Perrault et John Antrobus, pour exploiter une pêcherie de phoque sur la côte du Labrador et faire du « commerce avec les sauvages à la baie des Esquimaux et ailleurs ». Cet automne-là, des vents violents à l’entrée de la baie repoussèrent cependant Marcoux qui dut hiverner aux îles Seal (havre Seal Islands), au Labrador, à quelque 100 milles au sud-est. Il ramena à Québec trois Inuit vêtus de peaux de phoque et pourvus d’ustensiles et d’armes en fanons de baleine, qui rencontrèrent le lieutenant-gouverneur Henry Hope* et firent du kayak dans le port, devant une foule nombreuse.

Les associés obtinrent ensuite un permis de Hope, en vue d’établir des pêcheries à l’île Indian, entre les îles Seal et la baie des Esquimaux. Muni de bois et d’engins de pêche, Marcoux se mit en route à l’automne de 1786, en compagnie de la famille rouit. Après un fâcheux hiver aux îles Seal, il partit finalement pour la baie des Esquimaux en juin 1787, puis s’établit dans un vieux poste français de la rivière North West, à environ 120 milles à l’intérieur de la baie. Deux autres trafiquants canadiens, George Plante et Baptiste Dumontier, qui avaient passé les deux derniers hivers à cet endroit, protestèrent, mais les parties s’entendirent pour s’installer de part et d’autre de la rivière et laisser les indigènes traiter avec le poste de leur choix. L’hiver fut excellent pour Marcoux, les autochtones « se donnant un mal étonnant à chasser le phoque pour l’échanger contre des lainages, de la quincaillerie, du pain, etc. » Mais à l’été de 1788, Plante intenta à Québec un procès contre Marcoux, sous prétexte qu’il avait outrepassé certains règlements provinciaux en s’établissant et en commerçant sans permis en territoire indien, ainsi qu’en vendant de l’eau-de-vie aux autochtones. Le procès fut ajourné jusqu’à l’été suivant, et Marcoux affirma alors, pour sa défense, qu’il avait obtenu les permis, que les Inuit n’étaient pas des Indiens et qu’étant sur le territoire de la Hudson’s Bay Company, les règlements provinciaux ne s’appliquaient pas de toute façon. On ne connaît pas l’issue de cette affaire.

Malgré ces débats judiciaires, Marcoux et ses associés avaient, pendant l’hiver de 1788–1789, deux navires dans la baie des Esquimaux et un troisième qui se préparait à partir au printemps. De plus, ils s’allièrent â la John MacKenzie and Company, de Londres, pour faire des démarches auprès des autorités, tant en Angleterre qu’à Québec, afin d’obtenir des droits exclusifs de pêche et de traite à la baie des Esquimaux. Dans leur pétition de janvier 1789 au gouverneur lord Dorchester [Guy Carleton], ils affirmaient qu’un monopole était nécessaire pour leurs vies comme pour leurs biens car, si la concurrence exigeait qu’on donnât de l’eau-de-vie aux autochtones de la baie, « toutes les tentatives pour y exploiter les ressources [devaient être] abandonnées à jamais ». Dorchester renvoya cette pétition au comité des terres du Conseil législatif. Composé en majeure partie de marchands de Québec, le comité avait rejeté deux ans plus tôt une pétition semblable de Cartwright, mais il fut cette fois-ci sympathique à la demande de Marcoux et de ses associés. Le comité jugea qu’il ne pouvait accorder un monopole, mais il loua l’esprit d’entreprise des signataires et recommanda qu’ils eussent la préférence pour les emplacements de la baie qu’ils occupaient déjà. Finalement, toute l’affaire semble s’être arrêtée là. Apparemment, Marcoux continua de faire la traite dans cette région au cours des années 1790, mais sans grand succès.

Entre-temps, en 1788, Dunière et Joseph Duval avaient acheté la maison et le magasin de la rue Notre-Dame, et Marcoux père avait commencé une carrière publique. Vers 1789, celui-ci devint lieutenant-colonel de la milice de la région située entre Berthier et Matane. Bien qu’il n’y jouât pas de râle prépondérant, Marcoux appuyait depuis 1784 la campagne que menaient les marchands canadiens de Québec, en vue d’obtenir une chambre d’assemblée et l’usage du droit commercial anglais [V. Jacques-Nicolas Perrault]. De 1792 à 1796, lui et Dunière représentèrent la circonscription électorale de Hertford à la première chambre d’Assemblée. Marcoux appuyait le groupe canadien qui s’opposait de plus en plus aux députés favorables au gouvernement de la colonie. Le 3 juillet 1797, il épousa Geneviève Alliés, mais il mourut six jours plus tard ; on l’enterra le 11, sous son banc, dans la première rangée de l’église paroissiale Notre-Dame-de-l’Assomption à Berthier. Il léguait en mourant une dette nette de près de 16 000#.

Pierre, Jean-Baptiste et Marchand reçurent chacun un tiers de la ferme. En 1799, Pierre acquit la part de Jean-Baptiste puis, l’année suivante, il vendit pour £640 les deux tiers de la propriété à Dunière qui s’était déjà porté acquéreur de la part de Marchand. Il semble que Marcoux s’établit quelque temps à Montréal, où il était en 1799 membre du Club des apôtres, société gastronomique soupçonnée à tort par le lieutenant-gouverneur Robert Shore Milnes* d’activités subversives en faveur de la France. En 1804, Marcoux vivait à Berthier dans l’ancienne ferme familiale qu’il avait louée de Dunière. En avril de la même année, on lui concéda 400 acres de terre dans le canton de Mégantic.

Lors de la création du Royal Canadian Volunteer Regiment par lord Dorchester en 1796, Marcoux avait été nommé capitaine dans le 1er bataillon ; au licenciement de celui-ci, en 1802, il avait été mis à la demi-solde avec le grade de lieutenant. Il devint plus tard major dans la milice et adjoint à l’adjudant général François Baby. Le 19 septembre 1809, il succéda à Gabriel-Elzéar Taschereau comme grand voyer du district de Québec. Cependant, ses expéditions au Labrador l’avaient considérablement affaibli et, le 20 novembre, avant même d’entrer en fonction, il mourait de pleurésie à l’âge de 52 ans. Son enterrement avait lieu trois jours plus tard dans l’église de la paroisse Notre-Dame-de-l’Assomption. Il laissait à sa femme un maigre et fragile revenu.

Pierre Marcoux et son père eurent quelque influence sur la société de leur époque de multiples façons. Ils coopérèrent avec le nouveau régime après la Conquête, se lancèrent dans des entreprises commerciales avec des associés britanniques, se montrèrent pleins de vaillance et de hardiesse, mais ils manquaient peut-être de prudence et d’astuce pour avoir du succès en affaires. Dans sa téméraire tentative d’exploitation de la baie des Esquimaux, Marcoux fils avait travaillé dans une région immense et solitaire, soumis à des conditions si difficiles qu’elles ne lui permirent jamais de recevoir la récompense à laquelle lui donnaient droit son courage et son esprit d’entreprise.

W. H. Whiteley

On trouve des détails sur la vie privée et le service militaire de Pierre Marcoux dans la pétition (I 823) concernant la pension de sa femme, conservée aux APC, RG 8, I (C sér.), 197 : 60–65. Le volume 1714 : 101 de la même collection parle du rôle du jeune Marcoux lors du siège de Québec. La liste des miliciens qui ont participé à ce siège a été compilée par Gabriel-Elzéar Taschereau et imprimée plus tard sous le titre de « Rôle général de la milice canadienne de Québec passée en revue le 11 sept. 1775 [...] ; aussi, nouveau rôle de la milice canadienne qui a fait le service pendant le blocus de Québec [...] », Literary and Hist. Soc. of Quebec, Hist. Docs., 7e sér. (1905) : 269–307.

Francis-Joseph Audet* et Édouard Fabre Surveyer ont publié un article sur Marcoux dans la Presse, 20 août 1927 : 45, à l’intérieur d’une série d’articles sur les députés du premier Parlement du Bas-Canada. On y trouve des détails concernant les dernières volontés et le testament de Marcoux ainsi qu’un fac-similé de sa signature. Dans leur article, les auteurs mentionnent cependant que Pierre fils fut député de Hertford alors qu’en réalité c’était son père qui représentait cette circonscription. Fabre Surveyer corrigea cette erreur dans « les Deux Premiers Députés du comté de Hertford (Bellechasse-Montmagny) : Pierre Marcoux et Louis Dunière », le Canada français (Québec), 2e sér., 32 (1944–1945) :404–417.

Les activités commerciales des Marcoux à Québec sont exposées en détail dans un grand nombre d’actes notariés, apparaissant ci-après et conservés aux ANQ-Q. On trouve des traces de leur participation au commerce et aux pêcheries du Labrador dans des pétitions, des permis, de la correspondance, des dépositions et des rapports regroupés dans G.-B., Privy Council, Judicial Committee, In the matter of the boundary between the Dominion of Canada and the colony of Newfoundland in the Labrador peninsula, joint appendix (12 vol., Londres, 1927), 7 : 3356–3390. La pétition pour un droit exclusif à la baie des Esquimaux et le rapport du comité des terres de Québec sont déposés aux APC, RG 1, L1, 1 : 283–286. Journal of transactions and events, during a residence of nearly sixteen years on the coast of Labrador [...] (3 vol., Newark, Angl., 1792), 3, de George Cartwright, contient certains aperçus intéressants sur la vie de Marcoux sur la côte du Labrador. On trouve des renseignements de base concernant les postes de cette région dans James White, Forts and trading posts in the Labrador peninsula and adjoining territory (Ottawa, 1926), et dans William Henry Whiteley, « Newfoundland, Quebec, and the Labrador merchants, 1783–1809 », Newfoundland Quarterly (St John’s), 73 (1977), no 4 : 18–26. [w.h.w.]

ANQ-Q, CE1-1, 9 juill. 1731, 9 sept. 1754, 2 janv. 1757 ; CE2-2, 7 juin 1753, 3, 11 juill. 1797, 23 nov. 1809 ; CN1-25, 30 avril 1779, 8, 19 avril, 25 juin. 1782, 1er sept. 1783 ; CN1-26, 4 mars 1801 ; CN1-205, 9 août 1774, 10 avril 1775, 11 janv., 13, 29 mars, 19 sept. 1777, 12, 20 févr., 18 avril, 25 mai, 21 déc. 1778, 28 avril, 15 juin, 17 sept. 1779, 17 févr. 1780, 24 juill., 24 nov. 1783, 6, 21 sept. 1784, 16 avril, 23 août 1785 ; CN1–207, 8 sept. 1754, 10 févr. 1775 ; CN1-256, 31 mai 1791 ; CN1-262, 29 sept., 10 nov. 1804 ; CN2-7, 30 juin 1797, 19 mars 1798.— La Gazette de Québec, 29 sept. 1766, 18 juin 1772. 29 juin 1775, 28 déc. 1780, 5 févr., 14 oct. 1784, 21 avril, 30 juin, 29 déc. 1785, 29 juin 1786, 19 avril, 28 juin, 20 déc. 1792, 5 janv. 1797, 5 oct., 30 nov., 7 déc. 1809, 18 janv. 1810. –« Les habitants de la ville de Québec en 1769–1770 », F.-J. Audet, compil., BRH, 27 (1921) : 121.— Hare, « L’Assemblée législative du B.-C. », RHAF. 27 : 373.

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W. H. Whiteley, « MARCOUX, PIERRE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/marcoux_pierre_5F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1983
Année de la révision:    1983
Date de consultation:    1 décembre 2024